La plupart des tumeurs vasculaires de la conjonctive sont bénignes, et présentent un risque principalement esthétique, ou compressif en cas de lésion de grande taille ou à localisation orbitaire. Dans de rares cas, certaines lésions peuvent être malignes, comme les hémangiopéricytomes, détaillés plus loin.
La nomenclature utilisée est historique et repose principalement sur l'aspect clinique des lésions qui sont rarement réséquées, et pour lesquelles les données histologiques sont donc rares. Il peut exister une hétérogénéité sémantique entre différents cliniciens ou différents anatomopathologistes.
Lymphangiectasies et lymphangiomes
Les lymphangiectasies et lymphangiomes, lésions vasculaires bénignes, forment probablement un spectre continu parmi les lésions de la conjonctive [1]. Les lymphangiectasies correspondent à des vaisseaux lymphatiques dilatés et proéminents au niveau de la conjonctive (fig. 9-1
Fig. 9-1Lymphangiectasies conjonctivales.
). Il s'agit le plus souvent de lésions sporadiques, unilatérales. Elles sont caractérisées par la présence de vaisseaux lymphatiques linéaires à contenu clair ou sanguin, sans masse [2].
Lorsqu'elles prennent un aspect tumoral, on parle de lymphangiome. Ce dernier se présente sous la forme d'une masse conjonctivale rouge, molle, constituée de vaisseaux lymphatiques de taille variable, à contenu souvent hémorragique (fig. 9-2,
Fig. 9-2Lymphangiome conjonctival de petite taille.
). L'atteinte conjonctivale isolée est peu fréquente ; dans la plupart des cas, il s'agit de la partie superficielle visible d'un lymphangiome orbitaire, à rechercher systématiquement par IRM. Une atteinte des fosses nasales peut être associée et responsable d'une épistaxis. Un contexte de lymphangiomatose systémique héréditaire est possible mais rare.
Le plus souvent, les patients requièrent une surveillance régulière, et un traitement symptomatique uniquement en cas de complication locale hémorragique. Les petites lésions localisées peuvent facilement être réséquées chirurgicalement. L'exérèse des lésions plus étendues est souvent difficile et hémorragique. Quelques publications ont rapporté des résultats satisfaisants après traitement de lymphangiomes non opérables par curiethérapie, ou plus récemment par photo-occlusion laser [3].
Angiome capillaire
L'angiome capillaire infantile, lésion bénigne, apparaît rapidement après la naissance, grossit progressivement jusqu'à l'âge d'environ 2 ans, puis régresse lentement, de même que les angiomes capillaires palpébraux ou orbitaires auxquels il est parfois associé. Il se présente cliniquement comme une petite masse rouge plus ou moins étendue [2]. Les angiomes capillaires représentent environ 14 % des tumeurs vasculaires conjonctivales dans la série de 1643 cas de lésions conjonctivales rapportée par Shields et al. [1]. En histologie, il se caractérise par des proliférations de cellules endothéliales lobulaires séparées par un fin septum fibreux. La plupart des angiomes capillaires sont de petite taille et asymptomatiques, ne nécessitant qu'une surveillance (fig. 9-5
Fig. 9-5Angiome capillaire de la conjonctive tarsale.
). En cas de lésion plus étendue avec risque d'amblyopie, un traitement corticoïde oral, voire intralésionnel, peut accélérer la régression. Les β-bloquants oraux ou topiques ont été proposés pour traiter les angiomes capillaires orbitopalpébraux infantiles [4].
Angiome caverneux
L'angiome caverneux est une tumeur vasculaires conjonctivale rare et bénigne, d'aspect multilobulaire, rouge-bleuté, de dimension variable, et pouvant survenir à tout âge (fig. 9-6
Fig. 9-6Angiome caverneux conjonctival.
