Retour
Chapitre 36
Produits dérivés du corps humain

36.1. Cornée humaine (et milieux de conservation)

S. PoinardT. GarcinP. GainG. Thuret

Introduction
La cornée est le tissu le plus prélevé au monde chez les donneurs décédés (96 % des tissus prélevés) [1]. Jusqu'au milieu des années 1980, la transplantation cornéenne était dite « fraîche». Le prélèvement était réalisé le jour même de la greffe . Cela ne permettait pas de garantir une souplesse dans l'organisation de l'intervention chirurgicale, ni d'assurer les contrôles de qualité ou de sécurité microbiologique du greffon, devenus obligatoires avec l'émergence du VIH et de l'« affaire du sang contaminé» en France.
Depuis, des textes ont défini et encadré le don, le prélèvement et la distribution des greffons en France. Il s'agit des lois de bioéthique de 1994, avec les décrets de 1997, et de 1998, puis revues en 2004, 2014 et 2015. Elles réaffirment le respect du corps humain, la gratuité du don, l'anonymat donneur-receveur avec cependant la traçabilité, le consentement préalable et présumé du donneur et la sécurité sanitaire.
La chaîne de la greffe est ainsi structurée par plusieurs acteurs : équipes hospitalières des coordonnateurs des prélèvements, médecins préleveurs (internes en ophtalmologie ou praticiens hospitaliers ophtalmologistes ou non, et désormais infirmières ayant reçu une formation spécifique), techniciens de banque, directeurs scientifiques, qualiticiens et médecins des banques de cornées , chirurgiens ophtalmologistes.
Les banques de cornées, accréditées par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), assurent en France la conservation, la qualification, la préparation et la distribution des greffons. Une bonne coordination entre ces banques garantit également une meilleure offre de soins et permet de faire face aux demandes parfois en urgence : 6 à 10 % des cornées distribuées proviennent d'échanges interbanques [1].
Pour satisfaire ces exigences sanitaires et logistiques, une conservation des cornées est nécessaire durant la période incompressible entre prélèvement et greffe.
Organisation du prélèvement
Le premier maillon capital de la chaîne de prélèvements est l'équipe de coordination hospitalière. Elle fournit une fiche opérationnelle de prélèvement de tissus à visée thérapeutique sur donneur décédé, vérifiant l'absence de contre-indication médicale au don de cornées, l'absence de refus du don exprimé du vivant de la personne, la présence de certificat de décès et du procès-verbal du constat de la mort, la présence ou non de carte de donneur, la possibilité d'utilisation scientifique du tissu; elle réalise l'examen du dossier médical et note le nom du médecin auprès duquel les renseignements médicaux ont été obtenus. Le prélèvement doit se faire en théorie dans les 24 heures suivant le décès du patient à condition que le corps ait été réfrigéré dans les 4 heures suivant l'arrêt circulatoire.
Le respect des contre-indications médicales au prélèvement de cornées constitue la première étape garantissant la sécurité de la greffe. Il permet en particulier de réduire au maximum le risque (théorique) de transmission de pathologies du donneur au receveur : pathologies infectieuses, néoplasiques et dégénératives présumées transmissibles via la greffe de cornée. Même si cette étape est réalisée par l'équipe de coordination hospitalière, le médecin préleveur reste responsable de la sélection clinique du donneur et de l'évaluation macroscopique du greffon prélevé. La validation finale relève de la responsabilité du médecin de la banque de tissus. Les sociétés savantes européennes (European Association of Tissue Banks [EATB], European Eye Bank Association [EEBA]) et américaine (Eye Bank Association of America [EBAA]) reconduisent ou actualisent chaque année les critères de sélection consensuels. La liste extrêmement longue de ces contre-indications est pratiquement calquée sur celle des organes vascularisés et n'est pas adaptée aux spécificités de la cornée. Elle repose sur un principe de précaution extrême et contribue à accentuer la pénurie déjà chronique de greffons. Rappelons que les seules pathologies générales dont la transmission par greffe de cornée a été démontrée (dans des cas qui se comptent sur les doigts d'une main) sont la rage, l'hépatite B et la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Les pathologies oculaires sont plus fréquentes : herpès simplex, cytomégalovirus et bien entendu bactéries et champignons pouvant causer de redoutables endophtalmies. Aucune autre transmission de pathologie infectieuse, neurologique, néoplasique n'a jamais été rapportée, alors même que des centaines de milliers de greffes de cornées ont été réalisées chaque année depuis des décennies. Réduire la liste de contre-indications est une décision complexe, mais celle-ci est nécessaire et doit reposer sur des données scientifiques et médicales rigoureuses.
Le don de la cornée ne comporte théoriquement pas de limite d'âge, puisque la qualité intrinsèque et la survie des greffons ne sont pas directement corrélées à l'âge des donneurs [2-3-4]. Il faut cependant noter que, du fait de la décroissance physiologique de la densité cellulaire endothéliale (DCE) avec l'âge, le pourcentage de cornées ayant une DCE suffisante pour être sélectionnées par les banques diminue. L'âge du donneur n'influence pas directement la survie du greffon dans le temps et pratiquement pas la DCE postopératoire. À qualité endothéliale égale, il n'y a donc aucune justification médicale ou scientifique à rejeter systématiquement les cornées des donneurs âgés [5 , 6]. En revanche, des considérations économiques expliquent malheureusement que certains pays imposent une limite d'âge.
Après vérification du cadre réglementaire, de l'identité du donneur, le prélèvement des cornées est réalisé dans des conditions d'asepsie chirurgicale soit dans un bloc opératoire au cours d'un prélèvement multi-organes (15 % des prélèvements en France), soit au dépôt mortuaire dans une salle spécifique réservée aux prélèvements de cornées lorsqu'il s'agit d'un prélèvement à cœur arrêté. En France, il s'agit presque exclusivement d'un prélèvement par excision in situ, puisque le prélèvement par énucléation n'est autorisé que lors des prélèvements multi-organes. Un prélèvement sanguin, le plus souvent par voie sous-clavière (parfois jugulaire ou intracardiaque), doit être effectué au moment du prélèvement cornéen pour la réalisation des sérologies obligatoires. Cependant, le sang du donneur peut aussi être récupéré auprès des laboratoires d'analyses médicales qui stockent les « fonds de tubes» des prélèvements réalisés au cours des derniers jours de vie (5 jours en général) du patient hospitalisé.
La fiche opérationnelle de prélèvement établie par l'équipe de coordination et signée par le représentant administratif de l'hôpital et le médecin préleveur accompagne le greffon lors de son acheminement de l'hôpital vers la banque de cornées de rattachement. Elle a pour but de transmettre à la banque de tissus toutes les informations relatives au donneur et nécessaires pour la validation ultérieure du greffon. Le transport des cornées se fait par les navettes intersite des Établissements français du sang (EFS) ou par des sociétés prestataires agréées (banques non EFS), dans le milieu de transport dédié pour l'organoculture (OC) à température ambiante (entre 18 °C et 35 °C), ou dans une glacière pour la conservation en hypmie. Les flacons et les tubes de sang comportent l'identification complète du patient, la fiche opérationnelle de prélèvement et la fiche de transport.
Les greffons cornéens sont attribués nominativement, sur prescription adressée à une banque de cornées agréée, pour un receveur obligatoirement inscrit sur la « liste d'attente cornée» dite GLAC, pour gestion de la liste d'attente cornée, de l'Agence de la biomédecine. Le nombre de patients en attente de greffe a considérablement augmenté sur ces dernières années : il était de 4070 en 2021, soit +41 % en 5 ans [1]. Il faut donc encourager la dynamique et les efforts au prélèvement, qui reste le point de départ de toute la chaîne thérapeutique. Notons qu'avec environ 600000 décès annuels en France et près de 60 % de décès dans un établissement de santé, le prélèvement de 10 % des personnes représenterait 36000 paires de cornées par an. En tenant compte d'une élimination de 50 % des cornées pour qualité insuffisante (voir ci-après), 18000 greffons seraient utilisables par an, ce qui permettrait à la France d'être exportatrice de greffons.
Techniques de conservation actuelles dans le monde
La conservation des greffons cornéens est la tâche principale des banques. Leur rôle est de préserver la viabilité des cellules cornéennes (en particulier endothéliales), de caractériser la qualité intrinsèque des greffons, d'assurer la sécurité sanitaire en procédant à des contrôles microbiologiques.
Il existe dans le monde principalement deux grandes méthodes de conservation dont les caractéristiques sont résumées dans le tableau 36-1
Tableau 36-1
Principales différences entre les deux techniques de conservation de greffons majoritaires dans le monde.
HypmieOrganoculture
Température2–6 °C 31–37 °C
PrincipeStructures et fonctions figéesActivité métabolique maintenue
DuréeJusqu'à 14 jours en théorie (5 à 10 en pratique) Jusqu'à 5 semaines en théorie
Étape de déturgescence avant greffeNon car dextran + chondroïtine tout au long de la conservation Oui : dextran 48–72 heures avant greffe
AntibiotiquesGentamycine + streptomycine mais inactifs à 4 °C Pénicilline + streptomycine actifs
MicrobiologieAucun contrôle2 à 3 contrôles
EndothéliumMicroscopie spéculaire
Avant ou pendant
Microscopie à transmission
1 ou 2 fois
TransportRéfrigéréTempérature ambiante
CoûtFaibleTrès élevé
.
Collerette cornéosclérale en hypmie en milieu liquide à +4 °C
La cornée est immergée dans un flacon en verre ou dans une chambre de visualisation en polycarbonate (chambre de Krolman, Boston, Massachusetts, ou de Baush Lomb, Irvine, Californie). Il s'agit de la méthode de référence aux États-Unis (100 % des cornées) et la technique majoritaire dans le monde (83 % des cornées [7]). Le tout premier milieu développé dans les années 1970 aux États-Unis était le milieu McCarrey et Kaufman [8], permettant une conservation de 1 à 3 jours. Il est encore actuellement utilisé dans certains pays comme l'Inde, mais probablement de façon anecdotique. Depuis plusieurs décennies, le milieu de conservation principal est l'Optisol-GS® (gentamycine-streptomycine; Baush Lomb). D'autres laboratoires en proposent également depuis peu (Cornea-cold® d'Eurobio, les Ulis, France; Eusol-C® d'Alchimia, Padoue, Italie; Cornisol® d'Aurolab, Madurai, Inde). En Optisol-GS®, cette technique autorise une conservation théorique jusqu'à 14 jours au maximum, mais en pratique, aux États-Unis, tout est mis en œuvre pour que les cornées soient greffées dans les 5 jours, car au-delà la survie endothéliale diminue rapidement. Ces milieux ne contiennent pas de sérum de veau fœtal. L'Optisol-GS® contient en revanche du dextran et de la chondroïtine sulfate, deux macromolécules qui limitent fortement l'œdème stromal et la formation des plis postérieurs dans le stroma. Point important, cette technique ne comporte pas de contrôle microbiologique en cours de conservation car le système est clos : le flacon n'est ouvert que par le chirurgien.
Collerette cornéosclérale en organoculture (OC), entre 31–37 °C selon les pays et les banques
Cette technique a été inventée par Donald J. Doughman et Richard L. Lindstrom (Minnesota, États-Unis) dans les années 1970, puis améliorée par Steffen Sperling (Aarhus, Danemark) et Elisabeth Pels (Amsterdam, Pays-Bas). Elle a été introduite en France à Besançon par Bernard Delbosc (ophtalmologiste) et Patrick Hervé (hématologiste, directeur de l'établissement de transfusion sanguine). Cette technique de culture à 31 °C est habituellement utilisée en France. Elle autorise une conservation jusqu'à 35 jours. L'OC est la technique de référence en Europe (68 % des cornées prélevées en Europe, 17 % des cornées prélevées dans le monde). Le milieu de conservation est un dérivé des milieux de culture cellulaire : le minimum essential medium (MEM). Dans de nombreux pays, le milieu est réalisé et conditionné par les pharmacies hospitalières ou la banque de cornées elle-même. En France, les milieux ont eu pendant longtemps le statut de produit thérapeutique annexe (PTA, décret 2004-829), ni médicament, ni dispositif médical. La loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation du système de santé a mis fin à ce statut PTA dans une volonté d'uniformisation européenne. Les milieux doivent désormais obtenir un marquage CE. En France, deux milieux sont disponibles CorneaPrep®/CorneaMax®/CorneaJet® (Eurobio, 90 % des parts de marché) et Stem Alpha® (Stem Alpha, Saint-Genis-l'Argentière). Les milieux conventionnels (ceux fabriqués localement et ceux de la gamme Eurobio) contiennent 2 % de sérum de veau fœtal indispensable à la survie des cellules endothéliales au-delà de quelques jours. Cependant, la variabilité biologique de ce constituant et les évolutions de la réglementation amènent à développer des milieux sans sérum. Les milieux Stem Alpha® sont synthétiques et Eurobio propose également sa propre gamme (CornéaTrans®, CornéeSyn®) commercialisée à des fins de recherche jusqu'à présent.
L'OC est une méthode qui se déroule obligatoirement en deux phases : durant la première phase de conservation, le stroma cornéen devient très rapidement œdémateux. La cornée double pratiquement d'épaisseur. De nombreux plis, pouvant atteindre 200 micromètres de dénivelé, se forment sur toute la surface endothéliale. Ces plis sont responsables d'une mortalité endothéliale spécifique, par apoptose [9 , 10]. L'œdème stromal réduit la transparence et rend très difficile la suture dans le lit receveur. La seconde phase est donc une étape de déturgescence cornéenne. La cornée est immergée dans un milieu de conservation additionné d'une macromolécule qui le rend hyperosmolaire pour extraire l'eau accumulée dans le stroma. Cette macromolécule est du dextran T500 (polymère de glucose à grosse chaîne) dans les milieux commercialisés et dans ceux fabriqués localement, ou du poloxamère dans les milieux Stem Apha®. La phase de déturgescence en dextran est responsable d'une surmortalité endothéliale [11 , 12], moindre en poloxamère [ 13 , 14]. La réduction d'épaisseur est rapide et la durée de cette phase de déturgescence devrait être limitée à 48 heures. En pratique, cette phase de déturgescence correspond à la période d'expédition de la cornée vers le bloc opératoire et peut durer de 2 à 5 jours. Durant cette période, il n'existe en routine malheureusement aucun moyen de vérifier comment évolue la survie des cellules.
La conservation en OC nécessite une infrastructure coûteuse comprenant une salle blanche et un poste de sécurité microbiologique, indispensable pour conserver la stérilité des cornées lors de leur manipulation. La réalisation des contrôles endothéliaux nécessite en effet de déconditionner la cornée pendant plusieurs minutes pour l'observer sous un microscope optique.
Malgré son coût plus élevé que la conservation à 4 °C, l'OC permet d'effectuer de meilleurs contrôles qualité qui imposent un certain délai entre prélèvement et greffe. Elle présente surtout l'avantage de réaliser des contrôles de stérilité des greffons fiables et rapides grâce à l'utilisation de flacons à hémoculture [15-16-17]. L'OC, qui préserve l'endothélium tout en autorisant une conservation jusqu'à 5 semaines, dans un milieu contenant des antibiotiques actifs (contrairement à la conservation à 4 °C où ils sont inactifs) s'est imposée comme la méthode de référence en Europe depuis les années 1980 [ 18 , 19]. La longue durée de conservation permet de programmer la greffe et de minimiser ainsi la péremption de greffons faute de receveurs ou de chirurgiens disponibles immédiatement.
En pratique, l'hypmie à 4 °C à court terme et l'OC à 31 °C à long terme offrent des résultats cliniques similaires [20 , 21]. Retrouver la qualité cellulaire des greffons frais d'autrefois tout en disposant de greffons conservés plusieurs mois reste un défi à relever.
Contrôle de qualité et de sécurité des greffons
La mesure de la qualité endothéliale repose essentiellement sur l'estimation de la DCE (en cellules/mm 2) qui est un des paramètres les plus importants et un facteur prédictif de la durée de vie de la greffe. Les banques de cornée délivrent actuellement des greffons ayant une DCE inférieure à 2000 cellules/mm 2 lors du contrôle endothélial avant cession du greffon, un polymorphisme modéré, un polymégéthisme modéré, une perte cellulaire inférieure à 20 % entre le début et la fin de la conservation, l'absence de gouttes en grand nombre ou confluentes (faisant suspecter une cornea guttata [22]).
En conservation à 4 °C, l'endothélium est caractérisé directement à travers sa chambre ou son flacon de conservation (système clos) par microscopie spéculaire (utilisant les mêmes principes que la microscopie spéculaire in vivo).
