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Chapitre 1
Introduction et principes de la cancérologie

Principes de l'oncologie oculaire
N. Kiavue, J.-Y. Pierga, M. Rodrigues
L'oncologie est l'un des domaines médicaux où la recherche fondamentale et la recherche clinique sont les plus intenses, favorisées par de nombreuses découvertes depuis les années 1970. L'oncologie oculaire n'y fait pas exception. Après un rappel épidémiologique, nous aborderons les différents aspects de la biologie des cancers avant de décrire les principes de leur prise en charge.
Épidémiologie descriptive
Le cancer est une affection fréquente, avec en France un taux d'incidence standardisé annuel de 362/100 000 pour les hommes et 252/100 000 pour les femmes en 2012 [1]. Les cancers peuvent être d'origines très diverses : épithéliale (carcinomes), mésenchymateuse (sarcomes), hématologique ou mélanocytaire (mélanomes) par exemple. Les cancers primitifs de l'œil (mélanome uvéal, conjonctival, lymphome, carcinome épidermoïde de la conjonctive et rétinoblastome) restent rares, avec une incidence d'environ 1,4/100 000 par an, notamment en comparaison avec les métastases oculaires de cancers non ophtalmiques (environ 6/100 000) et les cancers de la paupière (carcinomes basocellulaires, épidermoïdes, annexiels, à cellules de Merkel). Il s'agit d'un groupe hétérogène de tumeurs dont l'incidence varie grandement selon le type histologique et la localisation (fig. 1-1
Fig. 1-1
Prévalence (en nombre de cas pour 100 000 personnes) des principaux cancers de l'œil et de la paupière.
). En dehors des métastases oculaires et des tumeurs des paupières, le mélanome uvéal reste la tumeur ophtalmique primitive la plus fréquente, avec environ 500 nouveaux cas par an en France ; chez l'enfant, il s'agit du rétinoblastome, avec environ 50 cas par an.
Biologie du cancer
Caractéristiques de la cellule tumorale
Les transformations subies par les cellules tumorales durant la tumorigenèse varient notablement entre les différents types histologiques. Pourtant, celles-ci entraînent l'acquisition de caractéristiques communes à l'ensemble des cancers aboutissant à un phénotype malin (survie, prolifération, migration). Ces caractéristiques ont été compilées par Douglas Hanahan et Robert Weinberg sous le nom des « hallmarks of cancer » dans l'un des articles les plus cités en cancérologie [ 2] (fig. 1-2
Fig. 1-2
Les « hallmarks of cancer », tels que décrits par D. Hanahan et R.A. Weinberg [2].
). Nous décrirons ici ces principales caractéristiques.
Les cellules saines ne peuvent pas se diviser indéfiniment. L'extrémité de leurs chromosomes est protégée par des télomères raccourcissant à chaque division cellulaire ; les cellules deviennent donc sénescentes au bout d'un certain nombre de divisions et ne prolifèrent plus ou meurent. Par opposition, les cellules tumorales sont immortelles, et peuvent se diviser indéfiniment, notamment en réactivant l'expression de la télomérase, enzyme capable d'allonger les télomères. La présence permanente et soutenue de signaux de prolifération est indispensable à l'oncogenèse. Il peut exister une sécrétion autocrine (c'est-à-dire de la cellule tumorale pour elle-même) de facteurs de croissance ainsi qu'une induction de la sécrétion de ces facteurs par les cellules non tumorales du micro-environnement tumoral. Plus fréquemment, les cellules peuvent être porteuses de mutations activant intrinsèquement une voie cellulaire de prolifération sans nécessité d'un ligand extracellulaire (mutations GNAQ , KIT ou BRAF par exemple). La tumeur peut également devenir capable d'échapper aux mécanismes externes ou internes de régulation, limitant la division et la croissance cellulaires. Un exemple typique est l'inactivation des gènes de l'apoptose . Les protéines régulant l'apoptose intègrent un grand nombre de signaux d'origine intra- ou extracellulaire, pro- ou anti-apoptotiques, pouvant conduire au déclenchement de la mort cellulaire. L'inactivation des protéines pro-apoptotiques telles que Bax ou l'augmentation de l'expression de régulateurs anti-apoptotiques tels que Bcl-2 permet aux cellules tumorales d'échapper à l'apoptose.
Contrairement à la plupart des tissus sains, les tumeurs ont un métabolisme proche du métabolisme anaérobie, favorisant la glycolyse et utilisant peu la chaîne respiratoire mitochondriale (effet Warburg). Cette adaptation métabolique permet aux cellules de survivre dans un milieu pauvre en oxygène. De plus, ce phénomène a probablement un rôle également dans l'oncogenèse qui reste encore à préciser. Sur un plan clinique, l'effet Warburg est exploité au quotidien, puisque cette consommation accrue de glucose par les cellules tumorales est détectée par les TEP-scanners.
La vascularisation est nécessaire à la survie de la tumeur. Cela s'observe en clinique dans les tumeurs les plus volumineuses qui présentent souvent une nécrose intratumorale, là où la vascularisation est déficiente. L'expression de facteurs pro-angiogéniques comme le VEGF ( vascular endothelial growth factor ) ou HIF-1α ( hypoxia-inducible factor 1-alpha ) et l'inhibition de facteurs anti-angiogéniques tels que VHL accélère la néo-angiogenèse tumorale. Cette vascularisation reste anarchique et son importance varie selon le type de tumeur.
L'invasion et la dissémination métastatiques nécessitent notamment l'altération des protéines impliquées dans les jonctions entre cellules ou avec la matrice extracellulaire telle que E-cadhérine. Dans les carcinomes, l'activation d'un ensemble de facteurs de transcription impliqués dans l'embryogenèse permet à la tumeur d'acquérir ses capacités d'invasion et de dissémination, dans un phénomène appelé « transition épithélio-mésenchymateuse  ». L'inflammation participe également à la progression tumorale, notamment en apportant au micro-environnement tumoral les facteurs pro-angiogéniques, de survie et de croissance qui lui sont nécessaires. Plus globalement, le rôle du micro-environnement tumoral est essentiel dans la progression tumorale. Le système immunitaire a un rôle central dans la prévention du développement des cellules tumorales, comme on peut l'observer dans l'augmentation du risque de cancers chez les patients immunodéprimés. Pire encore, certains macrophages et fibroblastes infiltrant les tumeurs auraient un rôle protumorigène. De nombreux travaux ont récemment contribué à éclaircir les mécanismes d'échappement au système immunitaire présents dans les tumeurs et ont ainsi permis de développer de nouvelles voies thérapeutiques.
Génétique des cancers
Le plus souvent, les tumeurs acquièrent un grand nombre de mutations et/ou d'altérations génomiques (gains, pertes, amplifications, translocations) mais seule une minorité de ces altérations participeront au phénotype tumoral [ 3]. Les mutations participant au phénotype tumoral sont appelées mutations « conductrices » ( driver en anglais), tandis que les autres sont appelées « passagères » ( passenger ). Plusieurs classes de gènes peuvent présenter des mutations conductrices. La première classe de gènes est celle des oncogènes. Les oncogènes codent généralement des récepteurs aux facteurs de croissance ou des protéines impliquées dans les voies de signalisation d'aval à ces récepteurs. Les mutations des oncogènes touchent généralement un seul des deux allèles et systématiquement les mêmes résidus protéiques ; elles sont alors dites « mutations de points chauds  » ( hotspot ). À titre d'exemple, on citera les mutations de BRAF , fréquemment muté dans les mélanomes cutanés et conjonctivaux [4 , 5]. La protéine B-Raf joue un rôle clé dans l'activation de la voie des MAP kinases, une voie de signalisation impliquée dans la prolifération et la survie cellulaires (fig. 1-3
Fig. 1-3
Le récepteur tyrosine-kinase KIT et une vue simplifiée des principales voies de signalisation associées : la voie JAK/STAT, la voie PI3K et la voie RAS. Après son activation par son ligand SCF, le récepteur KIT dimérisé recrute des adapteurs comme Grb2, Shc ou Sos. Ceux-ci vont activer une cascade d'intermédiaires aboutissant au recrutement de facteurs de transcription. Certaines protéines comme PTEN ont un effet inhibiteur sur la voie de signalisation.
). Les mutations les plus fréquentes de BRAF touchent la valine 600, activant ainsi la voie MAP kinases sans stimulus en amont, contrairement à une cellule saine, non mutée. D'autres oncogènes sont mutés en oncologie oculaire, tels que NRAS, KIT (mélanome conjonctival), GNAQ, GNA11, CYSLTR2 , PLCB4 (mélanome uvéal) et PTCH (carcinome basocellulaire). Un autre mécanisme d'action des oncogènes activés est le changement de fonction. À titre d'exemple, les mutations SF3B1 et EIF1AX dans les mélanomes uvéaux semblent modifier en profondeur l'épissage et la traduction protéique au sein de la cellule tumorale.
La seconde classe de gènes est celle des gènes suppresseurs de tumeur , codant des protéines aux effets antitumoraux. Ces mutations touchent le plus souvent les deux allèles du gène et sont souvent inactivées par des mutations délétères pouvant toucher n'importe quelle portion du gène. On distingue généralement les gènes codant des protéines aux effets antiprolifératifs jouant sur le cycle cellulaire (appelés gatekeepers ), tels que RB1 dans le rétinoblastome ou CDKN2A dans le mélanome conjonctival, de ceux codant pour des protéines impliquées dans le maintien de l'intégrité du génome, tels que BRCA1/BRCA2 dans les cancers du sein ou MBD4 dans le mélanome uvéal (appelés caretakers ).
