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Chapitre 17
Médicaments antalgiques

F. Chast

Les ophtalmologistes reçoivent souvent des patients qui ressentent une douleur sévère liée à une maladie oculaire : lésions cornéennes, corps étrangers conjonctivaux, infections ou inflammations, hypertonie oculaire, phtyse, etc.; ils se plaignent généralement de la douleur comme symptôme central.
Mécanismes de la douleur et antalgie
La douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée à des lésions réelles ou potentielles des tissus.
Bien que la douleur soit un phénomène subjectif, elle a à la fois des composantes somatiques et psychologiques qui doivent recevoir une réponse satisfaisante.
La douleur peut être aiguë ou chronique, et chacune constitue une entité clinique propre nécessitant des approches spécifiques pour leur traitement.
Constitution du signal douloureux
La douleur oculaire aiguë, postchirurgicale, par exemple, peut être anticipée. Elle est de durée limitée, et se résout rapidement, souvent au moyen de médicaments appliqués localement, qui présentent généralement moins d'effets indésirables et de complications que les médicaments administrés par voie systémique. Cependant, certains patients peuvent nécessiter des antalgiques, par voie orale ou injectable, souvent très efficaces et dont les risques sont limités en cas de durée de prescription courte.
Le signal douloureux est initié au niveau de terminaisons « spécialisées», les nocicepteurs, présents dans les tissus périphériques, les organes profonds, le système musculosquelettique, la peau, les vaisseaux sanguins, les tissus sous-cutanés et les structures constitutives de l'œil et de l'orbite.
Ces nocicepteurs peuvent être activés non seulement par de fortes stimulations mécaniques, telles qu'un traumatisme, mais aussi par les substances chimiques libérées en réponse à une agression tissulaire comme l'inflammation. Les principaux médiateurs chimiques impliqués sont : la sérotonine, la bradykinine et l'histamine. Divers métabolites de l'acide arachidonique comme les prostaglandines et les leucotriènes ne stimulent pas directement ces terminaisons nerveuses, mais sensibilisent les nocicepteurs aux médiateurs comme la bradykinine ou l'histamine et interagissent ensuite avec la substance P pour stimuler les terminaisons nerveuses.
La sensibilité cornéenne semble réduite après une chirurgie réfractive, ce qui suggère que la douleur et les dysesthésies postopératoires pourraient impliquer non seulement des changements fonctionnels, mais également des changements moléculaires postlésionnels car les aspects morphologiques et les propriétés fonctionnelles des fibres nerveuses cornéennes changent considérablement.
Ces phénomènes sont illustrés par différentes chirurgies cornéennes telles que la kératectomie photoréfractive, le LASIK et le LASEK, actes qui entraînent des altérations fonctionnelles et morphologiques des nerfs cornéens stromaux et épithéliaux. Quelles que soient les circonstances opératoires, la cornée en régénération est réinnervée par la germination de neurones préexistants non endommagés, ce qui, des semaines plus tard, est suivi de la régénération des axones des nerfs endommagés, impliquant un grand nombre de facteurs. La cascade inflammatoire initiée après la chirurgie génère des médiateurs inflammatoires qui stimulent les nerfs sensibles à la stimulation chimique et abaissent également le seuil de sensibilité d'autres types de fibres nerveuses, impactant ainsi la douleur et l'inconfort postopératoires.
Bien que les mécanismes exacts de ce phénomène ne soient pas complètement compris, des preuves expérimentales soutiennent la notion que les cellules cornéennes endommagées libèrent des cytokines pro-inflammatoires. La stimulation directe des fibres nerveuses implique la liaison de ces médiateurs aux canaux ioniques voltage-dépendants sur les fibres nerveuses, provoquant une entrée de Ca 2+ dans les cellules et la constitution d'un influx douloureux [1].
Une fois le signal douloureux initié au niveau des terminaisons nerveuses nociceptives dans le tissu oculaire, il est acheminé par le nerf trijumeau en direction du tronc cérébral. Là, il impacte les cellules des noyaux sensoriel et spinal du trijumeau. Le noyau trijumeau envoie à son tour le message douloureux en direction des zones corticales somatosensorielles, où sont « perçus» le niveau et le site de la douleur.
Une douleur oculaire aiguë peut, le plus souvent, être contrôlée par une intervention pharmacologique à trois niveaux :
  • médicaments à action périphérique qui agissent sur les récepteurs périphériques de la douleur. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), y compris l'aspirine, bloquent la formation de médiateurs inflammatoires et de la douleur. Ce sont des antalgiques non opioïdes;
  • agents anesthésiques qui bloquent le signal nociceptif entre sa source périphérique et sa cible centrale (cerveau et/ou moelle épinière). Leur utilisation au long cours expose néanmoins à des risques à prendre en compte;
  • agents à action centrale qui interagissent avec des récepteurs spécifiques du système nerveux central (SNC), interrompant à la fois le message de la douleur et sa traduction émotionnelle. Les patients sont ainsi indifférents à la douleur perçue. Ils constituent le pilier de la prise en charge de la douleur en pratique ambulatoire. Ce sont essentiellement des antalgiques opioïdes.
Schéma des voies de la douleur en ophtalmologie
La conjonctive et le stroma cornéen contienent un réseau dense de fibres nerveuses exprimant : des mécanorécepteurs, des récepteurs polymodaux et des récepteurs sensibles au froid. L'innervation cornéenne est plus abondante et le seuil de sensibilité plus bas que l'innervation conjonctivale. Deux principaux types de fibres sensorielles innervent l'iris et le corps ciliaire, des mécanorécepteurs, des nocicepteurs polymodaux activés par des stimuli mécaniques, chimiques et/ou thermiques. Des fibres sensitives ont également été identifiées dans la choroïde, mais la nature des stimuli sensitifs est mal identifiée dans la choroïde.
En cas de lésion, des médiateurs de l'inflammation sont libérés et des cellules immunitaires recrutées in situ. Ces médiateurs – cytokines, ion H + , adénosine triphosphate (ATP), adénosine, prostaglandines, leucotriènes, bradykinine, sérotonine, facteur d'activation des plaquettes, histamine et neuropeptides – contribuent tous à l'altération de la signalisation nociceptive. Ces neurones de premier ordre se projettent vers le ganglion trijumeau et font synapse avec les neurones de deuxième ordre dans le sous-noyau caudal du trijumeau avant de se projeter vers les voies spinothalamiques et le thalamus ou le noyau gris périaqueducal (PAG). Les neurones du troisième ordre du thalamus relaient l'information vers le cortex somatosensoriel et la région paralimbique, tandis que ceux du PAG modulent l'activité du trijumeau. L'activation de cette voie contribue à l'hyperalgésie et à la douleur spontanée en sensibilisant les nocicepteurs des tissus oculaires. La douleur neuropathique chronique survient après la guérison de la lésion initiale et se produit en raison d'un abaissement du seuil de stimulation, d'une dépolarisation spontanée des nocicepteurs et d'une excitabilité altérée des canaux voltage-dépendants qui modulent l'excitabilité des nocicepteurs polymodaux (fig. 17-1
Fig. 17-1
Les voies sensorielles oculaires.
CB-R : récepteur aux cannabinoïdes.
Source : Cyrille Martinet.
).
La cause de la douleur doit être recherchée et traitée, en particulier une hypertonie oculaire, une inflammation ou infection de la surface oculaire ou intraoculaire, une plaie du globe ou une lésion cornéenne. Les antalgiques peuvent être prescrits à visée symptomatique en adjuvant des traitements spécifiques.
Antalgiques non opioïdes
Les antalgiques non opioïdes sont les médicaments de choix pour le traitement des douleurs légères à modérées. Parmi ceux-ci, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont généralement efficaces et sans danger lors d'une utilisation à court terme, chez des patients ne souffrant pas d'insuffisance rénale ou cardiaque. Certains cliniciens considèrent que les AINS sont moins efficaces mais plus sûrs que les antalgiques morphiniques, ce qui n'est pas forcément le cas, tant en matière d'efficacité que de toxicité.
Les AINS sont efficaces pour de nombreux types de douleur oculaire aiguë, en particulier lorsque la douleur est associée à une inflammation. Le paracétamol est également utile comme un antalgique pour les douleurs légères à modérées, mais il n'a pas d'effet sur l'inflammation.
Salicylés – aspirine
Pharmacologie
L'aspirine (acide acétylsalicylique) est l'antalgique non opioïde le plus ancien. En plus de ses effets antalgiques, l'aspirine possède d'importants effets anti-inflammatoires et antipyrétiques. Elle agit principalement au niveau périphérique, et réduit la douleur en inhibant la synthèse de la prostaglandine E2 par acétylation irréversible et inactivation de la cyclo-oxygénase. Les propriétés pharmacologiques de l'aspirine (fig. 17-2
Fig. 17-2
Structure de l'acide acétylsalicylique (aspirine).