En OC à 31 °C, le greffon doit être préparé sous hotte à flux laminaire (système ouvert), pour pouvoir examiner les cellules endothéliales selon un protocole spécifique décrit par Sperling [23]. Cette méthode permet de dilater temporairement les espaces intercellulaires et de rendre les cellules visibles (elles ne le sont pas spontanément sous microscope à lumière transmise). Il existe des variations interbanques, mais le principe reste le même : coloration au bleu trypan des cellules endothéliales mortes (leur noyau apparaît bleu pâle), puis rinçage et dilatation des espaces intercellulaires par des bains de sérum physiologique (NaCl 0,9 %), du BSS® hypotonique ou du sucrose (saccharose 1,8 %) pendant 4 minutes. Le greffon est placé dans une boîte de Pétri stérile hermétique. Le greffon préparé est observé au microscope optique (objectif ×10 ou ×20) dans la salle blanche, en prenant trois photographies au minimum, de bonne qualité pour l'analyse ultérieure. Les images sont de qualité variable, mais il s'agit globalement d'images « difficiles» sans coloration (hormis bleu trypan), peu contrastées, avec du bruit de fond et concernant un endothélium plissé à cause de l'œdème stromal. La DCE est déterminée par une méthode de comptage des cellules (par extrapolation à partir d'un échantillon d'images endothéliales de quelques mm 2 pour obtenir la DCE de l'ensemble de la surface).
Le comptage informatisé remplace avantageusement les méthodes manuelles. Les logiciels d'analyse d'image donnent des résultats fiables et reproductibles sur ces cellules pouvant être difficilement visibles en microscopie optique [ 24 , 25]. Les cellules sont dénombrées soit dans un cadre fixe, soit dans une forme de contours libres ( variable frame ). Cette dernière est plus précise. Le pointage de cellules peut être effectué manuellement par le technicien, mais différentes méthodes de reconnaissance automatique des cellules existent : soit reconnaissance des bords cellulaires, soit reconnaissance des centres et reconstruction informatique de bords cellulaires. La fiabilité du comptage dépend de la bonne calibration du microscope et du logiciel utilisé.
Par ailleurs, si le comptage DCE en banque reste un outil de sélection pour les cornées éligibles à la greffe, plusieurs limites ne lui permettent pas de refléter très exactement le capital endothélial transmis au receveur, notamment : quel que soit le mode de conservation, il y a toujours un laps de temps entre le comptage et la greffe, sorte de boîte noire durant laquelle la viabilité diminue sans être quantifiée; les cellules ne sont comptées, par définition, que dans les zones où elles sont visibles, et leur distribution peut être inhomogène [26]; toutes les cellules présentes lors du comptage ne sont pas nécessairement viables; à 4 °C, il n'y a pas de coloration vitale possible et la perte cellulaire n'est pas linéaire, elle accélère en fin de conservation; en OC, la coloration au bleu trypan 0,4 % peut être difficile à interpréter, les cellules meurent au rythme de 1 % par jour [ 11], et après le dernier contrôle endothélial, le greffon est immergé dans un milieu de déturgescence responsable d'une mortalité supplémentaire estimée à 7 % par jour [12 , 13 , 27].
L'épaisseur cornéenne évaluée par tomographie à cohérence optique en spectral domain et la transparence, dont l'appréciation reste encore dans la plupart des centres subjective, viennent compléter le contrôle qualité des greffons.
Plusieurs étapes ont pour but de réduire au maximum les risques de transmission de pathologies infectieuses du donneur au receveur.
La première étape visant à garantir la sécurité microbiologique de la greffe est le respect des contre-indications médicales au don, assuré par la coordination hospitalière des prélèvements. La deuxième étape est le statut sérologique du donneur : l'objectif est d'éliminer des donneurs positifs pour les virus VIH-1 et 2, hépatites B et C, HTLV-1 et 2. La sérologie de la syphilis peut être positive s'il s'agit d'une infection ancienne guérie. L'ensemble de ces données est fourni au chirurgien dans le dossier qui accompagne le greffon. Comme nous l'avons expliqué plus haut, le risque de transmission de pathologie générale du donneur au receveur est négligeable et la liste des contre-indications au don devrait être révisée.
La troisième étape, de loin la plus importante, concerne la « stérilité» bactérienne et fongique du greffon. L'écologie microbiologique post mortem particulière fait que, malgré l'asepsie chirurgicale en salle de prélèvement, la charge microbienne des cornées reste variable d'un donneur à l'autre. Les cornées sont immergées dans un milieu nutritif contenant des antibiotiques et antifongiques; pénicilline, streptomycine et amphotéricine B sont classiquement utilisées, mais d'autres combinaisons sont possibles. Ces médicaments sont utilisés à doses non toxiques pour les cellules cornéennes, mais suffisantes pour réduire la charge microbienne. Le milieu nutritif contient du rouge phénol, indicateur coloré de pH pour détecter une infection précoce; les micro-organismes produisent du CO 2 dont la réaction avec les composés du milieu produit des protons qui acidifient le milieu et le font virer au jaune.
La conservation quelques jours à l'étuve à 31 °C, avant le premier des contrôles qualité, assure une certaine quarantaine microbiologique suffisante pour que les inocula les plus importants se révèlent [28]. La réalisation de tests microbiologiques performants (flacons à hémoculture de type Bactec® – Becton-Dickinson Franklin Lakes, New Jersey, États-Unis –, ou Bactalert® – Biomérieux, Craponne, France) permet de détecter très rapidement les contaminations bactériennes et fongiques en réduisant la durée de quarantaine de manière fiable; ces tests assurent que le liquide de conservation peut être considéré comme stérile, ou du moins ayant une charge microbiologique compatible avec le geste chirurgical [ 16 , 17 , 29]. Ces flacons à hémoculture ont été validés par plusieurs travaux et adoptés en routine en France, et par d'autres banques en Europe [30 , 31]. Il est classique de réaliser un premier test à l'arrivée du greffon dans la banque afin d'exclure prématurément les greffons contaminés, et un second test en fin de conservation, proche de la date de greffe. Un ultime test est recommandé le jour de la greffe en prélevant sur la table d'opération un échantillon du liquide de transport du greffon. L'envoi en bactériologie de la collerette après trépanation est devenu inutile, car aucune corrélation entre son taux de contamination et les suites post-greffe n'a jamais pu être démontrée [15]. L'ensemble des manipulations des greffons pour le changement des milieux de conservation, les prélèvements microbiologiques pour flacons à hémoculture, les contrôles qualité s'effectuent dans une zone dédiée spécifique, en salle blanche certifiée, sous hotte à flux laminaire, par un personnel accrédité et expérimenté.
Notons qu'à 4 °C en Optisol-GS® aucun contrôle microbiologique n'est effectué au cours des quelques jours de conservation lorsqu'il s'agit d'un greffon pour kératoplastie transfixiante. Dans ce cas, le flacon ou la chambre de visualisation ne sont jamais ouverts à la banque. Le contrôle cellulaire est effectué à travers les parois transparentes. La température de 4 °C n'est pas favorable au développement de la plupart des micro-organismes. Le flacon n'est ouvert que par le chirurgien qui prend la responsabilité de réaliser ou non un contrôle microbiologique sur le liquide.
En plus d'assurer la conservation des greffons et d'assurer la sécurité de la greffe, de plus en plus de banques de cornées effectuent également la préparation de greffons pour les greffes endothéliales de type DSAEK, ou Descemet stripping automated endothelial keratoplasty (découpe au microkératome), ou bien de type DMEK, ou Descemet membrane endothelial keratoplasty (dissection manuelle). Plusieurs équipes ont démontré que les techniciens formés à ces gestes fournissaient des greffons de qualité comparable aux chirurgiens. Les avantages en termes de gain de temps et de sécurité sont évidents. En France, les banques doivent faire autoriser leur procédé de préparation par l'ANSM.
Avenir proche de l' eye banking : la conservation active
Les méthodes de conservation actuelle, hypmie à 4 °C ou OC à 31 °C, sont dites passives et ne permettent pas de préserver la qualité des greffes fraîches d'autrefois afin de satisfaire les exigences de sécurité sanitaire et de distribution égalitaire sur les territoires.
Depuis les années 1970, plusieurs équipes de recherches ont tenté de développer un dispositif alternatif aux techniques de conservations usuelles permettant la conservation et l'étude des greffons cornéens au plus proche des conditions physiologiques. Ces méthodes sont dites actives; elles visent à rétablir un renouvellement du milieu nutritif et/ou une pression transcornéenne positive. Bien que plusieurs dispositifs aient pu être publiés, aucun système ne s'est imposé et n'a débouché sur une commercialisation [32-33-34-35-36].
En 2018, le laboratoire BiiGC (Biologie, ingénierie, imagerie de la greffe de cornée, Université Jean-Monnet de Saint-Étienne) a publié un dispositif breveté de conservation active rétablissant à la fois les conditions de circulation et pression physiologiques [37], dénommé « active storage machine» ou ASM. Les résultats montrent à 1 mois de conservation une densité endothéliale viable de +23 % en comparaison avec l'OC à 31 °C. Cette technique autorise même une conservation prolongée jusqu'à 3 mois [38]. L'ASM est désormais engagée dans le parcours réglementaire des dispositifs médicaux et le processus d'industrialisation à travers à la filiale SINCLER des laboratoires Théa (Clermont-Ferrand, France) (fig. 36-1
Fig. 36-1
Dispositif de conservation active de cornées active storage machine (ASM) développé par Sincler/Théa.
a. Cassette à usage unique de conditionnement du greffon. 1. Système de contrôle fluidique pneumatique des paramètres débit/pression; 2. chambre de conservation de la collerette cornéosclérale; 3. réservoir de milieu de culture (contenant du phénol rouge comme indicateur de pH); 4. compartiment à déchets du milieu usagé. b. Étuve de stockage des cassettes avec contrôle de température et de CO 2; 5. Slot de branchement pour une cassette, capacité totale de l'étude jusqu'à 60 cornées dans cette version initiale.
Source : © Sincler. Tous droits réservés.
).
Actualité des banques de cornées en France
Trente banques de tissus maillent tout le territoire français. Elles sont rattachées à des centres hospitaliers ou à l'EFS; elles peuvent également être des structures associatives ou des structures privées. Parmi elles, 16 sont autorisées par l'ANSM et déclarent une activité cornée.
La pandémie de Covid-19 a aggravé une situation déjà précaire : sur les 9214 cornées réceptionnées par les banques (–27,4 % par rapport à 2019), le taux d'élimination a avoisiné les 52 % dont le principal motif était une qualité cellulaire insuffisante pour la greffe.
Ces chiffres sont à mettre en balance avec l'augmentation des besoins en greffons qui se sont accélérés ces dernières années, car si entre 2015 et 2019 le nombre annuel de prélèvements a augmenté de 11 %, celui des greffes a atteint 25 %. Cela est dû à l'essor de techniques lamellaires postérieures (DSAEK, DMEK). Les pathologies endothéliales représentent désormais plus de la moitié des indications de greffes, avec en premier lieu la dystrophie endothéliale cornéenne de Fuchs, suivie des décompensations bulleuses du pseudophake et des re-greffes. Les indications deviennent plus précoces et nécessitent des greffons à densité endothéliale élevée en abondance [ 1].
Conclusion et perspectives
Les banques de cornées françaises réalisent au quotidien un travail exemplaire de collecte, de conservation, d'évaluation et de cession des greffons cornéens, avec un réseau et un partenariat interbanques développés pour couvrir les besoins croissants de l'ensemble du territoire.
Les contrôles qualité cellulaire et tissulaire se sont perfectionnés ces dernières années pour s'adapter notamment au développement des différentes techniques chirurgicales de greffe. Ces évolutions doivent se poursuivre pour s'adapter au mieux aux besoins des chirurgiens et des patients, permettre une utilisation optimale des greffons prélevés, et délivrer des greffons mieux caractérisés et de meilleure qualité pour garantir une meilleure survie chez le receveur. L'un des enjeux actuels est de détecter les donneurs opérés – parfois plusieurs décennies plus tôt – de chirurgie réfractive cornéenne.
En parallèle, les méthodes de conservation actuelles, qui datent des années 1970, doivent être repensées avec un processus plus physiologique qui permettrait d'augmenter la qualité cellulaire des greffons ainsi que le nombre de cornées délivrées.
L'ensemble des activités d' eye banking mobilisent de nombreux acteurs dont la coopération est primordiale pour assurer une offre d'un niveau de qualité et de sécurité sans faille, tout en répondant à une demande croissante et de plus en plus technologique.
36.2. Greffes de membranes amniotiques : préparation, conservation et indications en ophtalmologie

J. GueudryD. ToubeauS. LefevreF. ChaventréM. Muraine

Introduction
Andrew F. de Rötth, en 1940, fut le premier à utiliser la membrane amniotique humaine en ophtalmologie, dans l'indication de la prise en charge des symblépharons et des déficits conjonctivaux [39], mais c'est depuis 1995 que Tseng a réévalué chez l'animal cette technique dans le traitement des pathologies oculaires de surface [40]. En 1997, Lee et Tseng [41] ont proposé pour la première fois une étude clinique rapportant son utilisation dans le traitement des ulcères trophiques cornéens. La même année, Shimazaki et al. [42] associaient avec succès une greffe de membrane amniotique et une greffe de limbe dans 7 cas de brûlures cornéennes. Depuis, ses propriétés biologiques et mécaniques, associées à sa biocompatibilité ont fait que son utilisation clinique s'est largement développée. La première série de patients traités en France a été décrite en 2001 [ 43 , 44]. À l'heure actuelle, les méthodes de conservation et de mise à disposition évoluent dans le but d'améliorer son accessibilité.
Propriétés de la membrane amniotique
La membrane amniotique tapisse le placenta, le cordon ombilical et la cavité amniotique dans leur partie interne en avant du chorion. Une zone spongieuse et acellulaire s'intercale entre les deux. La membrane amniotique est composée d'un stroma avasculaire, d'une membrane basale composée de collagène IV et V, de laminine recouverte d'un épithélium monocouche (fig. 36-2
Fig. 36-2
La membrane amniotique.
a. Schéma de la membrane amniotique humaine composée d'un épithélium, d'une membrane basale et d'un stroma avasculaire, reposant sur le chorion. b. Aspect histologique d'une membrane amniotique fraîche après retrait de la couche spongieuse (coloration HES, ×20).
Source : fig. a, Cyrille Martinet.
). La structure de sa membrane basale ainsi que les propriétés biologiques de son stroma et de son épithélium contenant de nombreux facteurs de croissance lui confèrent des propriétés pro-cicatrisantes uniques : aide à la migration des cellules épithéliales, adhésion des cellules épithéliales basales et différenciation épithéliale agissant comme une échelle ou un échafaudage biologiquement actif. Elle possède également des propriétés anti-inflammatoires, antimicrobiennes et anti-angiogéniques, ainsi que des propriétés antifibrotiques en lien avec sa capacité de modulation de la réponse inflammatoire (tableau 36-2
Tableau 36-2
Propriétés biologiques de la membrane amniotique.
Propriétés de la membrane amniotiqueConstituants de la membrane amniotiques supposés mis en jeu
Procicatrisantes/antifibrosantesFacteurs de croissance (EGF, KGF, HGF)
Inhibition de la synthèse du TGF-β
Inhibiteurs des métalloprotéinases MMP-1 et MMP-2
Collagène IV, V et laminine de la membrane basale
Anti-inflammatoiresSynthèse de l'antagoniste du récepteur à IL-1
Sécrétion d'IL-10 (cytokine anti-inflammatoire)
Diminution de la sécrétion de facteurs anti-inflammatoires : IL-1, IL-2, IL-8, IL-10, IFN-γ, bFGF, TNF-β, PDGF
Séquestration des cellules inflammatoires à la face stromale de la membrane amniotique
AntimicrobiennesFacteurs antibactériens dans les liquides amniotiques (bactricidine, bêta-lysine, lysozyme, transferrine, monoxyde d'azote, lactoferrine)
Production de molécules antimicrobiennes : cystatine E (propriétés antivirales), β-défensines, élafine
Barrière physique contre la progression de l'infection
Effet anti-angiogéniqueSécrétion d'IL-1, d'antirécepteur de l'IL-2, d'IL-10, d'endostatine, de TIMP-1, –2, –3, et –4, de thrombospondine-1
Faible antigénicité et non-immunogénicitéAbsence d'HLA A, B, C et DR, ou de β2-microglobuline
Structure avasculaire
AutresEffet réservoir des médicaments
Effet tectonique d'échafaudage biologique
) [45-46-47]. Enfin, la membrane amniotique a l'avantage de ne presque pas exprimer d'antigènes d'histocompatibilité et n'entraîne pas, de ce fait, de réaction de rejet.