Signalisation intracellulaire
La fonction de beaucoup d'oncogènes s'intègre dans des voies de signalisation cellulaire. Ces voies de signalisation sont principalement composées de récepteurs membranaires ou intracellulaires, qui, une fois activés par leurs ligands, vont entraîner une cascade de signalisation enzymatique et de messagers intracellulaires aboutissant le plus souvent à l'activation de facteurs de transcription régulant le programme d'expression génique de la cellule. À titre d'exemple, le récepteur membranaire codé par l'oncogène KIT (muté dans certains mélanomes conjonctivaux) est à l'origine de l'activation de plusieurs voies de signalisation aux effets oncogéniques. Dans les carcinomes basocellulaires, c'est la voie de signalisation Sonic Hedgehog (SHH), impliquée également dans l'embryogenèse, qui joue un rôle central dans la transformation. Dans ces tumeurs, ce n'est généralement pas le récepteur activateur (SMO) qui est muté ou la voie d'aval, mais le récepteur à SHH (PTCH), qui, lui, est impliqué dans la répression de l'activité de la voie. Dans certains cancers, il existe une forte dépendance des cellules tumorales envers une voie de signalisation particulière (SHH, MAP kinases, etc.) ; on parle alors d'addiction oncogénique . Ces addictions oncogéniques sont des cibles thérapeutiques idéales.
Réponse immunitaire antitumorale
Le système immunitaire joue un rôle important dans la lutte antitumorale. Des régressions tumorales spontanées ont d'ailleurs été observées, souvent à l'occasion d'un processus infectieux, dans certains cancers tels que les mélanomes et les cancers du rein, témoignant d'une puissante activité antitumorale du système immunitaire. Un grand nombre d'acteurs participent à cette réponse immune, mais on considère actuellement que les fonctions effectrices les plus importantes sont assurées par les lymphocytes, notamment par les lymphocytes T CD8 + cytotoxiques, capables de détruire directement les cellules tumorales. Il s'agit d'une réponse immunitaire adaptative, nécessitant la présence d'antigènes à la surface de cellules tumorales reconnus comme faisant partie du non-soi, et qui résultent généralement de séquences peptidiques codées par des gènes mutés.
Les cellules tumorales sont cependant capables d'échapper au système immunitaire par de nombreux mécanismes : sécrétion de facteurs immunosuppresseurs tels que le TGFβ ( transforming growth factor beta ), recrutement de cellules immunosuppressives telles que les lymphocytes T régulateurs, les macrophages de type M2, certains fibroblastes, ou encore expression de protéines de surface inhibant directement l'action des cellules immunitaires ( checkpoints immuns). Ainsi, l'expression du plus connu de ces checkpoints , la protéine PD-L1, par les cellules tumorales participe à l'inactivation des lymphocytes T cytotoxiques en interagissant avec un de ses récepteurs, PD-1. De même, lors de la présentation de l'antigène aux lymphocytes T, étape indispensable à leur activation, l'interaction du récepteur lymphocytaire CTLA-4 avec ses ligands exprimés par la cellule présentatrice d'antigène empêche son activation. La découverte de ces interactions a conduit au développement d'immunothérapies antitumorales visant à prévenir cet état de tolérance immunitaire.
Facteurs de risque et prévention
La survenue d'un cancer résulte d'un processus multifactoriel, impliquant des événements biologiques aléatoires, mais aussi de nombreux facteurs de risque, expliquant près de 45 % des cancers en France. Parmi les facteurs de risques liés au mode de vie et à l'environnement (tableau 1-1
Tableau 1-1
Principaux facteurs de risque environnementaux des cancers.
Facteurs de risque Tumeurs impliquées
Fumée de cigaretteCancers bronchiques, des VADS, de la vessie, de l'œsophage, de l'estomac, du rein, de l'utérus et du pancréas
AlcoolCancers des VADS, de l'œsophage, du foie, du pancréas, colorectal et du sein
Sel et nitratesCancer de l'estomac
Viande rougeCancer colorectal
UltravioletsMélanomes conjonctivaux, cancers cutanés : mélanomes, basocellulaires, carcinome épidermoïde
Infection à EBVCancer du nasopharynx
Infection à HPVCarcinome épidermoïde du col utérin, de l'anus, des VADS, de la conjonctive
Infection au VIHCancer du col utérin, lymphomes
Infection à HHV 8 Sarcome de Kaposi
Hépatite virale chroniqueCarcinome hépatocellulaire
Infection à Helicobacter pyloriAdénocarcinome gastrique, lymphomes du MALT gastrique
AmianteMésothéliome pleural, cancers bronchiques
Rayonnements ionisantsTous types de cancer, en particulier cutanés, cancers de la thyroïde, hémopathies malignes, sarcomes
), on relèvera la fumée de cigarette (20 % des cancers en France), l'alcool (8 %), les facteurs alimentaires (5,5 %), le surpoids (5,5 %), les agents infectieux ( Helicobacter pylori , les papillomavirus comme dans les carcinomes épidermoïdes de la conjonctive, l'herpès humain 8 [HHV8] dans le sarcome de Kaposi, le virus d'Epstein-Barr [EBV] dans certains lymphomes), l'exposition aux ultraviolets, comme dans les mélanomes conjonctivaux et carcinomes cutanés (3 %). Ces facteurs de risque peuvent faire l'objet de mesures de prévention : lutte contre la consommation alcoolo-tabagique, protection solaire, vaccination.
Parmi les facteurs génétiques, on retrouve des mutations germinales (c'est-à-dire transmises par les gamètes des parents), généralement dans des gènes suppresseurs de tumeur. À titre d'exemple, l'inactivation du gène RB1 est nécessaire pour développer un rétinoblastome. Celle-ci passe par l'apparition séquentielle d'une mutation inactivatrice sur chacun des deux allèles (maternel et paternel) du gène. Ce double événement est rare, sauf si une mutation germinale d'un des deux allèles de RB1 est déjà présente, constituant alors une prédisposition au rétinoblastome puisqu'une mutation inactivatrice de l'autre allèle durant la petite enfance suffira au déclenchement de la cancérogenèse. Le même phénomène explique nombre de prédispositions, comme pour le syndrome sein-ovaire ( BRCA1 et BRCA2 ), le syndrome de Lynch (gène de réparation des mésappariements), le syndrome BAP1 prédisposant aux mélanomes uvéaux, tumeurs cutanées mélanocytaires, mésothéliomes et carcinomes rénaux à cellules claires, ou encore la récente découverte des mutations MBD4 prédisposant aux mélanomes uvéaux par exemple [ 68]. Il y a de plus rares exemples de mutations d'oncogènes prédisposant aux cancers. Il s'agit majoritairement de mutation mosaïque, apparaissant lors du développement de l'embryon et ne touchant qu'une partie du corps. À titre d'exemple en oncologie oculaire, on citera le nævus d'Ota, prolifération mélanocytaire oculopalpébrale liée à une mutation GNAQ .
Principes de prise en charge
Bien que la prise en charge des cancers varie selon le type tumoral, certains principes généraux sont communs à la prise en charge de toutes les tumeurs. Ainsi, une fois le diagnostic posé, un bilan d'extension est nécessaire avant de passer à la définition de la stratégie thérapeutique et à l'exécution de ses différentes étapes.
Prise en charge diagnostique
L'examen clinique reste la première étape de la phase diagnostique. On peut retrouver des signes cliniques en rapport directement avec les masses tumorales, primitives ou métastatiques, constituant alors le « syndrome tumoral » : masse visible ou palpable, douleur, inflammation, atteinte fonctionnelle des organes concernés, saignement ou compression de structures du voisinage. Concernant l'œil, les tumeurs superficielles seront visibles et peuvent provoquer une inflammation locale. Les tumeurs intraoculaires, quant à elles, sont peu symptomatiques, avec une baisse de l'acuité visuelle ou une amputation du champ visuel tardives si la tumeur est antérieure, et parfois des symptômes secondaires en cas de décollement rétinien ou plus rarement d'hémorragie intravitréenne.
Il est important de connaître les principales localisations métastatiques de chaque type tumoral afin de savoir où rechercher des signes de métastases selon la localisation du primitif (fig. 1-4
Fig. 1-4
a–e. Principales localisations métastatiques selon la localisation du primitif.
). Le profil métastatique des tumeurs oculaires est très varié. Certaines tumeurs sont dites « lymphophiles » ; il faudra alors systématiquement rechercher une évolution ganglionnaire sur les territoires de drainage, à savoir prétragien, parotidien, cervical (rétinoblastome, mélanome et carcinome conjonctival), tumeurs des paupières et des annexes. Certaines peuvent présenter un mode de dissémination sanguin qui peut être exclusif (mélanome uvéal) ou secondaire après une évolution ganglionnaire locale (mélanome conjonctival, rétinoblastome, carcinome épidermoïde). On notera quelques spécificités. Les carcinomes basocellulaires sont des tumeurs à risque local et présentent exceptionnellement des évolutions métastatiques à distance. Les mélanomes uvéaux présentent un hépatotropisme exceptionnel ; plus de 90 % des cas métastatiques sont révélés par des métastases hépatiques et l'immense majorité des patients décédant de l'évolution de cette maladie meurent de progression hépatique. Il n'y a pas de métastases ganglionnaires dans le mélanome de l'uvée, même dans les formes extériorisées. Quant aux mélanomes conjonctivaux, ils ont comportement métastatique similaire à celui des mélanomes cutanés. Ces tumeurs peuvent développer des métastases dans n'importe quel tissu cellulaire ou presque (poumon, foie, os, mais aussi peau, tube digestif, cerveau, méninges, vésicule biliaire, rate, etc.). Inversement, il est indispensable de connaître, pour chaque site métastatique, les principaux cancers primitifs responsables de telles métastases afin d'orienter l'examen clinique et le choix des examens complémentaires. Les principales tumeurs pourvoyeuses de métastases oculaires sont présentées dans le tableau 1-2
Tableau 1-2
Fréquence estimée des cancers responsables de métastases uvéales selon Shields et al. [9].
