Retour
Chapitre 5
Tumeurs épithéliales

Tumeurs épithéliales bénignes
F. Mouriaux
Papillome
Le papillome est une tumeur bénigne rare, qui représente 0,5 à 2,5 % de l'ensemble des tumeurs conjonctivales [ 1]. Cette tumeur atteint les adultes et peut aussi s'observer chez les enfants. L'incidence la plus élevée se situe dans les troisième et quatrième décennies, avec une prépondérance masculine. La relation causale avec la présence d'un papillomavirus humain ( human papillomavirus [HPV]) a été documentée dans 60 à 90 % des cas. Il s'agit le plus souvent d'un virus HPV à faible risque de carcinogenèse (HPV-6-HPV-11), plus rarement d'un virus HPV à haut risque (types 16, 18 et 33), en particulier chez l'adulte [2].
À l'examen, le papillome se présente sous la forme d'une excroissance rosée d'aspect framboisé avec des vaisseaux intralésionnels en « doigts de gant ». La lésion est classiquement isolée et localisée au niveau du cul-de-sac inférieur. La conjonctive bulbaire, la caroncule et le repli semi-lunaire peuvent aussi être atteints. Ils sont plus souvent sessiles (base large) chez l'adulte, et pédiculés (base étroite) chez l'enfant. Dans certains cas, ils peuvent être un peu pigmentés, notamment chez les patients mélanodermes. Très rarement, plusieurs lésions peuvent confluer et produire une papillomatose massive, notamment chez les patients immunodéprimés. La lésion peut même recouvrir la cornée. Chez les enfants, les papillomes peuvent être multiples et, dans ce cas, ils sont situés plutôt dans le fornix inférieur.
L'aspect clinique est en général typique, surtout chez l'enfant. Chez l'adulte, en revanche, le papillome peut poser des problèmes de diagnostic différentiel avec un carcinome in situ ou invasif, ou avec un mélanome achrome. La transformation d'un authentique papillome en carcinome est rare et pourrait être secondaire à une infection par HPV-16. La récidive après exérèse chirurgicale d'un authentique papillome est possible chez l'adulte, mais doit aussi faire évoquer la possibilité d'une transformation maligne. Dans de rares cas, les papillomes conjonctivaux peuvent être inversés comme les papillomes du sac lacrymal et de la cavité nasale. Le papillome inversé aura une tendance plus fréquente à la transformation maligne.
En histologie, il s'agit de lésions exophytiques, sessiles ou pédiculées, caractérisées par des axes fibroconjonctifs arborescents recouverts par un épithélium malpighien stratifié non kératinisant. Dans l'épithélium, il persiste des cellules à mucus dont la proportion est variable et qui sont plus fréquentes chez l'enfant. On observe souvent une exocytose d'éléments inflammatoires dans les lésions, principalement des polynucléaires neutrophiles. En revanche, les koïlocytes sont rares, même s'il s'agit de lésions viro-induites. On peut aussi observer des atypies cellulaires caractérisées par des éléments de taille augmentée, avec un noyau hyperchromatique, suggérant une dysplasie associée. Leur présence n'est pas un signe de transformation, surtout chez l'enfant. Le papillome inversé a une architecture endophytique, et est fait de lobules de cellules malpighiennes avec des cellules à mucus dans le chorion sous-conjonctival.
La prise en charge varie selon le contexte (enfant ou adulte, présence de symptômes associés ou non). Il s'agit d'une tumeur d'évolution bénigne ; chez l'enfant, les papillomes bien tolérés peuvent donc être surveillés. En revanche, en cas de papillome irritant, inesthétique, ou de doute diagnostique, surtout chez l'adulte, une chirurgie d'exérèse est en général proposée. Dans ce cas, l'exérèse doit être complète pour éviter les récidives. Par ailleurs, il est conseillé d'éviter de toucher le papillome lui-même lors de l'exérèse, afin de ne pas libérer de particule virale dans les tissus avoisinants. Si le défect conjonctival est important, on pourra refermer la conjonctive par une greffe de conjonctive ou une membrane amniotique. Des traitements adjuvants locaux ou par voie orale sont possibles, en particulier en cas de papillome récidivant ou étendu ; citons la cryothérapie, les collyres à l'interféron [3] ou à la mitomycine [4]. Une réponse à la cimétidine par voie orale a aussi été décrite [ 5 , 6] (fig. 5-1,
Fig. 5-1
Papillome caronculaire chez un homme de 58 ans. a, b. Aspect en lampe à fente (LAF). c. Coupe histologique HES × 10 montrant un papillome malpighien pédiculé avec une prolifération exophytique papillomateuse malpighienne associée à de nombreuses cellules mucineuses, au sein de laquelle s'ascensionnent de nombreux polynucléaires neutrophiles.
fig. 5-2,
Fig. 5-2
Papillome pédiculé, plurifocal chez une jeune femme de 25 ans. a. Aspect en LAF avec une lésion rosée papillomateuse implantée au niveau du repli semi-lunaire et du cul-de-sac conjonctival inférieur. b. Coupe histologique HES × 20 montrant une prolifération papillomateuse en dysplasie de bas grade, dans un contexte inflammatoire (exocytose de polynucléaires neutrophiles et présence de quelques cellules inflammatoires mononucléées au niveau du chorion sous-jacent). Cette lésion est développée sur une muqueuse conjonctivale en métaplasie malpighienne.
fig. 5-3,
Fig. 5-3
Papillome caronculaire apparu il y a 2 mois et stable depuis chez un homme de 66 ans.
fig. 5-4,
Fig. 5-4
Papillome du cul-de-sac conjonctival inférieur chez une femme de 42 ans.
fig. 5-5,
Fig. 5-5
Papillome pédiculé de la conjonctive palpébrale supérieure.
fig. 5-6,
Fig. 5-6
Papillome de la conjonctive palpébrale inférieure chez une femme de 41 ans.
fig. 5-7,
Fig. 5-7
Papillome sessile du cul-de-sac conjonctival inférieur.
fig. 5-8
Fig. 5-8
Papillome à base d'implantation pédiculée au voisinage du cul-de-sac inférieur chez une femme de 39 ans.
).
Kératoacanthome
Le kératoacanthome est une tumeur rare en général située au niveau du bord libre de la paupière, mais qui peut plus exceptionnellement se développer au niveau de la caroncule ou de la conjonctive bulbaire (fig. 5-9
Fig. 5-9
Keratoacanthome de la conjonctive bulbaire temporale.
