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Chapitre 3
Pharmacocinétique oculaire

F. Delie, P. Furrer

L'essentiel
  • La pharmacocinétique oculaire étudie l'influence des barrières statiques et dynamiques sur la biodisponibilité oculaire des médicaments administrés par différentes voies.
  • Elle étudie l'absorption, la distribution, le métabolisme et l'élimination (ADME) d'un médicament.
  • Elle permet de connaître les concentrations de médicaments dans les différents compartiments et tissus de l'œil ainsi que leur demi-vie, en fonction de la dose et de la voie d'administration, paramètres indispensables à une prescription adaptée et efficace.
  • Du fait des petits volumes oculaires et de la difficulté de réaliser des dosages oculaires longitudinaux, les études chez l'homme sont rares. Les études sont réalisées chez l'animal et plus souvent chez le lapin ou sur des systèmes de cornée ex vivo, pour ce qui concerne l'instillation.
  • Les modélisations pharmacocinétiques, particulièrement pour ce qui concerne le segment postérieur, restent limitées et complexes.
  • Les paramètres pharmacocinétiques peuvent être modulés par la variabilité interindividuelle des transporteurs et des enzymes dans les tissus oculaires, du fait de déterminismes génétiques, mais aussi de l'âge, de la pigmentation des tissus et des pathologies oculaires.
Aspects généraux de pharmacocinétique
Pour déployer ses effets thérapeutiques, un principe actif (PA) doit atteindre son site d'action et y rester un certain temps avant d'être éliminé. Le sort du PA est donc aussi important que son activité pharmacologique intrinsèque. La pharmacocinétique correspond à l'étude du sort des principes actifs dans l'organisme en fonction du temps [ 1]. Elle s'intéresse à l'évolution des concentrations d'un médicament et de ses métabolites éventuels après son administration. Cette connaissance aide à établir des schémas posologiques (fixation de la dose administrée et de la fréquence d'administration), afin de minimiser les effets secondaires indésirables et d'optimiser l'effet thérapeutique d'un médicament.
Cette étude de la cinétique du médicament dans le sang, les tissus et les fluides biologiques tels que les larmes et l'humeur aqueuse conduit à la détermination de divers paramètres – temps de demi-vies (t½), volumes de distribution (Vd), constantes de vitesse d'élimination, clairances, concentrations maximales et (bio)disponibilité –, ainsi qu'à l'établissement de modèles dits « pharmacocinétiques» pouvant être interprétés mathématiquement et permettant de simuler le devenir du médicament dans différentes conditions d'administration.
On peut opposer dans une définition simple la pharmacodynamie et la pharmacocinétique : la pharmacodynamie étudie l'action du médicament sur l'organisme alors que la pharmacocinétique étudie l'effet de l'organisme sur le médicament.
Dans la pharmacocinétique, on distingue quatre étapes ou phases chronologiques différentes, à savoir l'absorption, la distribution, la métabolisation et l'élimination (encadré 3-1
Encadré 3-1
Phases de la pharmacocinétique
Les quatre phases pharmacocinétiques sont :
  • l'absorption, transfert du principe actif du site d'administration à la circulation générale;
  • la distribution, transfert réversible d'une substance entre les différents organes;
  • le métabolisme (biotransformation) du principe actif par modification de sa structure chimique (formation de métabolites);
  • l'élimination ou excrétion, épuration de la forme inchangée.
).
Absorption, distribution, métabolisme, élimination (ADME) d'un médicament
Absorption
L'absorption ou résorption est le passage d'un médicament à travers un tissu ou une membrane biologique depuis son site d'administration vers la circulation générale (sang). L'absorption dépend de la voie d'administration, qui peut être : oculaire, nasale, perlinguale, orale, gastrique, intestinale (ou gastro-intestinale), rectale, transcutanée, sous-cutanée, intramusculaire, etc. L'absorption dépend également des caractéristiques physicochimiques du médicament.
  • Seules les molécules dissoutes sont absorbées; l'hydrosolubilité est donc une condition sine qua non à l'absorption.
  • Seules les molécules de petite taille (poids moléculaire < 500 g/mol) sont absorbées. La liaison des molécules à des protéines plasmatiques ou tissulaires présentes dans les fluides biologiques est un frein à leur absorption.
  • Le coefficient de partage LogP (P étant la partition de la molécule entre un liquide polaire, une solution aqueuse tamponnée à pH 7,4, et une phase organique apolaire, typiquement l'octanol) est le reflet de la liposolubilité de la forme non ionisée du médicament. Plus le LogP est élevé, plus la molécule est liposoluble et peut traverser les membranes phospholipidiques des cellules. Un équilibre est donc nécessaire entre l'hydrosolubilité et la liposolubilité , la première étant un gage de dissolution dans les fluides biologiques, la seconde permettant la diffusion à travers les membranes biologiques, sans y être piégé.
  • La constante d'acidité, pKa, conditionne l'état d'ionisation des molécules. Le pKa correspond à la valeur de pH du milieu biologique pour laquelle les concentrations des formes ionisées et non ionisées du médicament sont égales; et seule la fraction non ionisée, plus liposoluble, traversera les membranes.
Le passage transmembranaire peut se faire par différents mécanismes (fig. 3-1
Fig. 3-1
Mécanismes du passage transmembranaire à travers la muqueuse intestinale.
) :
  • la diffusion passive , mode de transfert le plus courant, ne nécessite pas d'énergie et suit un gradient de concentration : les molécules dissoutes se déplacent du milieu où elles sont le plus concentrées vers le milieu le moins concentré. Cette diffusion peut se faire entre les cellules (transport paracellulaire) ou à travers les cellules (transport transcellulaire);
  • le transport actif , par l'intermédiaire d'un transporteur membranaire, nécessite de l'énergie et s'opère contre un gradient de concentration. Il est spécifique d'une substance et peut être inhibé de façon compétitive ou non. On parle de transport actif d'efflux pour désigner un mécanisme par lequel les cellules rejettent à l'extérieur des composés toxiques grâce notamment à des glycoprotéines-P (gp-P). Cet efflux s'oppose à l'administration de médicaments et se rencontre notamment sur la barrière hémato-encéphalique;
  • la diffusion facilitée est un cas intermédiaire entre la diffusion passive et le transport actif. Comme la première, elle suit un gradient de concentration, mais comme le second, elle doit emprunter une protéine transmembranaire (canal ou transporteur) et est saturable.
On parle d'effet de premier passage pour désigner le captage, la dégradation et la métabolisation de médicaments par les premiers organes traversés (foie, poumons, etc.) avant le passage dans la circulation générale. Cet effet s'oppose donc à l'absorption. Lors d'une administration orale, par exemple, le principe actif peut être dégradé par le suc gastrique (c'est le cas par exemple des médicaments peptidiques) par les enzymes et les bactéries intestinales, ou par le foie. On parle alors d'effet de premier passage. Tout effet de premier passage entraîne la diminution de la disponibilité systémique du médicament.
