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Chapitre 33
Aspects réglementaires des biothérapies

F. Chast

Introduction
Pour l'Académie de médecine, « les biothérapies sont constituées par l'ensemble des moyens thérapeutiques regroupant les thérapies géniques ou génothérapies, les thérapies cellulaires ou cytothérapies, les thérapies tissulaires. Enfin, pour l'immunothérapie appliquée, certaines thérapeutiques innovantes, dont les médicaments biologiques, ont vu transformer en particulier dans les maladies rhumatologiques l'avenir, la qualité de vie des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde, de spondylarthrite ankylosante, d'arthrite chronique juvénile, de rhumatisme psoriasique» (l'Académie fait alors référence aux médicaments anti-TNF-α). Quant à l'Académie de pharmacie, elle propose une acception bien plus large : on entend par biothérapie, « toute forme de traitement faisant intervenir des produits d'origine biologique : thérapie moléculaire, thérapie cellulaire et greffes, thérapie génique ex vivo et in vivo, immunothérapie et vaccins».
En réalité, le terme de biomédicament a été utilisé pour la première fois en 2004 afin de sensibiliser les pouvoirs publics au retard pris par la France dans le domaine de la bioproduction pharmaceutique. Mais ce n'est qu'en 2007 que la France introduisit la notion de médicament biologique (article L. 5121-1 du Code de la santé publique [CSP]), terme assimilable à celui de celui de biomédicament.
Certains auteurs proposent de classer les biomédicaments selon qu'ils sont substitutifs ou « modificatifs» ( biological response modifiers ). Les premiers permettent de corriger des insuffisances, génétiques ou non; les seconds agissent en modifiant la physiologie par diverses actions agonistes ou antagonistes, voire en déclenchant des réactions immunitaires (tableau 33-1
Tableau 33-1
Classification des biomédicaments substitutifs et « modificatifs» (d'après Watier [2]).
Biomédicaments substitutifsBiomédicaments « modificatifs»
Vaccins et autres immunothérapies actives spécifiquesVaccins tués/inactivés
Extraits microbiens purifiés : anatoxines, vaccins polyosidiques, vaccins sous-unitaires (protéines membranaires), etc.
Allergènes (désensibilisation)
Vaccins sous-unitaires recombinants : hépatite B, papillomavirus, méningocoque B
HormonesInsuline porcine modifiée par voie enzymatique
Insuline humaine, hormone de croissance, parathormone, thyréostimuline, IGF-1, FSH, LH, hCG
Glucagon, FSH, LH
Hémostase, thrombose, protéines
plasmatiques
Produits sanguins stables : facteur VIII, facteur IX,
facteur von Willebrand,
complexe prothrombinique (PPSB), facteur VII, facteur XI, albumine, fibrinogène et colle biologique, facteur XIII, α1-antitrypsine, antithrombine a, inhibiteur de C1-estérase
Héparine, streptokinase
Activateurs humains du plasminogène, hirudine, thrombine
Cytokines et facteurs de croissanceÉrythropoïétine, G-CSF (neutropénie), IFN-α, KGF,
PDGF, protéines ostéogéniques
IFN-α, IFN-β, TNF-α, IL-2, G-CSF (mobilisation), anakinra
EnzymesLipase pancréatique porcine, β-glucocérébrosidase, β-glucosidase acide, α-galactosidase A, α-glucosidase acide,
α-L-iduronidase, iduronate-2-sulfatase, N-acétylgalactosamine-4-sulfatase
Collagénase de Clostridium
L-asparaginase d'Escherichia coli, hyaluronidase bovine
Désoxyribonucléase, urate oxydase
Immunoglobulines (Ig), anticorps et protéines de fusion
à portion Fc
Ig humaines polyvalentes (déficits immunitaires)
Facteur VIII-Fc
Ig humaines polyvalentes (immunomodulation)
Ig humaines spécifiques (antitétanique, antihépatite B, antirabique)
Sérum antilymphocytaire, sérums antivenimeux et antidotes
Muromonab, ibritumomab, tiuxétan, catumaxomab, etc.