) [7]. Cette tumeur est caractérisée par une croissance initiale rapide en quelques semaines. La lésion alors très en relief présente une invagination au centre contenant des débris de kératine. Elle régresse ensuite spontanément en quelques mois avec une cicatrice minime. Histologiquement, on retrouve une dépression centrale bourrée de débris de kératine. La paroi de la lésion est délimitée par un épithélium stratifié épaissi et kératinisé. Il est parfois difficile de différencier cette lésion d'une forme superficielle de carcinome épidermoïde bien différencié ; c'est pourquoi on dit qu'il s'agit d'une forme d'hyperplasie pseudo-épithéliomateuse. En général, il n'y a pas de caractère invasif en profondeur comme c'est le cas dans les carcinomes épidermoïdes et, en dehors de dysplasies minimes, pas de véritables atypies cellulaires. Il est cependant souvent nécessaire de réaliser une exérèse chirurgicale de ces lésions en raison de la suspicion de tumeur maligne [8].
Dacryoadénome
Cette tumeur conjonctivale bénigne rare de l'enfant et l'adulte jeune a été décrite par Jakobiec et al. [9]. Cliniquement, le dacryoadénome se présente au niveau de la conjonctive bulbaire ou palpébrale sous la forme d'une tuméfaction rose et charnue difficile à différencier d'un lymphome. En histologie, la tumeur semble prendre son origine au niveau de l'épithélium de surface, prolifère en profondeur dans le stroma, et développe des lobules glandulaires analogues à ceux d'une glande lacrymale normale à part la présence de nombreuses cellules caliciformes. Le diagnostic clinique étant difficile, une exérèse chirurgicale est préférable. Le pronostic est excellent.
Kératose folliculaire inversée
La kératose folliculaire inversée est une lésion rare, bien circonscrite, ressemblant à un papillome qui intéresse plus souvent la peau des paupières que la conjonctive. Comme dans le kératoacanthome, la croissance rapide peut faire suspecter une tumeur maligne. Sur le plan histologique, cette lésion est considérée comme une variante de l'hyperplasie pseudo-épithéliomateuse. On retrouve une acanthose, une parakératose et des couches concentriques de cellules pavimenteuses.
Tumeurs épithéliales précancéreuses et malignes
C. Levy-Gabriel
Néoplasies épidermoïdes de la surface oculaire
Définitions histologiques, épidémiologie et caractéristiques cliniques communes
Le terme de néoplasies épidermoïdes ou malpighiennes de la surface oculaire regroupe l'ensemble des lésions épidermoïdes précancéreuses et cancéreuses de la conjonctive et de la cornée, à savoir les dysplasies conjonctivales, le carcinome in situ et le carcinome épidermoïde invasif. Dans le cas des dysplasies et du carcinomes in situ, la prolifération tumorale épidermoïde est strictement intra-épithéliale ; ce sont des lésions précancéreuses. Dans le cas d'un carcinome épidermoïde invasif, en revanche, il existe un envahissement tumoral en profondeur au niveau du chorion. Le carcinome épidermoïde est donc une tumeur cancéreuse à potentiel métastatique.
Les néoplasies épidermoïdes sont des tumeurs rares. L'incidence annuelle varie de 0,03 à 1,9 pour 100 000 habitants pour une population de type caucasien, à 3,4 pour 100 000 habitants pour une population de type africain. Le terrain de prédilection est l'adulte de 55 à 60 ans à peau claire et iris clair, mais des néoplasies épidermoïdes peuvent exceptionnellement apparaître chez l'enfant lorsque celui-ci présente un xeroderma pigmentosum. L'exposition aux ultraviolets (UV) est un facteur de risque majeur (incidence plus élevée dans les pays proches de l'équateur, mutations liées aux UV retrouvées au niveau de gène suppresseur de tumeurs comme le P53 ). L'immunodépression (infection au VIH, traitement immunosuppresseur suite à une transplantation) augmente aussi le risque de survenue d'un carcinome épidermoïde in situ ou invasif, avec dans ce contexte des patients atteints plus jeunes, et une évolution tumorale plus agressive [1 , 2]. Dans notre expérience, l'utilisation de collyre à la cyclosporine favorise également le développement de ces lésions. L'infection au virus HPV (sérotypes 16 et 18), par le biais d'une inhibition de la protéine suppresseur de tumeur retinoblastoma , pourrait aussi favoriser l'apparition de néoplasies épidermoïdes en interagissant de façon synergique avec les rayons UV [1].
En histologie, les dysplasies et le carcinome in situ sont caractérisés par un épithélium hyperplasique avec présence d'atypies cellulaires (perte de la polarité cellulaire normale, hyperchromatisme nucléaire et pléomorphisme). Des figures de mitoses peuvent être présentes. Une dyskératose (présence de cellules produisant de la kératine au niveau des couches profondes) peut aussi se voir ainsi qu'une réaction inflammatoire au niveau du chorion. La prolifération tumorale respecte la membrane basale et n'envahit pas le chorion sous-jacent. La dysplasie peut être classée en trois grades (légère, modérée ou sévère) en fonction de l'importance des atypies cellulaires et de l'épaisseur de l'épithélium concerné par le processus tumoral. Le grade 1 ou dysplasie avec atypies légères est défini par une désorganisation architecturale avec atypies cytonucléaires des kératinocytes cantonnées au tiers basal de l'épithélium, et correspond aux terminologies de kératose actinique ou plaque leucoplasique. Le grade 2 ou dysplasie avec atypies modérées correspond à une dysplasie occupant les deux tiers de la hauteur de l'épithélium. Le grade 3 ou dysplasie avec atypies sévères, équivalent au carcinome in situ, est défini par une atteinte de la totalité de l'épaisseur épithéliale.
Le carcinome épidermoïde invasif se caractérise en histologie par une prolifération composée essentiellement de cellules malpighiennes plus ou moins bien différenciées, avec des atypies cytonucléaires, des mitoses, un pléomorphisme cellulaire, une dyskératose et une kératinisation en surface. Cette prolifération franchit la membrane basale de l'épithélium et se développe dans le chorion, signant ainsi le caractère invasif du carcinome épidermoïde. Certains sous-types histologiques rares ont un potentiel évolutif particulièrement agressif, comme le carcinome épidermoïde adénoïde dont l'architecture pseudo-glandulaire présente de l'acide hyaluronique extracellulaire mais pas de mucine intracellulaire. Le carcinome mucoépidermoïde , de pronostic particulièrement péjoratif, est constitué de cellules épidermoïdes et des cellules mucosécrétantes avec sécrétion de mucine.