Distribution
La distribution décrit le processus de transfert réversible de substances actives entre les différents organes (généralement à partir de la circulation sanguine vers l'ensemble des tissus et organes). La vitesse de distribution d'une substance active va conditionner l'équilibre qui s'établit entre ses concentrations dans le sang et dans les tissus de l'organisme. Dans le cas d'une distribution très rapide (fig. 3-2
Fig. 3-2
Distribution rapide d'un médicament décrite par un modèle monocompartimental (a) et lente correspondant au modèle bicompartimental (b).
), par rapport à l'élimination, on peut faire l'hypothèse qu'à chaque moment la concentration plasmatique (dans le compartiment central, fig. 3-2
Fig. 3-2
Distribution rapide d'un médicament décrite par un modèle monocompartimental (a) et lente correspondant au modèle bicompartimental (b).
, B) est proportionnelle à la concentration tissulaire (dans le compartiment périphérique, fig. 3-2
Fig. 3-2
Distribution rapide d'un médicament décrite par un modèle monocompartimental (a) et lente correspondant au modèle bicompartimental (b).
, T). Il existe donc un vrai équilibre (qui se voit par le parallélisme des droites d'élimination); au contraire de la distribution lente lors de laquelle les concentrations plasmatiques observées ne reflètent pas la situation tissulaire (les courbes d'élimination ne sont pas parallèles au début). Ce n'est qu'après un certain temps qu'un « pseudo-équilibre» s'établit entre le système vasculaire et les tissus, ces derniers faisant office de réservoir de médicament. La cinétique est alors décrite par un modèle à deux compartiments. Le paramètre pharmacocinétique qui décrit le processus de distribution est le volume apparent de distribution (Vd) Volume de distribution dont l'unité habituelle est le litre (ou le litre par kilogramme de poids corporel). Le Vd est la relation entre la quantité de médicament présente dans l'organisme et la concentration mesurée dans un liquide biologique (généralement le sang ou le plasma). Le Vd représente la capacité d'un médicament de diffuser dans l'organisme et permet de quantifier la répartition d'un médicament au niveau tissulaire : plus il est important, plus la distribution est intense. Malgré son nom, le Vd n'a pas, en général, de signification physiologique. Cependant, il peut donner une indication sur les différents liquides dans lesquels le principe actif est distribué. Un petit Vd (de l'ordre de 3 litres par exemple) indique que le principe actif reste essentiellement dans le plasma alors qu'un grand Vd, excédant le volume corporel, indique une fixation tissulaire importante; l'halopéridol a par exemple un Vd d'environ 1500 litres chez l'adulte. C'est pourquoi le terme de « volume apparent de distribution» est utilisé pour indiquer qu'il ne s'agit pas d'un vrai volume mais d'un volume virtuel. Le Vd est fonction de la perfusion sanguine des organes, ainsi que de la liaison du médicament aux protéines plasmatiques et aux composantes tissulaires, car seule la fraction libre, non liée, peut traverser les membranes et se distribuer dans les tissus. Les paramètres influant sur l'absorption (taille, polarité, hydrophilie) conditionnent également la distribution.
Métabolisme
Le métabolisme correspond à la biotransformation d'un médicament par les systèmes enzymatiques de l'organisme, notamment ceux du foie (et de ses cytochromes P450), qui génèrent des métabolites, parfois inactifs, parfois actifs pharmacologiquement (cas des benzodiazépines). Dans quelques rares cas, d'autres organes que le foie peuvent jouer un rôle métabolique important. Ainsi, la vitamine D est activée par métabolisme dans les reins. Le métabolisme évite la rémanence de médicaments dans l'organisme et peut être considéré comme une étape de détoxification. Dans une première phase, des réactions biochimiques d'oxydation, de réduction ou d'hydrolyse ont lieu et impliquent une modification de la structure chimique du médicament lui-même. Durant la seconde phase, l'adjonction d'une autre molécule au médicament rend ce dernier plus hydrophile et facile à éliminer par les reins. L'imipramine est ainsi hydroxylée dans la phase 1 du métabolisme, puis glucuroconjuguée (addition d'acide glucuronique) dans la phase 2. Les enzymes de biotransformation des médicaments sont présentes en quantité limitée, mais variable dans les hépatocytes. Cette quantité dépend de facteurs génétiques, physiopathologiques (par exemple âge du patient, insuffisance hépatique), ou environnementaux (par exemple comédications, nourriture ingérée). La biotransformation est sujette à inhibition (par exemple lors de la co-administration de deux médicaments métabolisés par la même enzyme et entrant en compétition l'un contre l'autre) ou à induction (par exemple les anti-épileptiques tels que la carbamazépine augmentent la synthèse d'enzymes hépatiques, ce qui accélère leur propre métabolisme).
Élimination
L'essentiel de l'élimination des médicaments a lieu par voie rénale sous forme inchangée ou de métabolites. Certaines substances sont éliminées par voie fécale, lacrymale (cas de la rifampicine se fixant sur les lentilles de contact) ou pulmonaire (exemple connu de l'alcool dosable par éthylomètre). Contrairement aux phénomènes de biotransformation, l'excrétion rénale est pratiquement identique chez tous les individus en bonne santé. Les étapes impliquées dans l'excrétion rénale sont la filtration glomérulaire, la sécrétion tubulaire active et la réabsorption tubulaire passive. Pour les médicaments, on connaît essentiellement trois causes de modification de l'excrétion rénale : l'insuffisance rénale, la diminution de la fonction rénale avec l'âge ou certaines interactions médicamenteuses modifiant le pH urinaire. La clairance est le paramètre pharmacocinétique décrivant la capacité d'élimination des médicaments et de leurs métabolites de l'organisme. Elle se réfère au volume de sang totalement épuré d'un médicament par unité de temps et s'exprime en volume/temps, par exemple ml/h. On normalise parfois par rapport au poids corporel, par exemple ml/(h × kg). La clairance hépatique et la clairance rénale expriment respectivement la capacité du foie et du rein d'éliminer un médicament donné. La clairance dépend du débit sanguin de l'organe d'élimination et de la capacité enzymatique de cet organe (clairance intrinsèque). La clairance indique la fraction du volume de distribution épurée par unité de temps. À volume de distribution constant, la clairance est inversement proportionnelle au temps de demi-vie d'élimination (t ½), correspondant au temps nécessaire pour diminuer de moitié les concentrations plasmatiques du médicament.
Biodisponibilité systémique et oculaire
La biodisponibilité est définie par la quantité de principe actif qui atteint la circulation générale après administration de la forme médicamenteuse étudiée et par la vitesse avec laquelle le principe actif y parvient. La biodisponibilité est donc la fraction de la dose du médicament administrée qui atteint la circulation générale sous forme inchangée et la vitesse à laquelle elle l'atteint. On distingue :
  • la biodisponibilité absolue : caractéristique du médicament, elle se détermine en comparant les taux sanguins après administration par voie intraveineuse et par voie extravasculaire (par exemple voie orale);
  • la biodisponibilité relative : caractéristique de la forme galénique, elle se calcule en comparant les taux sanguins après administration d'une forme extravasculaire (par exemple orale) à tester et d'une forme de référence (non intraveineuse).
La biodisponibilité peut se visualiser sur des profils plasmatiques et des graphiques suivant les concentrations plasmatiques au cours du temps (fig. 3-3
Fig. 3-3
Profil plasmatique d'un médicament.