Anticorps recombinants et protéines de fusion à activité immunosuppressive
Anticorps recombinants anticancéreux : bévacizumab, ipilimumab
Autres anticorps recombinants ou protéines de fusion : abciximab, ranibizumab, aflibercept
).
Sont ainsi inclus, dans cette classification, les biomédicaments, les vaccins, les hormones, les protéines de l'hémostase, les cytokines et les facteurs de croissance, les enzymes et les anticorps thérapeutiques.
Ces anticorps thérapeutiques, monoclonaux, impactent déjà largement la thérapeutique de nombreuses disciplines médicales (encadré 33-1
Encadré 33-1
Anticorps monoclonaux commercialisés en France
  • Abatacept
  • Adalimumab
  • Aflibercept
  • Alirocumab
  • Anakinra
  • Basiliximab
  • Bélatacept
  • Bélimumab
  • Bévacizumab
  • Blinatumomab
  • Brentuximab
  • Brodalumab
  • Canakinumab
  • Catumaxomab
  • Certolizumab pégol
  • Cétuximab
  • Éculizumab
  • Étanercept
  • Évolocumab
  • Golimumab
  • Guselkumab
  • Ibritumomab
  • Infliximab
  • Ipilimumab
  • Ixékizumab
  • Nivolumab
  • Omalizumab
  • Palivizumab
  • Panitumumab
  • Pertuzumab
  • Ramucirumab
  • Ranibizumab
  • Risankizumab
  • Rituximab
  • Sécukinumab
  • Tocilizumab
  • Trastuzumab
  • Ustékinumab
  • Védolizumab
et tableau 33-2
Tableau 33-2
Principales disciplines médicales utilisatrices d'anticorps monoclonaux.
Discipline médicaleAnticorps monoclonaux utilisés
RhumatologieAbatacept
Adalimumab
Anakinra
Canakinumab
Certolizumab pégol
Étanercept
Golimumab
Infliximab
Rituximab
Tocilizumab
DermatologieBrodalumab
Certolizumab pégol
Étanercept
Guselkumab
Infliximab
Ixékizumab
Omalizumab
Risankizumab
Sécukinumab
Ustékinumab
Gastro-entérologieAdalimumab
Golimumab
Infliximab
Védolizumab
Ustékinumab
HématologieÉculizumab
ImmunologieBasiliximab
Bélatacept
Bélimumab
Canakinumab
Rituximab
Tocilizumab
OphtalmologieAflibercept
Bévacizumab
Ranibizumab
InfectiologiePalivizumab
Cancérologie et oncohématologieBévacizumab
Blinatumomab
Brentuximab
Catumaxomab
Cétuximab
Ibritumomab
Ipilimumab
Nivolumab
Panitumumab
Pertuzumab
Ramucirumab
Rituximab
Trastuzumab
CardiologieAlirocumabÉvolocumab
).
Les anticorps monoclonaux doivent disposer d'une autorisation de mise sur le marché (AMM), accordée par l'autorité compétente (l'Agence européenne des médicaments [EMA]) qui valide les différentes étapes précliniques et cliniques habituelles pour tous médicaments.
En revanche, le CSP prévoit un cadre spécifique pour les préparations de thérapie génique, de thérapie cellulaire et, plus généralement, pour les médicaments désignés sous le vocable de thérapies innovantes qui excluent tant les cellules vivantes que les virus.
Le règlement européen (CE) n° 1394/2007 crée une nouvelle classe de médicaments : les « médicaments de thérapie innovante» (MTI), issus de l'ingénierie cellulaire, tissulaire, de manipulations génétiques, et éventuellement combinés avec des dispositifs médicaux. Les MTI font l'objet d'une AMM centralisée délivrée par la Commission européenne, après évaluation de l'EMA, et sont produits et distribués par des établissements pharmaceutiques. Plusieurs années après la publication du règlement, les AMM accordées sont peu nombreuses, et ne sont pas systématiquement accompagnées par un succès commercial, soulevant la question des spécificités et du modèle économique applicables aux MTI [1].