Les dysplasies conjonctivales , les carcinomes épidermoïdes in situ ou invasifs ont des caractéristiques cliniques communes. Ils siègent préférentiellement au voisinage du limbe, dans l'aire de la fente palpébrale, plus rarement dans les culs-de-sac ou sur la conjonctive palpébrale. L'aspect est variable avec soit un aspect gélatineux, plan, translucide (très fréquent au niveau de l'atteinte cornéenne), soit un aspect papillomateux plus ou moins en relief difficile à différencier d'un papillome bénin, soit un aspect leucoplasique avec une plaque de kératine en surface (aspect « en sucre mouillé »). Ces différents aspects peuvent s'associer au sein d'une même tumeur. Les néoplasies épidermoïdes sont en général achromes, de couleur blanc-grisâtre à rosée, mais elles peuvent présenter une pigmentation hétérogène chez les sujets mélanodermes. La lésion est en général sessile avec un relief variable, allant d'un épaississement conjonctival minime en cas de dysplasies à un aspect de tumeur charnue, polylobée avec vaisseaux nourriciers dilatés en cas de carcinome épidermoïde invasif évolué. La prolifération tumorale évolue initialement en surface, vers la cornée. La rapidité d'évolution dépend de l'agressivité tumorale et varie de quelques semaines à quelques années. L'envahissement intraoculaire ou orbitaire est une complication rare et exclusive du carcinome épidermoïde invasif, favorisée par un retard de prise en charge, un type histologique agressif, ou un contexte d'immunodépression [3].
Il n'y a pas de critère clinique clair permettant de différencier les lésions purement intra-épithéliales (dysplasies, carcinome in situ) des lésions ayant envahi le chorion (carcinome invasif) [4]. Certaines techniques d'imagerie du segment antérieur peuvent apporter une aide diagnostique [5 , 6], pour différencier une néoplasie épidermoïde des autres pathologies de la surface oculaire (OCT haute résolution), pour rechercher un envahissement intraoculaire (échographie haute fréquence). Mais, pour de nombreux auteurs, elles ne remplacent pas l'analyse histologique qui reste indispensable pour avoir une certitude diagnostique et une prise en charge thérapeutique adaptée.
L'association de dysplasies de différents grades au sein d'une même lésion étant possible, voire l'association avec des foyers de carcinomes invasifs, l'idéal est donc de réaliser initialement une exérèse chirurgicale complète de la lésion afin de disposer d'une analyse histologique de l'intégralité du processus tumoral.
Plaque de kératose et kératose actinique (dysplasies avec atypies légères)
Les plaques de kératose (aussi appelées plaques leucoplasiques) et la kératose actinique (plaque de kératose induite par l'exposition aux rayons ultraviolets) sont des terminologies purement cliniques dermatologiques correspondant au niveau de la surface oculaire en histologie aux dysplasies épithéliales (ou néoplasies épidermoïdes intra-épithéliales) avec atypies légères (ou grade 1). Il s'agit de lésions dégénératives à très faible potentiel de transformation maligne en carcinome invasif. Dans la série de Shields, elles représentent 1 % des tumeurs de la surface oculaire, mais leur incidence est plus élevée dans les pays chauds [7]. Elles se développent lentement, chez l'adulte, et sont peu symptomatiques. L'aspect est celui d'une plaque blanchâtre à surface rugueuse en « sucre mouillé » correspondant à une zone de kératinisation de surface de la muqueuse conjonctivale, avec parfois des vaisseaux conjonctivaux dilatés au pourtour. Le diagnostic histologique repose sur un épithélium hyperplasique, acanthosique, avec parakératose ou orthokératose et atypies cellulaires inexistantes ou légères (grade 1). Il n'y a pas de franchissement de la basale. L'aspect clinique étant très proche de celui des autres néoplasies épidermoïdes (dysplasies modérées, carcinome in situ ou carcinome invasif), une exérèse chirurgicale pour analyse histologique est conseillée. Néanmoins, lorsque le patient est très âgé et en mauvais état général, si les lésions sont peu évolutives, une surveillance peut être proposée. Récemment, deux publications ont rapporté une disparition de lésions de « kératose actinique » sous traitement par interféron alpha 2b en collyre [8], et imiquimod 5 % topique [8 , 9] (fig. 5-10,
Fig. 5-10
Kératose actinique limbique chez un homme de 69 ans asymptomatique. Noter l’aspect en « sucre mouillé » traduisant une zone de kératinisation de surface de la muqueuse.
fig. 5-11,
Fig. 5-11
Plaque leucoplasique correspondant en anatomopathologie à une dysplasie avec atypies légères (hyperplasie épithéliale avec parakératose et quelques cellules atypiques).
fig. 5-12,
Fig. 5-12
a. Aspect en lampe à fente (LAF) d’une lésion limbique kératinisée apparue il y a 2 à 3 mois chez un patient greffé rénal sous immunosuppresseurs. b. Aspect en coupe histologique HES × 40 d’une dysplasie avec atypies légères montrant une muqueuse en métaplasie malpighienne avec des cellules parakératosiques en surface et des éléments cellulaires atypiques avec désorganisation architecturale sur le tiers inférieur. Le chorion sous-jacent est fibrovasculaire.
fig. 5-13
Fig. 5-13
a. Aspect en LAF d’une dysplasie de grade I intéressant la conjonctive palpébrale inférieure et le cul-de-sac inférieur, évoluant depuis 2 ans chez un homme de 72 ans : lésion achrome, plane et leucoplasique. b. Coupe histologique HES × 20 de la lésion avec un épithélium malpighien dans l’ensemble bien différencié avec maturation progressive, mais discrète désorganisation cyto-architecturale focale au niveau des cellules de la couche basale (quelques irrégularités nucléaires, verticalisation des noyaux et des mitoses présentes uniquement dans les couches basales). Le chorion est modérément inflammatoire.
).