Préparation des membranes amniotiques en ophtalmologie
Prélèvement
La membrane amniotique est prélevée au cours de césariennes programmées dans les cas des grossesses non pathologiques après une sélection clinique des patientes par l'obstétricien lors des consultations de suivi. En cas d'accord, les sérologies VIH-1 et 2, hépatites B et C, HTLV-1 et syphilis ainsi que l'antigénémie p24 et les PCR pour VIH, hépatites B et C, Covid-19 seront réalisées le jour de l'accouchement chez la mère. Le diagnostic génomique viral par PCR libère désormais de l'obligation de quarantaine des prélèvements depuis 2010.
Le prélèvement du placenta est réalisé au bloc opératoire dans des conditions de stérilité chirurgicale. Le placenta est ensuite placé dans un récipient stérile en triple emballage et transporté à la banque de tissus. La procédure se poursuit en salle blanche sous hotte à flux laminaire. Le placenta est abondamment rincé avec une solution saline stérile contenant de la pénicilline, de l'amikacine, de la gentamicine et de l'amphotéricine B. L'amnios est ensuite détaché du chorion, puis en fonction des différents moyens de conservation utilisés, les procédures varient.
Techniques de conservation
Membrane amniotique cryoconservée
La cryoconservation est actuellement la technique la plus fréquemment utilisée. Après avoir retiré le chorion et la couche spongieuse, des carrés de 3 cm de côté de membrane de nitrocellulose sont disposés sur la face choriale. L'amnios est enfin découpé autour de son support, à l'aide d'un bistouri, afin de réaliser plus d'une quarantaine de prélèvements par placenta. Ces carrés de nitrocellulose portant l'amnios épithélium vers le haut sont enroulés, puis placés dans un flacon contenant un mélange à volume égal de glycérol comme cryoprotecteur et de milieu de culture contenant des antibiotiques et des antifongiques. Ils sont alors conservés à –80 °C pendant une durée maximale de 2 ans. La membrane amniotique cryoconservée ainsi conditionnée est envoyée par la banque de tissus dans de la carboglace entre 24 et 48 heures avant l'intervention (fig. 36-3
Fig. 36-3
Préparation des membranes amniotiques.
a. Aspect du placenta après avoir été prélevé en salle opératoire le jour de la césarienne. b. Isolement sur un support du chorion et de l'amnios. c. Clivage du chorion et de l'amnios. d. Épithélium de la membrane amniotique au contact du support après retrait du chorion. e. Disposition de supports en nitrocellulose contre le stroma. f. Découpe de la membrane amniotique autour de chaque morceau de nitrocellulose. g. Enroulement du fragment de membrane amniotique sur la membrane de nitrocellulose. h. Introduction dans le flacon rempli de milieu de culture et d'un cryoprotecteur (conditionnement primaire). i. Étiquetage des conditionnements secondaires et stockage à –80 °C.
).
Membrane amniotique lyophilisée
La lyophilisation a été plus récemment développée. Elle permet de faciliter le stockage et le transport qui s'effectue à température ambiante, permettant une meilleure disponibilité au bloc opératoire. La lyophilisation, ou freeze-drying , est une méthode de préservation par sublimation de l'eau contenue dans la membrane amniotique, c'est-à-dire une déshydratation en faisant passer directement l'eau de l'état solide, congelée, à l'état gazeux sans passer par l'état liquide, sous vide, dans un lyophilisateur dédié. La stérilisation est ensuite obtenue par rayonnement gamma. En France, une membrane amniotique lyophilisée, dévitalisée, viro-inactivée et stérilisée (Visio-AMTRIX®, laboratoire Horus Pharma, Saint-Laurent-du-Var, France) est disponible en plusieurs tailles avec ou sans maintien de la couche spongieuse. Le maintien de la couche spongieuse pourrait, outre apporter une épaisseur supplémentaire, fournir davantage de facteurs de croissance [48]. Dans ce cas de figure, le prélèvement du placenta après un accouchement par voie basse est autorisé. La membrane est conditionnée en sachet et la face épithéliale est positionnée en dessous. Elle se conserve 4 ans dans son emballage non ouvert à température ambiante (+15 °C à + 25 °C).
Membrane amniotique déshydratée
Certaines membranes amniotiques sont déshydratées sous conditions particulières sans être lyophilisées, c'est-à-dire sans passer par la phase de congélation. La stérilisation est également obtenue par rayonnement gamma.
Comparaison des différents modes de conservation
Tous les modes de conservation de la membrane amniotique limitent probablement ses propriétés biologiques (fig. 36-4
Fig. 36-4
Modalités de conservation de la membrane amniotique humaine.
a. Membrane amniotique cryoconservée après décongélation. b. Membrane amniotique lyophilisée, avec maintien de la couche spongieuse (à gauche) et sans maintien de la couche spongieuse (à droite). c. Prototype d'anneau de membrane amniotique lyophilisée « autostable» pour application sans suture.
Source : fig. b et c, avec l'aimable autorisation de la Banque de tissus TBF, développement et production.
). Le maintien des propriétés de la membrane amniotique en fonction du mode de conservation a intéressé de nombreuses équipes avec des résultats contradictoires sans études cliniques confrontant l'efficacité [ 49]. Certaines techniques limitant la phase de congélation ou ajoutant des substances protectrices lors de la lyophilisation semblent améliorer la conservation des propriétés biologiques [50]. La stérilisation par irradiation gamma pourrait aussi avoir des effets délétères [51]. Ce mode de conservation pourrait cependant permettre un degré supérieur de transparence de la membrane amniotique [52]. Les propriétés biophysiques de résistance et d'élasticité de la membrane amniotique sont également primordiales dans leur utilisation clinique, notamment dans la prise en charge des ulcères cornéens perforés ou préperforatifs; les membranes non irradiées ou cryoconservées présentent l'avantage chirurgical de nécessiter des forces plus importantes pour se rompre [53].
Réglementation et effets secondaires
Il existe un risque théorique de transmission de maladies infectieuses lors de l'utilisation de la membrane amniotique. La réglementation en France impose une prescription médicale nominative pour un usage unique, auprès de la banque de tissu à laquelle le praticien est affilié. Une prescription correspond à un greffon de membrane amniotique délivré pour un patient donné quel que soit le mode de conservation utilisé. De manière dérogatoire, le stockage des greffons lyophilisés est possible au bloc opératoire, mais le médecin greffeur s'engage à fournir a posteriori, dans les meilleurs délais, la prescription médicale correspondante afin d'assurer la traçabilité du greffon. En France, la membrane amniotique est considérée comme un tissu humain à visée thérapeutique et non comme un dispositif médical. L'information du patient de l'utilisation d'un tissu d'origine humaine est obligatoire. La fiche d'information de la Société française d'ophtalmologie n° 07c est disponible, portant sur les indications de la surface oculaire. Pour les membranes amniotiques cryoconservées, il existe des traces d'antibiotiques et de glycérol liées au liquide de conservation; un risque théorique d'allergie reste possible. Le décret n° 2016-1622 du 29 novembre 2016 portant sur l'organisation de la biovigilance impose à tout professionnel de santé de déclarer les incidents graves ou les effets indésirables inattendus relatifs aux éléments et produits du corps humain, utilisés à des fins thérapeutiques.
Techniques d'utilisation
En « greffe» (ou épithélium vers le haut ou inlay)
La membrane amniotique sert de support biologiquement actif à la repousse épithéliale agissant comme une nouvelle membrane basale, et peut également remplacer en partie la matrice du stroma perdue. L'intégration de la membrane amniotique est visée le plus souvent au niveau de la surface oculaire; elle est ainsi utilisée dans les ulcères épithéliaux et stromaux cornéens. Après avivement des bords épithéliaux de l'ulcère, la membrane amniotique est découpée de façon à recouvrir la zone de stroma mise à nu; elle est ensuite habituellement suturée par des points séparés de Nylon 10/0 (fig. 36-5a
Fig. 36-5
Modalité d'utilisation des membranes amniotiques en ophtalmologie (en vert, la membrane amniotique et en violet, l'épithélium cornéen).
a. En « greffe» ou inlay : greffe de membrane amniotique avec l'épithélium vers le haut dans le cadre d'un ulcère cornéen (en haut, à gauche); cicatrisation épithéliale par-dessus la membrane amniotique qui est intégré (en bas, à gauche). Greffe de membrane amniotique « simple» couche pour un ulcère trophique post-herpétique; noter l'intégration de la membrane sous épithélium cicatrisé (à droite). b. Greffe amniotique en multicouches : greffe de membrane amniotique avec l'épithélium vers le haut associé à un morceau de membrane amniotique glissé en dessous dans le cadre d'un ulcère cornéen épithélial et stromal (en haut, à gauche); cicatrisation épithéliale cornéenne par-dessus la membrane amniotique qui est intégrée (en bas, à gauche). Greffe de membrane amniotique multicouche pour un ulcère trophique post-kératite bactérienne, noter l'intégration des membranes sous épithélium cicatrisé (à droite). c. En patch ou overlay : greffe amniotique avec l'épithélium vers le bas sur la surface oculaire lésée (en haut, à gauche); cicatrisation épithéliale cornéenne sans intégration de la membrane amniotique (en bas, à gauche). Greffe de membrane amniotique en patch dans le cadre d'une brûlure chimique de la surface oculaire; à distance, la membrane n'est pas visible, elle n'a pas été intégrée (à droite).
). En cas de perte importante de substance stromale, la technique réalisée est celle dite en multicouches. En cas de perforation, celle-ci ne doit pas dépasser 2 mm de diamètre [ 54]; il s'agit alors de l'application d'une membrane amniotique de taille légèrement supérieure à celle de l'ulcère en la suturant à ses berges avec du monofilament 10/0, et un autre fragment de membrane est alors glissé en dessous (fig. 36-5b
Fig. 36-5
Modalité d'utilisation des membranes amniotiques en ophtalmologie (en vert, la membrane amniotique et en violet, l'épithélium cornéen).
a. En « greffe» ou inlay : greffe de membrane amniotique avec l'épithélium vers le haut dans le cadre d'un ulcère cornéen (en haut, à gauche); cicatrisation épithéliale par-dessus la membrane amniotique qui est intégré (en bas, à gauche). Greffe de membrane amniotique « simple» couche pour un ulcère trophique post-herpétique; noter l'intégration de la membrane sous épithélium cicatrisé (à droite). b. Greffe amniotique en multicouches : greffe de membrane amniotique avec l'épithélium vers le haut associé à un morceau de membrane amniotique glissé en dessous dans le cadre d'un ulcère cornéen épithélial et stromal (en haut, à gauche); cicatrisation épithéliale cornéenne par-dessus la membrane amniotique qui est intégrée (en bas, à gauche). Greffe de membrane amniotique multicouche pour un ulcère trophique post-kératite bactérienne, noter l'intégration des membranes sous épithélium cicatrisé (à droite). c. En patch ou overlay : greffe amniotique avec l'épithélium vers le bas sur la surface oculaire lésée (en haut, à gauche); cicatrisation épithéliale cornéenne sans intégration de la membrane amniotique (en bas, à gauche). Greffe de membrane amniotique en patch dans le cadre d'une brûlure chimique de la surface oculaire; à distance, la membrane n'est pas visible, elle n'a pas été intégrée (à droite).
). Dans certaines situations, notamment infectieuses, la membrane amniotique peut être maintenue par de la colle biologique. Une lentille thérapeutique est placée en fin d'intervention en cas de positionnement au niveau de la cornée. Lors de l'intégration sous l'épithélium cornéen, la membrane amniotique laisse une opacité nuageuse pouvant altérer la fonction visuelle.
En patch (ou épithélium vers le bas ou overlay)
Dans cette technique, la membrane amniotique n'est pas intégrée. Elle est suturée avec l'épithélium vers le bas de façon à délivrer au maximum les facteurs biologiques (fig. 36-5c
Fig. 36-5
Modalité d'utilisation des membranes amniotiques en ophtalmologie (en vert, la membrane amniotique et en violet, l'épithélium cornéen).
a. En « greffe» ou inlay : greffe de membrane amniotique avec l'épithélium vers le haut dans le cadre d'un ulcère cornéen (en haut, à gauche); cicatrisation épithéliale par-dessus la membrane amniotique qui est intégré (en bas, à gauche). Greffe de membrane amniotique « simple» couche pour un ulcère trophique post-herpétique; noter l'intégration de la membrane sous épithélium cicatrisé (à droite). b. Greffe amniotique en multicouches : greffe de membrane amniotique avec l'épithélium vers le haut associé à un morceau de membrane amniotique glissé en dessous dans le cadre d'un ulcère cornéen épithélial et stromal (en haut, à gauche); cicatrisation épithéliale cornéenne par-dessus la membrane amniotique qui est intégrée (en bas, à gauche). Greffe de membrane amniotique multicouche pour un ulcère trophique post-kératite bactérienne, noter l'intégration des membranes sous épithélium cicatrisé (à droite). c. En patch ou overlay : greffe amniotique avec l'épithélium vers le bas sur la surface oculaire lésée (en haut, à gauche); cicatrisation épithéliale cornéenne sans intégration de la membrane amniotique (en bas, à gauche). Greffe de membrane amniotique en patch dans le cadre d'une brûlure chimique de la surface oculaire; à distance, la membrane n'est pas visible, elle n'a pas été intégrée (à droite).
); elle recouvre la zone pathologique en jouant un rôle de pansement biologique et antalgique. La réépithélialisation se faisant sous la membrane amniotique, cette dernière est éliminée en 2 à 3 semaines. Parfois, une membrane recouvre une première suturée en greffe; celle-ci est alors plus large, avec l'épithélium vers le bas protégeant la première et permettant une croissance épithéliale entre les deux membranes (technique « sandwich»).
Utilisation sans suture
Dans certaines situations, le recours à une intervention chirurgicale peut être inadapté du fait de la situation clinique ou difficile d'un point de vue logistique. Certaines techniques sans suture se développent pour une mise en place au lit du malade ou à la consultation. Le dispositif cryoconservé sans suture appelé Prokera® (Bio-Tissue, Inc., Miami, États-Unis), non disponible pour le moment en France, comprend un anneau de symblépharon recouvert d'une membrane amniotique [55]. Des dispositifs sans suture lyophilisés sur anneau biologique sont également en cours de développement. Récemment, plusieurs équipes ont rapporté l'efficacité d'une membrane amniotique déshydratée ou lyophilisée posée, à la consultation, sans suture en patch sur des ulcères cornéen chronique et maintenue uniquement par une lentille thérapeutique [56].
Principales indications de la greffe de membrane amniotique
Pathologies cornéennes
Les principales indications de la membrane amniotique sont les pathologies cornéennes et de la surface oculaire (encadré 36-1
Encadré 36-1
Indications de la greffe de membrane amniotique proposées en ophtalmologie
Pathologies de la surface oculaire
  • Ulcère cornéen neurotrophique
  • Ulcère cornéen d'origine auto-immune (en association avec le traitement anti-inflammatoire)
  • Kératites infectieuses, notamment kératite nécrosante herpétique
  • Déficit partiel en cellules souches limbiques
  • Support des expansions de cellules épithéliales
  • Reconstruction conjonctivale (symblépharon, exérèse de tumeurs conjonctivales, kératoconjonctivites limbiques supérieures, conjonctivochalasis, etc.)
  • Brûlure de la surface oculaire
  • Syndromes de Stevens Johnson et Lyell
  • Syndrome sec oculaire sévère
  • Kératopathies bulleuses
  • Adjuvant antifibrotique dans la chirurgie filtrante du glaucome
  • Chirurgie orbitopalpébrale
Pathologies vitréorétiniennes
  • Décollement de rétine sur trou maculaire chez le myope fort, trou maculaire récidivant, décollement de rétine récidivant associé à de grandes déchirures, fossette colobomateuse, fovéoschisis, dégénérescence maculaire terminale
). L'ulcère cornéen trophique réfractaire est sans doute l'indication la plus commune. Dans cette indication, la membrane amniotique est utilisée le plus souvent en greffe, mais l'utilisation en patch est également possible pour limiter l'opacité secondaire liée à l'intégration de la membrane. Il ne semble pas exister de différence dans les taux d'épithélialisation en cas d'utilisation de membrane lyophilisée et cryoconservée en cas d'utilisation en patch dans cette indication (89 % versus 91 %) [57].