Localisation du primitif Fréquence (n = 1111)
Sein37 %
Poumon27 %
Rein4 %
Gastro-intestinal4 %
Mélanome cutané2 %
Tumeur carcinoïde pulmonaire2 %
Prostate2 %
Thyroïde1 %
Pancréas1 %
Autre4 %
Inconnu16 %
.
La réalisation d'une biopsie avec examen anatomopathologique est la plupart du temps nécessaire, mais pour certains cancers, notamment les tumeurs intraoculaires, elle est facultative voire non recommandée car l'examen clinique et les examens complémentaires sont suffisamment spécifiques.
Afin d'estimer le pronostic et de déterminer la stratégie thérapeutique à appliquer, l'extension de chaque cancer est catégorisée selon une classification bien définie. Le système de classification le plus utilisé est généralement le système TNM, permettant d'évaluer l'extension de la tumeur selon trois critères : l'extension locale ou locorégionale (T), l'extension ganglionnaire (N) et l'extension métastatique (M). Selon le niveau d'extension pour chacun de ces critères, la tumeur est classée selon quatre stades, correspondant généralement à une extension locale limitée (I), locale plus importante (II), locorégionale ou ganglionnaire (III) et à distance (IV).
L'extension locale est déterminée par des examens tels que l'échographie oculaire, l'imagerie par résonance magnétique (IRM) ou l'examen pathologique dans les cas où la tumeur est réséquée. La détermination de l'extension régionale et à distance du cancer exige la réalisation d'examens complémentaires. La connaissance des principaux sites métastatiques de chaque cancer est ici encore nécessaire afin de choisir les examens à réaliser dans le cadre du bilan d'extension à distance. À titre d'exemple, on choisira dans les mélanomes uvéaux un examen performant sur le foie pour la détection de lésions mélaniques (IRM avec séquences de diffusion) éventuellement associé à une tomodensitométrie (TDM) thoraco-abdomino-pelvienne. Dans les mélanomes conjonctivaux, on choisira un examen performant sur les aires ganglionnaires cervicales (IRM par exemple) associé à une TDM thoraco-abdomino-pelvienne. Alternativement, on peut proposer un TEP-scanner qui peut remplacer ces deux examens. On notera que cet examen très peu sensible et donc non recommandé dans la prise en charge des mélanomes uvéaux.
Prise en charge thérapeutique
Objectifs du traitement
Une fois le bilan d'extension réalisé, la stratégie thérapeutique est définie en fonction de l'objectif du traitement. On distingue schématiquement les tumeurs incurables, pour lesquelles le but des traitements est de prolonger la durée de vie tout en conservant une bonne qualité de vie, des tumeurs curables, pour lesquelles on cherche à maximiser les chances de guérison en associant les modalités thérapeutiques. Cette stratégie thérapeutique est définie lors d'une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP), regroupant au minimum trois médecins de spécialités différentes. Elle est proposée au patient lors de la consultation d'annonce, pendant laquelle un plan personnalisé de soin est remis au patient.
Principes généraux
Dans le cadre d'une tumeur curable, c'est-à-dire une tumeur primitive avec une extension régionale limitée, le pivot du traitement consiste généralement en une chirurgie d'exérèse complète. Celle-ci est parfois associée à un traitement adjuvant visant à détruire les micrométastases indétectables. Ce traitement adjuvant peut consister en une radiothérapie du site opératoire ou un traitement systémique (chimiothérapie, thérapie ciblée ou immunothérapie). Dans les tumeurs malignes invasives de la conjonctive, par exemple, une irradiation adjuvante doit être systématiquement réalisée après résection chirurgicale pour diminuer le risque de rechute locale. En effet, la localisation de la tumeur au niveau de la conjonctive et donc au contact de l'œil ne permet pas de réaliser de chirurgie R0. Plus rarement, dans un mélanome uvéal traité par énucléation d'emblée, une radiothérapie orbitaire adjuvante est indiquée en cas d'extension extrasclérale sur la pièce opératoire afin de diminuer le risque de rechute locale dans la cavité orbitaire.
Principes de la chirurgie carcinologique
La chirurgie carcinologique doit être réalisée par un opérateur expérimenté, et doit obéir à un certain nombre de principes : résection complète, avec marges de sécurité, emportant si possible la tumeur en un seul bloc, minimisant ainsi le risque de dissémination de cellules tumorales dans le lit opératoire. La chirurgie d'exérèse complète ou R0 est définie par une exérèse de la tumeur en totalité avec des marges de tissus sains de 2 à 4 cm selon les cas. La qualité des marges est contrôlée par l'examen anatomopathologique de la pièce. Dans certains organes, comme la conjonctive, une exérèse chirurgicale peut être complète macroscopiquement mais incomplète microscopiquement sur l'analyse histologique, en raison de l'impossibilité d'avoir des marges en profondeur à la surface de l'œil. L'exérèse simple d'une tumeur invasive de la conjonctive (mélanome ou carcinome) est insuffisante et nécessite une irradiation complémentaire du lit d'exérèse.
Principes de la radiothérapie
Autre traitement locorégional majeur, il peut s'agir d'une radiothérapie externe ou d'une curiethérapie, la source radioactive étant directement placée au contact de la zone à traiter. La dosimétrie permet de déterminer précisément et de contrôler la dose délivrée à la zone traitée, mais aussi aux organes adjacents afin de limiter la toxicité de la radiothérapie sur les tissus sains adjacents.
Principe des traitements médicaux
Les traitements médicaux, ou systémiques, sont les principaux moyens thérapeutiques utilisés en situation adjuvante, néoadjuvante ou métastatique. Développées principalement depuis le milieu du XX e siècle, les chimiothérapies furent, avec les hormonothérapies, les principaux traitements médicaux des cancers jusqu'aux années 2000, et le restent encore dans de nombreux types tumoraux. Elles détruisent les cellules tumorales en perturbant les étapes du cycle cellulaire.
Le début des années 2000 a vu l'apparition de nouveaux traitements regroupés sous le nom de « thérapies ciblées  ». Il s'agit de médicaments conçus pour inhiber une cible moléculaire bien précise, le plus souvent une protéine faisant partie d'une voie de signalisation impliquée dans l'oncogenèse. Ces traitements ont généralement montré leur intérêt dans les cancers où la protéine ciblée est surexprimée et porteuse d'une mutation activatrice. Ainsi, l'avènement des inhibiteurs de B-Raf a transformé la prise en charge des mélanomes cutanés et conjonctivaux porteurs de la mutation BRAF V600E (environ la moitié des mélanomes cutanés, le tiers des mélanomes conjonctivaux, mais elle est absente des mélanomes uvéaux). Pour les plus rares mélanomes présentant une mutation activatrice de KIT , une réponse tumorale peut être obtenue avec les agents inhibant c-kit. Dans les carcinomes basocellulaires de la paupière localement avancée, le vismodegib, un inhibiteur de la voie SHH, constitue une option de traitement. La dernière classe thérapeutique à avoir considérablement modifié la prise en charge de nombreux cancers est celle des inhibiteurs de checkpoints immunitaires. Il s'agit d'anticorps monoclonaux inhibant les interactions entre CTLA4 et CD80/CD86 (anti-CTLA-4 : ipilimumab, trémélimumab) ou les interactions entre PD-1 et PD-L1/PD-L2 (anti-PD-1 : nivolumab, pembrolizumab ; anti-PD-L1 : atézolizumab, durvalumab), responsables de la tolérance immunitaire envers le cancer.
Comme pour tout traitement anticancéreux, il existe des effets indésirables à surveiller ; il s'agit ici de manifestations auto-immunes de tous types. En oncologie oculaire, ces médicaments ont un rôle majeur en phase adjuvante des mélanomes conjonctivaux avec atteinte ganglionnaire régionale ; en phase métastatique des mélanomes conjonctivaux, des carcinomes épidermoïdes ; ou dans les carcinomes basocellulaires localement avancés résistants aux inhibiteurs de SHH.
Les essais thérapeutiques en cancérologie
Les liens entre recherche fondamentale et recherche clinique sont étroits en cancérologie, permettant le développement de nombreux nouveaux traitements. On distingue les essais précoces, permettant de déterminer la dose maximale tolérée pour chaque médicament (essais de phase I ou Ia) et d'évaluer des critères préliminaires d'efficacité (phase Ib ou II), des essais thérapeutiques de phase III, randomisés et contrôlés visant à comparer un nouveau traitement au traitement de référence. Il existe d'autres types d'essais, comme les essais de stratégie testant les mêmes traitements donnés selon des séquences différentes. Les essais thérapeutiques sont souvent associés à des études biologiques dites ancillaires, permettant de répondre à des questions de recherche fondamentale ou à des problèmes cliniques, comme l'identification de biomarqueurs permettant de prédire la réponse au traitement.