Dysplasies avec atypies modérées (grade 2) et carcinome in situ
L'indication à une exérèse chirurgicale initiale complète est en général retenue lorsque le diamètre tumoral est inférieur à 15 mm, et que l'envahissement au limbe est inférieur à quatre cadrans horaires [ 10]. Le taux de récidive locale après chirurgie seule, en l'absence de traitement complémentaire, varie selon le recul entre 20 % et 39 % [11-12-13]. En cas de dysplasie modérée ou sévère (carcinome in situ), les traitements adjuvants efficaces pour diminuer le risque de récidive locale sont la cryothérapie des berges [12-13-14], mais surtout les chimiothérapies topiques (mitomycine C, 5-fluoro-uracil) [15] et les traitements immunomodulateurs topiques (interféron alpha2b), très en vogue actuellement [16]. En collyres, ces agents sont utilisés soit en traitement adjuvant après exérèse incomplète, soit en traitement primaire tumeur en place (après biopsie) [17 , 18], voire en traitement néoadjuvant dans certains cas de volumineuse tumeur pour réduire le volume tumoral avant exérèse chirurgicale [10].
La mitomycine C collyre est la chimiothérapie topique la plus couramment employée. De nombreuses publications attestent de son efficacité [19]. Les protocoles varient selon les indications : collyre dosé à 0,02 % en cures de 15 jours (une goutte 4 fois par jour), ou dosé à 0,04 % en cures de 8 jours, mais la toxicité est alors plus importante. Les effets secondaires (photophobie, œil sec, sténose des points lacrymaux, insuffisance limbique, réactions allergiques) sont fréquents. La mitomycine peut aussi être employée en application locale peropératoire. Le 5-fluoro-uracile collyre est dosé à 1 %, avec des protocoles là aussi très variables en fonction des équipes : une goutte 4 fois par jour en cycles de 4 à 8 jours par mois, ou pour certains en cycles d'un mois de traitement suivi de 1 à 3 mois sans traitement, les cycles étant répétés jusqu'à rémission complète [20 , 21]. L'interféron alpha 2b peut être utilisé en collyre dosé à un million d'unités par millilitre et administré 4 fois par jour, en continu pendant plusieurs mois [22]. Trois à 18 mois de traitement sont alors nécessaire pour traiter un carcinome in situ d'exérèse incomplète. La tolérance est en général excellente. L'interféron alpha 2b peut aussi être administré sous forme d'injections sous-conjonctivales intralésionnelles hebdomadaires ou mensuelles (dosage variable de 3 à 10 MIU/ml).
Comparativement à la cryothérapie, qui n'est réalisée que sur un secteur, les médicaments administrés en collyres présentent l'avantage de traiter l'ensemble de la surface oculaire, y compris les cellules atypiques non détectables cliniquement. En cas de volumineuse tumeur, ou de récidive, ils peuvent être utilisés seuls et permettent alors d'éviter les effets secondaires de chirurgies larges et/ou itératives. La résolution des lésions est plus rapide avec la mitomycine, mais c'est aussi le médicament qui a le plus d'effets secondaires [10]. Après traitement, un suivi à long terme reste nécessaire pour dépister les récidives parfois tardives et les effets secondaires des traitements (fig. 5-14,
Fig. 5-14
a, b. Aspect en LAF d’une dysplasie avec atypies modérées grade 2 apparue chez une femme de 62 ans : présence de deux tuméfactions limbiques sessiles supérieure et temporale, d’aspect papillomateux, empiétant légèrement sur la cornée. c. Aspect en coupe histologique HES × 25 montrant un épithélium malpighien hyperplasique, avec désorganisation architecturale, des atypies cytologiques sur les deux tiers de sa hauteur sans infiltration du chorion. d. Aspect en LAF 1 an après traitement par exérèse chirurgicale et 2 cycles de 15 jours de collyre mitomycine 0,02 %.
fig. 5-15,
Fig. 5-15
Dysplasie avec atypies modérées chez une femme de 78 ans avec en LAF une tuméfaction conjonctivale papillomateuse, sessile, au voisinage du limbe avec quelques vaisseaux nourriciers dilatés. La patiente a été traitée par exérèse chirurgicale complète et 2 cures de 15 jours de collyre à la mitomycine 0,02 %.
fig. 5-16,
Fig. 5-16
Néoplasie épidermoïde avec atypies modérées chez un homme de 84 ans avec en LAF des petites tuméfactions limbiques leucoplasiques « en sucre mouillé », empiétant légèrement sur la cornée.
fig. 5-17,
Fig. 5-17
a. Dysplasie conjonctivale de grade 2 évoluant depuis 18 mois chez un homme de 79 ans avec en LAF un épaississement des deux tiers externes de la conjonctive tarsale inférieure avec aspect gélatineux très discrètement leucoplasique. Après une biopsie diagnostique, le patient a été traité par collyre interféron pendant 15 mois, jusqu’à disparition complète des lésions. b. Aspect post-thérapeutique avec disparition complète des lésions.
fig. 5-18,
Fig. 5-18
a, b. Néoplasie malpighienne intra-épithéliale apparue chez une femme fumeuse de 55 ans avec en LAF des lésions gélatineuses et parfois kératinisées s’étendant sur l’ensemble de la conjonctive bulbaire inférieure du limbe jusqu’au cul-de-sac inférieur. Trois biopsies ont été réalisées, retrouvant des atypies de grade variable avec zones de carcinome in situ. La patiente a été traitée par collyre interféron pendant 10 mois. c, d. Aspect actuel avec un recul post-thérapeutique de 4 ans sans récidive.
fig. 5-19,
Fig. 5-19
Carcinome épidermoïde in situ chez un patient comorien de 29 ans avec une tuméfaction limbique discrètement en relief, non pigmentée, kératinisée en surface, apparue il y a 3 mois avec croissance progressive.
fig. 5-20,
Fig. 5-20
Carcinome épidermoïde in situ évoluant depuis 3 mois chez un homme de 60 ans avec en LAF une lésion papillomateuse avec discret envahissement cornéen gélatineux. Traitement par exérèse chirurgicale et collyre interféron.
fig. 5-21,
Fig. 5-21
a. Aspect en LAF d’une lésion conjonctivale d’apparition récente chez un homme de 76 ans. L’aspect est papillomateux, sessile avec petit envahissement gélatineux de la cornée et appel vasculaire. b. Coupe histologique HES × 40 de la lésion montrant un aspect de carcinome in situ avec un épithélium en métaplasie malpighienne, une désorganisation architecturale, des cellules à noyau atypique focalement jusqu’à la totalité de la hauteur du revêtement, des mitoses, et des cellules parakératosiques en surface. Le chorion sous-jacent est le siège d’une dégénérescence élastosique avec des vaisseaux congestifs.
fig. 5-22,
Fig. 5-22
Carcinome épidermoïde in situ d’aspect papillomateux à cheval sur le limbe avec envahissement cornéen chez un homme de 81 ans.