). Cliniquement, il peut être difficile à distinguer d'un lymphangiome. L'angiome est en général isolé, et plus rarement associé à un syndrome de Sturge-Weber, ou à une angiomatose diffuse néonatale [1 , 2]. Une surveillance est généralement proposée, ou une exérèse chirurgicale en cas de gêne. Si la limite postérieure de la lésion n'est pas visualisable cliniquement, une IRM orbitaire permet de déterminer son extension. En histologie, l'angiome caverneux est composé de veines congestives et dilatées séparées par du tissu conjonctif. Des cellules musculaires lisses peuvent être présentes dans les parois vasculaires [5].
Glomangiome
Le glomangiome est une lésion vasculaire bénigne relativement commune originaire du glomus neurovasculaire (structure spécialisée dans la thermorégulation). La localisation conjonctivale ou orbitaire antérieure est rare. L'aspect clinique est proche du lymphangiome avec une masse rouge-bleuté [6]. En histologie, le glomangiome est constitué de vaisseaux vides de sang, limités par des cellules cubiques similaires à ceux du glomus neurovasculaire. En immunohistochimie, ces cellules ne fixent pas les marqueurs spécifiques des cellules endothéliales, mais fixent les marqueurs antigéniques spécifiques du muscle. Une surveillance peut être proposée ou une exérèse chirurgicale.
Varice
Les varices conjonctivales sont généralement une extension antérieure de varices orbitaires. Ces lésions bénignes, bleu foncé, composées de vaisseaux dilatés, sont mobiles sur la sclère (fig. 9-7
Fig. 9-7Varice conjonctivale.
). En anatomopathologie, ces lésions sont formées de veinules dilatées, thrombosées et souvent hyalinisées. Les caractéristiques histologiques des varices, des lymphangiomes et des hémangiomes caverneux sont parfois difficiles à différencier. Ces lésions forment probablement un spectre continu de tumeurs vasculaires bénignes. En pratique, il est conseillé de surveiller les varices conjonctivales qui sont peu évolutives, compte tenu des risques hémorragiques d'une résection chirurgicale.
Hémangiopéricytome
L'existence de cette entité clinique correspondant à une tumeur dérivant des péricytes entourant les capillaires est débattue, et il pourrait s'agir d'une variante de tumeur fibreuse solitaire. Les hémangiopéricytomes sont plus fréquents dans l'orbite où ils se présentent comme une tumeur qui peut être bénigne ou maligne avec un risque métastatique. Elles sont rares dans la conjonctive. Cliniquement, ils se présentent sous la forme d'une lésion pédiculée rosée, pouvant avoir un prolongement postérieur orbitaire, et à croissance lente [2]. En histologie, on retrouve une prolifération de péricytes autour de vaisseaux sanguins.
Sarcome de Kaposi
N. Cassoux
Formes de la maladie et clinique
Le sarcome de Kaposi, décrit en 1872 par un dermatologue hongrois, est une maladie cutanéomuqueuse qui atteint principalement les personnes âgées de souche méditerranéenne d'origine juive. Dans cette population, la maladie est indolente et essentiellement cutanée. La forme muqueuse est très exceptionnelle. La forme africaine, décrite en 1950 en Afrique centrale et de l'Est, est plus agressive, pouvant s'accompagner d'adénopathie et d'une atteinte viscérale. Cette forme grave est souvent mortelle, mais l'atteinte muqueuse est rare. Une forme chez les sujets ayant une immunodépression iatrogène post-transplantation a été décrite en 1970. Dans cette forme, l'atteinte est cutanée et muqueuse ; les localisations ganglionnaires ou viscérales sont occasionnelles. Dans les années 1980, avec l'explosion de l'infection par le VIH chez les jeunes homosexuels, le nombre de malades atteints d'une maladie de Kaposi a fortement progressé. Elle touchait à l'époque environ 30 % des sujets atteints du sida à un stade d'immunodéficience marquée. L'atteinte est multiple et diffuse, touchant la peau et les muqueuses. L'évolution est extensive, avec une atteinte ganglionnaire et viscérale aboutissant rapidement au décès [7].