Parallèlement, trois classes de produits thérapeutiques biologiquement et fonctionnellement proches coexistent : les MTI, les MTI préparés ponctuellement (MTI-PP, transcription française de l'« exemption hospitalière» prévue dans le règlement) et les préparations de thérapie cellulaire (PTC) (cette dernière catégorie est spécifique au droit français), utilisées principalement dans les greffes de cellules hématopoïétiques.
Nous nous en tiendrons à ce que le droit français définit comme les MTI dont la définition et le cadre réglementaire sont dérogatoires par rapport aux biomédicaments que sont les vaccins, les sérums et immunoglobulines, les anticorps monoclonaux (anti-VEGF, anti-TNF-α), les protéines extractives ou de synthèse, substitutives ou modificatives, etc.
La réglementation de ces « biothérapies» est donc très diversifiée.
Médicaments de thérapie innovante (MTI)
Il existe, selon le CSP 1
1.
Dispositions des articles L. 4211-9-1 et R. 4211-32 et suivants du CSP faisant suite à l'adoption du règlement (CE) n° 1394/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 concernant les médicaments de thérapie innovante et modifiant la directive 2001/83/CE ainsi que le règlement (CE) n °726/2004; article L. 5121-5 alinéa 3 du CSP (Bonnes pratiques); articles R. 4211-47 et R. 4211-62 du CSP (rapport d'activité annuel).
, quatre types de MTI – ou ATMP pour advanced therapy medicinal products –, par ailleurs définis par la réglementation européenne.
Médicaments de « thérapie génique»
Un médicament de thérapie génique est un médicament biologique dont les caractéristiques sont les suivantes :
  • sa substance active contient ou constitue un acide nucléique recombinant administré à des personnes en vue de réguler, de réparer, de remplacer, d'ajouter ou de supprimer une séquence génétique;
  • et son effet thérapeutique, prophylactique ou diagnostique dépend directement de la séquence d'acide nucléique recombinant qu'il contient ou du produit de l'expression génétique de cette séquence.
Les deux conditions doivent être réunies pour que la définition d'un médicament de thérapie génique s'applique. Les vaccins contre les agents infectieux transmissibles (définition initiale du vaccin) sont exclus de cette définition et donc de ce règlement.
Médicaments de « thérapie cellulaire somatique»
Un médicament de thérapie cellulaire somatique est un médicament biologique.
Ses caractéristiques sont les suivantes :
  • il contient ou consiste en :
    • des cellules, tissus qui ont fait l'objet d'une manipulation substantielle pour en modifier les caractéristiques biologiques, fonctions physiologiques ou propriétés structurelles;
    • ou des cellules ou tissus qui ne sont pas destinés à être utilisés pour la ou les mêmes fonctions essentielles chez le receveur et le donneur.
  • et il est présenté comme possédant des propriétés permettant de traiter, d'éviter ou de diagnostiquer une maladie à travers l'action métabolique, immunologique ou pharmacologique de ses cellules ou tissus, ou utilisé chez une personne ou administré à une personne dans une telle perspective.
Médicaments « issus de l'ingénierie cellulaire ou tissulaire»
Sont considérés comme « tissus de l'ingénierie cellulaire ou tissulaire» les cellules ou tissus qui répondent à au moins l'une des conditions suivantes :
  • les cellules ou tissus ont été soumis à une manipulation substantielle (qui entraîne une modification des propriétés biologiques ou de la fonction initiale), de façon à obtenir des caractéristiques biologiques, des fonctions physiologiques ou des propriétés structurelles utiles à la régénération, à la réparation ou au remplacement recherchés;
  • les cellules ou les tissus ne sont pas destinés à être utilisés pour la (les) même(s) fonction(s) essentielle(s) chez le receveur et chez le donneur.