fig. 5-23,
Fig. 5-23
Carcinome épidermoïde in situ chez une femme de 49 ans. L’épaississement d’aspect gélatineux est situé à cheval sur le limbe temporal, et s’étend sur la cornée et la conjonctive bulbaire attenante.
fig. 5-24,
Fig. 5-24
Carcinome épidermoïde in situ chez une femme de 50 ans. Noter l’aspect atypique pédiculé de la lésion papillomateuse du cul-de-sac supérieur avec un épaississement gélatineux de la conjonctive adjacente.
fig. 5-25,
Fig. 5-25
Carcinome épidermoïde in situ étendu chez un homme de 49 ans. Les lésions sont situées à cheval sur le limbe et associent un aspect nodulaire et papillomateux au centre avec un épaississement gélatineux au pourtour. Important appel vasculaire.
fig. 5-26,
Fig. 5-26
Carcinome épidermoïde in situ papillomateux et polylobé chez un homme de 82 ans.
fig. 5-27,
Fig. 5-27
Carcinome in situ chez un homme de 59 ans se plaignant d’un œil « rouge » avec sensation d’irritation oculaire depuis 7 mois. On note un épaississement translucide et gélatineux de l’ensemble de la conjonctive bulbaire nasale étendu au limbe et à la cornée adjacente.
fig. 5-28,
Fig. 5-28
Carcinome in situ étendu chez un homme de 42 ans. Les lésions planes alternent des aspects gélatineux et papillomateux et s’étendent à l’ensemble de la conjonctive bulbaire inférieure, du limbe jusqu’au cul-de-sac inférieur et à l’intégralité de la conjonctive palpébrale inférieure avec quelques petites zones leucoplasiques à ce niveau.
fig. 5-29,
Fig. 5-29
Carcinome épidermoïde in situ à localisation exclusivement cornéenne chez une femme de 55 ans.
fig. 5-30,
Fig. 5-30
Carcinome in situ papillomateux et pigmenté apparu il y a 2 mois chez un patient mélanoderme de 68 ans.
fig. 5-31,
Fig. 5-31
Carcinome in situ pigmenté apparu il y a 5 mois chez patient mélanoderme de 75 ans.
fig. 5-32,
Fig. 5-32
Carcinome in situ apparu chez une femme de 41 ans, mélanoderme et sous traitement immunosuppresseur après transplantation rénale. L’épaississement conjonctival d’aspect gélatineux est étendu au limbe en temporal (avec aspect un peu pigmenté et en relief à ce niveau) (a) et en supérieur avec envahissement de l’épithélium cornéen supérieur (b).
fig. 5-33,
Fig. 5-33
Carcinome in situ pigmenté chez une patiente de 38 ans mélanoderme sous trithérapie pour infection au VIH. Noter l’aspect nettement papillomateux en surface, l’envahissement cornéen et l’appel vasculaire.
fig. 5-34,
Fig. 5-34
Carcinome in situ partiellement pigmenté chez une patiente mélanoderme de 52 ans. Aspect atypique avec localisation à distance du limbe.
fig. 5-35,
Fig. 5-35
Carcinome épidermoïde in situ.Aspect avant traitement (a). Aspect après traitement (b) par exérèse chirurgicale (berge cornéenne au contact du carcinome en anatomopathologie) et collyre interféron alpha2b pendant 10 mois.
fig. 5-36
Fig. 5-36
Carcinome épidermoïde in situ étendu intéressant le limbe supérieur, nasal et inférieur, la cornée supérieure et la conjonctive bulbaire nasale supérieure et inférieure. a-c. Aspect avant traitement. Confirmation diagnostique par biopsies puis traitement par 3 cycles de 8 jours de collyre mitomycine 0,04 %. d–f. Aspect post-thérapeutique avec disparition complète des lésions de carcinome in situ.
).
Carcinome épidermoïde invasif
Un envahissement de l'orbite est possible en cas de tumeur très évoluée. Un bilan avec IRM orbitaire doit être réalisé en cas de doute. L'envahissement intraoculaire est très rare et se voit surtout en cas d'immunodépression ou de type histologique agressif.
La classification pronostique TNM tient compte du diamètre, de l'épaisseur de la tumeur et de son extension locorégionale [ 23].
La prise en charge thérapeutique nécessite tout d'abord de réaliser un schéma préopératoire de la tumeur avec des mesures précises. L'exérèse chirurgicale complète de la lésion reste le traitement de référence. Elle sera réalisée de préférence sous anesthésie générale, avec une no touch technique . En cas de tumeurs adhérentes à la sclère, la réalisation d'une sclérectomie lamellaire préconisée par certains auteurs reste discutée car elle ne permet pas d'avoir des marges saines suffisantes pour se prémunir totalement du risque de récidive locale. En l'absence de traitement complémentaire, le risque de récidive locale d'un carcinome épidermoïde invasif après chirurgie seule est d'environ 40 %. Différentes techniques de radiothérapie adjuvante ont été rapportées pour diminuer ce risque de récidive locale : irradiation externe conventionnelle, curiethérapie ou protonthérapie [24-25-26]. En France, les indications sont posées en réunion de concertation pluridisciplinaire. La protonthérapie présente l'avantage de pouvoir irradier le volume tumoral initial avec une très grande précision. Une dose de 60 grays équivalent cobalt est délivrée en 8 fractions sur 2 semaines. Les résultats sont très satisfaisants, avec un taux de rechute locale après exérèse chirurgicale et protonthérapie complémentaire à 2 % et très peu de complications radiques, la complication la plus fréquente étant la cataracte. La curiethérapie peut être utilisée pour des petites tumeurs ou en cas de contre-indication de la protonthérapie (malade impotent ou psychiatrique). Les tumeurs envahissant le cul-de-sac relèvent plutôt d'une technique d'irradiation externe conventionnelle. La radiothérapie prophylactique des aires ganglionnaires peut aussi se discuter en fonction de l'étendue de la lésion initiale. En cas de carcinome mucoépidermoïde, le traitement chirurgical doit consister en une exérèse large car il est plus radiorésistant que le carcinome épidermoïde. L'évolution est souvent fatale en cas d'envahissement orbitaire.
L'intérêt de la biopsie du ganglion sentinelle a été évoquée, mais celle-ci serait surtout utile pour les tumeurs de grande taille, évoluées, ou de type histologique agressif (tumeurs à haut risque métastatique ganglionnaire).