Toutes les lésions, quelle que soit leur forme, sont identiques cliniquement et histologiquement et sont liées à une infection par le virus herpès humain HHV8 qui a été découvert en 1994.
Dans le sarcome de Kaposi lié au sida, la transmission est sexuelle ou sanguine pour les patients toxicomanes. La sévérité de l'affection est liée à la gravité du déficit immunitaire et à l'état général. La forme la plus grave se manifeste chez des sujets ayant moins de 200 CD4 et ayant multiplié les infections opportunistes dans un mauvais état général.
L'incidence des atteintes liées au sarcome de Kaposi chez les patients atteints du VIH a considérablement chuté avec l'introduction des traitements antirétroviraux efficaces ( highly active antiretroviral therapy [HAART]). Avant cette période, l'atteinte cutanéomuqueuse du sarcome de Kaposi était relativement fréquente, posant de nombreux problèmes thérapeutiques.
Atteintes ophtalmologiques dans la forme liée au sida
En ophtalmologie, l'atteinte muqueuse touche toutes les muqueuses, y compris la conjonctive. L'atteinte de la conjonctive et des paupières est retrouvée chez 10 à 20 % des malades et peut être révélatrice de l'infection par le VIH. Au début, une lésion plate et violacée apparaît sur le versant cutané palpébral, ou le versant muqueux de la paupière ou de la conjonctive (fig. 9-8,
Fig. 9-8Patient atteint du sida non traité présentant une double localisation au niveau de la paupière inférieure (a).b. Tiers interne de la paupière inférieure. c. Tiers externe de la paupière inférieure.
Fig. 9-10Forme nodulaire d'un sarcome de Kaposi de la paupière inférieure.
). L'atteinte conjonctivale peut être révélée par des hémorragies sous-conjonctivales à répétition. La lésion augmente de taille pour devenir un nodule solide violacé (fig. 9-11
Fig. 9-11Atteinte nodulaire et diffuse de la paupière supérieure chez un patient atteint du VIH non traité.
). Le volume du nodule au niveau de la paupière peut gêner à l'ouverture des paupières.
L'analyse histologique révèle différents stades selon la classification de Dugel [8 , 9] :
type 1 : lésions plates avec dilatations vasculaires correspondant à des tubes à endothélium aplati sans mitoses entourées de cellules inflammatoires. Sur le plan clinique, ces lésions sont dites en patch ;
type 2 : multiplication de cellules fusiformes de type « endothélial » prenant tout le derme constituant des sortes de tubules. Des dépôts d'hémosidérine et d'amas hyalins éosinophiles sont classiques. Cela correspond cliniquement à une lésion en plaque palpable, qui va devenir nodulaire ;
type 3 : lésion tumorale hémorragique constituée de cellules endothéliales fusiformes avec noyau hyperchromatique et de nombreuses mitoses. Des réseaux de cellules fusiformes forment des lacs vasculaires. Ces lésions deviennent nécrotiques et hémorragiques.
Les cellules tumorales expriment des marqueurs endothéliaux CD31, CD34, mais aussi des marqueurs des muscles lisses, des macrophages ou des cellules dendritiques.
Physiopathologie
La physiopathologie de cette affection a fait l'objet de nombreuses études [10]. L'infection du sujet porteur d'un virus de la famille des gamma herpesviridae , le HHV8, est nécessaire à la genèse de la maladie. Cependant, le sarcome de Kaposi n'apparaît pas chez tous les sujets infectés. L'existence d'un déficit immunitaire est un des facteurs favorisant son apparition chez des receveurs d'organes transplantés. Chez les personnes infectées par le VIH, au déficit immunitaire s'ajoute un effet additionnel propre au VIH dans la genèse du sarcome de Kaposi. Dans ce cas, plus de la moitié des personnes infectées par les deux virus développent la maladie. La prise en charge thérapeutique du sarcome de Kaposi chez les personnes infectées par le VIH doit tenir compte de ces mécanismes et, dans un premier temps, s’attacher à traiter l’infection par le VIH [11].