) sont principalement l'analgésie à des doses faibles à modérées, mais aussi des effets anti-inflammatoires à des doses plus élevées. Les effets anti-inflammatoires nécessitent généralement des doses d'au moins 3 à 4 g par jour. Bien que l'aspirine soulage la douleur principalement par son activité périphérique (par exemple les lésions de la cornée ou de la conjonctive), elle présenterait aussi une activité centrale influençant la perception de la douleur au niveau de l'hypothalamus. Cette activité centrale explique probablement l'effet antalgique de l'aspirine en dehors de tout phénomène douloureux inflammatoire. Tous les antalgiques non morphiniques, y compris les salicylés, ont un « effet plafond» : il existe une posologie au-delà de laquelle aucune analgésie supplémentaire n'est obtenue malgré l'augmentation des doses. En revanche, tant l'aspirine que les autres antalgiques salicylés ou AINS n'entraînent pas de tolérance ou de dépendance physique ou psychologique. De ce point de vue, ils sont relativement sûrs et non addictifs.
Utilisation clinique
Les salicylés sont utiles au traitement de la douleur associée à l'inflammation, mais, dans ce cadre, leur utilisation a maintenant été généralement supplantée par d'autres AINS, en grande partie à cause de leurs effets indésirables gastro-intestinaux et hémorragiques. L'aspirine est disponible sous forme de nombreuses présentations (tableau 17-1
Tableau 17-1
Présentations d'aspirine disponibles en France (en dehors des formes « cardiologiques»)*.
*D'autres présentations d'aspirine, moins dosées, sont utilisées comme médicaments antiagrégants plaquettaires.
Exemples de spécialitéDose unitaireForme pharmaceutique
Aspirine pH 8500 mgComprimé gastrorésistant
Alka Seltzer®324 mgComprimé effervescent
Aspirine tamponnée1000 mgComprimé effervescent
Aspro®320 mgComprimé
Aspro®500 mgComprimé effervescent
Aspro® caféine500 mg/50 mgComprimé effervescent sécable
). L'aspirine est présentée sous forme de comprimés, gélules, comprimés à enrobage entérique, comprimés à libération contrôlée, comprimés effervescents, etc. L'aspirine à enrobage entérique semble diminuer le risque d'irritation gastro-intestinale, et peut être recommandée pour un usage au long cours, mais ne semble pas pertinente dans le traitement des douleurs aiguës oculaires. L'aspirine à libération contrôlée n'est pas davantage recommandée. La forme tamponnée de l'aspirine inclut dans sa formulation de petites quantités d'anti-acides qui minimisent le risque gastro-intestinal et augmentent l'absorption de l'aspirine. Chez l'adulte, la posologie de l'aspirine est de 325 à 650 mg, toutes les 4 à 6 heures (sans dépasser 4 g/jour).
Effets indésirables
Les troubles gastro-intestinaux sont les effets indésirables les plus fréquents aux doses thérapeutiques de l'aspirine. Les prostaglandines inhibent la sécrétion acide de l'estomac et ont un effet protecteur de la muqueuse. Or, l'inhibition, par l'aspirine, de la synthèse des prostaglandines augmente la vulnérabilité de la muqueuse : dyspepsie, irritation gastrique et saignements gastro-intestinaux peuvent survenir. Tous les AINS interfèrent avec l'agrégation plaquettaire en inactivant la cyclo-oxygénase de manière irréversible; leur effet consiste à prolonger le temps de saignement (pendant 12 à 15 jours). La formation d'un ulcère gastrique ou d'une érosion avec saignement abondant est un problème potentiellement sévère avec l'aspirine et les autres AINS. L'hypersensibilité à l'aspirine qui intervient dans les minutes qui suivent l'ingestion est également une préoccupation potentielle et peut se produire de deux manières :
  • une réaction respiratoire, qui est plus profonde chez les patients souffrant de rhinite, d'asthme ou de polypes [2];
  • une réaction typique d'hypersensibilité de type I, y compris urticaire, papules, œdème de Quincke, démangeaisons, éruption cutanée, bronchospasme, œdème laryngé, hypotension, choc ou syncope.
Les patients qui sont sensibles à l'aspirine ne devraient pas recevoir d'autre AINS en raison d'une éventuelle réaction de sensibilité croisée. De plus, l'aspirine peut provoquer une insuffisance rénale, avec hypertension artérielle (aggravée en cas d'hypertension préexistante) ou exacerber une insuffisance cardiaque congestive [3]. L'aspirine se lie étroitement aux protéines plasmatiques, ce qui peut déplacer d'autres médicaments de leurs sites de liaison aux protéines, augmentant ainsi les effets pharmacologiques du médicament déplacé; c'est le cas des traitements anticoagulants ou des hypoglycémiants oraux, qui doivent faire l'objet d'une grande attention. Compte tenu du risque de syndrome de Reye chez l'enfant, le paracétamol est préféré à l'aspirine comme antipyrétique et antalgique en pédiatrie.
Contre-indications
Les contre-indications sont les suivantes :
  • antécédents d'asthme provoqué par l'administration de salicylés ou de substances d'activité proche, notamment les AINS;
  • grossesse, à partir du début du 6 e mois (au-delà de 24 semaines d'aménorrhée [SA]) [4];
  • ulcère gastroduodénal en évolution;
  • maladie hémorragique constitutionnelle ou acquise;
  • insuffisance hépatique sévère;
  • insuffisance rénale;
  • insuffisance cardiaque sévère non contrôlée;
  • association avec le méthotrexate utilisé à des doses supérieures à 20 mg/semaine et pour des doses anti-inflammatoires (≥ 1 g par prise et/ou ≥ 3 g par jour), ou pour des doses antalgiques ou antipyrétiques (≥ 500 mg par prise et/ou < 3 g par jour) d'aspirine;
  • association avec des anticoagulants oraux.
Pendant la grossesse, l'aspirine peut produire des effets indésirables chez la mère (anémie et travail prolongé) et chez le fœtus (faible poids à la naissance, augmentation de l'incidence des hémorragies intracrâniennes chez les prématurés, voire mort néonatale). L'aspirine peut être tératogène, et doit être évitée pendant la grossesse, surtout au 3 e trimestre au cours duquel elle est interdite. Au-delà de la 24 e SA, les AINS peuvent exposer le fœtus à une toxicité cardiopulmonaire (fermeture prématurée du canal artériel et hypertension artérielle pulmonaire). La constriction du canal artériel peut survenir à partir de 5 mois et peut conduire à une insuffisance cardiaque droite fœtale ou néonatale, voire à une mort fœtale in utero. Ce risque est d'autant plus important que la prise est proche du terme (moindre réversibilité). Cet effet existe même pour une prise ponctuelle.
Médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens – non salicylés
Les profils d'efficacité et d'innocuité antalgiques des autres AINS en font des alternatives appropriées à l'aspirine pour le traitement des douleurs légères à modérées. La plupart des AINS sont principalement utilisés pour leurs propriétés anti-inflammatoires, mais ce sont aussi des antalgiques efficaces qui peuvent soulager une douleur associée à diverses affections oculaires. On utilise principalement les dérivés de l'acide propionique, les inhibiteurs de la cyclo-oxygénase-2 (COX-2) et quelques autres agents.
Les différents anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
(Voir tableau 17-2,
Tableau 17-2
Dérivés de l'acide propionique.
DCIExemples de spécialitéRatio COX-1/COX-2Dose unitaire per os (mg)Nombre de prises/jourPosologie quotidienne
AlminoprofèneMinalfene®3002–3600–900 mg
KétoprofèneProfenid®
Bi-Profenid®
8,1650–150–2001–3150–300 mg
IbuprofèneAdvil®
Brufen®
1,6940031,2–2,4 g
NaproxèneApranax®
Naprosyne®
1,79250–100020,5–1,1 g
FlurbiprofèneCebutid®10,27100–2003200–300 mg
Acide tiaproféniqueSurgam®1003300–600 mg
tableau 17-3,
Tableau 17-3
Dérivés indoliques.
DCIExemples de spécialitéRatio COX-1/COX-2Dose unitaire per os (mg)Nombre de prises/jourPosologie quotidienne
IndométacineIndocid®1,7825–751–350–150 mg
SulindacArthrocine®ND100–2001–2200–400 mg
tableau 17-4,
Tableau 17-4
Dérivés oxicams.
DCIExemples de spécialitéRatio COX-1/COX-2Dose unitaire per os (mg)Nombre de prises/jourPosologie quotidienne
PiroxicamFeldene®0,7910–20120–40 mg
TénoxicamTilcotil®ND20120 mg
MéloxicamMobic®0,097,5–1517,5–15 mg
tableau 17-5,
Tableau 17-5
Autres AINS.
DCIExemples de spécialitéRatio COX-1/COX-2Dose unitaire per os (mg)Nombre de prises/jourPosologie quotidienne
DiclofénacVoltarène®0,0525–1001–375–150 mg
Acide niflumiqueNifluril®ND2503750 mg
tableau 17-6
Tableau 17-6
AINS inhibiteurs spécifiques des COX-2.
DCIExemples de spécialitéDose unitaire per os (mg)Nombre de prises/jourPosologie quotidienne
CélécoxibCelebrex®100–2001 à 2200–400 mg
ParécoxibDynastat®40 mg (injectable)140 mg
EtoricoxibArcoxia®30–601 à 260–120 mg
et fig. 17-3
Fig. 17-3
IbuprofèneKétoprofèneIndométacinePiroxicamCélécoxibStructure des principaux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS).
.)
