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Avant-propos

L'oncologie ophtalmique est une surspécialité dont l'individualisation est assez récente. Lorsque j'ai commencé mon internat dans les années 1970 et 1980, il y avait très peu d'oncologues ophtalmologistes et les patients avec une tumeur de l'œil étaient traités par des ophtalmologistes non spécialisés en oncologie. Il y avait peu de publications. Les premiers congrès spécialisés ont eu lieu à Cambridge en 1977, puis à Schwerin, en Allemagne de l'Est, en 1981, et à Nyon, en Suisse, en 1984.

Ce n'est qu'en 1992 qu'a été créé l'Ophthalmic Oncology Group (OOG) qui est le groupe européen d'oncologie oculaire. Ce groupe, d'abord créé au sein de l'EORTC, a été dissous à la fin des années 1990, puis récréé sous forme d'une association loi 1901 dont j'ai déposé les statuts en tant que présidente de l'époque.

En 2004 a été créé à Philadelphie par Jerry Shields l'ISOO, ou International Society of Ocular Oncology, dont j'ai eu l'honneur d'organiser en 2015 le congrès international à Paris.

Ces sociétés internationales ont la particularité de rassembler un petit nombre de spécialistes dans chaque pays qui se croisent régulièrement et se connaissent bien.

Ma carrière en oncologie a débuté à New York en 1977 au Edward Harkness Eye Institute où j'ai côtoyé les plus grands spécialistes du rétinoblastome (Bob Ellsworth et David Abramson) dans l'un des premiers services d'oncologie oculaire.

De retour en France, j'ai eu la chance d'être la première au monde à avoir pu développer un service d'oncologie ophtalmique à l'Institut Curie dans un centre anticancéreux, ce qu'ont fait ensuite David Abramson à New York et Dan Gombos à Houston. L'Institut Curie avait pris en charge le traitement des tumeurs de l'œil depuis les années 1940 avec les professeurs Dollfuss puis Haye. Cette antériorité a facilité mon intégration à Curie et le développement des traitements conservateurs et de la protonthérapie a rapidement augmenté le nombre de patients pris en charge. L'univers très spécifique des centres anticancéreux permet d'assurer aux patients une prise en charge multidisciplinaire et facilite la recherche clinique.

En 2010, l'Institut national du cancer (INCa) a lancé son deuxième appel d'offres pour la structuration des soins pour les cancers rares, et c'est donc sous l'égide de l'INCa que j'ai développé en 2011 un réseau de prise en charge du mélanome choroïdien, MELACHONAT, dont les membres ont activement participé à ce rapport. Ce groupe de travail, maintenant sous la direction du Pr Cassoux, a des réunions de concertation hebdomadaires par web et des référentiels de traitement pour garantir à tous les patients une prise en charge optimale.

L'oncologie ophtalmique concerne des pathologies rares, mais elle partage avec la neuro-ophtalmologie la possibilité de concerner des affections d'une gravité particulière mettant en jeu le pronostic vital.

En matière de cancérologie, tout retard au diagnostic peut être délétère et les tumeurs de l'œil ne font pas exception. C'est dire si le rôle de l'ophtalmologiste est important pour détecter ces tumeurs précocement et adresser rapidement les patients dans des centres de référence. La prise en charge d'une tumeur maligne de l'œil doit mettre en balance le bénéfice et le risque du traitement pour le patient sachant que le contrôle tumoral est primordial pour le pronostic vital qui est notre première préoccupation. Le but du traitement est donc de préserver la vie du patient et aussi, si possible, de conserver l'œil et la vision.

L'autre particularité de l'oncologie ophtalmique est que la prise en charge des tumeurs nécessite une équipe pluridisciplinaire où chaque spécialiste joue un rôle et où une concertation régulière est indispensable.

Le rapport SFO 2002 sur l'oncologie oculaire rédigé par le Pr Leonidas Zografos et son équipe était remarquable et avait colligé une énorme quantité de connaissances sur les tumeurs intraoculaires.

Nous avons, avec Nathalie Cassoux, rédigé ce rapport 2022 avec pour objectif de mettre à jour ces connaissances avec les données les plus récentes, de donner aux ophtalmologistes un atlas et un guide pratique pour faciliter le diagnostic des tumeurs de l'œil, et aussi de bien montrer les particularités de la prise en charge oncologique ainsi que le rôle de la pluridisciplinarité.

Je tiens à remercier la SFO de nous avoir confié ce travail et tous les auteurs qui ont travaillé pour réaliser ce rapport. Nous espérons que ce but sera atteint et que vous aurez plaisir à utiliser ce livre ainsi que l'application.

Laurence Desjardins