Médicaments « combinés de thérapie innovante»
Ces médicaments de thérapie innovante (médicaments de thérapie cellulaire, thérapie génique ou d'ingénierie tissulaire) intègrent dans leur composition :
  • un ou plusieurs dispositifs médicaux;
  • ou bien un ou plusieurs dispositifs médicaux implantables actifs.
Et
  • leur partie cellulaire ou tissulaire doit contenir des cellules ou des tissus viables;
Ou
  • leur partie cellulaire ou tissulaire contenant des cellules ou des tissus non viables doit être susceptible d'avoir sur le corps humain une action considérée comme essentielle par rapport à celle des dispositifs précités.
Mise sur le marché d'un MTI
Autorisation de mise sur le marché (AMM)
Les MTI, comme tout médicament, doivent obtenir une AMM qui est obligatoirement obtenue dans le cadre d'une procédure centralisée d'autorisation. Elle est délivrée par la Commission européenne après évaluation de l'EMA. L'évaluation est réalisée par le Comité des médicaments à usage humain (CHMP) en collaboration avec le Committee for Advanced Therapies (CAT) (comité d'experts en charge de l'évaluation de la qualité, de la sécurité et de l'efficacité des MTI).
Plan d'investigation pédiatrique
Le MTI doit, comme les autres médicaments, respecter le règlement pédiatrique. Un plan d'investigation pédiatrique (PIP) doit être approuvé par le Comité européen pédiatrique (PDCO) de l'EMA avant la soumission de la demande d'AMM. Le PIP n'est toutefois pas systématique. Selon les indications revendiquées, il est possible d'obtenir avant la demande d'AMM une « dispense» de développement pédiatrique ou un délai dans la mise en place des études. Il est conseillé de solliciter le PDCO à la fin des études de phase I.
Exigences applicables après AMM
En raison du faible recul dont on dispose sur ces produits, le règlement introduit des exigences applicables après l'AMM :
  • un suivi particulier de l'efficacité et des effets indésirables;
  • une gestion adaptée des risques.
Ces exigences permettent la mise en place du recueil d'information en continu et dans la pratique réelle pour s'assurer que le produit présente bien une balance bénéfice/risque favorable.
Un exemple de thérapie génique est fourni dans l' encadré 33-2
Encadré 33-2
Exemple de thérapie génique : Luxturna 5 × 10 12 génomes de vecteur/ml
Le voretigene neparvovec est un vecteur destiné au transfert de matériel génétique, qui utilise la capside d'un vecteur viral adéno-associé de sérotype 2 (AAV2) comme véhicule pour délivrer l'ADNc de la protéine de 65 Kda de l'épithélium pigmentaire rétinien humain (hRPE65) au niveau de la rétine.
Le voretigene neparvovec est dérivé d'un AAV présent naturellement et modifié en utilisant des techniques d'ADN recombinant, indiqué pour le traitement des patients adultes et des enfants présentant une perte visuelle due à une dystrophie rétinienne héréditaire résultant de mutations bi-alléliques confirmées du gène RPE65 et possédant suffisamment de cellules rétiniennes viables.
La protéine de 65 kDa, spécifique de l'épithélium pigmentaire rétinien (RPE65), est située dans les cellules de l'épithélium pigmentaire rétinien et elle convertit l'all-trans-rétinol en 11-cis-rétinol, qui forme ensuite le chromophore, 11-cis-rétinal, durant le cycle visuel (rétinoïde). Ces étapes sont essentielles pour la conversion biologique d'un photon de lumière en un signal électrique à l'intérieur de la rétine. Des mutations du gène RPE65 conduisent à une réduction ou une absence d'activité de l'all-trans-rétinyl isomérase RPE65, bloquant le cycle visuel et entraînant une perte de vision. Avec le temps, l'accumulation de précurseurs toxiques conduit à la mort des cellules de l'épithélium pigmentaire rétinien, et en conséquence à la mort progressive des cellules photoréceptrices. Les sujets présentant une dystrophie rétinienne associée à une mutation biallélique de RPE65 présentent une perte de vision, incluant une altération de paramètres fonctionnels visuels comme l'acuité visuelle ou les champs visuels souvent durant l'enfance ou l'adolescence; cette perte de vision évolue vers une cécité complète.