Pharmacologie des AINS
Comme les salicylés, les AINS non salicylés produisent des effets antalgiques principalement en inhibant la cyclo-oxygénase dans les tissus lésés ou inflammatoires, ce qui permet de réduire ou d'éliminer la production des médiateurs chimiques sensibilisant les nocicepteurs périphériques. L'activité antalgique des AINS non salicylés se caractérise également par un effet plafond. Leur utilisation répétée ou chronique ne provoque ni tolérance, ni dépendance. Ces médicaments sont métabolisés par le foie et excrétés dans l'urine. Leurs effets antalgiques sont voisins [5]. Bien que les études d'efficacité dans les affections oculaires douloureuses fassent défaut, les résultats d'autres études peuvent être utiles pour indiquer l'utilité relative de divers AINS pour le traitement des douleurs ophtalmiques. Les dérivés de l'acide propionique (kétoprofène, ibuprofène) sont supérieurs à l'aspirine en termes d'efficacité antalgique et semblent présenter de moindres effets indésirables. En chirurgie dentaire, l'ibuprofène et le kétoprofène sont plus efficaces que 650 mg d'aspirine, et 100 mg de kétoprofène sont significativement plus efficaces que 400 mg d'ibuprofène.
Utilisations cliniques des AINS
La variabilité de la réponse des patients aux AINS en termes d'efficacité et de toxicité peut être liée à des différences d'affinité de la liaison du médicament à la cyclo-oxygénase dans divers tissus. Par conséquent, aucune règle définitive ne peut être fixée pour sélectionner l'AINS le plus approprié pour un patient donné. Le choix doit être fondé sur l'expérience clinique, la préférence du patient, les antécédents, les effets indésirables et le coût. Les principales indications incluent les douleurs associées à l'inflammation, y compris les douleurs postopératoires et post-traumatiques. Les antalgiques les plus efficaces ont tendance à être ceux qui ont un début d'action rapide, de sorte que l'analgésie est obtenue dès la phase aiguë de la douleur. Bien que les AINS soient indiqués pour le soulagement de douleurs légères à modérées, leurs effets antalgiques sont souvent sous-estimés. Leur emploi est pertinent dans certaines douleurs sévères, y compris les douleurs postopératoires, et peut souvent éviter ou retarder l'utilisation d'antalgiques morphiniques. Les cliniciens doivent toutefois connaître le caractère variable de la réponse de chaque patient.
Effets indésirables des AINS
Les effets indésirables associés aux AINS sont voisins de ceux observés avec l'aspirine. Les AINS peuvent provoquer une diminution de la capacité d'attention, une perte de mémoire à court terme, une confusion, en particulier chez des patients âgés. Mais la préoccupation principale est focalisée sur les effets indésirables gastro-intestinaux observés tant avec les AINS qu'avec l'aspirine, même si les AINS peuvent être mieux tolérés chez certains patients qui ont présenté des effets indésirables gastro-intestinaux avec l'aspirine. Une surveillance attentive est indispensable, surtout chez les patients ayant des antécédents d'ulcère gastrique ou d'âge avancé, qui sont les plus sensibles. Des événements indésirables graves tels qu'ulcère, saignement ou même perforation de la muqueuse digestive peuvent survenir à tout moment avec ou sans symptômes précurseurs. Les patients sensibles qui nécessitent un traitement par AINS doivent recevoir les doses thérapeutiques les plus faibles possibles [6]. Plusieurs AINS, y compris l'ibuprofène, le fénoprofène, le diclofénac et le sulindac, semblent causer moins d'effets gastro-intestinaux que les autres AINS. En revanche, le piroxicam et le kétoprofène semblent présenter un risque accru de complications gastro-intestinales sévères. La toxicité digestive est en rapport avec la sélectivité relative variable de ces médicaments pour les deux isoenzymes de la cyclo-oxygénase : COX- et COX-2. La COX-1 biosynthétise des molécules cytoprotectrices dans la muqueuse gastrique et dans le rein, alors que l'isoforme COX-2 ne semble responsable de la production de prostaglandines que lors des seules réactions inflammatoires. Malheureusement, dans la vraie vie, cette dichotomie n'est pas aussi tranchée. Un traitement complémentaire avec des inhibiteurs de la pompe à protons (oméprazole, esoméprazole, lanzoprazole, pantoprazole, etc.) peut être utile pour limiter le risque de complications gastro-intestinales. Les AINS peuvent, à l'instar de l'aspirine, inhiber la fonction plaquettaire. Cependant, contrairement à l'aspirine, qui a un effet irréversible sur les plaquettes, les AINS n'inhibent l'agrégation plaquettaire que lorsque la concentration plasmatique du médicament est élevée. Une fois le médicament éliminé, la fonction plaquettaire est restaurée. Outre le risque d'insuffisance cardiaque congestive, les AINS peuvent également affecter la fonction rénale [7]. Les facteurs de risque d'insuffisance rénale aiguë induite par les AINS comprennent les cardiopathies et néphropathies préexistantes, la cirrhose hépatique, le lupus érythémateux systémique, le diabète sucré, l'athérosclérose, l'âge des patients et l'utilisation concomitante de diurétiques.
Contre-indications des AINS
Les contre-indications au traitement par AINS sont identiques à celles de l'aspirine. La formation d'un ulcère gastrique ou d'une érosion hémorragique est un risque sérieux [8]. Ces médicaments doivent évidemment être évités chez les patients déjà atteints d'un ulcère digestif. Le risque de complications gastro-intestinales par les AINS est augmenté même lors d'une utilisation en conjonction avec de l'aspirine prescrite à faible dose comme antiagrégant plaquettaire [9]. De plus, en raison d'une sensibilité croisée potentielle avec d'autres AINS, les AINS non salicylés ne doivent pas être administrés aux patients chez lesquels l'aspirine ou d'autres AINS ont provoqué des crises d'asthme, de rhinite, d'urticaire, un œdème de Quincke, une hypotension, un bronchospasme ou d'autres symptômes d'hypersensibilité [10]. Les opioïdes, le tramadol ou, surtout, le paracétamol constituent des alternatives pour les patients présentant une sensibilité connue ou suspectée. Les AINS doivent être évités chez les patients atteints d'insuffisance rénale. Chez les patients à risque, l'insuffisance rénale aiguë peut survenir après une dose unique de médicament. Les facteurs de risque comprennent la déshydratation, l'hypertension artérielle [11], l'insuffisance cardiaque congestive, l'utilisation concomitante d'inhibiteurs de l'enzyme de conversion, l'âge ou la prise de diurétiques. Les AINS, comme l'aspirine, doivent être évités pendant la grossesse, et même interdits au 3 e trimestre. De même, ils doivent être évités chez les mères allaitantes, car ils sont excrétés dans le lait et peuvent présenter une toxicité cardiovasculaire chez les nouveau-nés [12].
Paracétamol
Le paracétamol (fig. 17-4
Fig. 17-4
Structure du paracétamol.
) est l'antalgique le plus couramment utilisé. C'est souvent le médicament de première intention utilisé en automédication ou prescrit pour les douleurs légères à modérées, mais il peut aussi être utile dans les douleurs plus sévères en complément des antalgiques morphiniques. Il diffère sensiblement des AINS par sa pharmacologie et ses effets indésirables.
Pharmacologie
Le site et le mécanisme de l'action antalgique du paracétamol ne sont pas élucidés, mais son activité centrale est vraisemblable. Le paracétamol est un faible inhibiteur de la synthèse des prostaglandines [13]. Les effets antalgiques du paracétamol et de l'aspirine sont comparables, mais l'aspirine est supérieure au paracétamol pour traiter la douleur associée à l'inflammation, car le paracétamol a peu ou pas de propriétés anti-inflammatoires. Le paracétamol n'inhibe pas l'agrégation plaquettaire, n'affecte pas le temps de prothrombine, ne produit pas d'irritation gastro-intestinale et n'affecte pas la fonction rénale.
Utilisations cliniques
Le profil d'innocuité supérieur du paracétamol offre la possibilité d'utiliser cet antalgique plus largement que l'aspirine ou les AINS, par exemple chez les patients allergiques à l'aspirine ou chez les patients âgés. De plus, le paracétamol est dépourvu d'effets gastro-intestinaux, ce qui signifie qu'il peut être utilisé chez les patients atteints d'un ulcère digestif, de gastrite, de hernie hiatale. Il convient également aux patients présentant un risque de saignement [14]. On peut utiliser le paracétamol après une extraction de cataracte ou d'autres interventions chirurgicales. Bien que le paracétamol soit excrété dans le lait maternel à de faibles concentrations, il n'a pas effets indésirables connus chez les nourrissons, même si certains auteurs ont évoqué le risque du paracétamol comme perturbateur endocrinien, néanmoins plus faible que le risque observé avec l'ibuprofène. Lorsqu'il est utilisé à court terme à des doses thérapeutiques, il semble être sans danger quel que soit le terme de la grossesse, et il est l'antalgique de choix en cas de douleur pendant la grossesse ou l'allaitement. Un large éventail de médicaments est disponible : comprimés, solutions injectables, etc. (tableau 17-7
Tableau 17-7
Présentations de paracétamol disponibles en France.