Évolution des concentrations plasmatiques au cours du temps, et les trois paramètres permettant d'évaluer la biodisponibilité : l'aire sous la courbe (ASC, surface violette) et le pic plasmatique composé de la concentration maximale (C max) et du temps (Tmax) lors duquel cette concentration est maximale. L'équation de la courbe est donnée (Cp : concentration plasmatique; F : fraction de la dose absorbée; Vd : volume de distribution; k a : constante de vitesse d'absorption; k e : constante de vitesse d'élimination). Les points bleus sont les valeurs expérimentales, la courbe rouge, les valeurs extrapolées.
). Après administration intraveineuse, l'aire sous la courbe (ASC) correspond à une biodisponibilité qui, par définition, est de 100 %. Après administration buccale, l'ASC correspond à une biodisponibilité identique dans les meilleurs cas, généralement plus faible, parfois nulle (cas d'un médicament non absorbé).
Les métriques pharmacocinétiques utilisées pour mesurer la biodisponibilité d'une substance contenue dans un médicament sont l'ASC, la concentration plasmatique maximale (C max) et le temps auquel cette concentration maximale est mesurée (temps du pic plasmatique : T max).
Lorsque deux formes galéniques d'un même médicament présentent la même biodisponibilité, on dit qu'elles sont bioéquivalentes, et donc interchangeables. Pour qu'il y ait bioéquivalence, il faut donc que, sur un profil plasmatique, les courbes du médicament à tester et celles du médicament de référence soient superposées, dans la limite de variations admises. Les valeurs d'ASC, de C max et de T max sont donc semblables. Il est à noter que, dans le cas des médicaments topiques, par exemple des collyres mydriatiques, dans le profil plasmatique, la concentration peut être remplacée par la mesure quantitative de l'effet pharmacodynamique significatif, dans ce cas la mydriase.
Les études de bioéquivalences sont requises pour la mise sur le marché de génériques, ou pour toute modification significative de la fabrication du médicament (changement de dosage, de procédé de fabrication ou de formulation et de site de production).
Spécificités de la pharmacocinétique oculaire
Influence des barrières oculaires
L'œil, organe unique de la vision, est protégé de l'environnement extérieur par plusieurs barrières efficaces permettant la régulation de l'environnement des tissus oculaires, essentielle pour le maintien de la vision normale. Ces barrières influencent la biodisponibilité oculaire. La figure 3-4
Fig. 3-4
Représentation schématique des barrières de l'œil (adapté de [2]).
En orange, les barrières du segment antérieur, en bleu, celles du segment postérieur.
Source : Cyrille Martinet.
résume les différentes barrières oculaires physiologiques ainsi que les voies d'administration à visée oculaire.
Les barrières rencontrées lors de l'administration de principes actifs dans l'œil sont de nature métabolique, chimique et biologique.
Barrières métaboliques
La barrière métabolique est essentiellement représentée par des enzymes comme le cytochrome P450, les estérases, l'aldéhyde-oxhydrase, la cyclo-oxygénase, les transférases, etc. trouvées dans les tissus de l'œil (cornée, humeur aqueuse, vitré, iris-corps ciliaire, rétine, cristallin). Les enzymes vont catalyser une réaction métabolique qui transforme le principe actif en métabolites qui peuvent être moins actifs, voire inactifs.
Barrières physicochimiques
Les barrières physicochimiques dépendent directement de la nature de la molécule administrée. Ce sont les propriétés physicochimiques de la molécule elle-même (poids moléculaire, solubilité, forme cristalline, pKa, degré d'ionisation, etc.) qui conditionnent son interaction avec le milieu et les structures biologiques environnantes. En particulier, la solubilité dans le milieu aqueux dicte la concentration maximale que l'on pourra administrer. La structure chimique définit également la stabilité du principe actif. La balance hydrophile/lipophile (LogP) est un facteur primordial dans la diffusion des molécules à travers la cornée.
Barrières biologiques
Dans les barrières biologiques, on distingue les barrières statiques (cornée, épithélium et jonctions serrées; conjonctive) et les barrières dynamiques telles que les larmes, le clignement des paupières et le drainage nasolacrymal. Les barrières dynamiques sont les plus restrictives [3].
Film lacrymal et clignement de paupières
Le réflexe palpébral et la dilution dans le liquide lacrymal sont les principales barrières à la diffusion de substances actives administrées par instillation. En effet, les larmes entraînent l'évacuation de la préparation et sa dilution. Le liquide est rapidement évacué sur les joues ou par les canaux nasolacrymaux, entraînant une résorption systémique à partir des fosses nasales.
Cornée
Paradoxalement, la cornée est la barrière principale, mais aussi le site majeur d'absorption pour l'administration dans la chambre antérieure. La cornée est un tissu très imperméable, plus que l'intestin, les poumons ou la muqueuse nasale [4]. Elle se compose d'une alternance d'une couche lipophile (l'épithélium à l'extérieur et l'endothélium à l'intérieur) entourant le stroma hydrophile. L'épithélium comprend plusieurs couches cellulaires étroitement liées par des jonctions serrées qui limitent le passage des molécules hydrophiles. Le stroma, quant à lui, ralentit la diffusion des substances actives lipophiles. Malgré cela, la perméation transcornéenne est la voie principale de passage des substances actives vers l'humeur aqueuse. La structure de la cornée implique que, pour la traverser, les molécules devront présenter des propriétés idéalement amphiphiles, c'est-à-dire qu'elles devront présenter une certaine lipophilie pour pénétrer la couche cellulaire de l'épithélium et de l'endothélium, tout en restant hydrophiles pour pouvoir traverser le stroma.
Conjonctive et sclère
La conjonctive est plus perméable que la cornée, en particulier pour les molécules hydrophiles de haut poids moléculaire. La surface d'échange avec l'extérieur est à peu près 17 fois supérieure à celle de la cornée. Cependant, le passage par la conjonctive ou la sclère conduit à une résorption sanguine avec peu de perméation vers l'œil. Pour certaines substances telles que les inhibiteurs de l'anhydrase carbonique, la voie transsclérale a été décrite comme majoritaire [ 5]. Pour atteindre le segment postérieur, après administration systémique, une molécule doit pénétrer la barrière sang-œil qui sépare l'œil du reste du corps. La barrière hémato-oculaire comprend la barrière hémato-aqueuse et la barrière hématorétinienne.
Barrière hémato-aqueuse
Cette barrière se compose des cellules endothéliales de l'uvée. Elle permet le passage de petites molécules lipophiles. L'intégrité de la barrière est compromise lors d'inflammations, rendant ainsi possible le passage de certaines molécules.
Barrière hématorétinienne
Cette barrière est composée de l'épithélium pigmentaire (EP) et l'endothélium des capillaires rétiniens. Les xénobiotiques peuvent atteindre aisément l'espace choroïde extravasculaire, mais la diffusion est ensuite limitée par l'EP.