Le suivi post-thérapeutique reste indispensable, à la recherche d'une récidive locale ou d'une évolution métastatique. Le TEP-scanner est un très bon examen pour réaliser le bilan d'extension d'un carcinome épidermoïde. La dissémination métastatique se fait avant tout par voie lymphatique au niveau des adénopathies locorégionales, avec un taux de métastase ganglionnaire retrouvé à 2 % dans la série publiée par Shields [27]. La dissémination métastatique viscérale est peu fréquente, sauf en cas d'atteinte tumorale évoluée avec envahissement orbitaire, d'immunodépression, ou de forme histologique particulièrement agressive.
En l'absence d'essai clinique spécifique aux carcinomes conjonctivaux, les indications des traitements systémiques suivront les recommandations thérapeutiques des carcinomes cutanés.
Au stade de maladie localisée sans dissémination métastatique, il n'y a pas d'indication à un traitement systémique sauf dans de rares cas non accessibles à un traitement conservateur d'emblée. Le traitement systémique, avec les mêmes médicaments qu'au stade métastatique, peut alors avoir une fonction néoadjuvante, réduisant le volume tumoral et ainsi la morbidité du geste.
Au stade métastatique, l'objectif du traitement est palliatif, visant à retarder la progression et améliorer la survie globale. La stratégie thérapeutique est pluridisciplinaire, dépendant de la présentation clinique, de l'état général du patient, de ses symptômes et de ses désirs. On associera souvent traitements locaux et systémiques. Les traitements locaux consistent en des traitements chirurgicaux ou de radiothérapie à visée symptomatique (décompression médullaire, radiothérapie antalgique, etc.). Le traitement systémique reposait classiquement sur la chimiothérapie associant des agents de type sels de platine, taxanes, antimétabolites. Plus récemment, les immunothérapies de type anti-PD1 (cémiplimab et pembrolizumab) ont montré une activité tout à fait intéressante, avec un taux de réponse d'environ 40 % pour une tolérance nettement meilleure, envisageables chez des patients du grand âge [28]. La recherche d'une infection HPV, en particulier dans un contexte immunodéprimé, doit être réalisée en prévision des évolutions futures d'immunothérapies spécifiques de ce virus amenées à se développer (fig. 5-37,
Fig. 5-37
a. Aspect en LAF d’un petit carcinome épidermoïde invasif bien différencié kératinisant. b. Coupe histologique HES × 40 de la lésion montrant une infiltration du chorion par des cellules avec atypies cytonucléaires marquées. Quelques mitoses sont observées. Il n’a pas été vu d’embole tumoral ou d’engainement périnerveux. La patiente a été traitée par exérèse chirurgicale et irradiation complémentaire par faisceaux de protons (60 Gy en 8 fractions).
fig. 5-38,
Fig. 5-38
Petit carcinome épidermoïde bien différencié kératinisant infiltrant le chorion.
fig. 5-39,
Fig. 5-39
Carcinome épidermoïde infiltrant apparu il y a 2 ans chez un homme de 67 ans avec en LAF une lésion limbique pigmentée, en relief avec dyskératose en surface.
fig. 5-40,
Fig. 5-40
Carcinome épidermoïde invasif en LAF avec un aspect de volumineuse lésion papillomateuse en relief, sessile, à cheval sur le limbe supérieur, ferme à la palpation avec gros vaisseaux nourriciers dilatés.
fig. 5-41,
Fig. 5-41
Récidive de carcinome épidermoïde invasif survenue 9 mois après une première exérèse en ville (exérèse initiale incomplète sans traitement complémentaire réalisé) chez un homme de 90 ans. Noter que la récidive se développe sous l’épithélium conjonctival, celui-ci restant d’aspect normal en surface. La prise en charge a consisté en une exérèse chirurgicale, reconstruction par greffe de membrane amniotique et irradiation complémentaire par faisceaux de protons.
fig. 5-42,
Fig. 5-42
a. Volumineux carcinome épidermoïde infiltrant bien différencié se présentant sous la forme de plusieurs nodules papillomateux confluents localisés à distance du limbe au niveau de la conjonctive nasale, du repli semi-lunaire et du cul-de-sac inférieur. b. Coupe histologique HES × 30 de la lésion montrant une lésion carcinomateuse infiltrant parfois très largement le chorion, de différenciation épidermoïde avec maturation sous la forme d’images dyskératosiques et d’ébauches de globes cornés. Les atypies cytonucléaires sont très importantes et les mitoses assez nombreuses, parfois anormales. Le traitement a consisté en une exérèse chirurgicale avec reconstruction par greffe de membrane amniotique et irradiation complémentaire par faisceaux de protons.
fig. 5-43,
Fig. 5-43
Lésion leucoplasique apparue il y a quelques mois chez une femme de 74 ans correspondant en anatomopathologie à un carcinome épidermoïde essentiellement in situ, avec infiltration débutante du chorion sous-jacent. Le traitement a consisté en une exérèse chirurgicale et irradiation complémentaire de contact (DARPAC).
fig. 5-44,
Fig. 5-44
Volumineux carcinome épidermoïde bien différencié kératinisant infiltrant avec épaississement papillomateux, induré de la conjonctive bulbaire nasale étendu jusqu’à la caroncule et aux culs-de-sac inférieur et supérieur en interne. Le traitement a compris une exérèse chirurgicale avec greffe de membrane amniotique et une irradiation complémentaire de contact (54 Gy en 18 séances).
fig. 5-45,
Fig. 5-45
Volumineux carcinome épidermoïde invasif du cul-de-sac conjonctival supérieur chez un homme de 68 ans, visible uniquement après retournement de la paupière supérieure.
fig. 5-46,
Fig. 5-46
Carcinome épidermoïde invasif localisé au niveau de la conjonctive palpébrale inférieure.
fig. 5-47,
Fig. 5-47
a. Aspect avant traitement d’un petit carcinome épidermoïde invasif limbique traité par chirurgie et protonthérapie. b. Aspect 6 ans après traitement avec de toutes petites télangiectasies conjonctivales post-radiques. Acuité visuelle (AV) 9,5/10e.
fig. 5-48,
Fig. 5-48
a. Aspect avant traitement d’un volumineux carcinome épidermoïde infiltrant cornéoconjonctival chez un homme de 80 ans. b. Aspect 6 ans après traitement-exérèse chirurgicale et irradiation complémentaire par faisceau de protons. AV réduite à CLD en raison d’une opacité cornéenne cicatricielle et d’une cataracte blanche.