L'injection de voretigene neparvovec dans l'espace sous-rétinien conduit à la transduction des cellules de l'épithélium pigmentaire rétinien par un ADNc codant la protéine RPE65 humaine normale (thérapie génique d'augmentation), offrant le potentiel de restaurer le cycle visuel.
Luxturna® dispose d'une AMM européenne (2018).
En outre, comme pour d'autres spécialités « à risque», un PGR actualisé doit être soumis :
  • à la demande de l'Agence européenne des médicaments;
  • dès lors que le système de gestion des risques est modifié, notamment en cas de réception de nouvelles informations pouvant entraîner un changement significatif du profil bénéfice/risque, ou lorsqu'une étape importante (pharmacovigilance ou réduction du risque) est franchie.
Diverses autres précautions sont prises dans le cadre de l'AMM, par exemple : les patients et leurs professionnels de santé doivent recevoir un ensemble d'informations patient comprenant :
  • la notice d'information au patient, qui doit être disponible dans des formats alternatifs (que ce soit une impression en grand caractère imprimable ou des fichiers audio);
  • une carte-patient :
    • mettant en évidence l'importance des visites de suivi et la déclaration des effets indésirables au médecin du patient;
    • informant les professionnels de santé qu'une thérapie génique a été administrée au patient, et l'importance de la déclaration des événements indésirables;
    • mentionnant les contacts pour la déclaration des événements indésirables.
La carte-patient sera disponible en formats alternatifs tels qu'une impression en grands caractères et un fichier audio. La carte-patient spécifiera comment obtenir ces formats spécifiques.
Le médicament est réservé à l'usage hospitalier. Sa prescription est réservée aux spécialistes en ophtalmologie. Il est inscrit sur la liste des spécialités prises en charge en sus des GHS et Collect dans l'indication « traitement des patients adultes et des enfants présentant une perte visuelle due à une dystrophie rétinienne héréditaire résultant de mutations bi-alléliques conformée du gène RPE65 et possédant suffisamment de cellules rétiniennes viables», au prix, pour l'Assurance maladie de 290000 euros par œil, soit 580000 euros par patient.
La prise en charge est subordonnée aux conditions de prescription et au mode d'organisation des soins suivants : la décision de traitement doit faire l'objet d'une réunion de concertation pluridisciplinaire et doit reposer sur un faisceau d'examens, notamment pour déterminer le nombre de cellules rétiniennes viables suffisant, comportant un test génétique, des examens d'imagerie (tomographie en cohérence optique, optique adaptative), électrorétinogramme et des examens psychophysiques tels que la pupillométrie, l'acuité visuelle, le champ visuel et le test de mobilité en ambiance lumineuse variable (MLMT).
Cette notice est disponible sous forme audio et en grand caractère imprimable sur le site internet : http://www.voretigeneneparvovec.support.
.
Médicaments combinés de thérapie innovante incluant des dispositifs médicaux ou des dispositifs médicaux implantables actifs
Les médicaments combinés de thérapie innovante qui incluent des dispositifs médicaux, ou des dispositifs médicaux implantables actifs, doivent satisfaire respectivement aux exigences essentielles de directives spécialisées :
  • la directive 93/42/CEE modifiée;
  • la directive 90/385/CEE modifiée.
Fabrication d'un MTI
Les MTI sont considérés comme des médicaments, et doivent être fabriqués conformément à la directive sur les bonnes pratiques de fabrication applicable aux médicaments à usage humain et aux guidelines applicables – rubrique « Élaboration de bonnes pratiques».
L'établissement, s'il est situé en France, doit être un établissement pharmaceutique autorisé par l'EMA. Il en existe deux types :
  • les établissements pharmaceutiques privés (article L. 5124-1 du CSP);
  • les établissements pharmaceutiques créés au sein d'organismes à but non lucratif ou d'établissements publics autres que les établissements de santé.