Même si la greffe de membrane amniotique ne peut pas à elle seule reconstituer un épithélium conjonctivocornéen, elle peut être intéressante dans les cas de destruction localisée du limbe ou d'hypofonction limbique comme la kératopathie aniridique [58]. La membrane amniotique semble avoir un effet bénéfique sur les cellules souches encore viables à la surface cornéenne. La reconstruction du limbe, auto- ou allogénique, peut être associée à une greffe amniotique. Ses différentes propriétés biologiques font de la membrane amniotique un matériau de choix pour les expansions in vitro de cellules épithéliales ou comme support in vivo à des greffes limbiques.
Chirurgie et reconstruction conjonctivale
La greffe amniotique peut, lors des reconstructions conjonctivales, remplacer un tissu conjonctival en quantité insuffisante. Elle peut dans certains cas être considérée comme une alternative à la greffe de muqueuse buccale en cas de symblépharon localisé et lorsque l'inflammation de la surface oculaire est encore modérée. Dans la prise en charge du ptérygion, la greffe de membrane amniotique dans une méta-analyse regroupant 20 essais randomisés est significativement moins efficace dans la prévention des récidives à 6 mois que l'autogreffe conjonctivale [ 59]. De ce fait, la greffe amniotique n'est utilisée dans ce type de procédure qu'en complément d'une greffe de limbe parfois pratiquée.
Dans la chirurgie du glaucome, la greffe de membrane amniotique a été utilisée au cours des révisions de bulle pour remplacer le tissu fibreux manquant, pour recouvrir des valves dénudées ou traiter des fuites tardives de bulle de filtration avec une efficacité limitée [60]. Une méta-analyse décrit une efficacité sur la pression intraoculaire à 1 an post-trabéculectomie, quand elle est utilisée en traitement adjuvant peropératoire positionnée sous le volet scléral agissant comme agent antifibrotique [61].
Enfin, l'utilisation de la membrane amniotique en chirurgie orbitopalpébrale (reconstruction palpébrale, strabisme, recouvrement d'exposition de bille ou occlusion des points lacrymaux) reste controversée.
Greffe de membrane amniotique au stade aigu des destructions et inflammation de la surface oculaire
En cas de brûlures, la greffe de membrane semble devoir être réalisée au cours de la première semaine si l'ischémie du limbe et l'inflammation conjonctivale persistent. Les données actuelles sont néanmoins contradictoires, car elle ne semble pas efficace dans les brûlures très sévères. Elle reste cependant largement pratiquée dans cette indication [62 , 63]. Au cours des syndromes de Stevens-Johnson et de Lyell, des résultats encourageants ont été rapportés avec suture en patch ou avec des dispositifs sans suture pour minimiser les séquelles au niveau de la surface oculaire [ 64]. Les dispositifs sans suture pourraient être une aide dans la prise en charge des sécheresse oculaires réfractaires avec probablement un effet limité dans le temps et la nécessité de renouveler, à intervalle choisi, leur pose [ 65].
Greffe de membrane amniotique et kératites infectieuses
La membrane amniotique au stade aigu de l'infection pourrait apporter un bénéfice en termes de cicatrisation épithéliale et sur la fonction visuelle dans les kératites bactériennes de gravité moyenne à sévère et dans les kératites fongiques. Cependant, les différentes études utilisent des techniques de greffe différentes et le délai de recours est très variable, ce qui rend difficile les conclusions [ 66]. L'utilisation d'une membrane amniotique humaine accélère la cicatrisation épithéliale et réduit l'inflammation stromale lors d'une kératite herpétique nécrosante [67].
Pathologies rétiniennes
L'utilisation de la membrane amniotique cryoconservée a été rapporté avec intérêt dans plusieurs indications en chirurgie vitréorétiniennes. En cas de trou maculaire, la membrane amniotique cryoconservée est prédécoupée à l'aide d'un trépan utilisé pour la peau et la membrane amniotique est positionnée épithélium vers le haut [ 68].
Conclusion
La greffe amniotique est une technique chirurgicale facile d'accès qui fait partie de l'arsenal thérapeutique des pathologies oculaires de surface. Ses limites méritent néanmoins d'être bien connues, car elle ne peut pas, à elle seule, corriger les pathologies secondaires associées à une destruction complète du limbe. Les nouvelles indications en chirurgie vitréorétinienne sont à confirmer mais semblent prometteuses. Le développement des dispositifs sans suture permettra un accès plus simple, en dehors du bloc opératoire, dans certaines indications choisies.
36.3. Préparations ophtalmiques à base de produits sanguins

F. ChastM.-L. Brandely-Piat

Introduction
Le sang et les produits dérivés du sang peuvent être utilisés pour traiter un large éventail de maladies ophtalmiques affectant, tant la surface oculaire que la rétine ou le nerf optique. Dans ce cadre, le sang peut soit être le sang du patient (sang autologue), soit provenir de donneurs (sang allogénique ou sang de cordon ombilical). L'application oculaire de sang et de ses produits dérivés peut aller de l'instillation à la surface de l'œil sous la forme de collyre (par exemple collyre de sérum autologue) à l'utilisation de sang total, appliqué sur la rétine pendant la chirurgie vitréorétinienne. Parmi les autres produits utilisables, figurent le plasma riche en plaquettes (PRP), qui possède une concentration élevée de facteurs de croissance, ou les cellules souches obtenues à partir de différentes sources, y compris le sang de cordon.
L'idée d'utiliser des produits dérivés du sang pour traiter les maladies oculaires a été décrite pour la première fois il y a bientôt 50 ans par l'équipe de Robert A. Ralph, à Boston, qui a développé une pompe de perfusion oculaire mobile permettant d'administrer du sérum autologue sur les surfaces oculaires de patients atteints de brûlures chimiques [69]. Depuis, l'utilisation de collyres préparés à partir de sérum afin de traiter un large éventail de maladies de la surface oculaire, principalement la sécheresse oculaire sévère due par exemple au syndrome de Gougerot-Sjögren, ou à l'expression oculaire de la maladie du greffon contre l'hôte ( ocular GVHD , ou graft-versus-host disease ), a été largement explorée.
La capacité des glandes lacrymales de produire des larmes joue un rôle essentiel dans le maintien des propriétés physiologiques et donc fonctionnelles de la cornée et de la conjonctive.
En règle générale, les troubles de la surface oculaire, y compris la sécheresse oculaire, se caractérisent par une diminution de la qualité et de la quantité du film lacrymal, conduisant à des modifications des caractéristiques cellulaires de l'épithélium conjonctival. Ces troubles peuvent gravement affecter les fonctions oculaires et la qualité de la vision et donc de la vie des patients, qui souffrent alors de perte de vision, d'inconfort, de douleur, d'érosion, et, le cas échéant, d'ulcération, d'infection et de destruction des tissus épithéliaux.
Le terme keratoconjonctivitis sicca fait référence à la sécheresse oculaire ou à l'inflammation sèche de la cornée et de la conjonctive. Il fut inventé en 1933 par l'ophtalmologiste suédois Henrik S.C. Sjögren [ 70], et réintroduit dans les années 1950 par Andrew F. de Rötth comme « maladie de l'œil sec» [ 71]. Historiquement, la maladie de l'œil sec était définie comme une réduction de la phase aqueuse du film lacrymal. En 1995, cette définition a été modifiée pour inclure l'ensemble des maladies qui réduisent la production de larmes, mais qui peuvent également en augmenter l'évaporation [72]. En 2007, l'International Dry Eye Workshop a proposé une nouvelle définition de la sécheresse oculaire : c'est « une maladie multifactorielle des larmes et de la surface oculaire qui entraîne inconfort, perturbation de la fonction visuelle et qui est liée à l'instabilité du film lacrymal avec des dommages potentiels de la surface oculaire. Elle s'accompagne d'une osmolarité accrue du film lacrymal et d'une inflammation» [ 73].
Au total, la sécheresse oculaire est « une maladie multifactorielle de la surface oculaire caractérisée par une perte d'homéostasie du film lacrymal et accompagnée de symptômes oculaires, dans lesquels l'instabilité et l'hyperosmolalité du film lacrymal, l'inflammation et les dommages de la surface oculaire et les anomalies neurosensorielles jouent un rôle étiologique» [74]. C'est dans ce cadre que la prescription de préparations ophtalmiques contenant des produits issus du sang est recommandée pour le traitement du « syndrome sec» au stade 3 sur 4.
Un intérêt croissant pour l'application de produits dérivés du sang humain, sous forme de collyres, est apparu au cours des dernières années. En pratique, le sérum autologue est le produit sanguin le plus couramment utilisé. Les bénéfices thérapeutiques qu'on en retire peuvent s'expliquer par :
  • une composition similaire à celle des larmes [75- 76- 77];
  • la présence de glucides, de lipides et d'électrolytes, voisine de celle des larmes;
  • une concentration totale en protéines plus élevée;
  • une combinaison de facteurs de croissance épithéliotrophiques [78 , 79], libérés lors de la dégranulation des granules alpha des plaquettes qui intervient pendant le processus de coagulation [ 80].
Outre l'intéressante similitude du sang et des larmes (pH, osmolalité, propriétés biomécaniques), le sérum sanguin contient des facteurs de croissance et des vitamines, et des composants bactériostatiques tels que les immunoglobulines G (IgG), le lysozyme, des fractions du complément et d'autres composants potentiellement précieux pour l'amélioration de la prise en charge des maladies de la cornée. Enfin, le sang, comme toute substance biologique, est exempt de conservateurs [81-82-83].
Un certain nombre d'études cliniques (malheureusement non contrôlées) ont montré que le sérum autologue pouvait être bénéfique dans le traitement de divers troubles de la surface oculaire, tels que :
  • sécheresse oculaire sévère;
  • kératoconjonctivite limbique supérieure [ 84];
  • dysplasie de la cornée [ 85];
  • syndrome récurrent d'érosion [ 86].
Les propriétés « épithéliotrophiques» des collyres de sérum autologue peuvent être influencées :
  • d'une part par le « procédé de préparation»; en effet, parmi les paramètres susceptibles de modifier la composition biochimique du sérum, figurent : le temps de coagulation, la durée et la force de la centrifugation du prélèvement, la nature des excipients et la dilution du sérum;
  • d'autre part par la « matière première» utilisée (le sang du patient à partir duquel est préparé le collyre) dont la composition qualitative peut varier.
Les modalités de préparation des collyres de sérum autologue sont variables, en particulier parce que, par nature, ces préparations ne sont pas commercialisées. Elles répondent, selon la législation pharmaceutique en vigueur en France, au statut des préparations magistrales. De ce fait, on peut observer d'importantes variations qualitatives d'une institution hospitalière à l'autre, ce qui peut conduire à des variations d'efficacité [ 87].
C'est en 1975 qu'un collyre de sérum autologue a été initialement appliqué par Robert A. Ralph du Cornea Service , Massachusetts Eye and Ear Infirmary, Boston, pour le traitement de lésions oculaires [ 69]. L'effet bénéfique du collyre de sérum autologue dans le traitement du syndrome de l'œil sec a été décrit plus tard, en 1984, par Robert Fox et son équipe au Research Institute of Scripps Clinic, à La Jolla (États-Unis). Mais c'est à la fin des années 1990 qu'a commencé son utilisation extensive avec des études dans le syndrome de Gougerot-Sjögren par Kasuo Tsubota à Tokyo [86], lors des troubles trophiques de la surface oculaire, même si la sécheresse oculaire est restée l'indication principale de cette préparation, comme l'a décrit Takachi Kojima (voir référence [ 139]) au sein de la même équipe, à Tokyo.
Dans le même temps, au cours de ces décennies, le sérum fœtal bovin, le sérum allogénique et le sérum de sang de cordon ombilical ont également été utilisés dans le même objectif, mais la nature hétérologue de ces produits, avec un risque plus élevé de réactions allergiques et de transmission de maladies infectieuses, a rendu leur utilisation plus délicate, et seuls certains centres spécialisés les ont mis en œuvre. C'est le cas en Corée du Sud, en Inde, au Danemark, en Italie, etc.
Bases physiologiques de l'utilisation du collyre de sérum autologue
Le principe de l'utilisation du collyre de sérum autologue est fondé sur l'exploitation de la présence, dans le sérum sanguin des patients, de facteurs susceptibles de favoriser la cicatrisation cornéenne. Le sérum est la partie liquide du sang ou du plasma qui surnage après la séparation du caillot.
Comparaison de la composition des larmes physiologiques et du sérum sanguin
Les larmes ont une composition complexe. L'eau en est le principal composant (98,3 %). Une part infime est constituée par des sels minéraux (1 %), des protéines, notamment des glycoprotéines (0,7 %), ainsi que des glucides et des lipides.
Outre des enzymes et des nutriments régulateurs tels que le glucose, l'oxygène, l'eau et les électrolytes nécessaires au métabolisme de l'épithélium cornéen, les larmes apportent de nombreuses protéines, actives ou fonctionnelles, telles que des facteurs de croissance, des vitamines, des immunoglobulines et des neuropeptides qui régulent les processus de prolifération, de migration et de différenciation des cellules de l'épithélium cornéen et de la conjonctive.
De plus, les larmes présentent des propriétés antimicrobiennes non seulement en raison de leur effet barrière et de l'effet « lavage-balayage» de la surface cornéenne, mais aussi parce qu'elles contiennent des lymphocytes, des macrophages et des enzymes telles que l'arylsulfatase A, la peroxydase, la lactoferrine et le lysozyme qui présentent des propriétés bactériostatiques et bactéricides [ 75].
La composition du sérum est très similaire à celle des larmes et la plupart des concentrations sont les mêmes, à l'exception des composants suivants : vitamine A, facteur de croissance transformant β (TGF-β), facteur de croissance épidermique (EGF), lysozyme, fibronectine, IgA.
Historiquement, l'utilisation du sang et des dérivés du sang en ophtalmologie reposait principalement sur les propriétés potentielles de ces liquides biologiques, notamment pour la lubrification, les actions mécaniques et les effets antimicrobiens (tableau 36-3
Tableau 36-3
Comparaison de la composition biochimique des larmes et du sérum sanguin [75, 76, 88–90].
ComposantsConcentration
LarmesSérum
PhysicochimiepH7,2–7,47,2–7,4
Osmolalité298–302 mOsm/l 296–300 mOsm/l
ProtéinesProtéines totales7,37–7,51 mg/ml 60–80 mg/ml
Lysozyme1, 40–2,36 mg/ml 5,0–10,2 μg/ml
α2-macroglobuline ND2,6 mg/ml
Lactoferrine1,51–1,84 mg/ml 0,17–0,28 mg/ml
Fibronectine21 μg/ml 205–300 μg/ml
Albumine0,05–1,3 mg/ml 35–50 mg/ml
IgA0,30–0,40 mg/ml 0,93–3,93 mg/ml
IgDND0,03 mg/ml
IgE0,1 μg/ml 0,2–0,7 μg/ml
IgG0,032 mg/l 8–12 mg/ml
IgM0,1–0,86 μg/ml 0,33–1,83 mg/ml
Cu-Zn-SOD103 ng/mg de protéines
Facteurs de croissanceEGF0,2–3 ng/ml 0,5–1 ng/ml
IGF-1157 ng/ml
NGF = β 468 pg/ml 54 pg/ml
SP0,157 ng/ml 0,071 ng/ml
TGF-α, homme247 pg/ml 147 pg/ml
TGF-α, femme180 pg/ml 147 pg/ml
TGF-β12–10 ng/ml 6–140 ng/ml
TGF-β255 pg/ml
VitaminesVitamine A 16–20 ng/ml 200–1000 ng/ml
Vitamine C 117 μg/ml 5–20 μg/ml
AntioxydantsTyrosine45 mM/l 77 mM/l
Glutathion107 mM/l ND
GlucidesGlucose26 mg/l 0,6–1,2 g/l
ÉlectrolytesNa +145–149 mM/l 135–146 mM/l
K +18–24 mM/l 3,5–5 mM/l
Ca ++1,5–1,7 mM/l 2,5 mM/l
Cl 112–128 mM/l 96–108 mM/l
HCO 326 mM/l 21–29 mM/l
NO 3–0,14 mM/l 0,19 mM/l
PO 43–0,22 mM/l 1,42 mM/l
SO 42–0,39 mM/l 0,53 mM/l
).
C'est essentiellement la composition protéique du sérum qui explique ou justifie l'intérêt du collyre de sérum autologue. De nombreuses études ont, en effet, montré que ce sont les facteurs de croissance comme l'EGF, le TGF-β, l'IGF-1, le NGF et d'autres cytokines, mais aussi la vitamine A, la fibronectine et la sélénoprotéine P qui sont essentiels pour favoriser la prolifération, la différenciation et la maturation de l'épithélium de la surface oculaire [91].