fig. 5-49,
Fig. 5-49
a. Aspect avant traitement d’un carcinome épidermoïde invasif d’aspect nodulaire papillomateux et kératinisé chez un homme de 86 ans. Traitement par exérèse chirurgicale et curiethérapie par disque d’iode 125 de 12 mm (dose 60 Gy à 3 mm). b. Aspect 5 ans après traitement avec quelques télangiectasies conjonctivales post-radiques sur 4-5 heures. AV 8/10e.
fig. 5-50,
Fig. 5-50
a. Aspect avant traitement d’un volumineux carcinome épidermoïde invasif d’aspect nodulaire, papillomateux, localisé au niveau de la conjonctive palpébrale inférieure. Traitement par exérèse chirurgicale (uniquement lamelle palpébrale postérieure ; lamelle antérieure musculocutanée laissée en place) et irradiation complémentaire conventionnelle. b. Aspect post-thérapeutique avec quelques télangiectasies conjonctivales post-radiques, et chute des cils de la paupière inférieure.
fig. 5-51,
Fig. 5-51
a. Aspect avant traitement d’un carcinome épidermoïde invasif chez une femme de 45 ans. La lésion très leucoplasique en surface s’étend sur toute la conjonctive bulbaire nasale jusqu’au cul-de-sac inférieur. b. Aspect après traitement par exérèse chirurgicale, greffe de membrane amniotique et irradiation complémentaire conventionnelle.
fig. 5-52,
Fig. 5-52
a. Volumineux carcinome épidermoïde invasif confirmé par biopsie avec masse conjonctivale et palpébrale inférieure kératinisée en surface, évoluant depuis plus d’un an chez une femme de 67 ans. La masse est indurée à la palpation avec limitation de l’élévation du globe oculaire gauche à l’examen. b. Le bilan d’extension par scanner retrouve une masse palpébrale inférieure gauche de 15 mm adhérant au globe en avant et en inférieur, et au muscle droit inférieur et envahissant l’orbite en inférieur. c. Cette masse est hypermétabolique au TEP-scanner. Le traitement a consisté en une exentération orbitaire.
fig. 5-53,
Fig. 5-53
a. Aspect avant traitement d’un carcinome épidermoïde intéressant le cul-de-sac inférieur et la conjonctive palpébrale inférieure. b. Coupe histologique HES × 40 montrant un carcinome épidermoïde infiltrant indifférencié, agressif en raison des très nombreuses mitoses atypiques et des atypies cellulaires particulièrement marquées (noyaux très anisocaryotiques, souvent monstrueux). c. Aspect 1 an après traitement par exérèse chirurgicale, reconstruction par greffe de membrane amniotique et radiothérapie complémentaire de contact (54 Gy en 18 séances).
fig. 5-54
Fig. 5-54
Tuméfaction nodulaire orbitoconjonctivale indurée à croissance rapide chez une femme de 50 ans (lésion apparue il y a 2 mois et mesurant 18 mm en IRM). Aspect avant traitement en LAF (a) et en IRM coupe sagittale (b). Exérèse non transfixiante (lamelle postérieure) + reconstruction par greffe de membrane amniotique. c. Coupe histologique de la lésion HES × 15 montrant un carcinome muco-épidermoïde : la prolifération tumorale majoritairement malpighienne est bien différenciée. Il existe également plusieurs cellules mucosécrétantes (b). Les atypies nucléaires sont modérées à marquées (a) avec une anisocaryose franche, une chromatine hétérogène, des contours irréguliers. On note de nombreuses mitoses. Irradiation complémentaire conventionnelle basse énergie (DARPAC 54 Gy en 18 fractions). Apparition rapide d’une métastase ganglionnaire sous-angulo-maxillaire hypermétabolique au PET-scanner (d), traitée par curage ganglionnaire homolatéral complet et irradiation complémentaire. e. Aspect post-thérapeutique de la cicatrice conjonctivale.
).
Carcinome basocellulaire
Les carcinomes basocellulaires primitifs de la conjonctive sont extrêmement rares, avec seulement 9 cas publiés dans la littérature en 2014, tous sauf un étant situés au niveau de la caroncule [29]. L'aspect clinique ne permet pas en général de différencier le carcinome basocellulaire des autres tumeurs caronculaires malignes, et le diagnostic est souvent une découverte histologique. La prise en charge consiste en une exérèse chirurgicale complète. Dans certains cas, une radiothérapie complémentaire a été réalisée.
Bibliographie
[1]
Shields CL, Demirci H, Karatza E, Shields JA. Clinical survey of 1643 melanocytic and nonmelanocytic conjunctival tumors. Ophthalmology 2004 ; 111(9) : 1747-54.
[2]
Kaliki S, Arepalli S, Shields CL, et al. Conjunctival papilloma : features and outcomes based on age at initial examination. JAMA Ophthalmol 2013 ; 131(5) : 585-93.
[3]
Kothari M, Mody K, Chatterjee D. Resolution of recurrent conjunctival papilloma after topical and intralesional interferon alpha2b with partial excision in a child. J AAPOS 2009 ; 13(5) : 523-5.
[4]
Kalogeropoulos C, Koumpoulis I, Papadiotis E, et al. Squamous cell papilloma of the conjunctiva due to human papillomavirus (HPV) : presentation of two cases and review of literature. Clin Ophthalmol 2012 ; 6 : 1553-61.
[5]
Singh M, Gautam N, Gupta A. Interferon alfa-2b in the management of recurrent conjunctival papillomatosis. Indian J Ophthalmol 2016 ; 64(10) : 778-80.
[6]
Chang SW, Huang ZL. Oral cimetidine adjuvant therapy for recalcitrant, diffuse conjunctival papillomatosis. Cornea 2006 ; 25(6) : 687-90.
[7]
Kaeser PF, Uffer S, Zografos L, Hamédani M. Tumors of the caruncle : a clinicopathologic correlation. Am J Ophthalmol 2006 ; 142(3) : 448-55.
[8]
Oellers P, Karp CL, Shah RR, et al. Conjunctival keratoacanthoma. Br J Ophthalmol 2014 ; 98(2) : 275-6.
[9]
Jakobiec FA, Perry HD, Harrison W, Krebs W. Dacryoadenoma. A unique tumor of the conjunctival epithelium. Ophthalmology 1989 ; 96(7) : 1014-20.