DoseForme galénique
Paracétamol300 mgSachets-doses pour solution buvable
300 mgSuppositoires
500 mgComprimés, comprimés effervescents, gélules, sachets-doses
1000 mgComprimés, comprimés effervescents, gélules, sachets-doses
10 mg/mlSolution injectable 50 ml, 100 ml
). La posologie habituelle pour l'adulte est de 325 à 1 000 mg toutes les 6 heures. La posologie quotidienne pour un traitement à court terme de l'adulte ne doit pas dépasser 4 g. Chez l'enfant, la posologie est de 15 mg/kg toutes les 6 heures.
Effets indésirables
Lorsqu'il est utilisé selon les recommandations, le paracétamol entraîne rarement des effets indésirables significatifs. Bien que l'ingestion de 12 à 30 g soit considérée comme létale, un surdosage (> 7,5 g) peut entraîner une toxicité hépatique sévère, potentiellement critique, avec cytolyse majeure [15]. Chaque année, en France, 50 à 100 greffes hépatiques sont réalisées à la suite d'une intoxication aiguë par le paracétamol. Des lésions hépatiques peuvent survenir même aux doses recommandées, chez un patient éthylique chronique ou en cas de déficience hépatique préexistante [16]. Mais, aux doses thérapeutiques habituelles, le paracétamol est bien toléré, ne modifie pas l'agrégation plaquettaire, n'affecte pas la muqueuse gastro-intestinale, ni la fonction rénale [17].
Contre-indications
Le paracétamol doit être utilisé avec une grande prudence chez les patients éthyliques ou atteints d'insuffisance hépatique, car la toxicité hépatique du paracétamol peut survenir aux doses thérapeutiques. Même une prise modérée d'alcool, associée à une prise de paracétamol, peut potentiellement conduire à une augmentation du risque de toxicité hépatique. Il faut souligner que plus de 200 médicaments commercialisés en France contiennent du paracétamol, seul ou associé à d'autres substances. Ces médicaments sont souvent utilisés en automédication pour le traitement de douleurs, de fièvre, d'allergies ou d'un état grippal. Les patients doivent être informés du risque de cumul de doses si, à cette automédication, s'additionne la prescription médicale de paracétamol.
Antalgiques opioïdes (morphiniques)
Les antalgiques morphiniques sont également appelés opiacés (terme qui qualifie ou désigne des préparations contenant de l'opium ou, par extension, des substances extraites de l'opium, comme la morphine ou la codéine) ou des opioïdes (terme qui qualifie ou désigne une substance reproduisant les effets de la morphine, qu'elle soit synthétique ou naturelle). Ces médicaments englobent les médicaments dont l'activité est à la fois agoniste et antagoniste, au niveau des récepteurs opioïdes.
Ces médicaments sont les plus efficaces pour le traitement de la douleur aiguë sévère.
Dans l'échelle de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) de classement des antalgiques, les médicaments opioïdes occupent deux des trois niveaux (fig. 17-5
Fig. 17-5
Les trois niveaux de la classification des antalgiques de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
).
Propriétés pharmacologiques des opioïdes
Les opioïdes produisent une antalgie en se liant à divers récepteurs opioïdes dans le cerveau, le tronc cérébral et la moelle épinière, mimant ainsi les effets des peptides opioïdes endogènes (endorphines).
Les opioïdes semblent affecter à la fois la stimulation nociceptive (douleur) et la composante émotionnelle de la détresse subjective (souffrance). Les antalgiques morphiniques sont classés en agonistes, agonistes partiels ou mixtes agonistes-antagonistes, sur la base de leur activité à l'égard des divers récepteurs opioïdes. Le mécanisme d'action des opioïdes au niveau de leurs récepteurs centraux est très complexe, et le rôle précis des différents sous-types de récepteurs dans la modulation de la douleur reste incertain. Bien que de nombreux récepteurs opioïdes aient été identifiés, trois récepteurs principaux sont reconnus et sont désignés : mu, kappa et delta (tableau 17-8
Tableau 17-8
Répartition tissulaire des récepteurs d'action des opioïdes.
Récepteur μRécepteur κRécepteur δ
ŒilMyosisMyosisMydriase
AnalgésieSupraspinale ++Spinale ++±
ComportementEuphorieSédationDysphorie
VentilationDépressionDépressionStimulation
).
La plupart des antalgiques opioïdes utiles sont des agonistes agissant principalement au niveau des récepteurs μ et κ. Ils présentent les mêmes effets pharmacologiques.
Contrairement aux antalgiques non morphiniques, la plupart des opioïdes (à l'exception des agonistes/antagonistes comme la buprénorphine qui n'a plus d'indications dans le traitement de la douleur non cancéreuse et de la codéine dont l'effet plafond est probablement lié à l'épuisement des capacités des cytochromes de la transformer en morphine) n'ont généralement pas d'effet plafond. Ainsi, pour la plupart des opioïdes, une augmentation de la posologie permet d'obtenir une analgésie supplémentaire; le principal facteur qui limite la posologie est généralement la survenue d'effets indésirables. Cependant, certains patients peuvent développer une tolérance aux effets antalgiques d'un opioïde. Dans ce cas, un autre opioïde peut être introduit pour obtenir un bon soulagement de la douleur.
La morphine est l'opioïde standard vis-à-vis duquel les autres antalgiques morphiniques sont comparés [18].
Les effets indésirables potentiels des opioïdes, cependant, avec le potentiel d'abus et de dépendance qui les caractérise, les rendent généralement impropres à une utilisation au long cours pour des douleurs non cancéreuses.
À noter que l'examen ophtalmologique est plus difficile chez un patient présentant des pupilles myotiques bilatérales. L'ophtalmologiste ne doit pas perdre de vue que, parmi les étiologies possibles de ce symptôme, figurent la consommation, l'abus ou le surdosage d'opiacés (administration chronique). En effet, les médicaments morphiniques tels que l'héroïne, le fentanyl, la codéine, la méthadone et la morphine stimulent le système nerveux autonome parasympathique [19]. Le praticien doit donc être vigilant à l'égard d'une pression de la part d'un patient pouvant motiver la prescription injustifiée d'un opioïde.
Principaux opioïdes
La description des effets antalgiques de chacun de ces médicaments n'est qu'une évaluation approximative, et l'activité pharmacologique peut varier considérablement entre les patients et en fonction de la sensibilité individuelle des récepteurs opioïdes ainsi que de l'efficacité du métabolisme et de l'élimination de ces médicaments (fig. 17-6
Fig. 17-6
Structure des principaux opioïdes.
, tableaux 17-9
Tableau 17-9
Puissance relative des opioïdes*.
*La puissance est habituellement décrite par rapport à la morphine : à dose identique, la codéine orale est 6 fois moins puissante que la morphine, le fentanyl est 300 fois plus antalgique, etc.
Voie d'administrationFacteur de multiplication
MorphineOrale1
Parentérale3
CodéineOrale0,15
Parentérale0,23
FentanylParentérale300
HydromorphoneOrale4
Parentérale20
OxycodoneOrale1,5
Parentérale3
TramadolOrale0,25
Parentérale0,3
et 17-10
Tableau 17-10
Propriétés pharmacologiques de quelques opioïdes.
MédicamentAnalgésieSédationNauséesConstipationEuphorie
Morphine+++++++++++
Codéine++++++++
Hydrocodone+++++++
Oxycodone++++++++++
).
Codéine
La codéine est un antalgique du palier 2. Elle est généralement administrée en association avec le paracétamol. C'est un promédicament de la morphine. La transformation métabolique de la codéine en morphine dépend du système des cytochromes P-450. Les patients déficients en cytochrome P-450 (CYP2D6; jusqu'à 10 % des Caucasiens) sont peu « réceptifs» à l'égard de l'efficacité antalgique de la codéine. Ses effets se produisent 20 minutes après l'ingestion orale et peuvent atteindre un maximum au bout de 60 à 120 minutes. Compte tenu du potentiel de dépendance faible lorsqu'elle est utilisée aux doses recommandées pour le traitement de la douleur oculaire aiguë, la codéine a gagné un statut d'antalgique majeur (palier 2 de l'échelle de l'OMS) (tableaux 17-11
Tableau 17-11
Présentations d'associations de paracétamol + codéine ou tramadol.
DoseAssociationDoseForme galénique
Paracétamol200 mgCodéine30 mgComprimés
300 mg25 mgComprimés
400 mg20 mgComprimés
400 mg25 mgComprimés (Lindilane®)
400 mg60 mgComprimés, gélules, comprimés effervescents (Codoliprane®)
500 mg20 mgComprimés, gélules, comprimés effervescents (Dafalgan Codéine®)
500 mg30 mgComprimés, gélules, comprimés effervescents (Codoliprane®)
600 mg50 mgComprimés, gélules, comprimés effervescents (Codoliprane®)
325 mgTramadol37,5 mgComprimés (Klipal®, Zaldiar®)
et 17-12
Tableau 17-12
Présentations d'associations d'ibuprofène + codéine.
DoseDoseForme galénique
Ibuprofène200 mgCodéine30 mgComprimés (Antarene Codéine®)
400 mg60 mgComprimés (Antarene Codéine®)
). Cependant, la codéine est à l'origine de sédation et entraîne une incidence élevée d'effets gastro-intestinaux (constipation). Elle semble également avoir un effet plafond; l'augmentation de sa posologie apporte peu d'analgésie supplémentaire, mais augmente considérablement l'incidence des effets indésirables.