La concentration de protéines totales est voisine de 7,5 mg/ml, soit environ 10 % de celle du sérum. Le lysozyme (qui protège contre les infections de la surface oculaire en raison de son activité antimicrobienne), la lactoferrine (transporteur du fer vers la cornée) et l'albumine sont les principales protéines des larmes.
Une des questions à régler est l'instabilité physicochimique du collyre de sérum autologue en raison de la présence d'enzymes. C'est la raison pour laquelle certaines équipes ont préconisé l'utilisation isolée de composants sériques, tels que les facteurs de croissance, l'albumine et la lactoferrine, ce qui pourrait minimiser ces inconvénients. Diverses études ont été consacrées à l'évaluation de ces des composants dans le traitement de la sécheresse oculaire.
Intérêt de certains constituants du sérum sanguin en thérapeutique oculaire
Le rôle de certains constituants présents dans le sérum, notamment certaines protéines peut être résumé comme dans le tableau 36-4
Tableau 36-4
Rôle des principales protéines lacrymales dans la régénération des tissus oculaires.
ProtéinesRôles
EGFInduit une migration et une prolifération épithéliales cornéennes
Stimule la synthèse d'ADN des cellules épithéliales et des fibroblastes stromaux
Stimule la synthèse de fibronectine par les cellules épithéliales
Effet chimiotactique pour les cellules épithéliales et stromales humaines
Effet anti-apoptotique
Induit la production de mucine 1 par les cellules caliciformes
TGF-βDiminue la migration des kératinocytes
Favorise la chimiotaxie des fibroblastes
Induit la production de matrice extracellulaire en stimulant la production de collagène, de fibronectine et de protéoglycanes et, en diminuant sa dégradation, inhibe les métalloprotéases et autres enzymes protéolytiques
Favorise la différenciation des myofibroblastes
Effet anti-inflammatoire
Vitamine A Empêche les processus de métaplasie squameuse des épithéliums
PDGFEffet chimiotactique pour les monocytes, les macrophages et les fibroblastes
Effet synergique avec le TGF-β pour favoriser la différenciation des myofibroblastes
FibronectineFavorise la cicatrisation des plaies et la phagocytose
Favorise la migration cellulaire au cours du processus de réparation de l'épithélium cornéen
Annexine A5Stimule la sécrétion de l'urokinase de type activateur du plasminogène facilitant la migration cellulaire
AlbumineRéduit la dégradation des cytokines et des facteurs de croissance
α2-macroglobuline Neutralise les enzymes protéolytiques
β-FGFFavorise la cicatrisation des plaies cornéennes augmentant la prolifération et la motilité des cellules
IGF-1Agit en synergie avec la sélénoprotéine P pour favoriser la migration épithéliale cornéenne
NGFInduit la germination des neurites par les cellules neuronales
Restaure la fonction des neurones lésés
Induit la production de peptides liés à la sélénoprotéine P et à la calcitonine dans le système nerveux central et périphérique, améliorant la prolifération épithéliale
Augmente la prolifération et la différenciation des cellules épithéliales
Favorise la croissance cellulaire des fibroblastes
.
Albumine
Cette protéine, la plus abondante du sang, est un monomère à chaîne unique constituée de 585 acides aminés. Elle est remarquablement stable et largement distribuée dans les liquides biologiques. C'est une protéine multifonctionnelle qui réduit la dégradation naturelle des cytokines et des facteurs de croissance dans les zones de lésion tissulaire. Elle présente également des propriétés anti-apoptotiques. Un collyre d'albumine à 5 %, administré pendant 4 semaines, améliore la cicatrisation, comme l'attestent les critères d'évaluation : coloration à la fluorescéine, au rose Bengale , temps de rupture du film lacrymal, ou les scores cliniques [ 92]. L'effet cicatrisant des collyres d'albumine a, par ailleurs, été démontré in vitro et in vivo [ 85 , 92].
Annexine A5
L'annexine A5 facilite la migration cellulaire. Elle pourrait être une alternative aux collyres de fibronectine (interaction avec le domaine kinase de certaines intégrines imitant son action physiologique). Elle stimule également la sécrétion de l'activateur du plasminogène de type urokinase, dont l'expression est augmentée lors des troubles trophiques épithéliaux.
EGF
Le facteur de croissance épidermique ( epidermal growth factor [EGF]) est une hormone protéique dont l'activité est essentiellement trophique. L'activité de l'EGF ne se cantonne pas au tissu épidermique, mais à l'ensemble des tissus – l'adjectif « épidermique» est « historique». La fixation de l'EGF à son récepteur provoque une activité mitotique très rapide au sein des tissus ciblés. L'EGF améliore la cicatrisation de l'épithélium cornéen et accélère la cicatrisation des plaies conjonctivales [ 93 , 94]. L'EGF joue un rôle important dans :
  • la migration et la prolifération épithéliale cornéenne, ce qui améliore et accélère le processus de cicatrisation des plaies;
  • la stimulation de la synthèse d'ADN des cellules épithéliales et des fibroblastes stromaux en culture ainsi que de la synthèse de la fibronectine au sein des cellules épithéliales;
  • le chimiotactisme à l'égard des cellules épithéliales et stromales [95- 96- 97].
Son effet anti-apoptotique a été associé à la production de mucine par les cellules caliciformes de la conjonctive [ 89]. Dans une expérience effectuée sur un modèle animal de sécheresse oculaire, un collyre d'EGF a amélioré le temps de rupture du film lacrymal et la coloration à la fluorescéine , mais pas l'indice inflammatoire, ni le volume de larmes [ 98]. Les études cliniques relatives aux collyres d'EGF dans le traitement de certains troubles cornéens humains montrent que ces collyres sont environ 50 fois plus efficaces qu'un collyre témoin (BSS®) pour obtenir une cicatrisation cornéenne rapide et réussie. Un collyre d'EGF (50 à 1000 ng/ml, 2 à 3 fois par jour) pourrait être un traitement efficace en cas de kératopathie secondaire à la chirurgie réfractive, de kératopathie diabétique et d'autres troubles cornéens et conjonctivaux.
FGF-β
Les facteurs de croissance des fibroblastes ( fibroblast growth factor ) forment une famille comportant, à ce jour, 23 protéines identifiées chez l'homme (FGF 1 , FGF 2 , FGF 23). Ce sont des protéines activatrices de la migration et de la multiplication de cellules cibles. Ces facteurs sont généralement sécrétés par des fibroblastes. Le mécanisme d'action des FGF sur leurs cellules cibles passe par leur liaison à des récepteurs de surface (FGF-R), spécifiques, qui ont généralement une activité tyrosine-kinase dans leur domaine intracellulaire. Le rôle le plus important des FGF consiste à maintenir la matrice extracellulaire des tissus conjonctifs et à réparer les lésions dues à un traumatisme. Ils servent aussi à réguler l'organisation et la différenciation des cellules des tissus environnants. Le FGF-β favorise la cicatrisation des plaies du stroma cornéen non seulement en augmentant la prolifération des cellules [99 , 100], mais également en augmentant leur motilité [101].
Fibronectine
La fibronectine est une protéine soluble qui favorise la cicatrisation des plaies et la phagocytose. À la surface oculaire, la fibronectine est l'un des facteurs les plus importants de la phase de migration cellulaire lors de la réparation de l'épithélium cornéen [102 , 103]. Elle a été utilisée en topique dans le traitement des dystrophies épithéliales cornéennes persistantes et des ulcères trophiques avec des résultats variables. Cette protéine aurait des propriétés chimiotactiques et haptotactiques et stimulerait l'attachement des cellules épithéliales cornéennes [104 , 105].
HGF
Le facteur de croissance des hépatocytes ( hepatocyte growth factor [HGF]) module probablement la prolifération, la motilité et la différenciation des cellules épithéliales cornéennes, et joue un rôle important dans l'homéostasie de l'épithélium cornéen [].
IGF-1
L'IGF-1 ( insulin-like growth factor 1 ), ou somatomédine C, est une hormone peptidique de structure similaire à celle de la pro-insuline. Elle est majoritairement sécrétée par le foie, grâce à la stimulation de ce dernier par l'hormone de croissance (GH). Elle agit en synergie avec la sélénoprotéine P pour favoriser la migration épithéliale de la cornée. L'utilisation de collyres d'IGF-1 chez les patients atteints de kératopathie neurotrophique donne des résultats favorables. Les patients atteints de conjonctivite allergique saisonnière et de kératoconjonctivite vernale présentent une élévation significative de la sélénoprotéine P dans les larmes, ce qui suggère que la sélénoprotéine P puisse contribuer à la pathogenèse et à la gravité des manifestations allergiques oculaires. Son influence sur le métabolisme cellulaire via son récepteur spécifique IGF1-R pourrait être modifiée par la liaison de celui-ci aux IGF-BP (protéines de liaison du facteur de croissance analogue à l'insuline).
Lactoferrine
La lactoferrine est une glycoprotéine se liant au fer qui se trouve dans la plupart des liquides exocrines tels que la salive, la bile, le liquide pancréatique, le liquide amniotique et les larmes [ 109]. C'est l'ion ferrique (Fe 3+) qui est le plus communément associé à la lactoferrine in vivo, mais la lactoferrine peut également se lier à d'autres ions, tels que le cuivre ou le magnésium. Les larmes contiennent de nombreux composés anti-stress oxydant, et la lactoferrine en fait partie. Elle protège, par exemple, l'épithélium cornéen à l'égard de l'irradiation UV [110]. On a observé, d'une part, une réduction de la concentration de lactoferrine lacrymale en cas de syndrome de Gougerot-Sjögren [111] et, d'autre part, une amélioration des symptômes lors de son administration par voie orale chez des patients souffrant de sécheresse oculaire. En utilisant un modèle animal (lapin) de sécheresse oculaire, il a été montré qu'un collyre de lactoferrine limitait les lésions cornéennes induites, et que cet effet était plus remarquable en utilisant 1 % d'apolactoferrine non saturée en fer, par rapport à la lactoferrine saturée en fer [112].
α2-macroglobuline
L'α 2 -macroglobuline est une glycoprotéine plasmatique qui neutralise les enzymes protéolytiques, notamment lors du processus de la fibrinolyse. Elle est utile dans le traitement des brûlures oculaires et des ulcères marginaux [85 , 113].
NGF
Le facteur de croissance des nerfs ( nerve growth factor [NGF]) est un polypeptide de la famille des neurotrophines. Il est impliqué dans la croissance du tissu cornéen. Certains rapports indiquent l'efficacité du NGF dans le « resurfaçage» des ulcères cornéens résultant d'une kératopathie neurotrophique. Il induit la germination des neurites par les cellules neuronales et restaure certaines fonctions des neurones lésés. Il a également été démontré que le NGF induisait la production de sélénoprotéine P et de peptides générés par la calcitonine dans le système nerveux central ou périphérique. Les effets biologiques du NGF sur la surface oculaire sont connus pour être médiés par des récepteurs spécifiques localisés sur les cellules épithéliales cornéennes et conjonctivales ainsi que les cellules immunitaires.
PDGF
Le facteur de croissance dérivé des plaquettes ( platelet-derived growth factor [PDGF]) possède un effet chimiotactique pour les monocytes, les macrophages et les fibroblastes. Il a été caractérisé parmi les premiers facteurs de croissance. Il stimule l'expression d'autres facteurs tels que le TGF-β avec lequel il présente une synergie dans la promotion de la différenciation des myofibroblastes. Le PDGF peut moduler la prolifération des fibroblastes cornéens et augmenter leur migration pendant l'homéostasie et la cicatrisation des plaies [ 101 , 114].
Sélénoprotéine P
Parmi les composants sériques susceptibles d'être utiles au traitement de la sécheresse oculaire, la sélénoprotéine P pourrait être un « bon candidat» [ 115]). C'est une glycoprotéine dont une des fonctions consiste à apporter le sélénium cellulaire nécessaire à certains mécanismes physiologiques [116]. La sélénoprotéine P est synthétisée dans la glande lacrymale et sécrétée dans les larmes pour fournir du sélénium à la cornée. Sa concentration dans les larmes est fortement abaissée en cas de sécheresse oculaire, et son efficacité a été évaluée en appliquant des collyres de sélénoprotéine P à un modèle murin avec des résultats favorables sur la cicatrisation cornéenne.
TGF-β
Le facteur de croissance transformant ( transforming growth factor [TGF]) est une cytokine polypeptidique classée en deux groupes : le TGF-α, produit par les macrophages, les astrocytes et les kératinocytes – c'est un facteur de développement cellulaire –; et le TGF-β, qui agit comme protéine antirejet, présente sous trois formes, TGF-β 1 , TGF-β 2 et TGF-β 3 , intervenant dans de nombreux processus pathologiques ou physiologiques (tumeurs, grossesse, fécondation). Le TGF-β est sécrété par un grand nombre de cellules telles que les plaquettes, les cellules endothéliales, les lymphocytes et les macrophages. Le TGF-β 1 a été détecté dans l'épithélium cornéen, le stroma et l'endothélium. Dans l'épithélium, les concentrations de TGF-β 1 sont plus élevées pendant les processus de réparation stromale. Dans la cornée, le TGF-β 1 diminue la migration des kératinocytes, mais favorise la chimiotaxie des fibroblastes ainsi que la production de matrice extracellulaire par un double mécanisme : en stimulant la production de collagène, de fibronectine et de protéoglycanes, et en diminuant sa dégradation en inhibant les métalloprotéases et d'autres enzymes protéolytiques. Par un mécanisme synergique avec le PDGF et les intégrines, le TGF-β favorise la différenciation des myofibroblastes et exerce d'importants effets anti-inflammatoires. Il inhibe la production des cellules T cytotoxiques, l'activité NK, l'expression des molécules de classe II du complexe majeur d'histocompatibilité (CMH) et la synthèse d'interféron γ. Mais le TGF-β, connu pour avoir des effets antiprolifératifs, peut, en cas de concentration élevée, s'opposer à la cicatrisation de l'épithélium de la surface oculaire. Cette observation a contribué à l'utilisation d'une solution diluée de sérum pour maintenir des concentrations de TGF-β voisines de celles des larmes et compatible avec une bonne efficacité cicatrisante.
Vitamine A
Des vitamines sont présentes tant dans les larmes que dans le sérum. La vitamine A est l'un des principaux facteurs trophiques de l'épithélium présents dans le sérum autologue où sa concentration est beaucoup plus élevée que celle trouvée dans les larmes. Elle est utile au maintien de l'intégrité de la surface oculaire, par une action sur la régulation et la différenciation cellulaires. Une kératomalacie peut survenir lorsque le régime alimentaire est fortement carencé en vitamine A [117]. La kératomalacie se manifeste par des opacités et une sécheresse de la cornée. L'ulcération cornéenne et la surinfection sont fréquentes en l'absence de traitement. L'atteinte associée des glandes lacrymales et de la conjonctive est classique (xérophtalmie). La dégradation des cellules épithéliales de la paupière, de la conjonctive et de la cornée se traduit par la perte de cellules caliciformes, une augmentation de la kératinisation épidermique et une métaplasie squameuse des muqueuses, de la cornée et de la conjonctive [ 81 , 118]. Diverses études ont montré que l'acide rétinoïque était utile au traitement de la sécheresse oculaire [119 , 120] et du syndrome de Stevens-Johnson [121]. Dans le traitement de la sécheresse oculaire, les collyres de vitamine A et de ciclosporine A à 0,05 % présentent des résultats comparables [122]. On sait, par ailleurs, que les vitamines A, C et E ont des propriétés antioxydantes, ce qui protège la cornée, le cristallin et la rétine contre le stress oxydant et préserve les qualités fonctionnelles de ces tissus [123]. Toutefois, il ne semble pas que les collyres de vitamine C aient le moindre intérêt dans la prise en charge de la sécheresse oculaire.
Procédure de préparation du collyre de sérum autologue
Même si les méthodes utilisées pour la préparation, le stockage et l'administration des collyres de sérum autologue sont très variables, des normes ont été proposées pour optimiser l'efficacité thérapeutique et la sécurité des produits [ 124].
L'ensemble des étapes de la préparation du collyre de sérum autologue répond aux spécifications des bonnes pratiques de préparations, notamment en matière d'assurance qualité de la préparation, qui est, bien sûr, stérile.
Les étapes critiques de la production du collyre de sérum autologue – temps de coagulation, caractéristiques de la centrifugation du prélèvement, dilution de la préparation – peuvent influencer les propriétés biochimiques du collyre de sérum autologue, ce qui peut avoir un impact sur l'efficacité des traitements.
Dispositions réglementaires
Actuellement, aucun collyre de sérum (autologue ou non) n'est disponible dans le commerce. Le collyre de sérum autologue est donc préparé spécifiquement pour chaque patient à partir d'un prélèvement de son sang veineux.