Principes de la surveillance
Après le traitement d'une tumeur curable, une surveillance est toujours recommandée. Sa fréquence varie selon le type de cancer traité et les modalités de ce traitement. Son intérêt est multiple : la détection précoce d'une récidive locale permet de proposer un nouveau traitement locorégional avec des chances de réussite d'autant plus élevées que le traitement est précoce, tout en permettant une préservation de la fonction de l'organe concerné. Ainsi, pour le mélanome conjonctival, la détection précoce d'une récidive locale (ou d'un second primitif sur une mélanose primitive acquise) permet de proposer plus souvent un traitement conservant l'œil. La détection précoce de métastases n'a fait la preuve de son utilité que pour une minorité de cancers restant curables au stade métastatique (tumeurs très chimiosensibles telles que les tumeurs germinales). Les consultations de surveillance sont aussi une occasion d'évaluer les effets indésirables des traitements systémiques, de la chirurgie ou de la radiothérapie, ceux-ci pouvant être tardifs et prolongés.
Conclusion
Au-delà des généralités énoncées ici, le cancer est une entité très hétérogène, dont la prise en charge varie grandement selon le type histologique et le site primitif. Les avancées en recherche fondamentale, translationnelle et clinique ont par ailleurs rendu le traitement de la plupart des tumeurs beaucoup plus complexe et fait apparaître des sous-types différents au sein de types tumoraux qui étaient autrefois traités de la même façon. Ces évolutions justifient le fait que les cancers soient aujourd'hui pris en charge par des équipes entraînées, dans des centres ayant un niveau d'activité suffisamment élevé dans chacun des types tumoraux qui y sont pris en charge.
Qualité et organisation du parcours de soins dans la prise en charge chirurgicale du cancer
F. Laki, N. Cassoux
Introduction
Avec une incidence de près de 37,3 pour 10 6 personnes, les cancers primitifs de l'œil – que ce soit les mélanomes uvéaux (5 cas/million), les mélanomes conjonctivaux (0,4 cas par million), ou les carcinomes conjonctivaux – sont des cancers rares. Sont définis cancers rares les cancers dont l'incidence est inférieure à 6 cas pour 100 000 personnes. Les cancers oculaires primitifs représentent 1 % des cancers (Office for National Statistics, Royaume-Uni).
Plusieurs particularités distinguent les cancers oculaires des autres tumeurs solides. Les tumeurs intraoculaires ne sont généralement pas biopsiées soit que l'accès à la biopsie soit difficile, soit que le risque de dissémination soit élevé (rétinoblastome). Le diagnostic repose alors sur des arguments cliniques et les examens complémentaires ophtalmologiques. Les tumeurs intraoculaires ne sont pas traitées par chirurgie première, sauf si le volume de la tumeur impose une énucléation, mais par des moyens physiques – radiothérapie pour les mélanomes de l'uvée et chimiothérapie pour les rétinoblastomes. L'autre difficulté pour les tumeurs primitives de la surface oculaire (mélanome et carcinome de la conjonctive) est l'impossibilité de réaliser une chirurgie R0.
Pour la grande majorité des tumeurs solides comme le mélanome de la peau, la qualité de la résection chirurgicale est un facteur majeur dans la survie sans métastase et la survie globale. Dans un article récent, il est montré qu'une exérèse chirurgicale d'un mélanome de la peau avec des marges de 2 cm offre une meilleure survie sans rechute et sans métastases qu'avec une marge plus réduite de 1 cm [ 1].
Pour les cancers de la surface oculaire, aucune résection R0 (résection complète avec des marges de tissus sains de 2 cm) n'est possible sans retirer l'œil et les paupières. La chirurgie est donc au mieux R1 (résection complète avec des marges insuffisantes) ou R2 (résection avec marges envahies). Il est donc indispensable, dans les tumeurs invasives, de compléter cette résection insuffisante par, au mieux, une radiothérapie.
L'harmonisation des pratiques, la mise en place de référentiels de prise en charge et la prise en charge dans un centre spécialisé garantissent la qualité et améliorent la survie des patients [2].
Une mesure importante a été la mise en place du « niveau minimal requis » dans l'activité chirurgicale. En effet, le lien entre le nombre de cancers pris en charge dans un établissement et le taux de survie est connu depuis plus de 40 ans, et cela concerne tout particulièrement l'équipe de chirurgie et le chirurgien lui-même. Une qualité de haut niveau dans la prise en charge des cancers diffusée à l'ensemble du territoire français a donc été et est l'objectif des différents plans Cancer, définissant les étapes requises du parcours de soins ainsi que les mesures d'évaluation de la qualité de cette prise charge. Ces mises en place et évaluations ont été placées sous la responsabilité de deux organismes d'État : la Haute autorité de santé (HAS) et l'Institut national du cancer (INCa).
Ces mesures s'appliquent aussi bien pour les tumeurs fréquentes soumises à un seuil minimal (cancer du sein) que pour les tumeurs rares dont les cancers oculaires.
L'organisation des soins en cancérologie – les plans Cancer
La mise en place d'une organisation des soins en cancérologie permettant une coordination dans la lutte contre le cancer et l'amélioration de la prise en charge des malades a été impulsée par le président Jacques Chirac en 2003 sous la forme d'une suite de plans Cancer lancés par les gouvernements français. Ainsi, avec le premier plan Cancer (2003-2007 [3]), puis les suivants (2009-2013, 2014-2019 [4 , 5]), l'organisation des soins en cancérologie a été structurée pour prendre en compte l'ensemble des mesures prévues. En application de l'ordonnance du 4 septembre 2003, l'arrêté du 27 avril 2004 a inscrit « la prise en charge des personnes atteintes de cancer » comme thématique du schéma régional d'organisation sanitaire (SROS). Le « parcours de soins en cancérologie » correspond à l'organisation de la prise en charge des patients atteints de cancer, afin de garantir à tous une prise en charge de qualité (circulaire DHOS/SDO n° 2005-101 du 22 février 2005). Les six grands thèmes de l'ensemble des mesures organisationnelles qui en ont résulté définissent les grandes lignes de ce parcours :
  • l'information du patient et son accord sur l'orientation et les modalités de son parcours thérapeutique ;
  • l'accès rapide au diagnostic, phase déterminante nécessitant une coordination de tous les acteurs du soin, libéraux et hospitaliers, pour réduire les délais et orienter le patient, avec son accord, dans le dispositif de soins. L'analyse des difficultés rencontrées est un indicateur important pour évaluer les organisations mises en place ;
  • le dispositif d'annonce du cancer, devant prendre en compte le temps médical nécessaire et la mise à disposition de personnels soignants.
  • la stratégie de traitement définie sur la base d'un avis pluridisciplinaire lors de la réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP), et des référentiels validés et régulièrement actualisés au niveau national par l'INCa, en coordination avec les programmes européens ou internationaux et les sociétés savantes concernées ;
  • la remise au patient d'un programme personnalisé de soins (PPS) décrivant un parcours individualisé ;
  • l'accès aux soins de support.
Le parcours de soins en cancérologie
Information et accord du patient
L'information du patient et son accord sur l'orientation et les modalités de son parcours thérapeutique sont une attente prioritaire des patients, ce qui implique une relation de qualité avec les soignants et une véritable participation aux décisions les concernant (voir plus loin).
Accès rapide au diagnostic et à la prise en charge
Un accès rapide au diagnostic et à la prise en charge est une phase initiale capitale ; en effet, elle correspond au moment ressenti par le patient comme une bascule dans la maladie. Il est impératif de coordonner tous les acteurs de ville (les patients sont souvent adressés avec une première partie du bilan) et le centre spécialisé pour réduire les délais et orienter le patient, avec son accord.
Une première mesure au niveau de l'établissement de santé est la mise en place d'un bureau dédié à la prise de rendez-vous pour les patients atteints d'un cancer oculaire, avec un numéro de téléphone unique et des assistantes médicales formées à répondre à ces patients. L'analyse des difficultés rencontrées, voire des dysfonctionnements, dans ces premiers temps du parcours patient est un indicateur important pour évaluer la performance de l'organisation mise en place.
Dispositif d'annonce du cancer
Le dispositif d'annonce du cancer a été conçu pour « permettre aux patients de bénéficier de meilleures conditions d'annonce du diagnostic de leur maladie ». La mise en place de ce dispositif doit prendre en compte le temps médical nécessaire à l'annonce du cancer et la mise à disposition de personnels soignants pour le patient et ses proches, afin de les soutenir et les accompagner durant cette période. Le choix a été fait de se « référer à la fois à l'annonce d'un diagnostic confirmé et à l'annonce d'une proposition thérapeutique s'appuyant sur l'avis et les conclusions d'une concertation pluridisciplinaire tout en ne méconnaissant pas l'antériorité d'autres annonces effectuées par le médecin généraliste, l'ophtalmologiste ou parfois le radiologue ». Ce dispositif prévoit des temps de discussion et d'explication de la maladie et du traitement dont le but est d'apporter au patient une information adaptée, progressive et respectueuse. Il est construit en quatre temps, chacun correspondant à une étape de la prise en charge :
  • un temps médical pour que le malade assimile les informations reçues. Une ou plusieurs consultations médicales sont dédiées à l'annonce du diagnostic et à la proposition de traitement ;
  • un temps d'accompagnement soignant effectué par un infirmier ou un manipulateur en radiothérapie qui permet au malade et à ses proches de compléter les informations médicales reçues, d'être informés sur les droits et de connaître les associations pouvant venir en aide ;
  • un temps de soutien pour proposer au malade un accompagnement social et l'accès aux soins de support (voir plus loin) ;
  • un temps d'articulation avec la médecine de ville pour optimiser la bonne coordination entre l'équipe soignante de l'établissement de santé, l'ophtalmologiste traitant et le médecin traitant (voir plus loin).
La réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP)
La RCP matérialise une stratégie de traitement définie sur la base d'un avis pluridisciplinaire et des référentiels validés et régulièrement actualisés. Elle permet d'émettre la proposition de traitement la plus adaptée à chaque patient, se fondant sur les recommandations de bonne pratique et sur la situation personnelle du patient en pesant les bénéfices-risques. De nombreux paramètres sont pris en considération : médicaux (stade d'évolution, etc.) ou individuels (âge, état général, antécédents médicaux, contraintes socioprofessionnelles, etc.). Les dossiers de tous les patients doivent bénéficier d'une présentation en RCP. Au terme de la RCP, chaque patient sera informé lors de la remise de son PPS.
L'organisation des RCP implique :
  • un enregistrement par le secrétariat de la RCP de tous les dossiers des patients quel que soit le traitement initial prévu ;
  • une présentation du dossier de chaque patient devant une équipe pluridisciplinaire constituée d'au moins trois spécialistes différents. Dans le cas de l'oncologie oculaire, il est conseillé au minimum un ophtalmologiste, un radiothérapeute et un pathologiste pour les adultes et un oncologue pédiatre pour les enfants. Cependant, il est admis que les dossiers qui répondent à une procédure standard de prise en charge, situations ayant fait l'objet d'un référentiel de pratique clinique validé et actualisé, peuvent ne pas faire l'objet d'une discussion initiale mais doivent être enregistrés ;
  • l'intégration des soins de support dans l'organisation des RCP, en particulier pour les mélanomes lors de la RCP maladie métastatique ;
  • des fiches préremplies standardisées incluses dans le dossier communiquant, intégrées aux référentiels techniques des systèmes d'information de santé ;
  • une fréquence de réunions préétablie.
En conclusion de la RCP :
  • si le praticien du patient propose de ne pas appliquer l'avis de la RCP, il doit le justifier et le mentionner dans le dossier (à prendre en compte au regard de l'article 64 du code de déontologie médicale) ;
  • à la suite de la RCP, le médecin informe son patient des traitements proposés et lui remet son PPS ;
  • le compte-rendu de RCP est envoyé au médecin traitant du patient afin d'assurer une bonne coordination des acteurs du parcours de soins et ainsi de participer à leur continuité.
Des procédures de contrôle, internes et externes, sont mises en place pour vérifier le respect de ce processus pour chaque patient ainsi que l'adéquation des dossiers discutés en RCP. Ce taux d'adéquation et son évolution constituent un des indicateurs qualité requis.
Le programme personnalisé de soins (PPS)
C'est un outil opérationnel qui formalise la proposition de parcours de soins individualisé en l'organisant et le planifiant. Il est le résultat de la présentation du dossier médical du patient par le « médecin référent » au cours de la RCP. Dès le diagnostic, en lien avec le dispositif d'annonce, le médecin référent prenant en charge le patient l'informe de la présentation de son dossier en RCP, où il est discuté puis validé. Suite à cette RCP, le médecin référent est chargé de remettre et d'expliquer le PPS formalisé, lui indiquant l'enchaînement coordonné des soins sous la forme d'un document papier, donnant des indications sur les prochains rendez-vous et la nature du traitement qui va être engagé. Le PPS doit contenir au minimum la proposition thérapeutique acceptée par le patient, les noms et coordonnées du médecin et de l'équipe soignante référents, ainsi que celles des associations de patients avec lesquelles il peut prendre contact.
Le PPS comprend un volet « informations générales » et un volet « soins ».
  • Le volet informations générales comprend les :
    • informations administratives sur le patient ;
    • informations générales relatives au document PPS (date de la dernière RCP, date de remise du document au patient) ;
    • informations relatives à la séquence de traitement (nom et spécialité du médecin référent, nom et coordonnées de l'établissement de santé, coordonnées de l'équipe soignante) ;
    • coordonnées du médecin traitant et des autres correspondants utiles ;
    • coordonnées de la structure de coordination ou d'interface ville-hôpital et d'une personne référente dans cette structure ;
    • coordonnées des structures de soutien et d'information.
  • le volet soins contient les éléments suivants :
    • le diagnostic ;
    • le programme thérapeutique : les traitements proposés et leur ordre (chirurgie, traitements médicaux, radiothérapie), les bilans prévus, le calendrier prévisionnel et le suivi, les lieux prévisionnels, les besoins identifiés et la programmation des soins de support.
Le PPS peut et doit être réadapté tout au long du parcours de soins du patient. Tout professionnel impliqué dans l'accompagnement du patient peut, en fonction de l'évolution des traitements et des besoins en soins de support du patient, demander au médecin référent sa réadaptation.
Chaque PPS constitue l'une des conditions transversales de la qualité, rendues obligatoires dans le cadre du dispositif d'autorisation des établissements de santé pour le traitement du cancer. Sa remise aux patients fait l'objet d'un suivi spécifique au sein des établissements autorisés.
Le PPS sera relayé, une fois la phase active des traitements terminée, par le programme personnalisé de l'après-cancer (PPAC).
Au PPS devra être associée une « fiche de détection de la fragilité sociale », afin de permettre une détection précoce de la fragilité sociale par les infirmiers coordonnateurs et une orientation précoce des patients vers le service social. Elle a été élaborée par un groupe de travail composé de professionnels du travail social et assistants sociaux ayant été soumis à la concertation de représentants des malades et de professionnels de santé.
Le programme personnalisé de l'après-cancer (PPAC)
Le PPAC est conduit avec et par les médecins traitants. Il prend le relais du PPS en fin de traitement pour acter l'entrée dans une nouvelle période de la prise en charge, celle de l'après-cancer (ou de l'après-traitement). Il est destiné à être remis au patient à la fin des traitements actifs, pour lui permettre d'intégrer dans sa vie quotidienne son suivi, adapté à ses besoins et révisable au fil du temps. Le PPAC est formalisé par un document contenant les éléments minimaux nécessaires à la mise en place du suivi global du patient en réponse à ses besoins, incluant :
  • la surveillance médicale, avec mise en place d'une démarche de surveillance médicale alternée entre médecin traitant et spécialiste hospitalier ;
  • l'accompagnement social et l'accès aux soins de support ;
  • l'identification des relais de proximité nécessaires à la poursuite du suivi.
L'accès aux soins de support
Tous les patients atteints de cancer oculaire en phase métastatique doivent avoir accès à des soins de support, définis en oncologie comme « l'ensemble des soins et soutiens nécessaires aux personnes malades tout au long de la maladie conjointement aux traitements oncologiques spécifiques, lorsqu'il y en a ».
Les soins de support viennent en complément du traitement médico-chirurgical visant à assurer la meilleure qualité de vie possible aux patients tout au long de la maladie, sur le plan physique, psychologique et social. Les nécessités en soins de support des patients doivent donc être évaluées tôt dans leur parcours de santé et intégrées dès la RCP où sera décidée la coordination mobilisant différentes compétences afin de rapidement répondre aux besoins.
Les soins de support répondent donc à une approche globale de la personne malade prenant en compte la douleur, la fatigue, les problèmes nutritionnels, les troubles digestifs, respiratoires et génito-urinaires, les troubles moteurs et handicaps. Ils ne doivent pas méconnaître les problèmes odontologiques, les difficultés sociales, la souffrance psychique, les perturbations de l'image corporelle et l'accompagnement de fin de vie des patients ainsi que celui de leur entourage. Cette mise en œuvre présuppose une réflexion conjointe entre les équipes cliniques et les différentes équipes ressources en soins de support (professionnels de lutte contre la douleur, équipes de soins palliatifs, psychologues formés à l'oncologie, professionnels formés à l'accompagnement social des patients, ceux formés dans les domaines de la nutrition et de la réadaptation fonctionnelle). Les soins palliatifs intègrent totalement la problématique des soins de support. Les malades et/ou les proches doivent avoir connaissance dès le début de leur parcours dans la maladie des ressources proposées dans le cadre des soins de support. Ils pourront ainsi y faire appel tout au long de leur parcours, pendant les traitements mais également à distance de ceux-ci.
La connaissance de l'activité développée au titre des soins de support, l'évaluation du service rendu aux patients et l'évaluation par le patient doivent faire l'objet de procédures d'audit, par exemple au niveau des réseaux.
La figure 1-5
Fig. 1-5
Logigramme du parcours de soins en oncologie oculaire. IDE : infirmier ; PPAS : programme personnalisé de l'après-cancer ; PPS : programme personnalisé de soins ; RCP : réunion de concertation pluridisciplinaire.
présente un logigramme du parcours de soins en oncologie oculaire.
L'organisation de la chirurgie cancérologique oculaire
Le chirurgien ophtalmologiste est le professionnel qui intervient en première intention dans la majorité des cas, jouant un rôle déterminant pour la guérison des patients. Il est le plus souvent l'entrée du patient dans le dispositif de prise en charge des soins. Cette prise en charge initiale conditionne donc directement le pronostic et la survie des patients [6]. Les conséquences d'un plateau technique insuffisant ou d'une prise en charge individuelle inadéquate peuvent être graves pour l'avenir du patient.
L'expérience de l'ophtalmologiste dépend, en grande partie, de son volume d'activité et de son niveau de formation. C'est la raison pour laquelle le rétinoblastome n'est pris en charge en France que dans un seul centre. Pour les tumeurs oculaires de l'adulte, un réseau de soins a été mis en place (réseau MELACHONAT). La chirurgie des cancers oculaires exige une pluridisciplinarité : lors de la prise en charge initiale avec les oncologues radiothérapeutes, les pathologistes, les physiciens médicaux, les oncologues pédiatres, les radiologues et les oncologues médicaux lors de la phase métastatique.