Tramadol
Le tramadol est également un antalgique du palier 2 de l'OMS (tableau 17-13
Tableau 17-13
Présentations de tramadol disponibles en France.
DoseForme galénique
Tramadol50 mg, 100 mg, 150 mg, 200 mgGélules (Topalgic, Zamudol)
Tramadol100 mg/mlSolution buvable
Tramadol100 mgSolution injectable
). C'est un analogue synthétique à action centrale de la codéine qui se lie aux récepteurs opioïdes μ et inhibe la recapture de la noradrénaline et de la sérotonine [20]. Ce médicament est indiqué dans le traitement des douleurs modérées, l'analgésie commençant dans l'heure qui suit la prise orale. Les effets indésirables courants du tramadol comprennent les étourdissements, les nausées, la bouche sèche et la sédation; cependant, le potentiel d'abus ou de dépendance semble être faible, et des complications graves n'ont pas été signalées. Parce que le tramadol empêche la recapture de la noradrénaline et de la sérotonine, il doit être utilisé avec extrême prudence chez les patients recevant un inhibiteur de la monoamine oxydase. De même, le tramadol est contre-indiqué chez les patients qui sont en situation d'éthylisme aigu ou qui reçoivent un médicament dépresseur du SNC, ou chez les patients présentant des troubles rénaux ou une insuffisance hépatique. En raison de sa moindre efficacité par rapport aux antalgiques opioïdes et de l'absence d'avantage clair concernant sa sécurité d'emploi, le tramadol peut ne pas être un antalgique de premier choix [21].
Morphine
La morphine, antalgique du palier 3 de l'OMS, est le principal alcaloïde de l'opium (tableau 17-14
Tableau 17-14
Présentations d'opioïdes de palier 3 disponibles en France.
MoléculeDoseForme galénique
Oxycodone10 mg/mlSolution injectable ampoules 1 ml, 2 ml, 20 ml
50 mg/mlSolution injectable ampoules 1 ml, 4 ml, 10 ml
10 mg/mlSolution buvable
5 mg, 10 mg, 15 mg, 20 mg, 30 mg, 40 mg, 60 mg, 80 mgGélules, comprimés, comprimés orodispersibles (Oxycontin®, Oxynormoro®)
Hydromorphone4 mg, 8 mg, 16 mg, 24 mgGélules LP (Sophidone®)
Morphine5 mg, 10 mg, 20 mg, 30 mgComprimés, gélules à libération immédiate (Actiskenan®, Sevredol®)
10 mg/5 ml – 20 mg/1 ml – 100 mg/5 mlSolution buvable (Oramorph®)
10 mg, 30 mg, 60 mg, 100 mg, 200 mgComprimés LP, gélules à libération prolongée (Moscontin®, Skenan LP®)
10 mg/ml, 20 mg/ml, 40 mg/ml, 50 mg/mlSolution injectable, ampoules de 1 ml, 5 ml, 10 ml
Fentanyl12 μg/h, 25 μg/h, 50 μg/h, 75 μg/h, 100 μg/h,Dispositifs transdermiques (Durogesic®)
100 μg, 200 μg, 300 μg, 400 μg, 600 μg, 800 μg,Comprimés sublinguaux (Abstral®)
50 μg/dose, 100 μg/dose, 200 μg/dose,Pulvérisations nasales (Instanyl®)
). Elle est disponible sous forme de comprimés ou gélules à libération immédiate ou prolongée et sous forme injectable. Elle est réservée au traitement des douleurs sévères aiguës ou chroniques. Dans les douleurs aiguës, l'utilisation de la forme injectable ou de formes orales à libération immédiate s'impose. En revanche, dans les douleurs chroniques, la règle consiste à administrer des formes à libération prolongée, quitte, lors d'accès douloureux, à administrer des interdoses correspondant à environ 10 % de la dose totale quotidienne. La morphine est dotée d'une action analgésique dose-dépendante. Elle peut agir sur le comportement psychomoteur et provoquer, selon les doses et le terrain, sédation ou excitation. La morphine exerce sur les centres respiratoires et de la toux, dès les doses thérapeutiques, une action dépressive. Les effets dépresseurs respiratoires de la morphine s'atténuent en cas d'administration chronique d'une dose inchangée. La morphine provoque un myosis, même dans l'obscurité totale. Un myosis en tête d'épingle est un signe de surdosage en opioïde, mais n'est pas pathognomonique (par exemple une lésion du tronc cérébral d'origine hémorragique ou ischémique peut provoquer le même symptôme). Une mydriase importante plutôt qu'un myosis peut être observée en cas d'hypoxie dans le cadre d'un surdosage en morphine. La morphine présente également des propriétés émétisantes. La morphine est métabolisée par le foie en dérivés glycurono-conjugués qui s'accumulent en cas d'insuffisance rénale et peuvent amplifier la toxicité intrinsèque de la morphine. Il faut également être vigilant à l'égard du risque de développement d'une dépendance ou d'une tolérance physique et/ou psychologique. Plus l'utilisation du médicament est longue, plus le risque augmente. La morphine diminue le tonus et le péristaltisme des fibres longitudinales et augmente le tonus des fibres circulaires, ce qui provoque un spasme des sphincters : pylore, valvule iléocæcale, sphincter anal, sphincter d'Oddi, sphincter vésical.
Oxycodone
L'oxycodone, antalgique du palier 3, est, chimiquement, un congénère de la codéine, mais semble être 10 à 12 fois plus puissante que cette dernière. Lorsqu'elle est prise par voie orale, l'oxycodone est aussi puissante que la morphine administrée par voie parentérale; comme la codéine, elle conserve cette puissance d'action lorsqu'elle est administrée par voie orale. Malheureusement, sa puissance addictive par voie orale est très élevée. Quand elle est comparée à la codéine ou à la morphine, l'oxycodone peut présenter une moindre incidence d'effets indésirables somatiques, mais elle est à l'origine d'une sensation d'euphorie, ce qui explique son potentiel d'abus très élevé. On considère que cet effet est à l'origine d'une véritable épidémie de toxicomanie aux opiacés aux États-Unis. C'est pour cette raison qu'en France l'oxycodone n'est pas disponible en association avec le paracétamol.
Hydrocodone
L'hydrocodone, un autre congénère de la codéine, est environ 6 fois plus puissante que la codéine. Cet agent semble causer moins de constipation et moins de sédation que la codéine. Il a été suggéré que l'hydrocodone pourrait produire plus d'euphorie que la codéine, mais cet effet a n'a pas été prouvée dans les études cliniques.
Fentanyl
Le fentanyl est un analgésique opioïde qui interagit principalement sur les récepteurs aux opioïdes μ (voir tableau 17-14
Tableau 17-14
Présentations d'opioïdes de palier 3 disponibles en France.
MoléculeDoseForme galénique
Oxycodone10 mg/mlSolution injectable ampoules 1 ml, 2 ml, 20 ml
50 mg/mlSolution injectable ampoules 1 ml, 4 ml, 10 ml
10 mg/mlSolution buvable
5 mg, 10 mg, 15 mg, 20 mg, 30 mg, 40 mg, 60 mg, 80 mgGélules, comprimés, comprimés orodispersibles (Oxycontin®, Oxynormoro®)
Hydromorphone4 mg, 8 mg, 16 mg, 24 mgGélules LP (Sophidone®)
Morphine5 mg, 10 mg, 20 mg, 30 mgComprimés, gélules à libération immédiate (Actiskenan®, Sevredol®)
10 mg/5 ml – 20 mg/1 ml – 100 mg/5 mlSolution buvable (Oramorph®)
10 mg, 30 mg, 60 mg, 100 mg, 200 mgComprimés LP, gélules à libération prolongée (Moscontin®, Skenan LP®)
10 mg/ml, 20 mg/ml, 40 mg/ml, 50 mg/mlSolution injectable, ampoules de 1 ml, 5 ml, 10 ml
Fentanyl12 μg/h, 25 μg/h, 50 μg/h, 75 μg/h, 100 μg/h,Dispositifs transdermiques (Durogesic®)
100 μg, 200 μg, 300 μg, 400 μg, 600 μg, 800 μg,Comprimés sublinguaux (Abstral®)
50 μg/dose, 100 μg/dose, 200 μg/dose,Pulvérisations nasales (Instanyl®)
). Ses principaux effets thérapeutiques sont une analgésie et une sédation. La grande liposolubilité de la molécule explique sa capacité de traverser aisément les membranes biologiques, en particulier muqueuses, ce qui explique son emploi par des voies utilisant les muqueuses nasale et buccale, mais aussi la peau.
Utilisation clinique
De nombreux cliniciens sont réticents à prescrire des antalgiques morphiniques en raison du risque perçu de dépendance iatrogène. À certains égards, ils peuvent avoir raison si toutes les ressources des autres médicaments n'ont pas été épuisées. Ainsi, le kétoprofène à des doses de 50 et 150 mg a été comparé à l'antalgie procurée par 650 mg de paracétamol associés à 60 mg de codéine dans le cadre de douleurs postopératoires modérées à sévères. Les résultats suggèrent que le kétoprofène pourrait avoir un effet antalgique supérieur et une durée d'analgésie plus longue par rapport à l'association paracétamol-codéine. Cependant, l'utilisation à court terme des opioïdes pour la prise en charge d'une douleur aiguë chez les patients sans antécédent de dépendance entraîne rarement une addiction. Les antalgiques opioïdes sont généralement sans danger pour le traitement à court terme des douleurs oculaires tant que l'utilisation est appropriée et rationnelle.