Influence de la physicochimie des médicaments
Les propriétés physicochimiques de la molécule elle-même (poids moléculaire, solubilité, forme cristalline, pKa, degré d'ionisation, surface polaire, etc.) influencent son absorption. En particulier, la solubilité dans le milieu aqueux va dicter la concentration maximale que l'on pourra administrer. La structure chimique va aussi conditionner la stabilité de la substance active. La balance hydrophile/lipophile est mesurée par le LogP, facteur primordial dans la diffusion des molécules à travers toute membrane biologique, en particulier la cornée, la conjonctive et les barrières hémato-oculaires. La lipophilie idéale selon des études faites sur cultures de cellules serait un LogP de 2 à 3 [6 , 7]. Une trop grande lipophilie (LogP élevé) se traduit par une rétention dans l'épithélium cornéen et une difficulté à traverser le stroma de nature hydrophile. Tout en étant légèrement lipophile, idéalement, la substance active devrait être soluble dans l'eau, car seules les molécules solubilisées dans le film lacrymal pourront passer à travers la barrière cornéenne.
De manière générale, les substances actives utilisées en ophtalmologie sont celles utilisées par voie systémique, typiquement développées pour la voie orale, simplement reformulées pour la voie oculaire. Cependant, pour certains principes actifs, des études s'attachant à optimiser les propriétés physicochimiques ont été entreprises pour obtenir des dérivés plus adaptés à l'administration sur l'œil [8]. On distingue, parmi ces nouvelles molécules, les dérivés qui sont actifs par eux-mêmes et les promédicaments qui sont des dérivés chimiques ne présentant pas d'activité pharmacologique par eux-mêmes, mais qui, en milieu biologique, sont transformés en molécules actives.
Les stratégies d'amélioration des substances actives sont essentiellement tournées vers l'augmentation de la lipophilie, pour favoriser la perméation transcornéenne, ou l'augmentation de la solubilité aqueuse, pour permettre la formulation de collyres aqueux. Par exemple, l'introduction chimique d'hétérocycle peut augmenter la lipophile et améliorer la perméabilité. De même, diminuer le nombre de groupements donneurs d'hydrogène va aussi favoriser le passage transmembranaire. Cette stratégie permet aussi de diminuer l'affinité avec la gp-P, pompe d'efflux majeure.
Un promédicament est formé par la dérivatisation chimique d'un principe actif pour en modifier les propriétés physicochimiques (la lipophilie, la solubilité, l'ionisation et/ou la stabilité) afin d'améliorer sa perméabilité et sa biodisponibilité, ou de favoriser son hydrosolubilité pour obtenir une formulation aqueuse stable.
Les promédicaments sont développés essentiellement pour améliorer les propriétés de molécules ayant de mauvaises caractéristiques de perméation, des problèmes de stabilité en milieu oculaire ou ne pouvant pas être formulées à cause d'une mauvaise solubilité en milieu aqueux. Chimiquement, les promédicaments se composent de la substance active couplée de façon covalente à une partie « vecteur» en présence ou non d'un bras intercalant, encore appelé spacer (fig. 3-5
Fig. 3-5
Schéma général du principe de promédicament.
PA : principe actif.
). Pour être actif, le promédicament doit être hydrolysé par voie chimique ou enzymatique de façon à redonner la substance active pour qu'elle agisse sur sa cible; cette étape est appelée bioconversion ou bioréversion (voir fig. 3-5
Fig. 3-5
Schéma général du principe de promédicament.
PA : principe actif.
). Lors de la conception du promédicament, le choix du « vecteur» peut se faire en fonction d'un simple changement de lipophilie/hydrophilie, ou faire appel à des processus plus sophistiqués dans lesquels le vecteur interagit avec des récepteurs transmembranaires ou des transporteurs métaboliques présents à la surface des membranes des cellules cibles. Les promédicaments peuvent être bioconvertis à l'extérieur de l'œil, dans les larmes ou dans les tissus oculaires plus profonds après résorption, à différents niveaux. On peut envisager une hydrolyse chimique (en fonction du pH, par exemple), mais cela peut engendrer des problèmes de stabilité lors de la formulation. On préfère s'orienter vers une hydrolyse enzymatique qui permet de mieux cibler les tissus et ne pose pas de problème de stabilité lors du stockage de la formulation.
Les parties greffées sont le plus souvent des acides aminés, des petits peptides, des vitamines qui présentent l'avantage d'être biocompatibles après l'hydrolyse et leur libération. Dans certains cas, ils permettent aussi d'utiliser des voies de perméation utilisant les récepteurs physiologiques.
Le développement de promédicament peut être envisagé quand la molécule active présente des groupements chimiques pouvant être dérivatisés. Typiquement, on utilise les groupements carboxyliques, hydroxyles, amines ou carbonyles pour former des esters, des carbamates, des phosphates ou des oximes qui seront facilement hydrolysés par l'arsenal enzymatique présent in vivo. On prendra comme exemples l'adrénaline et les dérivés de la prostaglandine F2α (PGF2α). Pour plus d'information, le lecteur est renvoyé aux revues de Shirasaki [ 8] et Chauhan et Khan [2].
L'adrénaline (épinéphrine pour les Anglo-Saxons) est la molécule pour laquelle le premier promédicament oculaire a été développé pour diminuer les effets secondaires de la molécule, responsable en particulier d'irritations oculaires, et de problèmes cardiovasculaires (hypertension, arythmie ventriculaire) liés à la résorption systémique après passage par le canal nasolacrymal. En 1978, la synthèse d'un dérivé de l'adrénaline conjuguée à l'acide pivalique est décrite par Hussain et al. [9]. La dipivéfrine, 600 fois plus lipophile, a une meilleure résorption, puisque son coefficient de pénétration à travers la cornée est 17 fois supérieur à celui de la substance mère (fig. 3-6
Fig. 3-6
Promédicament de l'adrénaline (les radicaux pivalyles sont entourés en rouge).
). L'adrénaline est libérée après absorption cornéenne par l'action des estérases. Les études cliniques ont montré une augmentation significative de l'activité pharmacologique. Ce promédicament a été lancé sur le marché sous le nom de Propine® (Allergan); il est maintenant retiré du marché aux États-Unis et en Europe.
La PGF2α est une puissante substance active contre l'hypertension intra-oculaire. Mais elle souffre de deux inconvénients majeurs qui limitent son emploi : une faible biodisponibilité et des effets secondaires de type irritatifs à cause d'un carboxyle libre. La dérivatisation a permis d'augmenter la lipophile par un facteur de 2 à 3, améliorant la perméation cornéenne de 30 à 40 fois. Les dérivés méthyle, éthyle, isopropyle obtenus par estérification du groupement carboxyle de la molécule sont beaucoup mieux tolérés et de 10 à 30 fois plus puissants que la molécule mère. L'insertion d'un cycle benzène a encore accru les pouvoirs de cette substance. Quatre analogues des prostaglandines sont actuellement disponibles sur le marché européen (fig. 3-7
Fig. 3-7
Promédicaments Latanoprost dérivés de la prostaglandine F2α utilisés en ophtalmologie (les principales modifications chimiques sont entourées).
) : le bimatoprost (Lumigan®), le latanoprost (Xalatan®), le travoprost (Travatan®) et le tafluprost (Taflotan®/Saflutan®). Le tafluprost n'est pas actuellement commercialisé en France. Les dérivés de la PGF2α sont des promédicaments sous forme d'esters qui subissent une transformation enzymatique dans la cornée. Le bimatoprost est un promédicament de type amide.