Traitements
Les traitements comprennent l’excision des lésions les plus petites ou leur destruction par diverse méthodes comme la cryothérapie, le laser, les injections locales de bléomycine, la radiothérapie [12]. Tous ces traitements étaient assez décevants avant la révolution thérapeutique intervenue pour les patients atteints du VIH.
Le seul traitement efficace est la restauration immunitaire des patients, capable de faire totalement régresser les lésions. Pour les patients transplantés, la baisse des traitements immunosuppresseurs ou leur changement permet généralement de traiter les lésions. Depuis l’instauration des traitements anti-VIH efficace, l’incidence du sarcome de Kaposi a massivement baissé dans les pays qui disposent de ces traitements [13].
Tumeurs des tissus mous
C.Levy-Gabriel
Neurofibrome
Le neurofibrome se développe à partir des gaines des nerfs périphériques. De nature bénigne, sa croissance est très lente. On distingue le neurofibrome isolé qui, par définition, survient chez un patient sans antécédent de neurofibromatose des neurofibromes plexiformes entrant dans le cadre d'une neurofibromatose de type 1 (maladie de Recklinghausen ou NF1) [1-2-3]. La localisation conjonctivale ou caronculaire est très rare, avec très peu de cas publiés dans la littérature.
À l'examen l'aspect est celui d'une masse localisée au niveau du stroma conjonctival, ferme, jaunâtre, grisâtre, ou saumonée, le plus souvent sessile à limites floues, mais parfois décrite comme pédiculée au niveau de la caroncule. Le neurofibrome plexiforme conjonctival correspond souvent à l'extension antérieure d'un neurofibrome palpébral ou orbitaire. Son aspect est celui d'une masse plus diffuse, à bords mal définis, irrégulière avec un aspect de sac de vers. En histologie, le neurofibrome est composé de cellules de Schwann, de cellules de soutien, de cellules périneurales et de fibroblastes au sein d'un stroma myxoïde. La transformation maligne est très rare.
Une exérèse chirurgicale complète est en général préconisée en cas de neurofibrome isolé avec croissance progressive. En revanche, en cas de neurofibrome plus diffus ou plexiforme, l'exérèse chirurgicale complète peut être beaucoup plus complexe. Une attitude plus conservatrice, ou une chirurgie limitée à une simple réduction du volume tumoral peut alors être proposée.
Schwannome
Le schwannome (ou neurinome) se développe, comme le neurofibrome, à partir des gaines des nerfs périphériques, mais il est constitué majoritairement de cellules de Schwann (fig. 9-12
Fig. 9-12Schwannome chez une femme de 47 ans.Lésion constatée il y a 3 ans, peu évolutive. Patiente décrivant des douleurs de type ciliaire. a, b. Aspect en lampe à fente avec nodule induré, achrome, sous-conjonctival, adhérent à la sclère. c. L'échographie haute fréquence retrouve une tumeur avec effraction sclérale. d. Coupe HES × 20 montrant au niveau du chorion une prolifération tumorale assez bien limitée, constituée de cellules fusiformes. Celles-ci présentent des noyaux arrondis ou allongés. Il n'a pas été identifié de mitoses ni de nécrose. L'analyse immunohistochimique réalisée a montré que les cellules tumorales exprimaient diffusément la PS100, signant une origine nerveuse.
Fig. 9-13Neurinome.a. Lésion rosée en relief, sous-conjonctivale, fixe par rapport à la sclère, douloureuse à la pression. b. Aspect 7 ans plus tard avec une lésion globalement peu modifiée.