Les opioïdes peuvent être plus efficaces et plus sûrs chez certains patients présentant des contre-indications aux AINS (par exemple les patients souffrant d'insuffisance rénale ou d'ulcère gastroduodénal). En ambulatoire, la voie orale est préférée en raison de la commodité de son emploi. Dans le traitement des douleurs aigues sévères, le maximum de l'effet antalgique survient généralement après 1,5 à 2 heures. L'adjonction d'un médicament à action périphérique, tel qu'un AINS, à l'opioïde permet de renforcer l'efficacité antalgique par effet additif ou synergique. L'augmentation de la dose de l'opiacé peut améliorer l'analgésie, mais souvent au prix d'une augmentation substantielle des effets indésirables. Ainsi, la plupart des antalgiques opioïdes de palier 2 de l'OMS ne sont couramment utilisés qu'en association avec un antalgique non morphinique.
Les études sur les effets des opioïdes en chirurgie ophtalmique remontent aux années 1960. Le fentanyl et la morphine ont été évalués comme des compléments de l'anesthésie dans des études randomisées sur la douleur postopératoire et se sont avérés avoir une efficacité variable. Trois études ont évalué l'utilisation du fentanyl par rapport au bloc sous-ténonien au moyen d'anesthésiques locaux chez l'enfant. L'utilisation du fentanyl intraveineux (IV) offre des résultats similaires au bloc sous-ténonien pour le contrôle de la douleur 2 heures après la chirurgie du strabisme.
Chez les enfants subissant une chirurgie du strabisme, l'utilisation de la morphine par voie intraveineuse a été évaluée dans deux études. Aucune différence dans l'évaluation de la douleur jusqu'à la sortie n'a été constatée par rapport au diclofénac rectal. La lidocaïne péribulbaire seule a été comparée à la lidocaïne péribulbaire plus morphine pour la chirurgie du ptérygion chez l'adulte. Alors que les scores de douleur à 24 heures après l'opération étaient significativement plus faibles dans le groupe morphine, les deux interventions ont entraîné des niveaux de sédation similaires avec la même proportion d'effets indésirables [22].
L'utilisation de fentanyl par voie intraveineuse favorise une bonne antalgie pendant les 24 heures suivant la chirurgie de la cataracte [23]. C'est également le cas pour la chirurgie vitréorétinienne [24]. Les opioïdes, tels que l'oxycodone et le tramadol, ont été étudiés chez l'adulte dans le cadre postopératoire d'une chirurgie rétinienne. L'oxycodone à libération contrôlée a significativement surpassé le tramadol/métamizol intraveineux chez les patients adultes au cours des 24 premières heures après la chirurgie, avec moins d'effets indésirables et une plus grande satisfaction globale des patients [25].
Précautions particulières
Lorsqu'un traitement antalgique opioïde est instauré, les patients doivent être informés de différents risques :
  • une somnolence, des étourdissements, une vision floue ou une diplopie peuvent se produire. Les patients doivent être prudents lorsqu'ils conduisent ou effectuent des tâches nécessitant de la vigilance;
  • alcool, relaxants musculaires ou autres dépresseurs du SNC doivent être évités car ils peuvent aggraver la sédation induite par les opioïdes;
  • les nausées, les vomissements et la constipation sont des effets indésirables habituels, qu'il est possible de gérer au moyen de traitements symptomatiques, notamment des laxatifs osmotiques;
  • en cas de troubles gastro-intestinaux, le médicament peut être pris avec de la nourriture pour diminuer l'irritation gastro-intestinale;
  • des difficultés respiratoires ou un essoufflement peuvent survenir;
  • palpitations, modifications du pouls et de la tension artérielle, et syncope peuvent intervenir.
Si les doses doivent être adaptées aux besoins des patients, il faut reconnaître que les antalgiques opioïdes sont couramment prescrits à des doses trop faibles et à des intervalles sont trop longs pour obtenir un véritable soulagement de la douleur. Les opioïdes devraient être réévalués en termes d'efficacité et de toxicité chaque fois que nécessaire et le régime thérapeutique doit être, le cas échéant, modifié en conséquence. Les patients sont les meilleurs juges de l'efficacité d'un antalgique, et les prescripteurs doivent rester flexibles dans la demande des patients, tout en prenant garde à ne pas encourager l'installation d'un besoin addictif.
Effets indésirables
L'activité pharmacologique des opioïdes est complexe et peut entraîner, selon les doses et le contexte thérapeutique, une dépression ou une stimulation du SNC. Il est difficile de prévoir les effets indésirables dans des conditions données.
Ces effets indésirables sont généralement bénins et ne nécessitent pas l'arrêt du traitement opioïde. Les plus fréquemment rencontrés comprennent étourdissements, sédation, nausées, vomissements, constipation et dépression respiratoire. Ces symptômes surviennent plus souvent chez les patients insuffisants rénaux ou hépatiques.
Bien que les antalgiques opioïdes puissent produire des troubles de l'humeur (euphorie) chez certains patients ou une sédation chez d'autres, l'effet indésirable le plus fréquent est la dépression du SNC se manifestant par de la somnolence. On peut réduire la sédation ou la somnolence en diminuant la posologie de l'antalgique et en diminuant l'intervalle entre les prises. On doit prendre en compte le fait que l'effet sédatif des antalgiques opioïdes s'additionne avec les effets sédatifs des hypnotiques, de l'alcool, de certains psychotropes, tranquillisant, antidépresseurs, antipsychotiques, etc. Ces agents dépresseurs doivent être évités lorsque des opioïdes sont prescrits.
L'incidence des nausées et des vomissements induits par les opioïdes est nettement augmentée chez les patients ambulatoires. Les nausées et les vomissements peuvent être traités avec de l'hydroxyzine ou une phénothiazine anti-émétique. Un corticoïde par voie générale peut également avoir des effets bénéfiques.
Les opioïdes inhibent la motilité du tractus intestinal, ce qui peut provoquer la constipation. C'est l'un des effets indésirables les plus courants avec les antalgiques morphiniques. Si la constipation devient problématique, elle peut souvent être soulagée par un régime diététique riche en fibres, une hydratation importante et par l'emploi de laxatifs doux (Macrogol®).
L'effet indésirable le plus sévère des opioïdes est la dépression respiratoire. Les agonistes morphiniques sont dépresseurs du centre respiratoire du tronc cérébral et modifient ainsi le volume respiratoire, la fréquence respiratoire et la réactivité au CO 2 . Lorsqu'ils sont utilisés à doses thérapeutiques adaptées, les opioïdes produisent des degrés équivalents de dépression respiratoire. Il est rare que des doses thérapeutiques d'opioïdes conduisent à une dépression respiratoire significative chez des sujets en bonne santé. Les opioïdes doivent être utilisés avec prudence, cependant, chez les patients atteints de maladie pulmonaire, en particulier les patients atteints de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO).
Certains médicaments opiacés comme la pentazocine, le propoxyphène ou la péthidine ont été retirés du marché français en raison d'effets indésirables ne justifiant pas leur maintien.
Contre-indications
Les antalgiques opioïdes sont contre-indiqués chez les patients ayant des antécédents d'hypersensibilité aux morphiniques, car il existe un risque de sensibilité croisée entre les différents opioïdes. Les réactions allergiques avérées aux opioïdes sont rares et se présentent, cliniquement, sous la forme d'urticaire, d'éruptions cutanées, etc.
Les opioïdes sont également contre-indiqués chez les patients atteints d'asthme bronchique et chez les patients atteints de BPCO.
Les patients souffrant d'insuffisance rénale ou hépatique méritent une attention toute particulière en raison du risque d'accumulation de métabolites toxiques [26].
L'innocuité absolue des antalgiques morphiniques pendant la grossesse n'a pas été établie chez l'homme, mais une certaine association entre les anomalies congénitales et l'exposition à la codéine au cours du 1 er trimestre a été signalée. Cependant, certains auteurs recommandent la codéine et le paracétamol comme médicaments de choix pour le traitement de migraines pendant la grossesse. En cas de prise tardive pendant la grossesse, les opioïdes peuvent provoquer un syndrome de sevrage et des troubles respiratoires à type de dépression chez le nouveau-né. La plupart des antalgiques opioïdes apparaissent en petites quantités dans le lait maternel, mais les effets des médicaments chez les nourrissons semblent être insignifiants. Si possible, l'allaitement doit être différé d'au moins 4 à 6 heures après la prise d'antalgiques opioïdes.