Le développement de promédicaments est une bonne alternative quand la solution galénique n'est pas possible. Cependant, cette approche peut être longue pour arriver à une molécule non toxique et efficace. Par ailleurs, les variations de l'activité métabolique (polymorphisme génétique ou interaction lors de co-administration) d'un individu à l'autre peuvent aussi freiner le développement de ces molécules avec des réponses interpatients erratiques.
Propriétés d'un promédicament
Idéalement, un promédicament doit présenter les propriétés suivantes :
  • le principe actif doit présenter des groupements chimiques pouvant être dérivatisés;
  • la liaison entre la partie active et la partie « vecteur» doit être réversible par hydrolyse rapide, chimique ou enzymatique, idéalement au site d'action;
  • l'ensemble doit être biocompatible et non toxique à la concentration thérapeutique, y compris les métabolites issus du clivage du promédicament;
  • la bioréversion se fait après activation par des enzymes telles que des estérases ou des peptidases. La bioconversion doit être optimisée de façon à permettre la libération de la substance active au site d'action, en évitant d'autres sites au niveau desquels on pourrait avoir des effets secondaires;
  • la stabilité doit être suffisante pour le stockage, et une bonne solubilité aqueuse est essentielle pour la formulation de solutions aqueuses;
  • la lipophilie doit être optimisée pour assurer le passage des barrières biologiques.
Voies d'administration
Voie topique
Les collyres représentent 95 % du marché des médicaments ophtalmiques, malgré une biodisponibilité très faible d'environ 1 à 7 % et un temps de résidence cornéen de 3 à 6 minutes au maximum [ 10]. Ces caractéristiques obligent la répétition des doses et l'administration de formulations concentrées (ce qui est limité par la solubilité de la substance active).
  • Historiquement, les pommades ont été les premières formulations destinées à prolonger le temps de résidence cornéen (tableau 3-1
    Tableau 3-1
    Exemples de formulations ophtalmiques prolongeant le temps de résidence cornéen.
    Substance active Forme galénique Spécialité
    Aciclovir Pommade ophtalmique Zovirax®
    Aucune Hydrogel (larmes artificielles) Gel Larmes®
    Timolol Hydrogel formé in situ Timoptol® LP
    Ciclosporine Collyre sous forme d'émulsion Ikervis®
    Dexaméthasone et tobramycine Collyre en suspension Tobradex®
    ). Ce sont des formes pharmaceutiques pâteuses composées le plus souvent d'excipient gras. Par leur consistance, elles augmentent le temps de résidence, diminuent l'effet de dilution dû aux larmes et peuvent aussi bloquer l'élimination nasolacrymale. La présence d'excipients lipophiles (huiles) dans les pommades interfère avec la vision. Il est recommandé de les administrer au coucher. Elles conviennent à la formulation de substances actives insolubles en milieu aqueux.
  • Les gels sont aussi des formes semi-solides composées majoritairement d'eau et dont la viscosité est augmentée par des viscosifiants (ou gélifiants) de façon à ralentir l'élimination de la surface de l'œil. Malgré une forte teneur en eau, ils interfèrent avec la vision. Les gélifiants les plus utilisés sont des dérivés de la cellulose comme l'hypromellose (HPMC), la carmellose (CMC), ou des polymères d'acide polyacrylique (carbomères). Certains constituants des gels peuvent avoir des propriétés mucoadhésives augmentant le temps de résidence cornéen. Les gels étant parfois difficiles à mettre en place en raison de leur haute viscosité, il est proposé des solutions formant des gels in situ. Les solutions liquides, faciles à appliquer, sont converties en un gel avec un temps de résidence allongé [11]. Le changement de viscosité est provoqué par un changement de force ionique, de pH, ou de température lors du contact avec la surface de l'œil. Le Timoptol® LP se présente sous la forme d'une solution à base de gomme gellane qui se gélifie au contact du calcium des larmes qui modifie la force ionique du système (voir tableau 3-1
    Tableau 3-1
    Exemples de formulations ophtalmiques prolongeant le temps de résidence cornéen.
    Substance active Forme galénique Spécialité
    Aciclovir Pommade ophtalmique Zovirax®
    Aucune Hydrogel (larmes artificielles) Gel Larmes®
    Timolol Hydrogel formé in situ Timoptol® LP
    Ciclosporine Collyre sous forme d'émulsion Ikervis®
    Dexaméthasone et tobramycine Collyre en suspension Tobradex®
    ).
  • Les émulsions sont des systèmes dispersés composés d'une phase aqueuse et d'une phase huileuse stabilisée par des agents de type tensioactifs non ioniques. En ophtalmologie, les émulsions avec une phase externe aqueuse sont préférentiellement employées afin de permettre une meilleure tolérance lors de l'administration. Ces émulsions sont indiquées dans le traitement de l'œil sec, car elles apportent à la fois de l'eau et des lipides pour restaurer le film lacrymal. Les micro-émulsions sont des émulsions extrêmement fines stabilisées par la présence d'un co-surfactant [12]. Elles sont plus stables que les émulsions et facilitent la pénétration cornéenne.
  • Les suspensions sont des systèmes instables composés de particules fines d'une substance active insoluble en milieu aqueux. Elles nécessitent d'être remises en suspension par agitation au moment de l'administration pour assurer la dose administrée. Par ailleurs, la présence de particules complique l'étape de stérilisation indispensable pour la formulation de collyres et excluent la filtration stérilisante. Elles provoquent plus facilement des irritations liées à la présence de particules, surtout si elles ont un diamètre supérieur à 10 μm. La pharmacopée européenne limite la taille des particules à 90 μm avec des restrictions de concentration à partir d'une taille de 25 μm. Ces formulations doivent être soigneusement stabilisées pour éviter toute dégradation au cours du stockage.
  • On retient une présentation sous forme de poudre (habituellement présentée sous la forme d'un lyophilisat) pour préparation de collyre lorsqu'on est confronté à un problème de stabilité du ou des principe(s) actif(s) en solution. Au moment de l'administration, les poudres doivent être dissoutes ou dispersées dans un solvant ou un véhicule approprié.
  • Différentes approches galéniques permettent d'améliorer la solubilisation de la substance active, en particulier le développement de micelles. Cette stratégie consiste à associer le principe actif lipophile à un polymère amphiphile. Spontanément, lors de la mise en solution aqueuse, le polymère s'organise pour avoir la partie polaire de sa chaîne vers l'extérieur, créant ainsi une poche lipophile en son cœur dans laquelle les substances actives non solubles peuvent être dissoutes (fig. 3-8
    Fig. 3-8
    Représentation schématique de micelles polymériques améliorant la solubilité aqueuse de principes actifs peu solubles (adapté de [14]).
    ). Ces vecteurs présentent une haute capacité de chargement.
    • L'hespérétine, antibactérien potentiel, a vu sa solubilité augmenter significativement lors de la préparation de micelles de glycyrrhizinate potassique [ 13]. De plus, la suspension micellaire a permis d'augmenter significativement la perméation cornéenne.
    • Les cyclodextrines sont des sucres cycliques présentant une cavité interne lipophile et une surface extérieure hydrophile, ce qui permet de former un complexe d'inclusion avec un médicament lipophile. Cette approche a été utilisée pour le népafénac [ 15].