L'organisation territoriale et le parcours de soins
L'organisation de la cancérologie au sein des territoires de santé est centrée sur la prise en charge du patient au sein d'établissements de santé et sur la continuité des soins entre la ville et l'hôpital au sein des réseaux de santé. Ce parcours de soins s'inscrit dans une organisation locale, régionale et nationale garante de sa mise en place et du respect des critères assurant la qualité de la prise en charge. C'est la fonction du réseau MELACHONAT.
L'organisation de la relation ville-hôpital associe étroitement le médecin traitant et l'ophtalmologiste traitant ; elle est garante de la continuité des soins par une prise en charge de qualité sur le plan médical et médico-social.
L'ophtalmologiste traitant est généralement le spécialiste référent du patient dans le centre spécialisé. Il organise l'accès du patient au centre de référence. À la suite du traitement, l'ophtalmologiste traitant prend en charge la surveillance du patient et des complications des traitements. Le médecin traitant assure la surveillance du risque métastatique et la coordination des soins ville-hôpital en cas d'apparition de métastases.
Les établissements et structures de soins à domicile participent activement à la prise en charge de proximité en appliquant ou assurant le suivi des traitements prévus dans le PPS. Ils le font, avec l'accord du malade, et en coordination avec l'équipe de l'établissement de santé qui le traite.
Mesures d'évaluation de la qualité du parcours de soins
Délais dans les premières étapes du parcours de soins
Les délais dans les premières étapes du parcours de soins ont été parmi les premiers critères de qualité reconnus :
  • temps médian de première consultation avec un ophtalmologiste spécialiste en oncologie oculaire ;
  • proportion de patientes ayant leur intervention dans les 3 semaines après le premier rendez-vous.
Les six mesures transversales de qualité
Ces mesures ont été identifiées comme impératives. Leur respect est obligatoire et doit donc être soumis à une évaluation régulière. Ce sont :
  • la mise en place du dispositif d'annonce ;
  • la mise en place de la RCP ;
  • la remise à la personne malade d'un PPS ;
  • le suivi des référentiels de bonne pratique clinique ;
  • l'accès pour la personne malade à des soins de support ;
  • l'accès pour la personne malade aux traitements innovants et aux essais cliniques.
Conclusion
La cancérologie traverse une révolution profonde, provoquée par l'arrivée de la médecine personnalisée [7]. Parmi les tendances les plus structurantes pour la prise en charge des patients atteints d'un cancer à horizon 2020, certaines concernent la chirurgie du cancer en ophtalmologie (centres maladies rares, réseau de soins).
Annonce diagnostique et impact sur la qualité de vie des adultes et enfants atteints de cancers de l'œil
L. Robieux, A. Brédart, E. Seigneur, J. Terrasson, S. Dolbeault
Introduction
Le parcours des personnes atteintes de tumeurs oculaires présente un certain nombre de spécificités : parcours marqué par la rareté de ces pathologies au sein des populations adulte et pédiatrique, par la survenue de symptômes pouvant longtemps laisser penser à des troubles oculaires bénins, ou bien qui surviennent tardivement alors que la maladie est déjà en phase métastatique ; enfin, il existe la notion que, dans un certain nombre de cas, il s'agit de maladies au pronostic d'emblée sombre.
Les traitements proposés comportent des effets secondaires et des séquelles qu'il importe de considérer pour mettre en place des interventions en soins de support susceptibles de répondre aux besoins du patient, en particulier en termes d'information et de soutien.
Abordant d'abord la population adulte puis la population pédiatrique, l'objectif de ce chapitre est double : d'une part évoquer les modalités de l'annonce diagnostique, d'autre part évoquer le retentissement du diagnostic et des traitements des tumeurs oculaires sur la qualité de vie des patients, adultes puis enfants.
Les enjeux de la communication médecin-patient face au cancer
La communication entre le médecin et son patient (et/ou ses proches) comporte différents objectifs, en particulier : recueillir et fournir des informations, décider des modalités de la prise en charge médicale, favoriser l'observance thérapeutique, établir une relation de confiance, enfin prodiguer un soutien émotionnel [ 1] (encadré 1-1
Encadré 1-1
Principaux objectifs d'une consultation d'annonce de cancer
  • Évaluer le niveau d'information initial du patient, ses connaissances, ses besoins et attentes
  • Fournir/délivrer des informations intelligibles en fonction des besoins et désirs du patient
  • Soutenir le patient pour réduire l'impact émotionnel et l'isolement perçu
  • Développer une stratégie thérapeutique pour donner un objectif et une stratégie face au problème médical ; présenter les étapes de soins à venir si possible avec la contribution et la coopération du patient
).
Plusieurs études ont montré l'impact favorable d'une bonne communication médecin-patient sur la santé physique, mais aussi psychologique des patients [2]. Ainsi, une communication de qualité donne une opportunité d'améliorer des indices de santé tels que la survie, la guérison, le contrôle et le soulagement des symptômes douloureux en améliorant la connaissance des besoins et du vécu de chaque patient par le médecin. La communication médecin-patient améliore également la compréhension, la satisfaction, la confiance envers le médecin, l'implication et la motivation des patients ; elle limite aussi leur niveau de détresse et d'incertitude.
L'annonce du diagnostic de cancer constitue un moment fondamental de l'entrée dans la trajectoire de soins, souvent associé à une phase de sidération émotionnelle décrite par nombre de patients comme une onde de choc, un tsunami.
Différents éléments sont susceptibles d'aider le médecin à faire l'annonce et en parallèle d'aider le patient à intégrer la nouvelle.
L'annonce d'un diagnostic de cancer oculaire
Annoncer un cancer à une personne représente l'une des tâches les plus stressantes et difficiles confiées aux médecins [3]. Dans un tel contexte, il arrive que certains professionnels aient tendance à éviter de parler d'informations pénibles (par exemple d'un mauvais pronostic), ou bien à transmettre un optimisme excessif au patient. C'est pourquoi un certain nombre de recommandations ont été publiées pour aider les médecins à annoncer, mais aussi leur permettre d'avoir plus confiance en eux, de mieux déterminer les valeurs et souhaits du patient, et de mieux accompagner la possible détresse de ce dernier [4]. Parmi ces recommandations, le modèle SPIKES (EPICES en français) propose une stratégie reconnue d'annonce [5]. Le processus décrit est bien sûr à adapter aux besoins et aux rythmes de chaque patient.
Un modèle d'annonce de diagnostic : EPICES
Le modèle EPICES propose un cheminement selon six étapes successives.
Préparer l'entretien
L'environnement de la consultation (cadre, contexte) peut faciliter l'annonce voire la compréhension des patients [6-7-8]. C'est pourquoi il est si important de privilégier un face à face dans un endroit calme et intime (par exemple le cabinet ou la salle de consultation), d'impliquer d'autre personnes importantes pour le patient (par exemple membre de la famille), de s'asseoir, de tenter d'établir un contact avec le patient (par exemple regarder le patient), et de limiter les interruptions et contraintes de temps (par exemple couper le téléphone). Ces éléments démontrent au patient l'attention qui lui est portée et lui permettent d'être le plus détendu et le plus en confiance possible. Au-delà de cette anticipation pratique, le médecin peut se préparer à l'annonce, prendre un temps pour relire le dossier médical, visualiser le déroulé de la consultation et anticiper les réactions émotionnelles et/ou les questions difficiles du patient.
Évaluer la perception du patient
Avant de discuter des résultats médicaux, le médecin explore la manière dont le patient perçoit sa situation médicale (nature et gravité). Pour cela, il peut utiliser des questions ouvertes telles que :« Qu'avez-vous compris jusqu'à présent de votre situation ? ». Selon les informations données, le médecin peut alors adapter son discours, rebondir, expliquer voire corriger les informations erronées. Cette étape permet également d'identifier certaines difficultés auxquelles peut être confronté le patient et des besoins de prise en charge spécifique (par exemple difficultés sociales, financières).
Obtenir l'invitation du patient
Si la plupart des patients déclarent souhaiter des informations complètes sur leur diagnostic et sur le pronostic de la maladie annoncée, d'autres ne le souhaitent pas. Afin d'identifier l'attente du patient, le médecin peut lui demander : « Qu'aimeriez-vous savoir à propos de ce qui vous arrive/ce test ? Souhaitez-vous avoir tous les détails sur votre situation/maladie, ou préférez-vous que je vous en donne une image plus globale pour l'instant ? ». Si les patients ne veulent pas connaître tous les détails, il est alors possible de leur donner une partie des informations, de proposer de répondre à leurs questions ou encore d'en reparler au cours d'un autre entretien.