Remarque : le décret pour ces nouveaux établissements est en attente de publication.
Cette obligation s'applique dès le premier essai clinique. En effet, la directive européenne et la loi française sur les recherches biomédicales prévoient que tout lot de médicament expérimental doit être certifié par une personne compétente. Elle attestera que ledit médicament expérimental a été fabriqué dans le respect des bonnes pratiques de fabrication dans un établissement autorisé.
Développement non clinique
Comme pour tout médicament, les développeurs de MTI doivent réaliser des études non cliniques (précliniques) de toxicologie, conformément aux bonnes pratiques de laboratoires ou BPL (directive 2004/10/CE et guidelines applicables).
Si les évaluations ne peuvent pas être réalisées dans un laboratoire agréé BPL (par exemple du fait de la particularité du modèle animal), une consultation précoce du CAT est fortement conseillée dans le cadre d'un avis scientifique. Elle permettra de s'assurer que l'absence d'un certificat BPL pour une étude donnée n'en compromettra pas la validité et la recevabilité dans le dossier d'AMM.
Essais cliniques
Conformément à la directive 2001/20/CE applicable aux essais cliniques de médicaments humains, les essais cliniques de MTI doivent être réalisés dans le respect des bonnes pratiques cliniques (BPC) fixées par la directive 2005/28/CE. Les particularités des MTI ont justifié la publication de BPC spécifiques aux MTI qui apportent des exigences et adaptations complémentaires à celles-ci.
Mise en place d'un essai clinique en France
La mise en place en France d'un essai clinique nécessite :
  • l'autorisation préalable de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM);
  • et l'avis favorable d'un comité de protection des personnes (CPP).
L'autorisation des recherches biomédicales est une compétence nationale. Il convient de prendre en compte la réglementation française et plus particulièrement la loi n ° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique et ses textes d'applications.
Procédure d'évaluation des demandes d'autorisation d'essais cliniques sur les MTI
La procédure d'évaluation des demandes d'autorisation d'essais cliniques sur les MTI présente quelques différences avec celle des médicaments « classiques». Elle implique notamment :
  • des délais d'évaluations spécifiques (90 ou 180 jours pour la thérapie cellulaire, 120 jours pour la thérapie génique);
  • un refus implicite en cas d'absence de réponse de l'EMA dans les délais réglementaires.
Pré-soumission des demandes d'essais cliniques
Deux procédures de pré-soumission existent pour faciliter la mise en place d'essais cliniques.
Procédure nationale pour les essais cliniques réalisés uniquement en France
La sollicitation de la procédure de « pré-soumission d'essai clinique» mise en place par l'ANSM offre un cadre intéressant de pré-évaluation et de concertation préalable au dépôt officiel de la demande.
Procédure européenne pour les essais cliniques impliquant plusieurs États membres
La procédure Voluntary harmonisation procedure (VHP) mise en place par le Clinical trials facilitation group (CTFG) offre une évaluation coordonnée et simultanée par les autorités compétentes nationales. Elle permet d'optimiser :
  • la stratégie de développement clinique;
  • les délais d'évaluation pour les autorisations d'essais cliniques multi-États.
Lignes directrices relatives aux bonnes pratiques de fabrication européennes spécifiques aux médicaments de thérapie innovante
Ces bonnes pratiques s'appliquent :
  • aux médicaments de thérapie innovante disposant d'une AMM;
  • aux médicaments expérimentaux de thérapie innovante (y compris ceux préparés par des établissements de santé);
  • et aux médicaments de thérapie innovante préparés ponctuellement (MTI-PP).
Comment déterminer si un produit est un MTI, un MTI-PP, une préparation?