    • L'inclusion dans des vésicules lipidiques formées de Labrasol® et Transcutol® en présence d'un tensioactif (polysorbate, Tween®) a permis l'élaboration d'une forme à libération prolongée d'acétazolamide réduisant la pression intraoculaire durant 24 heures [ 16].
    • Une autre plateforme technologique comme le Marinosolv® a été utilisée en particulier pour le tacrolimus, permettant une augmentation de 15 fois de la concentration en tacrolimus dans la cornée comparée à la formulation commerciale [17].
  • Les inserts ophtalmiques sont des formes solides stériles destinées à être placées dans le sac conjonctival afin d'y libérer le principe actif sur une période prolongée. Ces formulations permettent une libération d'ordre 0 se traduisant par une concentration constante sur une longue période de temps (plusieurs heures), évitant des variations de concentrations dues aux instillations répétées (effets pic-vallée).
Autres voies d'administration
L'efficacité des barrières oculaires empêchant le passage des molécules de la chambre antérieure vers la chambre postérieure, l'administration topique n'est pas adaptée aux traitements de pathologies de la chambre postérieure. Différentes approches sont disponibles pour atteindre le compartiment profond de l'œil. De façon générale, ces approches restent plus traumatisantes qu'une simple application topique. Par ailleurs, ces modes d'administration impliquent aussi l'intervention d'un spécialiste, facteur contraignant pour le patient.
  • Administration intravitréenne : différentes solutions, suspensions, et différents micelles, liposomes, particules polymériques y sont injectés ou implantés (Ocusert®). Le vitré est un liquide très dense empêchant la diffusion des médicaments qui peuvent mettre plusieurs heures pour diffuser dans l'espace vitréen en entier.
  • Administration juxtasclérale : des formulations telles que des microcristaux y sont injectées, formant un dépôt de médicaments comme l'acétate d'anecortave.
  • Administration sous-conjonctivale : cette voie nécessite de passer la sclère qui est plus perméable que la cornée sans être dépendante de la lipophile des molécules [ 10].
  • Iontophorèse : application d'un courant de basse intensité pour favoriser la perméation de principes actifs chargés.
Étude pharmacocinétique
Modélisation et approche compartimentale
Une étude pharmacocinétique comprend généralement cinq phases : la planification; l'administration du médicament; la collecte des échantillons biologiques (généralement des fluides) à différents temps; le suivi du dosage quantitatif du principe actif dans les échantillons; et finalement l'interprétation pharmacocinétique. L'objectif de la modélisation est de trouver une représentation simplifiée de la réalité expérimentale et de réduire l'information contenue dans les données expérimentales à un petit nombre de paramètres pharmacocinétiques (par exemple temps de demi-vie et volume de distribution). Le modèle doit permettre de prévoir le comportement du médicament une fois administré. Comme la météorologie, la modélisation pharmacocinétique n'est pas une science exacte; il est parfois nécessaire d'affiner le modèle pharmacocinétique sur la base de nouvelles expériences.
Dans la modélisation pharmacocinétique, plusieurs modèles sont utilisés.
  • Le modèle compartimental consiste à diviser l'organisme en une série de compartiments fictifs dans lesquels le médicament circule et où sa concentration est homogène. Ces compartiments n'ont pas forcément de fondement anatomique et leur volume est sans réalité physiologique. Les flux entre compartiments sont décrits par des constantes de transfert, et l'évolution des concentrations au cours du temps, par des systèmes d'équations différentielles. La résolution mathématique de ces derniers produit des sommes de fonctions exponentielles. Il y a autant de fonctions exponentielles qu'il y a de compartiments. Généralement, on se limite à des modèles à 1 ou 2, 3 voire 4 compartiments pour ne pas rendre la résolution mathématique trop complexe. Les études de pharmacocinétiques oculaires utilisent typiquement les compartiments suivants : l'aire précornéenne (larmes), la cornée, l'humeur aqueuse et l'iris/cristallin [ 18].
  • Le modèle non compartimental est fondé sur la théorie statistique des moments et s'attache à déterminer un temps de résidence moyen grâce à l'aire sous la courbe des profils de concentrations. Ce modèle convient aux populations homogènes, car il ignore les variabilités interindividuelles.
  • Une troisième approche est celle dite « pharmacocinétique de population» qui prend en compte un ensemble d'individus, dans lequel chaque individu fournit un petit nombre de mesures pharmacocinétiques ou pharmacodynamiques, ainsi que certaines données individuelles, morphologiques, physiopathologiques, etc. L'analyse des données complexes combine modélisations mathématiques et statistiques. L'intérêt fondamental de cette approche réside dans la possibilité d'étudier le médicament dans une pathologie cible, mais aussi dans des situations particulières, âges extrêmes de la vie, maladies sévères ou états critiques.
Plusieurs modèles d'étude peuvent être utilisés pour appréhender les interactions des principes actifs avec l'œil. Certains sont plus adaptés à la détermination de l'effet pharmacologique, de la pharmacocinétique, ou de la perméation à travers une barrière spécifique. Les tests sur animaux sont une part essentielle du développement des formes ophtalmiques. Pour des raisons éthiques et économiques, on assiste au développement de tests in vitro ou ex vivo pour permettre de diminuer le nombre d'animaux utilisés lors du développement de nouvelles molécules ou de nouvelles formulations oculaires.
Pour les autres voies d'administration (orale, parentérale), la pharmacocinétique est facilement abordable chez l'homme par dosage dans le plasma à différents temps après administration. Pour la voie oculaire, il n'est pas possible d'avoir accès facilement aux liquides biologiques pour déterminer la vitesse à laquelle la substance active diffuse dans les tissus. De ce fait, les modèles animaux sont essentiels.
Les modèles animaux sont utilisés pour les études de pharmacocinétique et l'établissement de l'activité pharmacologique. De nombreux modèles animaux existent; tous ne sont pas satisfaisants en raison de différences existant entre les yeux des animaux de laboratoire et l'œil humain. Le lapin est l'animal de choix (tableau 3-2
Tableau 3-2
Comparaison des principaux paramètres anatomiques et physiologiques des yeux de lapin et de l'homme (adapté de [21]).
ParamètresHommeLapin
Diamètre du globe oculaire (mm)21–2516–20
Épaisseur cornéenne (mm)0,8–1,10,40
Épaisseur de l'épithélium cornéen (μm)45,433,6
Surface cornéenne (cm2) 1,04 ± 0,121,59 ± 0,22
Volume lacrymal (μl)7,07,5
Sécrétion lacrymale basale moyenne (μl/min)1,20,53
Taux de renouvellement des larmes (%/min)167,1
Membrane de BowmanPrésentePresque absente
Membrane nictitanteAbsentePrésente
pH des larmes7,48,2
Fréquence de clignement des paupières6–12/min4/heure
); les autres animaux de laboratoire (souris, rats, cochons, chiens, chats ou singes) sont plus rarement utilisés. Par ailleurs, plusieurs études ont mis en évidence que la perméabilité transcornéenne des molécules lipophiles était équivalente chez le lapin et l'homme [19 , 20]. Cependant, la perméabilité cornéenne pour certaines substances est plus élevée chez le lapin en raison de l'efficacité du clignement de l'œil chez l'homme avec un drainage plus efficace.