En France, la préparation répond aux dispositions relatives aux préparations magistrales destinées à un seul malade. Toutefois, la nature particulière de la matière première conduit à des dispositifs organisationnels particuliers.
La sécurité virale doit être assurée, même s'il s'agit d'un don « pour soi-même». Il convient également de protéger les personnels impliqués dans la préparation à l'égard de tout risque de contamination par un agent biologique, à toutes les étapes de la préparation.
Dans la mesure où la définition du don du sang destiné à la préparation du collyre de sérum autologue répond à celle de la transfusion autologue programmée – transfusion pour laquelle le donneur et le receveur sont la même personne et pour laquelle sont utilisés des produits sanguins labiles (PSL) obtenus par un prélèvement antérieur [125] –, il est légitime de procéder aux mêmes recherches biologiques afin de dépister la trace éventuelle d'infection virale à risque.
Selon les règles édictées par l'ANSM, le risque de contamination des matières premières d'origine biologique tout au long de la chaîne d'approvisionnement doit être évalué, en accordant une attention particulière à la sécurité virale et microbiologique ainsi qu'au risque spécifique d'encéphalopathie spongiforme transmissible. La conformité à la dernière version de la note explicative concernant la réduction du risque de transmission des agents des encéphalopathies spongiformes animales par les médicaments à usage humain et vétérinaire est requise [126].
En pratique, la réglementation prévoit un dépistage systématique sur chaque don de sang des marqueurs biologiques des infections virales causées par :
  • le VIH (anticorps anti-VIH-1-2 et dépistage génomique viral [DGV] du VIH-1);
  • l'HTLV I-II (anticorps anti-HTLV I-II) chez les seuls nouveaux donneurs en France métropolitaine;
  • le virus de l'hépatite B (anticorps anti-HBC, antigène HBs et DGV du VHB);
  • le virus de l'hépatite C (anticorps anti-VHC et DGV du VHC);
  • l'agent responsable de la syphilis ( Treponema pallidum ), qui est dépisté sur chaque don par un test sérologique (TPHA).
Dispositions éthiques
On considère qu'il n'est pas possible d'administrer à un patient un collyre de sérum autologue susceptible d'être porteur d'une contamination virale, même s'il s'agit du sérum du malade lui-même, puisqu'on doit également protéger les personnels assurant la préparation du collyre. Les prélèvements positifs à l'un de ces agents infectieux sont donc écartés.
Par ailleurs, diverses situations sont définies comme à risque en matière de don du sang. On évite le don du sang, y compris autologue, chez les personnes dont l'hémoglobinémie est inférieure à 11 g/dl (soit habituellement un hématocrite < 33 %), ou présentant un risque de bactériémie. On peut également inclure dans les personnes à risque les malades souffrant d'angor instable, celles ayant récemment connu un épisode ischémique (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral) une maladie chronique du cœur (insuffisance cardiaque, sténose aortique) ou pulmonaire (bronchopneumopathie chronique obstructive).
Il faut toutefois souligner qu'il n'existe pas de consensus international sur l'exclusion du don de sang autologue. Mais, quelles qu'en soient les circonstances, le consentement écrit du patient paraît être indispensable pour garantir un dispositif éthiquement recevable.
Prélèvement de sang
Le prélèvement est effectué au sein de l'unité de l'Établissement français du sang (EFS) de l'hôpital en charge de la préparation du collyre.
On prélève un volume de sang veineux compris entre 100 et 200 ml, permettant de recueillir, selon l'hématocrite des patients, 40 à 100 ml de sérum.
Coagulation et décantation du sang
Après son recueil, on laisse le sang coaguler en l'absence d'anticoagulant.
La conservation du sang pendant 48 heures à 4 °C semble favorable à l'augmentation de la concentration, dans le surnageant, de divers facteurs de croissance épithéliotrophiques comme EGF, TGF-β 1 et HGF.
La centrifugation du prélèvement permet de parfaire la séparation entre les éléments figurés (cellules) et le sérum.
En pratique, pour la préparation d'un collyre de sérum autologue, une fois le caillot formé, le surnageant est centrifugé à une vitesse variant, selon les auteurs, entre 1500 à 5000 tours/min, pendant 15 à 30 minutes, ce qui permet de séparer le sérum des composants cellulaires sans induire d'hémolyse.
Pour répondre aux bonnes pratiques, c'est la force g , et non pas le nombre de tours par minute, qui doit définir le protocole de préparation. Une centrifugation à 3000 g pendant 15 minutes est fréquemment utilisée pour obtenir la décantation du sang total. Elle permet d'obtenir une bonne séparation du sérum et du caillot, ce qui maximise la volume disponible de sérum, et fournit des concentrations plus élevées d'EGF et de vitamine A, renforçant par là même les propriétés thérapeutiques des préparations de collyre de sérum autologue par rapport à celles qui sont préparées à partir d'un sérum obtenu à 500 g pendant 5 minutes. De plus, le sérum peut être complètement séparé à 3000 g, alors qu'à 500 g certains leucocytes peuvent encore être en suspension dans le sérum. Or, lorsque ces préparations sont stockées, les leucocytes résiduels sont lysés et peuvent libérer leur contenu protéique, qui contient notamment du TGF-β 1 dans le sérum surnageant, ce qui peut expliquer la raison pour laquelle le sérum préparé à 500 g contient davantage de TGF-β 1 que le sérum préparé à 3000 g.
Après centrifugation, le surnageant décanté est filtré (filtre cellulose de porosité 0,22 μ) sous hotte à flux d'air laminaire vertical dans une zone à atmosphère contrôlée où il est réparti dans des flacons stériles avant dilution à la concentration souhaitée.
Dans la mesure où de grandes quantités de facteurs de croissance sont stockées dans les granules α des plaquettes, ils pourraient être une source complémentaire de facteurs thérapeutiques pour les médicaments préparés à partir du sérum autologue [127]. Leur contenu inclut l'IGF-1, les facteurs de croissance dérivés des plaquettes, le TGF-β, le facteur plaquettaire 4 (chimiokine se liant à l'héparine) et d'autres protéines impliquées dans la coagulation (telles que la thrombospondine, la fibronectine, le facteur V et le facteur von Willebrand). C'est la raison pour laquelle certains auteurs émettent l'hypothèse selon laquelle, avec un temps de coagulation plus long, plus de plaquettes peuvent être activées pour libérer les facteurs de croissance dans le sérum, ce qui serait, in fine , profitable à son action thérapeutique.
Dilution du sérum autologue
Le sérum autologue est généralement dilué à une concentration de 20 % (une partie de sérum pour quatre parties de diluant). Cette dilution est justifiée par l'adéquation entre la concentration des facteurs de croissance observée dans les larmes physiologiques et celle que l'on obtient par dilution du sérum. Cependant, certains auteurs préconisent des concentrations plus élevées (50 % et même jusqu'à 100 % – utilisation de sérum) en cas d'échec du traitement avec la concentration la plus faible de 20 % [128-129-130]. Cette dilution est effectuée au moyen d'une solution saline équilibrée (BSS®) préférable à une solution isotonique de chlorure de sodium à 0,9 %.
Certains auteurs ont proposé de diluer le sérum autologue à 20 % dans une solution de hyaluronate de sodium pour améliorer le temps de présence des principes actifs et diminuer la fréquence d'administration en rapportant de bons résultats [131]. Compte tenu de ces données, il ne peut pas être exclu que la formule retenue doive être adaptée à la maladie traitée ou à son étendue.
Problématique des conservateurs
Les conservateurs ne sont généralement pas ajoutés à la préparation de collyre de sérum autologue, réduisant ainsi le risque de toxicité induite par les conservateurs susceptibles d'être présents dans d'autres traitements de la sécheresse oculaire.
Conditionnement
Il est important que les flacons contenant le collyre de sérum autologue soient tenus à l'écart de la lumière pour éviter la dégradation de la vitamine A. Le conditionnement retenu est un flacon en polyéthylène basse densité, protégé par un cartonnage visant à écarter tout risque de dégradation par la lumière, ou même un flacon opaque; on peut également opter pour un flacon en verre teinté, d'une capacité unitaire de 10 ml. Il est aussi possible de répartir en monodoses de 1,5 à 3 ml, qui offrent davantage de protection à l'égard du risque de contamination, dans la mesure où l'emploi d'un conservateur est exclu.
Contrôles
Des contrôles de stérilité sont réalisés sur un échantillon de la préparation, lequel pourra être conservé au sein d'une échantillothèque à température adaptée (–20 °C).
Stockage
La conservation du collyre de sérum autologue est réalisée en flacons unitaires au congélateur à –20 °C, pendant 3 mois, certains auteurs autorisant une conservation jusqu'à un maximum de 6 mois. Les ampoules unidoses peuvent également être conservées à –80 °C, ce qui permet d'allonger la durée de conservation à 2 ans.
La pharmacie hospitalière dispense les flacons de collyres aux patients toutes les semaines ou toutes les 2 semaines.
Au domicile du patient, la conservation peut être effectuée au réfrigérateur entre +2 °C et +8 °C.
Le même flacon ne peut être utilisé que pendant, au maximum, 7 jours consécutifs.
Résumé du protocole type de la préparation
  • Une quantité de 100 ml de sang total est collectée par ponction veineuse en conteneurs stériles sous vide.
  • Des examens virologiques sont effectués : antigène Hbs; anticorps VHC, VIH-1 et -2, syphilis; syphilis; antigénémie du VHC.
  • Les tubes de prélèvement sont laissés debout pendant 2 heures à température ambiante (18–25 °C) avant centrifugation à 3000 g pendant 15 minutes. Une moyenne de 30 à 35 ml de sérum surnageant est obtenue.
  • Après transfert dans une enceinte stérile, le sérum est dilué 1:4 au moyen d'une solution de type BSS®.
  • Le sérum dilué est réparti dans des flacons en polyéthylène, stériles, en maintenant une agitation douce.
  • Chaque flacon est serti et étiqueté avec, d'une part, une étiquette portant la dénomination de la préparation, sa date limite d'utilisation et ses modalité d'administration (voie oculaire), et, d'autre part, avec l'identification précise du patient.
  • Il est recommandé de conserver les flacons à −20 °C pendant 3 mois prêts à une dispensation et une utilisation adaptées.
  • La posologie habituelle est une application conjonctivocornéenne 8 fois par jour.
  • Tout flacon ouvert doit être conservé à + 4 °C et ne peut être utilisé que pendant une semaine. Après emploi, il peut être jeté avec les déchets ménagers ordinaires.
Contrôles et assurance qualité des collyres de sérum autologue
Évaluation quantitative des facteurs épithéliotrophiques
La quantification des constituants, tels que EGF, TGF-β 1 , FGF, HGF, fibronectine, vitamine A et vitamine E dans le sérum préparé selon diverses modalités, permet de renforcer la qualité des préparations de collyre de sérum autologue, et en particulier de valider la durée du temps de coagulation du sérum qui conduit à une concentration optimisée des facteurs de croissance et des vitamines.
Les facteurs de croissance sont quantifiés dans les échantillons de sérum au moyen d'un test ELISA selon les instructions du fabricant. Les concentrations de vitamines A et E dans les échantillons de sérum sont quantifiées par chromatographie liquide à haute performance en phase inversée (HPLC).
Évaluation qualitative de l'efficacité des collyres de sérum autologue
La littérature scientifique évoque différentes approches permettant d'évaluer la qualité des traitements par un collyre de sérum autologue. Le médicament « contrôle» (traitement conventionnel) utilisé est habituellement une solution de larmes artificielles.
Évaluation clinique
Plusieurs tests cliniques de sécheresse oculaire sont aisément utilisables pour aider à surveiller la gravité du syndrome de l'œil sec, notamment la coloration à la fluorescéine, la coloration au rose Bengale, la coloration au vert de lissamine , la mesure du temps de rupture du film lacrymal, les tests de Schirmer de types 1 et 2, ainsi que de nombreuses autres mesures cliniques [132 , 133]. Malheureusement, ces tests, pour indicatifs qu'ils soient, ne sont que partiellement corrélés avec la clinique, les symptômes décrits par les patients ou les mesures de la qualité de vie chez les patients présentant un « œil sec».
Auto-évaluation
L'évaluation de la qualité de vie des patients présentant un syndrome de l'œil sec au moyen de questionnaires adaptés est un élément important de la surveillance et de la prise en charge, parce que de nombreux patients sont plus symptomatiques et ont une qualité de vie inférieure à celle que pourraient suggérer leurs seuls signes cliniques [134]. Différents auteurs rapportent des critères d'évaluation dépendants du patient et de son médecin [ 135]. Il existe deux questionnaires validés et fiables liés à la symptomatologie clinique de la sécheresse oculaire et fondés sur des mesures de qualité de vie :
  • l'indice de la maladie de la surface oculaire ( Ocular Surface Disease Index [OSDI]) [136];
  • le questionnaire sur l'impact de la sécheresse oculaire sur la vie quotidienne ( Impact of Dry Eye on Everyday Life [IDEEL]) [137].
Cette approche est d'autant plus importante que les médicaments conventionnels utilisés pour le traitement de l'œil sec sont essentiellement des traitements symptomatiques. Les résultats cliniques se fondent sur l'amélioration des symptômes par rapport à une « ligne de base» définie à partir de l'interrogatoire des patients, selon l'index OSDI, fondé sur 12 questions relatives aux symptômes, avec un niveau de réponse allant de 0 à 4. Un score de 0 indique « pas du tout d'amélioration», 1 indique « parfois», 2 indique « la moitié du temps», 3 indique « la plupart du temps», et 4 indique « tout le temps». Le score total est calculé à l'aide de la formule suivante [138] : OSDI=[(somme deS scores pour toutes les questions répondues)×100][(nombre total de questions)×4] OSDI = [(somme des s c o r e s p o u r t o u t e s les q u e s t i o n s r é p o n d u e s) > --> Les scores totaux peuvent varier de 0 à 100; tout score supérieur à 46 est considéré comme élevé. Kojima a utilisé une échelle visuelle analogique pour évaluer l'amélioration des symptômes [139].
Suivi à 2 semaines
Le suivi du traitement est effectué à distance, périodiquement. Deux essais ont évalué les symptômes déclarés par les participants après 2 semaines de traitement. Certains ont utilisé un essai croisé, les malades devenant leur propre témoin (larmes artificielles) soit au début du traitement, soit à la fin [ 136]. Les auteurs rapportent des données sous forme de valeurs OSDI : amélioration de 51 % du score OSDI dans le groupe « collyre de sérum autologue» contre une diminution de 22 % dans le groupe « larmes artificielles», mais ces données ne tiennent pas compte du plan croisé et ne fournissent pas de comparaison entre les groupes.
Suivi à 4 semaines
Dans un autre essai croisé, on a assigné aux participants un traitement en deux séquences : collyre de sérum autologue à 20 % puis larmes artificielles, ou l'inverse [ 137]. Chaque séquence a duré un mois et a été précédée d'une période de wash-out . À la fin de la première phase, on a rapporté un score OSDI moyen dans le groupe traité par le collyre de sérum autologue à 20 % qui était amélioré par rapport à celui traité par les larmes artificielles, même si les scores des deux groupes se situaient dans la catégorie « OSDI modéré».
Suivi à 3 mois
Semblablement à ce qui est observé à un mois, il a été rapporté, au troisième mois, un score OSDI moyen dans le groupe traité par collyre de sérum autologue à 20 % toujours amélioré par rapport au groupe traité par des larmes artificielles, même si les scores des deux groupes se situaient dans la catégorie « OSDI modéré» [ 137].
Suivi à 6 mois
Celebi [137], Kojima [139] et Urzua [136] n'ont pas signalé d'amélioration à 6 mois de suivi.
Hyperosmolalité des larmes
Aucun des essais inclus n'a rapporté de données.
Coloration de la surface oculaire
Les colorants sont utilement mis en œuvre pour détecter des lésions cornéoconjonctivales.
Coloration à la fluorescéine
La fluorescéine (fig. 36-6
Fig. 36-6
Structure de la fluorescéine.
) sodique est utilisée pour identifier les dégradations épithéliales de la cornée et évaluer le degré de sécheresse oculaire. La surface de la cornée « prend le colorant» chaque fois qu'il y a une interruption des jonctions de cellule à cellule. Elle colore en jaune une surface cornéenne saine et en vert « fluo» une surface lésée. Trois études ont rapporté des résultats de coloration à la fluorescéine. Pour la première, le changement moyen et l'écart-type par rapport à la ligne de base à 2 semaines étaient de –1,1 ± 0,7 pour le collyre de sérum autologue à 20 % et de –0,2 ± 0,6 pour les larmes artificielles, entraînant une différence dans la variation moyenne par rapport à la ligne de base de –0,90 (intervalle de confiance [IC] à 95 % –1,47 à –0,33; 20 participants). Cette différence n'est pas cliniquement significative [139]. Deux autres études ont également signalé une différence non significative entre les groupes dans les scores moyens à l'échelle d'Oxford pour la coloration à la fluorescéine [ 136 , 137], ce qui traduit probablement la mauvaise qualité de « l'outil» diagnostique.