Les différences entre les trois statuts (MTI, MTI-PP, préparations) et les trois cadres réglementaires correspondants imposent aux développeurs de déterminer très tôt la qualification de leur produit, au minimum avant la mise en place des études « pivots». Cette analyse leur permettra de suivre les bons référentiels et d'éviter des impasses réglementaires rendant inadapté le développement réalisé. Elle est d'autant plus nécessaire que l'entrée en vigueur du règlement européen a modifié les définitions avec un possible changement de statut de certains produits actuellement en développement. Ainsi, plusieurs types de produit considérés auparavant comme des préparations cellulaires répondent aujourd'hui à la définition des MTI ou des MTI-PP. Les principales différences réglementaires entre MTI, MTI-PP et préparations sont indiquées dans le tableau 33-3
Tableau 33-3
Récapitulatif des cadres réglementaires applicables aux MTI, aux MTI-PP et aux préparations.
MTIMTI-PPPréparation
Médicaments
de « thérapie génique», de « thérapie cellulaire somatique» issus de l'ingénierie cellulaire ou tissulaire « combinés de thérapie innovante»
MTI préparé de façon ponctuelle à l'attention d'un malade déterminé et uniquement dans un État membre Tissus/cellules à effet thérapeutique, qui ne sont pas des MTI
Directives tissus/cellules
2004/23/CE, 2006/17/CE
et 2006/86/CE
Oui pour les aspects relatifs aux dons à l'obtention et aux contrôles des cellules et tissus Oui pour les aspects relatifs aux dons à l'obtention et aux contrôles des cellules et tissus Oui
Mise sur le marchéEuropéenne
Procédure centralisée
obligatoire
NationaleNationale
Importation/exportationOuiNonOui
Règlement pédiatriqueOuiNonNon
Respect des bonnes pratiques de laboratoireOuiConseilléNon mais recommandé
Bonnes pratiques de fabricationBPF médicamentsBPF médicaments pour les établissements pharmaceutiques ou BPF spécifique MTI pour les établissements autorisés – non-établissement pharmaceutique Bonnes pratiques tissus/cellules
Établissement de fabricationÉtablissement pharmaceutiqueÉtablissement pharmaceutique ou établissement autorisé par l'Afssaps pour la fabrication de MTI-PP Unités de thérapie cellulaire autorisées par l'Afssaps
Essais cliniques nécessaires pour la mise sur le marché
(documentation sécurité
et efficacité)
OuiOui en FranceOui en France
Directive 2001/20/CE
essais cliniques
OuiOuiNon
Loi du 9 août 2004 sur la recherche biomédicaleOui
Arrêtés sur les médicaments
Oui
Arrêtés sur les médicaments
Oui
Arrêtés spécifiques
VigilancePharmacovigilancePharmacovigilanceBiovigilance
.
Première étape : s'agit-il d'un MTI ou d'une préparation?
La définition de MTI ou MTI-PP est la même au niveau réglementaire et scientifique. Pour un nouveau produit, un produit en cours de développement ou un produit actuellement autorisé sous le statut de préparation cellulaire ou tissulaire, mais développé dans une nouvelle indication, il convient en premier lieu de déterminer si le produit est un MTI ou une préparation. Deux critères permettent de déterminer si le produit est un MTI.
Y a-t-il, dans le procédé de fabrication, des modifications substantielles des cellules/tissus?
Le produit est un MTI (ou un MTI-PP) si des modifications « substantielles» sont réalisées au cours de la production des cellules. Il ne pourra pas être une préparation.
Qu'est-ce qu'une modification substantielle?
Le règlement ne décrit pas les modifications substantielles. Il liste uniquement des manipulations qui ne sont pas considérées comme substantielles (annexe 1 du règlement n° 1394/2007). Ce sont :
  • le découpage, le broyage, le façonnage, la centrifugation, le trempage dans des solutions antibiotiques ou antimicrobiennes, la stérilisation, l'irradiation, la séparation, la concentration ou la purification de cellules, la filtration, la lyophilisation, la congélation, la cryoconservation, la vitrification;
  • une modification est considérée comme substantielle si elle entraîne « une modification des propriétés biologiques initiale des cellules ou tissus».