Pour l'établissement des paramètres pharmacocinétiques, il est commun d'avoir recours à des animaux sains. Il existe, cependant, des modèles reproduisant des pathologies oculaires afin de déterminer l'activité pharmacologique de nouvelles molécules ou nouvelles formulations. Ces modèles sont aussi très utiles pour étudier l'intérêt d'une forme galénique comparée à une autre. Des modèles d'uvéites [ 22], d'infection et d'inflammation par injection de bactéries vivantes ou mortes, ou de lipopolysaccharides [23-24-25], de développement de diabète expérimental chez des lapins traités à l'alloxane [26] ont été décrits.
La perméabilité cornéenne est souvent étudiée ex vivo sur la cornée excisée d'animaux de laboratoire (lapin, rat) ou obtenue auprès d'abattoirs (porc, bœuf, poulet). Les cornées excisées à partir d'animaux d'abattoir sont une pratique plus éthique dans la mesure où les animaux ne sont pas uniquement abattus à des fins de recherche. Les méthodes fondées sur les cornées excisées permettent d'avoir l'intégralité de la barrière cornéenne (couches cellulaires et équipement enzymatique) et de faire des tests à grande échelle ( screening à haut débit) de molécules ou de formulations. Il faut, néanmoins, être conscient de la perte d'une partie de l'activité métabolique sur ces modèles ex vivo, car ils sont prélevés post mortem. Afin de conserver au mieux les qualités des tissus excisés, de nombreuses précautions sont nécessaires, en particulier dans le transport des tissus si l'excision ne se fait pas sur le lieu des expérimentations.
Les tests se font à l'aide d'une chambre d'Ussing ou de cellules de Franz fonctionnant sur le même principe (fig. 3-9
Fig. 3-9
Modèle de culture cellulaire 3D reconstruisant la cornée (a) et chambre d'Ussing (b).
Source : Cyrille Martinet.
). Un compartiment donneur contenant la molécule d'intérêt est séparé par une cornée excisée du compartiment receveur dans lequel la molécule diffuse et pourra être dosée à différents temps, permettant d'établir une cinétique de perméation. Des systèmes similaires ont été développés avec des cultures de cellules sur filtre. On peut également évaluer la cytotoxicité d'une substance ou d'une formulation à l'aide de la chambre d'Ussing.
Afin d'optimiser l'utilisation des prélèvements tissulaires sur les animaux, Begum et al. [27] ont proposé de travailler sur des explants prélevés sur des cornées ou sclères de porc, permettant ainsi de faire plusieurs études de perméabilité avec une seule cornée. Les explants de 4 à 5 mm de diamètre sont ensuite placés dans des plaques à 96 puits adaptés pour l'étude du transport de molécules.
Les modèles in vitro sur culture de cellules sont très utilisés pour étudier la pénétration d'un principe actif à travers une membrane biologique d'origine animale ou humaine. On peut avoir recours à des cultures de cellules primaires ou utiliser des cellules immortalisées aussi appelées lignées cellulaires. Ces dernières sont commercialement disponibles; leurs caractéristiques sont stables et permettent d'établir des modèles fiables et reproductibles. L'utilisation de cellules primaires est plus délicate. Celles-ci tendent à perdre assez rapidement leurs spécificités après quelques passages. Elles peuvent aussi manquer de reproductibilité en fonction des prélèvements. Quand c'est possible, on leur préfère les lignées cellulaires établies. Les modèles de culture cellulaire permettent aussi de mieux connaître les mécanismes de pénétration des barrières physiologiques et de mettre au point des stratégies de contournement. Elles permettent également, dans une certaine mesure, d'appréhender la cytotoxicité de certaines molécules ou de potentiels excipients. De nombreux modèles dérivés de tissus oculaires humains ou animaux sont disponibles dans la littérature. Plusieurs revues décrivent en détail ces modèles cellulaires avec leurs avantages et limitations [28-29-30-31]. Des exemples de lignées cellulaires disponibles pour l'étude du passage transmembranaire ou de la toxicité sont présentés dans le tableau 3-3
Tableau 3-3
Exemples de lignées cellulaires utilisées en ophtalmologie pour l'étude de la perméabilité tissulaire et de la toxicité.
Lignée cellulaireOrigineUtilisationsRéférence
RCEÉpithélium cornéen de lapinPerméation[36]
SIRCÉpithélium cornéen de lapinPerméabilité, physiologie[37]
HCK et HCE-TKératinocyte de cornée humainePerméabilité, physiologie, toxicité, criblage, biologie[38]
IHCEnÉpithélium cornéen humainPerméabilité, physiologie[39, 40]
cHCEÉpithélium cornéen humainPerméabilité, physiologie[41]
IOBA-NHCConjonctive humainePhysiologie, perméabilité, toxicité[42]
CJ4.1A, CJ4.3CConjonctive de ratPerméabilité, physiologie[43]
RPE65Rétine humaineBarrière hématorétinienne externe[44]
CRALPRétine humaineBarrière hématorétinienne externe, perméabilité vers le segment postérieur [45]
ARPE-19Rétine humainePerméabilité, physiologie, toxicité[46]
RPE-JRétine de ratToxicité[47]
D407Rétine humainePhysiologie, transport[48]
BRCECEndothélium capillaire rétinien bovinPhysiologie, transport[49]
TRiBRBEndothélium capillaire rétinienPhysiologie, transport[45]
. Les cellules peuvent être mises en culture avec une interface eau/eau ou une interface eau/air. Les cellules cultivées en milieu interfacial eau/air présentent une résistance transépithéliale plus élevée, plus proche de la réalité physiologique [32 , 33].
Dans le cas de la cornée, la barrière n'est pas une simple couche de cellules comme c'est le cas pour l'épithélium intestinal par exemple. Des modèles plus complexes en 3D avec une superposition de couches ont été développés. Il s'agit de reconstructions de l'épithélium cornéen qui peuvent servir pour des tests de cicatrisation, d'irritation, ou encore pour étudier la perméabilité ou la toxicité de substances [ 34 , 35]. Bien que ne reproduisant pas la complexité d'un organe vivant, ces modèles ont leur utilité et certains sont reconnus par les autorités européennes comme alternatives au test d'irritation oculaire de Draize (par exemple Epiocular®, Epicorneal® de MatTek, États-Unis; SkinEthic Human Corneal Epithelium® de SkinEthic, France; LabCyte CORNEA-MODEL24® de Japan Tissue Engineering Co. Ltd., Japon; MCTT HCE® de Biosolution Co., Ltd, Corée du Sud).
Des modèles 3D reproduisant la courbure de la cornée sont en cours de développement; cela peut avoir un intérêt dans la mise au point de verre de contact réservoir de principe actif.