Coloration au rose Bengale
La coloration au rose Bengale (fig. 36-7
Fig. 36-7
Structure du rose Bengale.
) se fixe dans les zones de la cornée ou de la conjonctive déficitaires en mucines associées à la membrane [ 140]. Elle permet d'évaluer la sécheresse oculaire, mais elle est mieux utilisée comme complément de la fluorescéine, en raison de son manque de sensibilité et de spécificité. Toutefois, la coloration au rose Bengale peut « prendre» chez les patients asymptomatiques et il n'y a pas de relation évidente entre les lésions de la surface oculaire, spécifiques du diagnostic de l'œil sec, et les symptômes d'un patient. Il est important de souligner le risque de toxicité du rose Bengale pour l'épithélium cornéen [ 141].
Coloration au vert lissamine
Le vert lissamine a un intérêt similaire à celui du rose Bengale (fig. 36-8
Fig. 36-8
Structure du vert lissamine.
). Les sites de fixation sont identiques, mais, contrairement au rose Bengale, le vert lissamine n'est pas toxique pour l'épithélium cornéen [142]. Dix microlitres de vert lissamine à 1 % offrent une coloration plus fiable, en particulier lors de l'utilisation d'un filtre rouge à l'examen.
Temps de rupture du film lacrymal (TRFL)
Le temps de rupture du film lacrymal (TRFL) également dénommé test de break-up time (BUT) , mesure la stabilité de ce film. Avec l'instillation de fluorescéine, le TRFL représente un examen clé de la consultation « œil sec». Il mesure l'intervalle de temps après qu'un patient clignote jusqu'à la première apparition d'une plage de sécheresse du film lacrymal. Normalement, le patient est diagnostiqué « œil sec» si une zone sèche apparaît dans les 10 secondes qui suivent un clignement [143]. Bien que ce test soit peu coûteux, rapide à réaliser et qu'il mette en œuvre un dispositif facilement disponible, il n'est que peu reproductible et peu fiable.
Test de Schirmer
Décrit pour la première fois par l'ophtalmologiste allemand Otto Schirmer en 1903, ce test est toujours l'une des mesures les plus couramment utilisées pour l'évaluation de la production de larmes [144], même si des variantes du test ont été créées. Le test mesure la sécrétion totale des larmes, y compris les larmes réflexes et basales. Sans instillation de collyre anesthésique, les bandelettes de Schirmer sont insérées dans le sac conjonctival inférieur temporal, évitant tout contact avec la cornée, et le segment humidifié des bandelettes est mesuré en nombre de millimètres après 5 minutes. Les valeurs moyennes normales varient de 8 mm à 33 mm, mais on retient habituellement une valeur seuil de 10 mm [145]. Pour l'évaluation du collyre de sérum autologue à 20 %, Kojima [ 144] a utilisé le test de Schirmer sans anesthésie. À 2 semaines de suivi, la moyenne et l'écart-type pour le groupe traité par le collyre de sérum autologue à 20 % étaient de 3,3 ± 2,6 mm contre 3,7 ± 3,1 mm pour le groupe traité par des larmes artificielles, ce qui donne une différence moyenne de –0,40 (IC à 95 % –2,91 à 2,11 mm), ce qui est cliniquement important. En revanche, Celebi [137] n'a signalé aucune différence entre les groupes.
Tearscope®
Aucun essai du collyre de sérum autologue 20 % n'a été effectué en mettant à profit le Tearscope® (fig. 36-9
Fig. 36-9
Tearscope®.
), instrument portable conçu pour visualiser le film lacrymal de manière non invasive et utilisable directement devant l'œil ou en conjonction avec un biomicroscope à lampe à fente.
Études cliniques et indications du collyre de sérum autologue
Deux études publiées dans la base de données Cochrane permettent d'évaluer l'efficacité et l'innocuité du collyre de sérum autologue administré à des patients adultes atteints de sécheresse oculaire. Dans ce cadre, le collyre, administré seul, a été comparé avec l'administration concomitante de larmes artificielles, avec les larmes artificielles seules, avec une solution saline, avec un placebo ou avec aucun traitement [ 146].
Les résultats indiquent que, chez 20 % des patients, le collyre de sérum autologue offre certains avantages dans l'amélioration des symptômes signalés par les patients à court terme (2 semaines), mais que les périodes de suivi à long terme n'indiquent aucun effet évident. Les auteurs en concluent que des essais contrôlés randomisés à grande échelle, de grande qualité et bien conçus sont nécessaires pour clarifier l'efficacité du collyre de sérum autologue dans le traitement de la sécheresse oculaire.
Le collyre de sérum autologue a été recommandé pour le traitement des patients présentant plusieurs types de troubles de la surface oculaire, tels que :
  • le déficit lacrymal, associé (ou non) au syndrome de Gougerot-Sjögren;
  • la kératite neurotrophique;
  • la sécheresse oculaire postopératoire induite notamment après chirurgie réfractive [147];
  • les anomalies épithéliales persistantes [ 85];
  • la kératoconjonctivite limbique supérieure [ 148];
  • les aspects ophtalmiques de la maladie du greffon contre l'hôte [149 , 150].
Les personnes traitées par un collyre de sérum autologue à 20 % ou 50 % 4 à 8 fois par jour ont signalé une amélioration subjective des symptômes de sécheresse oculaire; les auteurs ont également noté une amélioration objective fondée sur la coloration à la fluorescéine et les résultats des tests de temps de rupture du film lacrymal [150-151-152-153-154].
Les auteurs de la revue Cochrane de 2017 ont identifié cinq essais cliniques randomisés éligibles (92 participants) à une comparaison entre le collyre de sérum autologue et les larmes artificielles ou le sérum physiologique, chez des personnes atteintes de sécheresse oculaire d'origines diverses (sécheresse oculaire liée, ou non, au syndrome de Gougerot-Sjögren et sécheresse oculaire postopératoire induite par laser [LASIK]) [146]. Pour les auteurs, le niveau de preuve est faible ou très faible en raison du manque de données quantitatives pour la plupart des résultats et du risque de biais. Deux essais seulement présentent un faible risque de biais. Le caractère incomplet des résultats et l'hétérogénéité entre les résultats et les périodes de suivi empêchent l'inclusion de ces essais dans une méta-analyse.
Effets indésirables et complications
Les collyres de sérum autologue sont généralement bien tolérés, et la plupart des patients rapportent une diminution de l'inconfort lié à la sécheresse oculaire [155]. Parfois, les patients peuvent ressentir une gêne accrue, montrer une légère épithéliopathie (perte des cellules épithéliales cornéennes, visible lors de la coloration à la fluorescéine), une conjonctivite bactérienne ou un eczéma des paupières [149 , 150]. Certains auteurs ont signalé des complications graves; ainsi, une vascularite sclérale est parfois observée chez des personnes atteintes de polyarthrite rhumatoïde et traitées par le collyre de sérum autologue à 20 %.
Des complications telles que le dépôt d'immunoglobulines dans la cornée et la présence d'infiltrats périphériques cornéens avec un traitement sérum autologue non dilué ont été décrites [94].
Risque infectieux
Certains composants du sérum peuvent avoir des effets bactériostatiques, par exemple le lysozyme, le complément et les IgG; par conséquent, l'ajout d'un autre agent bactériostatique peut ne pas être nécessaire. Il est admis que le collyre de sérum autologue peut être utilisé en toute sécurité en ambulatoire comme en hospitalisation, sous réserve d'un protocole strict de préparation et de stockage.
Préparation de collyre de sérum allogénique
Une revue complète a été proposée par Drew et al. [ 76].
Le sérum allogénique se compose des mêmes substances que le sérum autologue, mais il provient d'une source de nature différente et offre un traitement alternatif potentiel pour bon nombre de patients.
Les méthodes de préparation du collyre de sérum allogénique sont identiques à celles du collyre de sérum autologue. Le sang total est prélevé et conservé à température ambiante jusqu'à ce qu'il coagule. Ensuite, le sérum est séparé par centrifugation à 3000 g pendant 15 minutes, filtré et dilué à une concentration de 20 %. Les donneurs de sang allogénique qui donnent du sang pour la production de collyre de sérum doivent faire l'objet d'analyses biologiques portant sur les marqueurs viraux utilisant les mêmes procédures que celles qui sont appliquées aux dons utilisés pour les produits sanguins transfusés. L'utilisation de collyre de sérum allogénique pose également certains problèmes liés à des préoccupations juridiques ou éthiques [156], et un consentement éclairé écrit est requis dans de nombreuses législations. En France, il est indispensable d'informer le patient de la stratégie thérapeutique retenue et de consigner cette information dans son dossier médical.
Spécificité du collyre de sérum allogénique
À l'égard du risque infectieux
Les donneurs de sang allogéniques qui donnent du sang en vue de la préparation de collyre de sérum doivent être dépistés à l'égard de contaminations virales ou bactériennes selon des normes identiques à celles du don du sang en général [157 , 158]. Les principales infections transmises par transfusion associées au sérum allogénique sont le VIH et les virus VHB et VHC [ 159]. Les virus émergents, comme le virus du Nil occidental, le virus de la dengue, le virus du chikungunya, le virus Ebola et le virus Zika, peuvent également constituer une menace potentielle dans certains pays d'endémie notamment [160]. Cependant, les mesures de sécurité efficaces en place dans les établissements de transfusion sanguine limitent considérablement les risques de transmission virale [ 161]). Il faudra peut-être à l'avenir accorder une attention particulière aux conséquences pathologiques des risques de transmission d'autres virus véhiculés par le sang, tels que le virus de l'herpès simplex, qui pourrait entraîner des complications oculaires et affecter la vision [162]. Des méthodes d'inactivation photochimique des agents pathogènes sont utilisées pour le plasma transfusé et les concentrés plaquettaires [163 , 164], mais elles ne sont pas l'option actuellement retenue pour l'inactivation d'agents pathogènes susceptibles d'être présents dans un sérum thérapeutique, bien que des études expérimentales aient montré leur applicabilité [165]. Dans la mesure où les concentrés plaquettaires peuvent être inactivés à l'aide d'un traitement autorisé, on pourrait imaginer que cela soit également possible pour le développement d'un collyre de sérum allogénique inactivé. Le traitement solvant-détergent (S/D), bien établi, déjà appliqué à une large gamme de préparations biopharmaceutiques et de produits plasmatiques [159], s'est avéré expérimentalement applicable au collyre de sérum de lapin [ 166]. Ce sérum, traité S/D, a été utilisé comme équivalent allogénique du collyre de sérum autologue pour traiter les lapins présentant un syndrome de l'œil sec. Cela soutient la possibilité d'utiliser la procédure S/D dans le cadre d'une préparation de collyre de sérum autologue comme pour un collyre de sérum humain allogénique.
À l'égard des critères immuno-hématologiques
Lorsque le collyre de sérum est d'origine allogénique, des procédures doivent être théoriquement entreprises pour faire correspondre les groupes sanguins afin d'assurer la compatibilité antigénique ABO hémato-immunologique entre donneurs et receveurs. Une option pourrait être de préparer le collyre de sérum autologue des donneurs du groupe AB (receveurs universels), mais la prévalence limitée du groupe AB dans la population caucasienne limite la disponibilité de cette source. La réalité de cet impératif immuno-hématologique n'a pas été démontrée. Une préparation exempte de tout élément cellulaire permettrait de s'en affranchir.
  • Un patient du groupe AB ne peut recevoir que du plasma de donneurs du groupe AB.
  • Un patient du groupe A ne peut recevoir que du plasma de donneurs des groupes A, AB.
  • Un patient du groupe B ne peut recevoir que du plasma de donneurs des groupes B, AB.
  • Un patient du groupe O peut recevoir du plasma de donneurs des groupes O, A, B, AB.
Quand utiliser un collyre de sérum allogénique?
L'utilisation de sérum allogénique provenant de donneurs sains a été introduite comme une alternative possible à l'utilisation du collyre de sérum autologue chez les patients présentant un accès veineux périphérique inaccessible ou qui utilisent des médicaments anticoagulants ou présentent un déficit en facteur de coagulation et une maladie hématologique.
Le collyre de sérum autologue préparé à partir du sang de malades peut avoir de nombreux inconvénients :
  • l'utilisation de sérum autologue oblige à pratiquer des prélèvements de sang fréquents, ce qui peut être gênant pour les patients sous traitement prolongé [167];
  • le sérum de patients atteints de syndrome de Gougerot-Sjögren et de maladie de rejet du greffon contre l'hôte (qui représentent deux des causes les plus fréquentes de syndrome de l'œil sec sévère) pourrait présenter des concentrations élevées de médiateurs pro-inflammatoires potentiellement délétères pour la surface oculaire;
  • diverses maladies sont associées à des altérations de la composition sérique avec, comme conséquence, des propriétés épithéliotrophiques significativement diminuées, en particulier chez les patients atteints d'insuffisance rénale chronique [ 168] ou de polyarthrite rhumatoïde [ 169];
  • certaines situations cliniques peuvent contre-indiquer un prélèvement sanguin de volume significatif : accidents vasculaires cérébraux, maladies cardiovasculaires, anémie, utilisation de médicaments anticoagulants, déficits en facteurs de coagulation, présence de médiateurs inflammatoires [170];
  • les personnes âgées et les nouveau-nés sont deux catégories de population pour lesquelles le collyre de sérum autologue peut être indisponible ou difficile à produire, les patients pouvant présenter un accès veineux peu accessible;
  • des considérations culturelles peuvent également jouer un rôle préjudiciable. Des patients de nombreuses régions asiatiques, en particulier des personnes âgées chinoises et taïwanaises, croient qu'une ponction veineuse fréquente affaiblit les malades et les rend davantage sujets aux infections bactériennes [171].
Le collyre de sérum hétérologue ou allogénique fait donc l'objet de diverses recherches afin d'établir son efficacité dans le traitement d'une variété de troubles oculaires associés au syndrome de l'œil sec, notamment les troubles cornéens persistant de l'épithélium, les kératoconjonctivites, les manifestations oculaires chroniques du rejet du greffon contre l'hôte (GVHD), etc. En d'autres termes, certaines pathologies oculaires peuvent-elles réellement bénéficier d'un collyre de sérum préparé à partir d'une source allogénique plutôt qu'autologue?
Bien que le collyre d'origine autologue soit toujours le produit le plus fréquemment préparé, un nombre croissant de centres dans le monde produisent un collyre de sérum à partir de donneurs de sang hétérologues – Taïwan [ 171], Royaume-Uni [ 170], Corée du Sud [ 172], Danemark [173], Norvège [174], Pays-Bas [175], Espagne [ 176], Nouvelle-Zélande [ 177].
Indications et résultats cliniques
Sécheresse oculaire idiopathique
L'utilisation du collyre de sérum allogénique chez des patients affectés par une sécheresse oculaire réfractaire au traitement standard a été étudiée grâce à une préparation de collyre de sérum allogénique utilisé pur (sérum non dilué dans du BSS® ou autre diluant) issue de don de sang des parents [ 171]. Près de la moitié des patients traités ont présenté une guérison complète en 2 semaines, celle-ci ayant été atteinte chez 63,9 % des patients en 4 semaines. Un collyre de sérum allogénique à 20 % préparé à partir de sang de groupes ABO identiques chez des patients affectés par une sécheresse oculaire [173] montre une amélioration significative des symptômes et des signes dans le groupe « œil sec», alors qu'aucun changement significatif n'est observé dans un groupe de patients traités pour des défauts persistants de l'épithélium. Une étude randomisée en double aveugle sur des patients avec syndrome sec a évalué comparativement par microscopie confocale l'effet sur le plexus nerveux sous-basal cornéen d'un traitement d'un mois avec, d'une part, le sérum de sang périphérique de donneur adulte et, d'autre part, le sérum de sang de cordon ombilical [ 178]. Les deux traitements ont considérablement amélioré les paramètres du plexus nerveux sous-basal cornéen, avec une supériorité pour le collyre de sérum de sang de cordon.