[1]
Cicinelli MV, Marchese A, Bandello F, Modorati G. Clinical management of ocular surface squamous neoplasia : a review of the current evidence. Ophthalmol Ther 2018 ; 7(2) : 247-62.
[2]
Kamal S, Kaliki S, Mishra DK, et al. Ocular surface squamous neoplasia in 200 patients : a case-control study of immunosuppression resulting from human immunodeficiency virus versus immunocompetency. Ophthalmology 2015 ; 122(8) : 1688-94.
[3]
Honavar SG, Manjandavida FP. Tumors of the ocular surface : a review. Indian J Ophthalmol 2015 ; 63(3) : 187-203.
[4]
Kao AA, Galor A, Karp CL, et al. Clinicopathologic correlation of ocular surface squamous neoplasms at Bascom Palmer Eye Institute : 2001 to 2010. Ophthalmology 2012 ; 119(9) : 1773-6.
[5]
Ong SS, Vora GK, Gupta PK. Anterior segment imaging in ocular surface squamous neoplasia. J Ophthalmol 2016 ; 2016 : 5435092.
[6]
Singh S, Mittal R, Ghosh A, et al. High-resolution anterior segment optical coherence tomography in intraepithelial versus invasive ocular surface squamous neoplasia. Cornea 2018 ; 37(10) : 1292-8.
[7]
Gichuhi S, Macharia E, Kabiru J, et al. Clinical presentation of ocular surface squamous neoplasia in Kenya. JAMA Ophthalmol 2015 ; 133(11) : 1305-13.
[8]
Gimeno-Carrero M, Suarez-Fernandez MJ, Alonso-Martin B, et al. Conjunctival tarsal actinic keratosis treated with interferon alfa-2b : a rare case report and literature review. Case Rep Ophthalmol Med 2021 ; 2021 : 6616021.
[9]
Rowlands MA, Giacometti JN, Servat J, et al. Topical imiquimod in the treatment of conjunctival actinic keratosis. Ophthalmic Plast Reconstr Surg 2017 ; 33(1) : e21-3.
[10]
Höllhumer R, Williams S, Michelow P. Ocular surface squamous neoplasia : management and outcomes. Eye 2021 ; 35(6) : 1562-73.
[11]
Tabin G, Levin S, Snibson G, et al. Late recurrences and the necessity for long-term follow-up in corneal and conjunctival intraepithelial neoplasia. Ophthalmology 1997 ; 104(3) : 485-92.
[12]
Galor A, Karp CL, Oellers P, et al. Predictors of ocular surface squamous neoplasia recurrence after excisional surgery. Ophthalmology 2012 ; 119(10) : 1974-81.
[13]
Sudesh S, Rapuano CJ, Cohen EJ, et al. Surgical management of ocular surface squamous neoplasms : the experience from a cornea center. Cornea 2000 ; 19(3) : 278-83.
[14]
Li AS, Shih CY, Rosen L, et al. Recurrence of ocular surface squamous neoplasia treated with excisional biopsy and cryotherapy. Am J Ophthalmol 2015 ; 160(2) : 213-9.
[15]
Bahrami B, Greenwell T, Muecke JS. Long-term outcomes after adjunctive topical 5-flurouracil or mitomycin C for the treatment of surgically excised, localized ocular surface squamous neoplasia. Clin Exp Ophthalmol 2014 ; 42(4) : 317-22.
[16]
Nanji AA, Sayyad FE, Karp CL. Topical chemotherapy for ocular surface squamous neoplasia. Curr Opin Ophthalmol 2013 ; 24(4) : 336-42.
[17]
Venkateswaran N, Mercado C, Gador A, Karp CL. Comparison of topical 5-fluorouracil and interferon alfa-2b as primary treatment modalities for ocular surface squamous neoplasia. Am J Ophthalmol 2019 ; 199 : 216-22.
[18]
Shields CL, Constantinescu AB, Paulose SA, et al. Primary treatment of ocular surface squamous neoplasia with topical interferon alpha-2b : Comparative analysis of outcomes based on original tumor configuration. Indian J Ophthalmol 2021 ; 69(3) : 563-7.
[19]
Gupta A, Muecke J. Treatment of ocular surface squamous neoplasia with Mitomycin C. Br J Ophthalmol 2010 ; 94(5) : 555-8.
[20]
Gichuhi S, Macharia E, Kabiru J, et al. Topical fluorouracil after surgery for ocular surface squamous neoplasia in Kenya : a randomised, double-blind, placebo-controlled trial. Lancet Glob Health 2016 ; 4(6) : 30052-3.
[21]
Parrozzani R, Frizziero L, Trainiti S, et al. Topical 1 % 5-fluoruracil as a sole treatment of corneoconjunctival ocular surface squamous neoplasia : long-term study. Br J Ophthalmol 2017 ; 101(8) : 1094-9.
[22]
Siedlecki AN, Tapp S, Tosteson ANA, et al. Surgery versus interferon alpha-2b treatment strategies for ocular surface squamous neoplasia : a literature-based decision analysis. Cornea 2016 ; 35(5) : 613-8.
[23]
Yousef YA, Finger PT. Squamous carcinoma and dysplasia of the conjunctiva and cornea : an analysis of 101 cases. Ophthalmology 2012 ; 119(2) : 233-40.
[24]
Murthy R, Gupta H, Krishnatry R, Laskar S. Electron beam radiotherapy for the management of recurrent extensive ocular surface squamous neoplasia with orbital extension. Indian J Ophthalmol 2015 ; 63(8) : 672-4.
[25]
Arepalli S, Kaliki S, Shields CL, et al. Plaque radiotherapy in the management of scleral-invasive conjunctival squamous cell carcinoma : an analysis of 15 eyes. JAMA Ophthalmol 2014 ; 132(6) : 691-6.
[26]
Caujolle JP, Maschi C, Chauvel P, et al. [Surgery and additional protontherapy for treatment of invasive and recurrent squamous cell carcinomas : technique and preliminary results]. J Fr Ophtalmol 2009 ; 32(10) : 707-14.
[27]
Shields CL, Shields JA. Tumors of the conjunctiva and cornea. Surv Ophthalmol 2004 ; 49(1) : 3-24.
[28]
Boutros A, Cecchi F, Tanda ET, et al. Immunotherapy for the treatment of cutaneous squamous cell carcinoma. Front Oncol 2021 ; 11 : 733917.
[29]
Mihailovic N, Mühl S, Eter N. [Primary basal cell carcinoma of the caruncle]. Ophthalmologe 2019 ; 116(11) : 1034-7.