Délivrer des informations au patient
Il s'agit de l'annonce en soi, moment où l'on partage avec le patient les informations qu'il souhaite recevoir sur sa situation. Débuter en prévenant le patient qu'il s'agit d'une mauvaise nouvelle permet d'atténuer le choc, mais surtout permet au patient de se préparer et de lui faciliter sa compréhension (par exemple : « J'ai une mauvaise nouvelle à vous annoncer » ou « J'ai la tâche difficile de devoir vous annoncer que… »). Pour rendre le discours médical accessible et compréhensible au patient, il est toujours utile de reprendre le vocabulaire du patient (par exemple « la boule », « le point que vous voyez tout le temps »), d'employer des mots simples, sans jargon médical, sans euphémismes, mais en nommant la maladie par son nom (par exemple tumeur, cancer). Ces éléments de langage sont très importants car une annonce trop technique ou trop générale est susceptible de laisser le patient isolé et anxieux, voire en colère. Il s'agit également de remettre les informations par étapes et de vérifier régulièrement que le patient a bien compris, pour éviter la submersion par un trop-plein d'informations. Ces annonces entraînent souvent un choc psychique pour les patients, qui peut temporairement limiter leur capacité à mémoriser les informations, d'où la nécessité, fréquente, de reprendre avec eux certains éléments d'information lors d'un deuxième entretien. Lorsque le pronostic de la pathologie est défavorable, il est important de montrer au patient que l'équipe médicale est engagée auprès du patient quelle que soit l'évolution de la maladie, notamment pour contrôler les différents symptômes susceptibles de survenir, qu'ils soient d'ordre physique, fonctionnel ou psychologique.
Répondre aux émotions du patient
Cette étape représente certainement l'un des défis les plus difficiles à relever lors d'une annonce d'une mauvaise nouvelle. Face au choc, à la détresse, les émotions des patients sont multiples : silence, colère, pleurs, dénégation, etc. Pour pouvoir offrir son soutien au patient, le médecin doit d'abord identifier l'émotion qui traverse le patient, la nommer et valider ce vécu (par exemple : « Vous semblez très en colère face à cette nouvelle, et cela est tout à fait compréhensible »). Il est aussi possible de demander au patient ce qu'il ressent pour ne pas interpréter les signes émotionnels de manière erronée. Enfin, le médecin doit être très attentif à ne pas entrer dans un système de réassurance inappropriée (par exemple : « Vous avez de multiples métastases cérébrales, mais rassurez-vous, on peut irradier et tout ira bien »), car ce processus de « fausse réassurance » risque d'aggraver le niveau d'anxiété chez le patient.
Résumer la consultation et présenter la stratégie thérapeutique
Cette dernière étape est particulièrement importante puisqu'elle limite l'anxiété et l'incertitude des patients. Avant de présenter la ou les stratégies thérapeutiques, il faut vérifier que le patient est prêt à l'entendre (émotion plus apaisée, écoute, etc.) ; si ce n'est pas le cas, il faudra temporiser et reporter cette annonce à une consultation ultérieure. Aider le patient à comprendre les enjeux médicaux à l'œuvre doit lui permettre de mieux appréhender, d'intégrer et ainsi d'adhérer à la proposition de soins, surtout s'il peut y participer activement.
La personnalisation d'une annonce
L'annonce consiste en un délicat jeu d'équilibre qui nécessite de s'adapter continuellement selon la relation individuelle établie avec chaque patient, l'institution de soins et le milieu culturel [9]. De plus, les patients ont des préoccupations et des besoins respectifs très divers. Ainsi, chaque annonce doit pouvoir rendre compte de ces différences et demande au médecin de s'adapter au plus juste à la configuration du moment [10]. En effet, le bon déroulement d'une prise en charge dépend souvent beaucoup de la qualité de l'alliance thérapeutique qui s'établit entre le patient et le médecin, et en particulier des éléments relationnels qui se jouent lors de la (des) première(s) rencontre(s).
L'annonce du risque métastatique : gestion de l'incertitude
Le mélanome uvéal comporte un important risque d'évolution métastatique, le plus souvent hépatique. Pour cette raison, un test génomique est réalisé pour établir un profil de risque (bas, intermédiaire ou haut). Le rythme du suivi post-thérapeutique par échographie ou imagerie par résonance magnétique (IRM) hépatique est adapté au profil génomique de la tumeur primitive. Ainsi, en cas de haut risque d'évolution métastatique, une surveillance intensive par IRM hépatique semestrielle est adoptée. Face à ce risque et à cette épée de Damoclès, l'objectif du médecin consiste à appréhender quel niveau, quel degré et quelle temporalité d'information sont susceptibles d'aider le patient à s'ajuster le mieux possible à cette situation de risque particulièrement anxiogène, marquée par la présence d'une forte incertitude quant aux perspectives d'avenir [11]. Il est alors nécessaire d'informer le patient de ce risque en discutant des conditions de surveillance mises en place, des avantages et inconvénients de chaque modalité [ 12]. Autant que possible, il importe de faire participer le patient à la décision de ce qui correspond le mieux à son attitude face au risque.
Rappelons aussi que les besoins des patients évoluent avec le temps et qu'il est nécessaire de s'adapter aux changements émanant de la position du patient si l'on veut maintenir des soins personnalisés. Cela nécessite non seulement une réactivité aux besoins de chaque patient, mais aussi la sensibilité et l'empathie nécessaires à la reconnaissance de ces besoins. Enfin, une aide psychologique peut être nécessaire et proposée pour faciliter la gestion de l'incertitude [13].
Qualité de vie liée à la santé chez les patients atteints de tumeur oculaire
Du fait de ses caractéristiques cliniques exemplaires et parce que les études publiées portent principalement sur cette pathologie, nous ciblerons ici les travaux portant sur le mélanome uvéal .
Le terme de qualité de vie (QdV) liée à la santé se réfère à la perception qu'a le patient de son état face à la maladie et au traitement. Il s'agit d'une notion subjective et multidimensionnelle. Un certain nombre d'outils d'auto-évaluation existent pour la mesurer. Il existe un questionnaire spécifique pour le cancer oculaire (EORTC QLQ-OPT30, ou Quality of Life Questionnaire – Ophthalmic Cancer 1
1
. Développé par l'Organisation européenne de recherche et traitement du cancer (EORTC).
[14 , 15]), et d'autres évaluant certaines dimensions de la QdV : fonctionnelles, telles que le retentissement visuel (NEI-VFQ [ 16]), ou bien psychologiques, telles que l'anxiété (STAI-B [17]), la dépression (SDS [18]) ou la détresse (HADS [19]).
Évaluée depuis une vingtaine d'années [ 20 , 21], la QdV des patients atteints de mélanome uvéal est reconnue comme un critère important dans la prise de décision thérapeutique. Globalement, les patients atteints de mélanome uvéal présentent une QdV altérée par rapport à des populations appariées [ 22 , 23].
La qualité de vie selon les traitements oncologiques/anti-tumoraux
La comparaison des deux traitements principaux – traitement chirurgical radical (énucléation) et traitement conservateur (radiothérapie) – ne met en évidence aucune différence significative sur le score global de QdV [24 , 25], mais plutôt sur les scores fonctionnels et visuels. En effet, les patients énucléés rencontrent des difficultés fonctionnelles plus importantes à 6 mois des traitements, qui diminuent ensuite au cours du temps, tandis que les patients traités par radiothérapie sont, eux, confrontés à de plus grandes difficultés en termes de vision, centrale et périphérique, ainsi qu'à la lecture, au cours des 24 mois de suivi. Par ailleurs, l'évaluation de la QdV faisant suite au traitement spécifique par radiothérapie associée à une radiochirurgie stéréotaxique (Gamma Knife®) souligne une diminution du fonctionnement physique et de la capacité à accomplir les tâches physiques, mais un meilleur état psychologique [26]. Enfin, une étude récente s'intéressant au traitement par protonthérapie pour un mélanome de la choroïde rapporte une baisse d'acuité visuelle et un niveau de dépression plus importants chez ces patients par rapport à un groupe contrôle [ 27].
La qualité de vie au cours de la prise en charge oncologique
En cours de suivi, d'importants aspects de la QdV semblent altérés dans le registre psychosocial, tels que l'image du corps, l'émergence de préoccupations quant au futur et l'ajustement psychologique et social à la situation, en particulier en cas de persistance de symptômes visuels [28]. Si les niveaux de QdV apparaissent bons et stables, à l'exception du fonctionnement social qui reste altéré, c'est surtout la peur de la récidive qui s'avère importante et se maintient au cours du temps [29].
Les effets secondaires des traitements apparaissent prédicteurs de détresse émotionnelle. Ainsi, les problèmes d'irritation oculaire, de céphalées et de troubles fonctionnels constituent des facteurs de risque d'anxiété et de dépression à long terme. De plus, les patients ayant une peur de la récidive significative, présente conjointement avec des symptômes physiques et fonctionnels, présentent une plus grande anxiété. La dépression, en revanche, ne résulterait pas de cette peur spécifique [ 30].
Une large étude prospective portant sur 1596 patients menée sur 20 ans met en évidence une différence à long terme sur les scores globaux de QdV des patients en fonction des traitements reçus. Ainsi, une moindre QdV est observée suite à l'énucléation par rapport à la radiothérapie. Cependant, cette différence peut moins être attribuée au traitement qu'aux facteurs prédisposant au choix du traitement, à savoir la sévérité de la maladie [31].
Comme évoqué plus haut, l'enjeu principal pour les patients atteints de mélanome de l'uvée est en effet lié au risque d'évolution métastatique hépatique et au mauvais pronostic qui y est alors associé à court ou moyen terme, le plus souvent en l'absence de symptômes. Quelques études se sont penchées sur la question des besoins d'information et de soutien des patients confrontés à cette situation particulièrement difficile. L'une d'elles montre que les patients souhaitent être informés du résultat du test génomique indiquant leur niveau de risque de récidive – bas, intermédiaire ou élevé –, et ce malgré sa signification pronostique [32]. Une étude longitudinale menée sur 12 mois a mis en évidence un lien entre dépression et regret d'avoir effectué cette analyse génomique de pronostication[33]. Ce regret peut surtout se révéler chez les patients dont le risque reste indéterminé après l'analyse génomique et donc ne permet pas d'orienter la prise en charge médicale.