). Ces cellules fusiformes sont disposées en faisceaux courts ou entrelacés, avec des palissades nucléaires, des enroulements cellulaires et des nodules hyalins ou nodules de Verocay (zones A d'Antoni). Ces zones alternent avec des secteurs où les cellules sont disposées sur un fond plus lâche avec des cellules inflammatoires et des fibres de collagène (zones B d'Antoni). Cette tumeur bénigne, encapsulée, peut être isolée ou associée à une neurofibromatose de type 2 (NF2). La localisation conjonctivale est beaucoup plus rare que la localisation orbitaire, avec moins d'une dizaine de cas publiés dans la littérature. L'âge de survenue varie de 10 à 72 ans, sans prédilection de sexe.
La lésion se présente comme une masse indolore, de coloration jaunâtre ou rosée, en général bien circonscrite, située sous l'épithélium conjonctival, au niveau du stroma. Il existe parfois quelques vaisseaux nourriciers conjonctivaux ou épiscléraux. Une croissance très lente peut s'observer. L'exérèse chirurgicale peut être proposée en cas de gêne. L'exérèse de la tumeur doit alors être complète avec sa capsule pour éviter les récidives locales [4 , 5].
Fibrome
Le fibrome solitaire est une tumeur rare décrite initialement au niveau de la plèvre, puis dans de nombreux autres sites (poumon, médiastin, péricarde, péritoine, foie, etc.). Une cinquantaine de cas ont été décrits au niveau de l'orbite, mais seulement 3 cas publiés dans la littérature au niveau de la conjonctive, tous les trois bénins. À l'examen, le fibrome conjonctival se présente sous la forme d'une masse grise ou blanche stromale [6 , 7]. En histologie, le fibrome est constitué de fibroblastes et de collagène ; la tumeur est en général bien circonscrite. L'exérèse chirurgicale est conseillée.
Histiocytome fibreux
L'histiocytome fibreux (autrefois appelé fibroxanthome) est une tumeur composée de fibroblastes et d'histiocytes (fig. 9-14
Fig. 9-14Hystiocytome fibreux bénin chez une fillette de 8 ans.a. La lésion rose-brun est recouverte par un épithélium conjonctival intact et adhère à la sclère. b. Coupe histologique HES × 5,2 montrant un fragment de nature conjonctivo-scléral comportant, à la partie centrale, une lésion à cellules fusiformes. Celle-ci est constituée de quelques amas d'éléments fusocellulaires ou à noyau ovoïde parfois regroupés en courts faisceaux. Les atypies cytonucléaires sont minimes. L'index mitotique est négligeable. Il n'y a pas de réaction inflammatoire.
). Il peut être bénin, localement agressif ou malin [8-9-10]. Les histiocytomes fibreux malins (aussi nommés par certains auteurs sarcome pléomorphe indifférencié) sont caractérisés par un certain pléomorphisme et la présence d'une activité mitotique atypique. Moins de 40 cas d'histiocytome fibreux conjonctivaux (dont une majorité de bénins) ont été publiés dans la littérature, dont deux sont survenus chez des enfants présentant un xeroderma pigmentosum.
À l'examen, l'aspect de l'histiocytome fibreux conjonctival est peu caractéristique et difficile à différencier des autres tumeurs stromales non pigmentées. La lésion de coloration rouge à brun est ferme et fréquemment localisée au limbe avec extension à la cornée. L'exérèse chirurgicale complète de la lésion avec marges saines est conseillée, car même en cas d'histiocytome fibreux bénin, les récidives locales sont fréquentes lorsque l'exérèse est incomplète. En cas d'histiocytome fibreux malin, Kim et al. [9] proposent de réaliser une radiothérapie complémentaire. La dissémination métastatique de ces d'histiocytome fibreux malin est peu fréquente.
Lipome
Le lipome de localisation conjonctivale est rare. Il s'agit d'un lipome pléomorphe composé d'un tissu conjonctif lâche, myxoïde et de lipocytes souvent fusiformes [11 , 12]. Le lipome apparaît à l'âge adulte, et se présente comme une masse conjonctivale jaune, souple. L'aspect clinique peut poser un problème de diagnostic différentiel avec une hernie de graisse orbitaire, ou un myxome. Une exérèse chirurgicale peut être réalisée en cas de doute diagnostique ou de symptomatologie gênante.