Des modèles complètement acellulaires existent pour des screenings rapides et efficaces afin de prédire l'absorption par voie cornéenne. Le modèle PAMPA ( parallel artificial membrane permeability assay ) est fondé sur l'utilisation de phospholipides solubilisés dans des solvants organiques. Ce modèle ne reconstitue pas entièrement la barrière, car il y manque, entre autres, les transporteurs et les systèmes enzymatiques. Cependant, c'est une bonne approche pour prédire la diffusion passive de molécules à travers les membranes physiologiques sans sacrifier d'animaux, ni utiliser des cultures cellulaires parfois longues à mettre en œuvre. Cette méthode permet d'étudier l'influence de certains paramètres comme le pH sur le passage de molécules, de comparer deux formulations galéniques ou de faire un criblage de composés d'intérêt. Par exemple, Dargo et al. ont démontré une bonne corrélation avec des tests ex vivo sur cornée de lapin en utilisant 25 principes actifs. Ils ont aussi comparé différentes formulations [50]. Plus récemment, Vincze et al. ont mis au point un modèle pour déterminer la perméabilité cornéenne et un autre pour la rétention cornéenne [51].
Pharmacocinétique du segment antérieur – modélisation
Du point de vue pharmacocinétique, la différence majeure entre le segment antérieur de l'œil et le segment postérieur réside dans la nature des profils hydrodynamiques des fluides ou liquides biologiques qu'ils contiennent. Dans le segment antérieur, l'humeur aqueuse est sécrétée principalement par les cellules épithéliales non pigmentées du corps ciliaire et est éliminée par le trabéculum. On a affaire à un fluide dynamique. À l'inverse, le corps vitré n'est pas constamment renouvelé. On peut le considérer comme un fluide statique, non agité.
L'absorption cornéenne des médicaments est faible (fig. 3-10
Fig. 3-10
Absorption cornéenne des médicaments.
Mécanismes de clairance précornéenne contribuant à une élimination du médicament avant absorption. Kabs, Kél, Kperte représentent les constantes de vitesse d'absorption, d'élimination ou de perte, respectivement.
), en raison d'un effet de premier passage important (drainage nasolacrymal de la dose instillée, élimination par larmoiement ou clignement des paupières, liaison aux protéines présentes dans les larmes ou métabolisme) [ 52]. On parle alors de clairance précornéenne et il en résulte que seuls 1 à 7 % de la dose en moyenne traversent la cornée et que le temps de résidence moyenne sur la cornée est de 3 à 6 minutes. L'absorption est conditionnée par les propriétés physicochimiques des substances actives; la phényléphrine, très hydrophile, traverse lentement la cornée, alors que la pilocarpine, modérément lipophile, est rapidement absorbée.
Le protocole pour une étude pharmacocinétique du segment antérieur chez le lapin comprend par exemple l'instillation dans l'œil droit de 25 μl de la formulation à tester (par exemple des micelles de ciclosporine A), puis le prélèvement de 2 μl de liquide lacrymal à des temps précis (par exemple 0, 1, 3, 6, 8, 10 jusqu'à 180 minutes après instillation), et enfin le dosage de la substance active par des méthodes analytiques sensibles, précises et robustes, comme la chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse [14]. L'expérience est répétée sur un nombre suffisant de lapins. À l'aide de logiciel informatique, par exemple WinNonlin® 5.2, il est possible de calculer sur la base des concentrations obtenues le temps de demi-vie d'élimination (t ½), la concentration maximale (C max) et l'aire sous la courbe (ASC) (fig. 3-11
Fig. 3-11
Étude pharmacocinétique du segment antérieur chez le lapin.
Exemple d'un collyre à base de ciclosporine A.
) [14]. Si l'on souhaite établir un profil de distribution d'une substance active dans les tissus, le protocole expérimental comprend tout d'abord des instillations répétées durant un certain laps de temps (par exemple 5 jours) dans un œil, l'œil controlatéral servant de référence. Puis, l'animal est sacrifié et les différents tissus oculaires sont prélevés (cornée, iris-corps ciliaires, humeur aqueuse voire corps vitré) pour y doser la substance active d'intérêt.
Le monitorage du temps de résidence cornéenne peut également faire appel à d'autres techniques telles que le marquage chimique (un groupe fluorescent est greffé à la molécule étudiée dont on peut mesurer la concentration à la surface de l'œil par fluorimétrie) ou radiochimique (un isotope radioactif est ajouté à la molécule étudiée et émet des radiations gamma que l'on détecte par tomographie) [53 , 54].
Pharmacocinétique du segment postérieur – modélisation
Les études pharmacocinétiques sur le segment postérieur de l'œil reposent principalement sur le dosage de substance active dans des prélèvements d'humeur vitrée après injection intravitréenne [53]. On peut en déduire la distribution dans l'humeur vitrée du médicament, mais aussi sa clairance et donc son temps de demi-vie. Il existe également des techniques de microdialyse permettant un prélèvement continu de vitré.
Conclusion
La pharmacocinétique oculaire se distingue de la pharmacocinétique systémique classique par sa complexité due aux différentes barrières oculaires, aux différentes cibles de traitement (segment antérieur versus postérieur), à la dynamique des fluides biologiques (humeur aqueuse et vitré) et aux différentes voies d'administration.
Grâce, entre autres, à des cultures cellulaires, des progrès considérables ont été réalisés dans la compréhension des propriétés des tissus oculaires, qui sont autant de barrières à l'absorption des médicaments. L'étude des tissus antérieurs (cornée, conjonctive et sclère) et l'établissement des propriétés moléculaires souhaitées pour contourner ces barrières ont abouti à la conception de nouvelles formulations galéniques et à l'expérimentation de nouvelles voies d'administration. Une meilleure connaissance de l'équipement enzymatique des tissus oculaires a permis le développement de nouveaux promédicaments. De plus, l'innovation dans la science des matériaux et de la chimie des polymères a contribué à la mise au point d'inserts et aussi d'implants biodégradables qui prolongent la libération du médicament, réduisant ainsi drastiquement la fréquence de dosage et améliorant l'observance du patient.
Indépendamment de ces avancées, il existe encore des besoins non satisfaits pour faire progresser la pharmacocinétique oculaire au niveau supérieur. Par exemple, le manque de modèles pour extrapoler les résultats des espèces animales précliniques à l'homme subsiste toujours, malgré le grand nombre d'études menées chez diverses espèces. Avec les récents progrès des nouveaux systèmes d'administration intraoculaire, un autre domaine nécessitant une intervention pharmacocinétique est le développement d'une corrélation in vitro-in vivo. Étant donné qu'il y aura une demande croissante de criblage de divers prototypes de systèmes d'administration au cours de la phase de développement afin d'identifier le système d'administration idéal avec le profil pharmacocinétique souhaité, un modèle de corrélation serait précieux pour minimiser le nombre d'études précliniques/cliniques requises. De plus, l'un des principaux objectifs de la collecte d'informations pharmacocinétiques est d'établir une corrélation avec les données d'efficacité ou de sécurité afin qu'une dose et qu'un schéma posologique optimaux puissent être établis. En l'absence d'une telle corrélation, des données pharmacocinétiques autonomes ont une utilité limitée.
Enfin, le développement de nouvelles thérapies oculaires doit toujours considérer l'augmentation du temps de résidence afin de diminuer les fréquences d'administration, mais aussi la diminution de la résorption systémique des molécules pour favoriser l'activité thérapeutique oculaire en diminuant les effets secondaires systémiques.
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