L'incertitude à laquelle sont confrontés ces patients face au risque de récidive et ses conséquences dramatiques est difficile à vivre ; et le test pronostique ne permet pas de s'y confronter plus facilement [11].
Une étude récente menée aux États-Unis a mis en évidence une insuffisance de réponse aux besoins en information et de soutien psychologique chez les personnes traitées pour un mélanome uvéal [34]. Cette étude souligne également des besoins d'aide pratique (comme pour les déplacements jusqu'au centre de soins). Toujours aux États-Unis, une enquête portant sur l'expérience des soins chez ces patients rapporte différentes plaintes sur la manière dont leur sont communiquées les « mauvaises nouvelles », avec des témoignages comme : « l'ophtalmologiste aurait pu passer plus que 5 minutes seulement avec moi après m'avoir annoncé mon diagnostic de cancer 2
2
. Traduction de l'anglais par les auteurs du chapitre.
 » ; « je n'ai pas de doute sur l'expertise de mon ophtalmologiste mais j'aurais souhaité qu'il/elle me fournisse plus d'informations ». Comme décrit plus haut, la prise en charge médicale repose sur une communication médecin-patient de qualité et de nombreuses études disponibles aujourd'hui peuvent en fournir des recommandations [35].
Cette enquête montre également une insatisfaction face au manque d'offre de soutien psychologique [36]. À cet égard, des expériences de services de psycho-oncologie [ 29] ou de psychologie clinique de la santé [ 37] ont montré leur intérêt pour le repérage des difficultés, dont la détresse psychologique, et la mise en place de réponses adaptées en fonction du contexte médical et psychosocial du patient.
Particularités en pédiatrie : enjeux thérapeutiques et spécificités psychologiques du diagnostic et du traitement du rétinoblastome
Le rétinoblastome est la tumeur oculaire la plus fréquemment rencontrée chez l'enfant. C'est une tumeur cancéreuse développée aux dépens des cellules de la rétine. Le rétinoblastome est une tumeur particulière à plusieurs titres. Tout d'abord c'est, comme la plupart des cancers pédiatriques, une pathologie rare, qui touche chaque année en France un enfant sur 15 000 à 20 000 naissances. Elle concerne particulièrement les bébés et les très jeunes enfants, généralement avant l'âge de 2 ans. Enfin, c'est une tumeur qui touche l'œil, organe dont on connaît la valeur symbolique, et qui peut entraîner une altération plus ou moins importante et parfois définitive de la vision selon sa localisation, son caractère uni- ou bilatéral et enfin selon le type de traitement utilisé (traitements dits conservateurs et/ou énucléation). L'objectif du traitement est bien sûr de guérir l'enfant atteint, mais aussi en préservant, autant que faire se peut, l'œil d'une part et la vision d'autre part.
C'est généralement en un temps très court que les parents reçoivent toutes les informations relatives au diagnostic et au traitement du rétinoblastome. La brutalité du diagnostic et la rapidité avec laquelle s'enchaînent ensuite annonce diagnostique, décisions thérapeutiques et gestes médicaux et chirurgicaux, dont l'énucléation lorsque celle-ci est indiquée, participent à l'aspect excessivement traumatique de ces situations. Il faut également prendre en compte, du fait du très jeune âge de l'enfant, la proximité d'avec la naissance qui rend ce diagnostic particulièrement violent car il vient atteindre également de jeunes parents parfois en pleine construction de leur parentalité, tout particulièrement lorsque l'enfant est nouveau-né et/ou lorsqu'il s'agit du premier enfant du couple. La blessure narcissique profonde ressentie alors par les parents rend compte de la particularité de cette tumeur qui les plonge dans le plus grand désarroi [38].
Les études consacrées spécifiquement au rétinoblastome montrent que la détresse des parents est majeure dès lors que l'on suspecte cette pathologie grave. L'arrivée dans le service spécialisé est jugée plutôt rassurante, mais les discussions au sujet des décisions thérapeutiques ont tendance à réactiver l'angoisse des parents [ 39 , 40].
Par ailleurs, cette tumeur cancéreuse touche l'œil, organe dont on connaît la valeur symbolique – l'œil comme « reflet ou miroir de l'âme » – et le prix qu'on y associe, comme en témoigne l'expression « y tenir comme à la prunelle de ses yeux » ! L'œil n'est donc pas qu'un organe ; il est dépositaire du regard, siège des émotions, essentiel à la communication avec l'autre et encore support de la pulsion scopique (voir et être vu) et du plaisir qui y est naturellement associé. Enfin, c'est au travers des regards que s'échangent mère et enfant et de l'investissement réciproque que ceux-ci permettent et soutiennent que se constitue la découverte progressive que l'enfant fait de lui-même, prélude à la constitution de sa propre identité [ 41].
D'assez nombreuses recherches ont été menées concernant le devenir des enfants traités pour un rétinoblastome. Elles s'intéressent tout autant à leur devenir en termes d'état de santé et d'éventuelles pathologies chroniques que de développement visuel et cognitif et enfin que de conséquences psychologiques émotionnelles et affectives.
Sur le plan médical, le suivi à long terme de personnes traitées pour un rétinoblastome durant l'enfance met en évidence un risque accru de problèmes de santé chroniques [42]. Après exclusion des problèmes concernant la vision et ceux liés à la survenue possible de seconds cancers, le risque majoré ne concerne plus que les patients ayant eu un rétinoblastome bilatéral. Quoi qu'il en soit, les complications potentielles justifient un suivi médical à long terme [ 43] et une évaluation régulière du développement visuel et psychomoteur [44].
Concernant le développement cognitif et visuel, les résultats des différentes études ne sont pas homogènes. Alors que l'on évoquait généralement jusque-là une absence de retentissement sur le développement mental et moteur de l'enfant, il semblerait qu'un déclin des capacités cognitives puisse néanmoins être observé au fil des années sans qu'on en connaisse exactement la raison [45]. L'immaturité cérébrale des enfants traités durant les premiers mois de vie pourrait participer à ces effets cognitifs tardifs, notamment en cas d'irradiation [46]. Plusieurs études évoquent également les effets du stress parental sur le développement de l'enfant, et réciproquement, notamment lorsque ce dernier présente un handicap visuel et/ou un retard du développement qui affecte les interactions précoces [47-48-49]. D'autres études longitudinales doivent être menées afin de mieux comprendre l'influence précise de chaque facteur dans la genèse de ces troubles éventuels. Les auteurs recommandent de manière systématique un suivi neurocognitif prolongé pour l'enfant traité et la mise en place d'un soutien adapté pour les parents préoccupés par ces questions relatives au développement de leur enfant.
Si l'on s'intéresse au devenir émotionnel et psychologique des personnes traitées pour un rétinoblastome durant l'enfance, on ne retrouve pas une plus grande fréquence de troubles psychopathologiques [50]. La QdV de ces personnes semble comparable à la population générale, à condition que l'acuité visuelle soit conservée. Le handicap visuel, au travers notamment de ses répercussions sur le parcours scolaire, et la crainte de la survenue d'un cancer secondaire chez les personnes à risque du fait de la présence d'une prédisposition génétique sont en effet des facteurs d'anxiété et d'altération de l'estime de soi [51-52-53-54-55]. Enfin, il semble que l'impact traumatique de l'énucléation soit plus difficilement verbalisable par les enfants énucléés avant l'âge de 2 ans qui n'ont donc pas la mémoire de l'énucléation ; ils auraient davantage de difficultés pour l'évoquer et y donner du sens [56]. Les parents des enfants énucléés ont, eux, tendance à évoquer plus fréquemment leur perception d'une mauvaise estime de soi chez leur enfant [57].
Enfin, quelques travaux s'intéressent aux questions génétiques spécifiques soulevées par cette pathologie. Sont mises en avant tout d'abord l'extrême complexité de l'information génétique délivrée aux parents, une information qui apparaît difficilement comprise et intégrée, ainsi que la présence de représentations fantasmatiques et d'une vive culpabilité qui orientent beaucoup les attentes de ces parents vis-à-vis de cette consultation d'oncogénétique [58]. S'agissant des personnes traitées pour un rétinoblastome durant l'enfance, l'information génétique doit leur être délivrée durant l'adolescence ou le début de la vie adulte, et ce quel que soit le niveau de risque de transmission à la descendance, car il est montré que c'est le risque perçu, plus que le risque objectif, qui conditionne les comportements vis-à-vis de la reproduction [ 59].
Conclusion
Les pathologies tumorales touchant l'œil comportent de nombreuses spécificités, tant chez l'adulte que chez l'enfant, auxquelles le médecin va devoir s'adapter au fil du temps en fonction du moment du parcours de soins de chaque patient.
La qualité de la communication entre le médecin et son patient représente un élément essentiel de la prise en charge, caractérisant la nature de l'alliance thérapeutique qui va s'établir entre les acteurs de la relation. C'est cette relation qui permettra au patient et/ou à ses proches de se sentir accompagné(s), et ainsi de se sentir plus à même de se confronter à la violence inéluctable d'un diagnostic de tumeur oculaire, de ses conséquences physiques, fonctionnelles et esthétiques ; et a fortiori de ses conséquences vitales dans les cas d'évolution métastatique de la maladie cancéreuse.
C'est pourquoi l'investissement du médecin dans cette relation thérapeutique apparaît comme un élément primordial et potentiellement comme un atout majeur, susceptible d'aider le patient quelle que soit sa situation médicale.
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