Xanthogranulome juvénile
Le xanthogranulome juvénile (XGJ) est une affection idiopathique rare liée à la prolifération non maligne de cellules histiocytaires non langerhansiennes (fig. 9-15
Fig. 9-15Xanthogranulome limbique chez une petite fille de 2 ans.a. La lésion légèrement en relief est apparue brutalement 2 mois auparavant, non évolutive depuis. b. Coupe histologique HES × 20 montrant dans le chorion une prolifération de cellules d'aspect épithélioïde ou histiocytaire aux cytoplasmes souvent spumeux, xanthomateux. Il s'y associe de petits lymphocytes matures et quelques polynucléaires éosinophiles. Il n'a pas été observé de cellule géante multinucléée. Les immunomarquages confirment la nature histiocytaire des cellules (CD163 et CD68 positifs).
). L'atteinte oculaire irienne classique, compliquée d'hyphéma ou de glaucome, survient dans 0,3 à 10 % des cas. L'atteinte conjonctivale est rare (moins de 30 cas publiés dans la littérature en 2019). Bien que le XGJ soit une affection pédiatrique, l'atteinte conjonctivale peut se voir chez l'enfant, mais aussi chez l'adulte. Cliniquement, elle se présente comme une masse conjonctivale en relief, jaune, localisée au voisinage du limbe. L'éruption cutanée n'est pas toujours associée. En histologie, le XGJ est composé d'histiocytes, de cellules inflammatoires chroniques, et de cellules multinucléées (cellules géantes de Touton), avec un aspect typique d'anneau lipidique autour d'un foyer d'inflammation granulomateuse. L'exérèse chirurgicale est réalisée dans la plupart des cas, mais en cas d'atteinte diffuse, des traitements chimiothérapiques ou corticoïdes ont été réalisés avec des résultats satisfaisants [13-14-15-16-17].
Myxome
Le myxome est une tumeur bénigne d'origine mésenchymateuse (fig. 9-16
Fig. 9-16Lésion myxoïde cornéolimbique (myxome secondaire à une rupture chirurgicale de la membrane de Bowman).a. Lésion de croissance lente chez un homme de 55 ans ayant un antécédent de greffe endothéliale type DMEK 2 ans auparavant. Aspect de tuméfaction blanchâtre en relief développée aux dépens du limbe de 9 heures à 3 heures. b. Coupes histologiques HES × 10 montrant une lésion peu cellulaire avec des cellules stellaires et fusiformes disparates au sein d'un stroma myxoïde.
Source : Dr Frouin.
). La localisation la plus classique est cardiaque. La localisation conjonctivale est rare, avec moins de 40 cas publiés dans la littérature. La tumeur apparaît chez l'adulte et se présente sous la forme d'une masse jaune ou rose, souple et mobile, indolore en général, située au niveau de la conjonctive bulbaire [18]. Une atteinte cardiaque doit être systématiquement recherchée, car bien que la plupart des myxomes conjonctivaux soient isolés, ils peuvent parfois entrer dans le cadre d'un complexe de Carney, maladie autosomique dominante associant myxomes (cœur, peau), taches pigmentées de la peau et des muqueuses, suractivité endocrinienne et schwannomes.
En anatomopathologie, le myxome est une lésion peu cellulaire, avec des cellules stellaires et fusiformes disparates au sein d'un stroma myxoïde. Des vacuoles cytoplasmiques sont fréquemment retrouvées ; quelques mastocytes peuvent être présents. Les colorations spéciales et la microscopie électronique sont parfois nécessaires pour différencier cette tumeur d'un lipome ou d'un liposarcome, d'un neurofibrome myxoïde ou d'un rhabdomyosarcome. Le traitement consiste en général en une exérèse chirurgicale, mais les petites lésions asymptomatiques peuvent aussi être surveillées. Les récidives après exérèse chirurgicale sont rares et le pronostic excellent [18-19-20].
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