Stratégies générales de traitement de la douleur
Les lignes directrices suivantes servent de base générale pour une approche rationnelle du traitement antalgique pour la plupart des patients présentant une douleur oculaire aiguë :
  • un diagnostic complet doit être posé et des traitements de fond de l'atteinte oculaire doivent être initialement mis en place;
  • l'expérience de la douleur est éminemment variable d'un patient à l'autre, et donc la capacité de chaque patient de supporter la douleur varie considérablement. Ainsi, le traitement antalgique doit être adapté en fonction de la gravité de la douleur;
  • un historique médical et pharmaceutique complet est essentiel pour mettre au jour d'éventuelles contre-indications aux divers antalgiques, comme les maladies systémiques préexistantes, les allergies, les interactions médicamenteuses potentielles ou la grossesse;
  • la douleur doit être traitée par les moyens les plus simples et les plus sûrs offrant un maximum de confort pour le patient;
  • le traitement antalgique doit être prescrit sur une période de 24 heures afin d'éviter ou de minimiser le retour de la douleur;
  • lorsque les patients peuvent avaler, la voie d'administration orale est privilégiée en raison de sa simplicité, de son efficacité et de sa commodité;
  • l'utilisation d'antalgiques de palier 1 de l'OMS (paracétamol ou ibuprofène) est la première étape de la prescription, sauf si la douleur est d'emblée sévère et nécessite des médicaments de paliers 2 ou 3 de l'OMS;
  • les antalgiques opioïdes doivent être utilisés avec discernement, sans être refusés si des médicaments non opioïdes s'avèrent inefficaces. Il est prudent d'envisager un traitement antalgique par étapes et d'en informer le patient. Un changement de médicament n'est pas le signe d'un échec.
Les AINS, généralement l'ibuprofène ou le paracétamol, peuvent être utilisés initialement pour les douleurs légères à modérées, et les opioïdes doivent être réservés au traitement des douleurs modérées à intenses.
Cette approche est cliniquement efficace, réduit l'incidence et la gravité des effets indésirables, et est généralement acceptée et bien tolérée par la plupart des patients. Par exemple, un antalgique non opioïde (400 mg d'ibuprofène ou 1 000 mg de paracétamol, 3 fois par jour) peut être un point de départ pour la prise en charge d'une douleur aiguë.
Les AINS (ibuprofène, kétoprofène) offrent souvent une meilleure antalgie que l'aspirine ou le paracétamol. Mais de nombreuses précautions doivent entourer la prescription de ces médicaments.
Si une antalgie supplémentaire est nécessaire parce que la réponse aux antalgiques non morphiniques est insuffisante, un opioïde comme la codéine, le tramadol ou la morphine peut être envisagé. Divers adjuvants et/ou diverses procédures peuvent être utilisés pour renforcer l'effet antalgique du médicament opioïde ou non.
Dans la pratique ophtalmologique, le traitement d'un traumatisme aigu peut impliquer un patch de pression, un bandage, des lentilles de contact, des compresses froides, des cycloplégiques, ou diverses combinaisons de ces modalités selon les besoins du traitement des abrasions cornéennes, des corps étrangers ou de l'uvéite antérieure. Ces stratégies peuvent avoir un véritable intérêt antalgique et peuvent être extrêmement utiles pour améliorer les performances des médicaments antalgiques. De plus, la caféine administrée par voie orale peut être efficace non seulement pour améliorer l'antalgie, mais aussi pour surmonter la somnolence et la sédation associées aux opioïdes.
Les anesthésiques topiques continus ou au long cours ne doivent jamais être utilisés pour augmenter l'efficacité des médicaments antalgiques. Les risques de complications locales dépassent de loin les avantages de l'administration non supervisée d'anesthésiques topiques.
Traitement des douleurs neuropathiques cornéennes
La douleur neuropathique cornéenne (DNC; également appelée névralgie cornéenne) est une entité mal définie. Elle peut être perçue comme une douleur, un inconfort, une sensation de brûlure, une irritation, autant de symptômes qui peuvent s'ajouter à d'autres syndromes tels que la sécheresse oculaire. La stratégie de prise en charge des patients atteints de DNC nécessite une différenciation des sources de douleurs périphériques, mixtes et centrales. Plusieurs approches thérapeutiques ont été évaluées.
Traitement neurorégénératif
Il a été démontré que des stratégies thérapeutiques ciblant la régénération neuronale atténuaient les symptômes des patients. La justification de cette approche est fondée sur des modèles précliniques et l'utilisation de facteurs neurotrophiques, en particulier le facteur de croissance des nerfs ( nerve growth factor [NGF]). Le NGF diminue l'allodynie et l'hyperalgésie en réduisant l'astrocytose réactive et la modulation gliale. Un bénéfice important est obtenu avec l'utilisation du collyre de sérum autologue [27] ou, mieux, le collyre de sérum de sang de cordon, riche en NGF et IGF-1, chez les patients atteints de kératopathie neurotrophique, alors que les approches thérapeutiques traditionnelles, comme les substituts lacrymaux, échouent. Bien que la concentration de 20 % soit la plus couramment utilisée, aucune normalisation, ni aucun essai clinique randomisé ne permettent de valider la dilution de ce collyre. Mais diverses études ont rapporté l'efficacité de ce collyre pour le traitement des DNC [28].
Traitement anti-inflammatoire
La physiopathologie des DNC implique la prise en compte des lésions des nerfs périphériques (traumatisme direct, inflammation, phénomène toxique) entraînant la libération de neuropeptides pro-inflammatoires et de cytokines à partir, respectivement, des nerfs lésés et des nerfs sains environnants [29]. L'inflammation chronique peut diminuer la croissance des neurites et augmenter l'afflux de calcium à travers les membranes cellulaires, provoquant une dégénérescence axonale. Ainsi, le rôle critique de l'inflammation dans la physiopathologie des DNC justifie l'utilisation d'un traitement anti-inflammatoire en raison de son mécanisme d'action inhibiteur sur la synthèse des cytokines, des prostaglandines et des leucotriènes, ainsi que de l'inhibition de la migration des leucocytes. Dans ce cadre, les préparations sans conservateurs (sans chlorure de benzalkonium) telles que la méthylprednisolone à 1 % sont préférables, car les propriétés pro-inflammatoires du conservateur peuvent être délétères [30].
Réhabilitation de la surface oculaire et prise en charge des comorbidités
Un traitement palliatif incluant la lubrification de la surface oculaire peut apporter un soulagement supplémentaire à court terme : la lubrification permet une diminution de l'osmolarité des larmes et une dilution des médiateurs pro-inflammatoires. Les approches réduisant l'évaporation peuvent être bénéfiques. Outre les lubrifiants, on peut traiter le dysfonctionnement concomitant des glandes de Meibomius au moyen de compresses chaudes et d'un massage des paupières. En améliorant la stabilité du film lacrymal et en réduisant l'inflammation, ces agents peuvent agir comme traitement d'appoint dans les DNC. De plus, le traitement des comorbidités, des allergies oculaires et du conjonctivochalasis constitue autant d'éléments permettant d'atténuer les symptômes.
Membrane amniotique cryoconservée
Il a été démontré que la membrane amniotique a des effets anti-inflammatoires, antifibrotiques et neurotrophiques à la surface oculaire [31]. Elle est généralement bien tolérée, ce qui entraîne un soulagement symptomatique.
Traitements de la douleur neuropathique cornéenne au moyen de médicaments administrés par voie systémique
Les DNC peuvent ne pas répondre à une approche thérapeutique locale. Un traitement systémique peut alors se révéler indispensable pour soulager la douleur [32]. L'utilisation de ces traitements est légitimée par les résultats obtenus dans les névralgies post-zostériennes ou d'autres douleurs neuropathiques [33]. Une combinaison thérapeutique peut être nécessaire.
Antidépresseurs tricycliques
Les antidépresseurs tricycliques sont utilisés efficacement dans le traitement des douleurs neuropathiques [34]. Ils exercent leur action en inhibant la recapture présynaptique de la sérotonine et de la noradrénaline, ainsi qu'en bloquant les canaux cholinergiques, histaminergiques et sodiques. L'efficacité clinique de 25 à 150 mg d'amitriptyline par jour a été démontrée avec une réduction significative de la douleur chez 66 % des patients en 3 semaines. Les effets indésirables courants comprennent la bouche sèche, la constipation et la sédation.
Anticonvulsivants
La carbamazépine est un inhibiteur des canaux sodiques couramment utilisé pour le traitement de la névralgie du trijumeau [35]. Les recommandations sont fondées sur les résultats de diverses études contrôlées durant lesquelles les patients sont traités par 300 à 2400 mg/jour avec des paliers posologiques successifs. La supériorité de la carbamazépine a été démontrée. Les effets indésirables les plus courants sont la somnolence, les maux de tête et les étourdissements. Une fois la réponse obtenue, la dose peut être réduite à une dose efficace minimale.
Naltrexone
C'est un antagoniste des opioïdes pour les récepteurs opioïdes μ et κ. La naltrexone à faible dose (3 à 5 mg) a été utilisée (hors AMM) efficacement comme traitement de douleurs neuropathiques chroniques [36].
Tramadol
Le tramadol est un agoniste opioïde μ faible en plus d'être un inhibiteur de la recapture de la noradrénaline et de la sérotonine [37]. Les opioïdes se sont avérés supérieurs au placebo pour réduire l'intensité de la douleur neuropathique. La posologie du tramadol est de 50 mg une ou deux fois par jour avec une augmentation progressive jusqu'à une dose maximale de 400 mg par jour.
Gabapentine et prégabaline
Ce sont des ligands du canal calcique α 2-δ, utilisés initialement comme anticonvulsivants, mais dont l'emploi dans le traitement des diverses douleurs neuropathiques a été validé par diverses études cliniques [38]. Dans les douleurs post-zostériennes, la prégabaline (300 à 600 mg/jour) a diminué la douleur à court terme [39]. Les effets indésirables, fréquents, comprennent les vertiges, la somnolence, la bouche sèche et la constipation.