Quelle est la fonction essentielle du tissu/des cellules? Quel est le mode d'action du produit?
Le produit est un MTI (ou un MTI-PP) si les cellules ou les tissus ne sont pas destinés à être utilisés pour la (les) même(s) fonction(s) essentielle(s) chez le receveur et chez le donneur. Il ne pourra pas être une préparation. Ainsi, un produit dont le procédé de fabrication ne fait pas appel à des modifications substantielles et dont la destination est la même chez le donneur et le receveur est une préparation cellulaire/tissulaire. Si une de ces deux conditions n'est pas vérifiée, il est considéré comme un MTI (ou un MTI-PP). Un même produit peut donc, en fonction de sa destination, être une préparation ou un MTI. Le développeur doit s'enquérir du statut du produit à chaque nouvelle modification du procédé de fabrication et à chaque nouveau développement,
Attention
Les développeurs doivent être alertés sur le caractère potentiellement évolutif du statut :
  • la modification du procédé de fabrication permettant d'obtenir des caractéristiques biologiques, des fonctions physiologiques ou des propriétés structurelles nouvelles peut faire évoluer vers une manipulation substantielle et changer le statut du produit;
  • de même, un changement d'indication peut faire basculer un produit répondant initialement à la définition de préparation vers celle de MTI si la fonction principale recherchée est différente.
Deuxième étape : s'agit-il d'un MTI ou d'un MTI-PP?
La question du statut « MTI-PP» peut être posée si le produit répond à la définition d'un MTI. Un MTI-PP est simplement un MTI qui, par ses caractéristiques et sa destination, est préparé de façon ponctuelle à l'attention d'un malade déterminé. La réglementation ne fait pas de distinction entre les produits d'origine autologue ou non. On peut simplement penser qu'un produit autologue répond plus naturellement à la définition d'un MTI-PP (produit spécialement conçu à l'intention d'un malade déterminé), mais ce sera au demandeur de le justifier. Le MTI-PP est régulé au niveau national : il ne peut être utilisé que dans l'État membre où il est fabriqué et autorisé. Il ne peut pas être exporté. Il faut souligner que peu de patients ont été concernés par les MTI-PP, en France, ces dernières années. Selon des données rendues disponibles par l'ANSM, les huit établissements autorisés en 2020 à préparer des MTI-PP étaient uniquement des établissements de santé. Au début de 2022, en l'absence de prise en charge spécifique par l'Assurance maladie, le coût de la production des MTI-PP était intégralement supporté par les établissements de santé. Le coût de traitement associé aux MTI-PP sur une plateforme académique et mobilisant la technologie des CAR-T-cells est de l'ordre de 150000 euros.
Bioéthique
Le règlement sur les MTI observe les principes inscrits dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
La réglementation des MTI au niveau communautaire ne porte pas atteinte aux décisions prises par les États membres concernant l'opportunité d'autoriser l'utilisation de tel ou tel type de cellules humaines (par exemple les cellules souches embryonnaires, ou les cellules animales).
Ainsi, un MTI autorisé au niveau européen (AMM centralisée qui s'impose à tous les États membres) pourrait, sur des critères éthiques nationaux, être interdit de commercialisation ou se voir appliquer des conditions spécifiques vis-à-vis de sa distribution ou de son utilisation.
Il est de ce fait recommandé, en France, de prendre en considération l'ensemble des éléments inclus dans la loi de bioéthique.
Bibliographie
Les références peuvent être consultées en ligne à l’adresse suivante : http://www.em-consulte.com/e-complement/477020 .
Bibliographie
[1]
Chabannon C, Sabatier F, Rial-Sebbag E, et al. Les unités de thérapie cellulaire à l’épreuve de la réglementation sur les médicaments de thérapie innovante. Med Sci (Paris) 2014 ; 30 : 576-83.
[2]
Watier H. Biothérapies, immunothérapies, thérapies ciblées, biomédicaments… De quoi faut-il parler ? Med Sci (Paris) 2014 ; 30, 5 : 567-75.