Inhibiteurs de la sérotonine
La duloxétine et la venlafaxine sont des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine possédant à la fois des propriétés antidépressives et antalgiques centrales. Leur double mécanisme d'action a été étudié dans plusieurs essais cliniques sur les polyneuropathies douloureuses [40].
Bloqueur des canaux sodiques
La mexilétine, un inhibiteur des canaux sodiques, agent anesthésique local actif par voie orale, est structurellement apparentée à la lidocaïne et prescrite comme traitement de deuxième ou troisième ligne pour les douleurs neuropathiques [41].
Changements de style de vie
Des preuves précliniques et cliniques suggèrent l'efficacité des exercices de cardio-training dans le soulagement de la douleur par l'inhibition des voies de la douleur modifiant la perception de la douleur, et entraînant une amélioration de l'allodynie et de l'hyperalgésie [42]. L'effet anti-inflammatoire de l'exercice physique après une lésion nerveuse a pu être démontré. Ont également été évoquées des stratégies d'intervention nutritionnelle, telles que l'augmentation du rapport entre les acides gras oméga-3 et oméga-6, susceptible de réguler l'inflammation [43]. Les médicaments topiques utilisés dans les douleurs neuropathiques cornéennes sont indiqués dans le tableau 17-15
Tableau 17-15
Médicaments topiques utilisés dans les douleurs neuropathiques cornéennes.
Agent topiqueMécanisme d'actionPathologieEfficacité, niveau de preuve
Collyre de sérum autologue 20 %Facteurs neurotrophiques : NGF, substance P, facteur de croissance analogue à l'insuline-1Nerfs et cellules épithéliales lésésNiveau de preuve moyen
CorticoïdesAnti-inflammatoire
Inhibition de la migration des leucocytes, de la synthèse des cytokines, des prostaglandines et des leucotriènes
Inflammation de la surface oculaireNiveau de preuve élevé
Membrane amniotique cryoconservéeAnti-inflammatoire, neurotrophiqueInflammation de la surface oculaireNiveau de preuve moyen
Lentille de contact, lentille scléraleEffet protecteur contre les déclencheurs environnementauxLésion de la surface oculaireNiveau de preuve moyen
Larmes artificielles (émulsions sans conservateur)Diminution de l'osmolalité lacrymale – dilution
Mécanisme de protection dans la sécheresse oculaire par évaporation
Maladie de la surface oculaireNiveau de preuve élevé
; ceux utilisables pour le traitement des douleurs neuropathiques cornéennes en cas d'échec des traitements par AINS, paracétamol ou opioïdes, dans le tableau 17-16
Tableau 17-16
Médicaments utilisables pour le traitement des douleurs neuropathiques cornéennes en cas d'échec des traitements par AINS, paracétamol, ou opioïdes.
Médicaments (classe)Mécanisme d'actionPosologie initialePosologie maximaleEffets indésirablesPrécautions et contre-indications
Agents de première ligne
Antidépresseurs tricycliques
Nortriptyline, désipramine
Inhibition de la recapture de monoamines, blocage des canaux sodiques et effets anticholinergiques10–25 mg au coucher100 mg au coucherBouche sèche, constipation, somnolence, effets anticholinergiques, prise de poidsMaladie cardiaque, adénome prostatique et troubles épileptiques
De fortes doses doivent être évitées chez les adultes > 65 ans
Carbamazépine (anticonvulsivant)Bloqueur de canal sodique200 mg par jour400–800 mg/j, en 2–3 dosesHyponatrémie, somnolence, maux de tête, vertiges, éruptions cutanées et nauséesUtilisation concomitante d'inhibiteurs de la MAO, maladie cardiaque ou hépatique rénale, hyperplasie
prostatique
Agents de deuxième ligne
Naltrexone à faible dose (antagoniste opioïde)Effet anti-inflammatoire à faibles doses : réduisant les cytokines pro-inflammatoires
Antagoniste opioïde sur les récepteurs opioïdes μ et κ
1,5 mg au coucher4,5 mg au coucherMaux de tête, cauchemars, tachycardie et anxiétéUtilisation de médicaments immunosuppresseurs
Tramadol (agoniste opioïde)Agoniste du récepteur μ et inhibiteur de recapture de monoamine50 mg/jour100 mg/jour en doses fractionnéesNausées, vomissements, constipation, vertiges et somnolenceAntécédents de toxicomanie, risque de suicide et antidépresseur chez les patients âgés
Agents de troisième ligne
Ligands des canaux calciques α2δ
(anticonvulsivant)
Gabapentine, prégabaline
Agissent sur la sous-unité α2δ des canaux calciques voltage-dépendants, qui diminuent la sensibilisation centrale100–300 mg 3 fois/jour
50 mg 3 fois/jour
ou 75 mg 2 fois/jour
2400 mg/jour
300 mg/jour
Sédation, vertiges, œdème périphériqueDose réduite en cas d'insuffisance rénale
Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine-noradrénaline
Duloxétine
Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine-noradrénaline30 mg/jour60 mg 2 fois/jourNausées, douleurs abdominales, constipationTroubles hépatiques
Mexilétine (blocage des canaux sodiques sodium)Bloqueur de canaux sodiques voltage-dépendants
Anti-arythmique
225–675 mg/jour675 mg/jourNausées, maux de tête, troubles du sommeil, fatigue, gastrite (effet indésirable le plus fréquent)Insuffisance hépatique Insuffisance cardiaque sévère
Troubles de la conduction intraventriculaire
.
Antalgiques chez l'enfant
Bien que de nombreux antalgiques soient disponibles, peu d'antalgiques opioïdes ou non sont utilisables chez l'enfant [44].
Traitement des douleurs légères à modérées
Comme chez l'adulte, la douleur légère chez l'enfant est d'abord traitée par les antalgiques non opioïdes. En raison de son association avec le syndrome de Reye, l'aspirine a été abandonnée en pédiatrie au profit du paracétamol et des autres AINS. Le paracétamol est aussi efficace que l'aspirine pour le traitement de la douleur chez les enfants, avec très peu d'effets indésirables graves. La posologie recommandée est d'environ 10 mg/kg par voie orale toutes les 4 heures ou 15 mg/kg toutes les 6 heures. En raison de son profil de toxicité favorable, le paracétamol est souvent le premier agent utilisé pour une douleur légère à modérée, mais il peut également être utile dans des douleurs plus sévères en complément de l'antalgie opioïde. Les AINS sont utiles pour le traitement des douleurs d'origine inflammatoire. Ils sont relativement sûrs, bien tolérés, et permettent de diminuer le besoin d'opioïdes sans créer de dépendance. On peut utiliser l'ibuprofène ou le naproxène. Tous ces médicaments peuvent provoquer une gastrite; ils doivent être pris avec les repas. Si les effets indésirables gastro-intestinaux persistent avec un AINS, un autre agent doit être sélectionné.
Traitement des douleurs modérées à sévères
Les douleurs modérées à sévères nécessitent l'utilisation d'antalgiques opioïdes, la codéine ou le tramadol, associés au paracétamol. La voie orale doit être utilisée chaque fois que c'est possible. Elle est réservée aux enfants de plus de 3 ans. La posologie pédiatrique initiale de la codéine est de 0,5 à 1,0 mg/kg par voie orale avec 10 mg/kg de paracétamol, toutes les 4 à 6 heures [45].
Antalgiques chez le sujet âgé
La prescription d'antalgiques chez les patients âgés peut se révéler difficile, ces dernières étant beaucoup plus sensibles en termes d'effets gastro-intestinaux. De plus, ils prennent généralement divers médicaments qui peuvent interagir avec l'antalgique prescrit. D'autres facteurs, comme une insuffisance rénale ou hépatique, peuvent affecter l'efficacité et surtout la toxicité de l'antalgique [46].
Les praticiens doivent donc faire preuve d'une grande prudence, que les Anglo-Saxons résument ainsi : « Start low – go slow!» (« Commencer à faible dose et poursuivre lentement»). L'insuffisance rénale aiguë induite par les AINS est plus fréquente chez les patients âgés, en particulier chez ceux qui prennent des diurétiques ou qui ont une insuffisance cardiaque congestive, une maladie du foie ou une maladie rénale. Le paracétamol reste une option, car il ne provoque pas d'insuffisance rénale. Les opioïdes sont métabolisés par le foie, dont la capacité métabolique diminue avec l'âge, réduisant ainsi la clairance des médicaments et augmentant le risque d'effets cumulatifs des morphiniques. De même, l'insuffisance rénale conduit à l'accumulation de métabolites actifs et donc toxiques. De plus, le niveau d'antalgie et la dépression centrale produite par les opioïdes sont renforcés par vieillissement, en particulier en cas d'antécédent d'accident vasculaire cérébral ou de démence. Par ailleurs, la dépression respiratoire induite par les opioïdes est renforcée chez les personnes âgées, en particulier en cas d'obésité ou de BPCO.
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Les références peuvent être consultées en ligne à l’adresse
Les références peuvent être consultées en ligne à l’adresse suivante : http://www.em-consulte.com/e-complement/477020.
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