Sécheresse oculaire en lien avec une maladie de rejet du greffon contre l'hôte (GVHD)
L'efficacité du collyre de sérum allogénique a été évaluée chez des patients atteints de sécheresse oculaire liée aux manifestations oculaires chroniques du rejet du greffon contre l'hôte. En particulier, après 4 semaines de traitement avec un collyre de sérum allogénique à 20 % provenant de donneurs sains, une diminution significative du score des symptômes, de l'osmolalité des larmes, des taches cornéennes et du score de rupture du film lacrymal a été notée [ 179]. En outre, une autre étude a rapporté une amélioration significative des symptômes et des paramètres de la surface oculaire chez 2 patients atteints de GVHD, traités par un collyre de sérum allogénique à 20 % [180].
Préparations à base de plasma riche en plaquettes
Depuis la première utilisation du sérum autologue en 1975, une grande diversité d'options thérapeutiques est née de la meilleure connaissance des propriétés de certaines préparations réalisée à partir du sang.
Parmi celles-ci, le plasma riche en plaquettes (PRP) présente une concentration élevée de facteurs de croissance essentiels et de molécules d'adhésion cellulaire. Il est obtenu en concentrant les plaquettes dans un petit volume de plasma. Il a été appliqué sous forme de collyres pour faciliter la cicatrisation des plaies en améliorant le processus physiologique sur le site d'une lésion [181]. Toutefois, trop peu d'études sont disponibles pour proposer une évaluation de l'intérêt de ce type de préparation.
Préparations issues du sang de cordon
Une revue complète a été proposée par Giannaccare et al. [ 182]. Des cellules souches ont été utilisées dans des thérapies de remplacement cellulaire dans diverses pathologies oculaires (allant de la cicatrice cornéenne à la dégénérescence du nerf optique) traditionnellement caractérisées par de mauvais résultats lorsqu'elles sont traitées avec des thérapies conventionnelles [183-184-185].
Cellules souches
La question de l'utilisation des cellules souches en ophtalmologie est largement développée dans le chapitre relatif aux thérapies cellulaires (voir chapitre 35 ). Le présent paragraphe n'a d'autre objectif que de replacer l'apport des cellules souches dans l'ensemble des produits thérapeutiques issus du sang.
En médecine, la principale application clinique du sang de cordon est la transplantation de cellules souches hématopoïétiques (CSH) pour le traitement d'une variété de troubles hématologiques. Mais, en plus d'être une source incomparable de CSH, le sang de cordon est également la source d'autres cellules avec des capacités de prolifération et de différenciation étendues. Celles-ci comprennent des cellules stromales mésenchymateuses, capables de produire des cellules des lignées ostéogéniques, adipogènes et chondrogéniques, et des cellules souches somatiques qui expriment certaines caractéristiques des cellules souches embryonnaires pluripotentes.
Les cellules souches sont des cellules indifférenciées qui sont définies par leur capacité de s'autorenouveler et de se différencier en cellules matures.
Ainsi, une thérapie de remplacement cellulaire a été proposée comme un traitement alternatif viable pour diverses pathologies rétiniennes, en particulier la dystrophie maculaire héréditaire (maladie de Stargardt), la rétinite pigmentaire et la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA). Un traitement efficace de la DMLA revêt une importance particulière car il s'agit d'une des principales causes de perte de vision irréversible chez les personnes âgées. Bien que la pathogenèse de la DMLA ne soit pas encore complètement élucidée, il existe de plus en plus de preuves de l'implication des cellules de l'épithélium pigmentaire (EP), qui sont connues pour jouer un rôle clé dans la promotion et le soutien de la survie des cellules photoréceptrices.
Des recherches ont été menées pour savoir si le traitement avec des cellules issues du sang ombilical permettait de préserver les photorécepteurs et la connectivité synaptique sur un modèle de dégénérescence rétinienne chez le rat [ 186]. La transplantation sous-rétinienne de cellules dérivées de tissu ombilical a permis de sauver la fonction visuelle en préservant la connectivité synaptique rétinienne et en atténuant la réactivité gliale. Des injections multiples ont renforcé ces effets, confirmant ainsi l'application thérapeutique potentielle de ces cellules dans le cadre de la dégénérescence rétinienne humaine.
Plusieurs études ont depuis été menées pour évaluer l'efficacité de la thérapie à base de sang de cordon dans le traitement des lésions du nerf optique de diverses étiologies. Une augmentation des taux de survie des axones et une diminution de l'apoptose des cellules ganglionnaires dans un modèle de lésion par écrasement du nerf optique après une seule injection intravitréenne a été mesurée [183]. Les effets positifs du traitement par le sang de cordon sur les propriétés biomécaniques du nerf optique ont été soulignés [ 185 , 187]. En outre, les avantages thérapeutiques potentiels des cellules souches mésenchymateuses dérivées du sang de cordon, transplantées par voie intravitréenne dans un modèle animal d'hypertension intraoculaire, facteur de risque pour l'apparition et la progression des lésions du nerf optique glaucomateux, ont fait l'objet de divers travaux [ 188].
La transplantation a révélé un effet neuroprotecteur qui pourrait être lié à la sécrétion de facteurs trophiques tels que le BDNF et le facteur neurotrophique dérivé des cellules gliales [188]. De nombreuses études ont été publiées sur l'utilisation de sang de cordon ombilical dans la pratique ophtalmique.
Collyre de sérum de sang de cordon
Composition du sérum de sang de cordon
Lorsqu'on compare les concentrations des facteurs de croissance dans le sang maternel et dans le sang de cordon de nouveau-né, on observe que les niveaux d'EGF, de VEGF et de TGF-β sont plus élevés dans tous les échantillons de sang de cordon que dans le sang périphérique correspondant, alors que les niveaux d'IGF-1 sont significativement plus élevés dans le sang maternel par rapport au sang de cordon [ 189]. Les données sont résumées dans le tableau 36-5
Tableau 36-5
Concentrations⁎ de divers facteurs de croissance selon la source biologique.
Les concentrations sont exprimées en pg/ml, à l'exception du TGF-β (μg/ml).
Facteur de croissanceSourceMédianeValeur minimaleValeur maximaleStat. (p)
EGFSang de cordon1254,4516,82824,0< 0,0001
Sang maternel646,0283,81754,0
IGF-1Sang de cordon53,540,381,2< 0,0001
Sang maternel159,976,7352,0
TGF-βSang de cordon51,330,275,1< 0,0001
Sang maternel38,419,852,8
VEGFSang de cordon686,831,91856,0< 0,0001
Sang maternel30,021,035,0
. La base pharmacologique de l'administration d'un collyre de sérum de sang de cordon à la surface de l'œil est identique à celle l'administration d'un collyre du sérum de sang périphérique. À l'instar du collyre de sérum autologue, son efficacité est supérieure aux traitements lubrifiants conventionnels, notamment grâce à la présence de facteurs de croissance, essentiels à la cicatrisation cornéenne. Il n'est cependant pas possible d'affirmer que le surplus de facteurs de croissance dans le sérum de sang de cordon soit un argument déterminant et suffisant pour affirmer que son emploi est préférable à celui de sérum de sang périphérique. Seule une intuition assoit ce raisonnement et seules des données provenant de modèles in vitro le suggèrent [ 190]. Le collyre de sérum de sang de cordon peut présenter quelques inconvénients, comme le risque d'antigénicité (risque plus théorique que réel) et de transmission sanguine de maladies infectieuses. En pratique, le fait de délivrer, au niveau d'une lésion tissulaire, une quantité accrue de facteurs de croissance n'est pas obligatoirement relié à une amélioration de la qualité de la cicatrisation. Le « plus» n'est pas automatiquement un « mieux», ainsi que le démontrent quelques données de pharmacologie expérimentale [190]. L'EGF est, par exemple, un puissant mitogène pour l'épithélium cellulaire de la glande lacrymale à des concentrations dans les larmes allant de 0,7 à 9,7 ng/ml [191 , 192]. In vitro, l'EGF augmente la prolifération cellulaire de manière dose-dépendante à une concentration supérieure à 0,1 ng/ml [193]. In vivo, il a été rapporté que l'application topique d'EGF à des concentrations allant de 10 à 20 μg/ml pouvait améliorer la cicatrisation cornéenne [ 194]. Cependant, dans d'autres études, des concentrations dépassant 10 ng/ml diminuent la prolifération cellulaire [ 195].
Variabilité de la composition du sérum de sang de cordon
  • Aucune corrélation statistiquement significative n'a été retrouvée entre la multiparité, le sexe néonatal, le mode d'accouchement et la concentration des facteurs de croissance.
  • Une forte corrélation a été démontrée entre les concentrations d'EGF et celles de TGF-β dans sérum de sang de cordon alors qu'aucune corrélation n'est retrouvée dans sérum de sang maternel.
  • Il existe une corrélation modérée entre la concentration d'EGF dans le sang de cordon et celle qui est mesurée dans le sang périphérique de la mère.
  • On observe une corrélation modérée entre la durée du travail et les concentrations d'EGF tant dans le sang de cordon que dans le sang périphérique.
  • La concentration d'EGF dans le sang de cordon montre une faible corrélation avec l'âge de la mère.
  • La numération des cellules CD 34 + semble être corrélée à la concentration d'EGF.
  • La numération des plaquettes dans le sang de cordon et dans le sang maternel n'est pas corrélée avec la concentration des facteurs de croissance.
Préparation du collyre de sérum de sang de cordon
Au préalable, le statut virologique de la mère ayant accepté le don de sang de cordon doit avoir été exploré avec les mêmes exigences que celles déjà décrites pour les sérums autologue ou allogénique. Ainsi, des examens de laboratoire sont effectués à 8 semaines de gestation pour vérifier l'absence de réponse immunitaire au VIH, aux virus de l'hépatite C (VHC) et B (VHB), à la syphilis, à la rubéole et à la toxoplasmose. Le sang du cordon ombilical est prélevé dans la veine ombilicale du placenta après la naissance de l'enfant. Le volume de prélèvement de sang de cordon peut varier de 60 ml à 120 ml. La fraction sérique représente généralement environ 40 % du volume. Le sang est laissé à décanter (coagulation spontanée) à température ambiante et centrifugé pour séparer la fraction sérique de la fraction cellulaire. Les échantillons font l'objet d'analyse microbiologique pour écarter toute contamination bactérienne et fongique et assurer la stérilité du produit fini. La validation biologique comprend la recherche du VIH et du VHC (test anticorps et détection du génome viral), du VHB (test antigène HBs et test anticorps anti-HBc), des virus HTLV-I/II, de la syphilis ainsi que la détection du génome viral du CMV, des HSV-1 et 2, et du SARS-CoV-2. Des dosages spécifiques liés à l'usage ophtalmique sont réalisés : vitamine A, EGF, VEGF, PDGF, FGF, NGF, TGF-α, TGF-β 1,2,3 et IL-13, IL-6, IL-10, IL-4, IL-1B. La fraction sérique est diluée à 20 % au moyen d'une solution saline équilibrée (BSS®) et répartie dans des flacons compte-gouttes de 5 à 10 ml, ou des ampoules unidoses de 1,5 à 3 ml, en utilisant des techniques aseptiques dans un environnement de salle blanche. Les flacons ou monodoses de collyre de sérum de sang de cordon sont ensuite congelés :
  • à –80 °C pour un stockage de 24 mois au maximum;
  • à –25 °C pendant 6 mois au maximum;
  • à –18 °C pendant 2 mois;
  • entre 2 et 8 °C pendant 7 à 10 jours au maximum.
Après le prélèvement nécessaire pour le contrôle de stérilité et une dilution à 20 %, environ 20 à 40 flacons de sérum peuvent être produits à partir d'un seul prélèvement de sang de cordon. Comme il n'y a pas de conservateurs, les flacons doivent être conservés congelés. La posologie du collyre sérum de sang de cordon consiste à administrer 1 à 2 gouttes, jusqu'à 4 à 5 fois par jour, pendant 4 à 6 semaines. Le collyre peut être utilisé au long cours chez les patients qui présentent un syndrome sec sévère. Le traitement peut alterner entre les larmes artificielles et le sérum de sang de cordon comme le médecin le juge opportun.
Indications du sérum de sang de cordon
Les liquides biologiques sont utilisés comme substitut aux larmes naturelles, déficitaires en cas de syndrome sec, dans le but de fournir des substances épithéliotrophes telles que les facteurs de croissance. Le collyre de sérum de sang de cordon est un médicament qui favorise la cicatrisation de la cornée en cas de lésions épithéliales sévères. Il paraît offrir plusieurs avantages par rapport aux autres préparations d'origine sanguine, y compris quant à ses concentrations en facteurs de croissance, essentiels à la bonne cicatrisation cornéenne. Le sérum de sang de cordon est utilisé dans le cadre de maladies de la surface oculaire et offre des résultats satisfaisants en termes d'efficacité et de sécurité [196]. C'est l'équipe de Kyung Chul Yoon, du département d'ophtalmologie de Gwangju (Corée du Sud), qui a été parmi les initiateurs de cette technique dans la prise en charge de plusieurs troubles de la surface oculaire, tels que la sécheresse oculaire avec ou sans syndrome de Gougerot-Sjögren, les manifestations oculaires de la GVHD, les défauts épithéliaux persistants, les kératites neurotrophiques et des lésions chimiques oculaires accidentelles [ 197]. Le collyre de sérum de sang de cordon a été administré 6 à 10 fois par jour sur des périodes allant de 2 à 6 mois. Les patients traités ont montré un taux de guérison épithéliale plus rapide, une amélioration des symptômes, une augmentation de la densité des cellules en gobelet et de la sensibilité cornéenne par rapport aux sujets témoins. Il faut souligner, en particulier, que les patients atteints de kératite neurotrophique ont connu un taux de guérison de 100 % après environ un mois de traitement [198]. En outre, une amélioration significative des épithéliopathies cornéennes (ce qui a été confirmé par une diminution du score de coloration d'Oxford) et une augmentation du nombre de terminaisons nerveuses avec une amélioration de la morphologie et une plus faible tortuosité ont été rapportées [ 199]. Un essai clinique croisé randomisé a comparé l'efficacité du collyre de sérum de sang de cordon et celle du collyre de sérum sanguin périphérique dans le traitement de la sécheresse oculaire sévère. Dans l'ensemble, les signes se sont améliorés après l'un ou l'autre traitement, mais le traitement par le collyre de sérum de sang de cordon s'est avéré supérieur en termes d'amélioration des symptômes subjectifs et de réduction des lésions cornéennes [200]. Cependant, les auteurs ont déclaré que l'amélioration observée chez ces patients glaucomateux nécessite une confirmation. Récemment, une présélection du sérum de sang de cordon a été proposée avec une concentration optimale d'EGF en collectant des échantillons de sang ombilical de mères jeunes (moins de 30 ans), ayant une numération élevée de CD 34+ (0,05 × 10 6 /ml) et dont le sang de cordon était recueilli après un travail prolongé (plus de 6 heures) [ 201]. La même approche pourrait être appliquée aux autres facteurs de croissance qui jouent un rôle central dans l'homéostasie de la surface oculaire (par exemple le NGF). L'administration du collyre de sérum de sang de cordon respecte une fréquence et une durée de traitement dépendant des circonstances individuelles et n'est pas, à ce jour, régie par des lignes directrices fondées sur des preuves.
Écueils relatifs à l'utilisation du collyre de sérum de sang de cordon
Risque infectieux
Le principal inconvénient des collyres à sérum allogénique (périphérique ou de cordon) est le risque de transmission d'infections; il est donc essentiel de produire le sérum selon les bonnes pratiques de préparation.
Risque immuno-hématologique
Il existe des théories controversées concernant la nécessité d'une correspondance ABO entre la mère qui accepte le don du sang de cordon et le patient receveur d'un collyre préparé à partir du sérum correspondant. D'une part, on sait que le sérum contient des niveaux élevés d'antigènes ABO qui pourraient agir comme et déclencher une réaction médiée par un complexe immun. D'autre part, l'utilisation clinique sporadique de collyres ABO non appariés n'a pas été associée à une hypersensibilité manifeste médiée par un tel complexe immunitaire. L'administration du collyre de sérum de sang de cordon entraîne peu d'effets indésirables oculaires, car le sérum a une immunogénicité réduite. Les titres d'anticorps IgM et IgG sont faibles et les anticorps anti-A et anti-B sont absents ou faiblement détectables dans le sérum. L'œil est également un site immunitaire privilégié, avec une faible immunogénicité en surface. Bien sûr, le collyre de sérum de sang de cordon ne contient aucun agent de conservation, ce qui minimise le risque de réaction toxique ou allergique dans l'œil.
Commercialisation
Une firme sud-africaine commercialise une préparation de collyre de sérum de sang de cordon, OptiSerum® (Placelta). Ce médicament est présenté comme :
  • ayant démontré son efficacité dans le traitement des troubles de la surface oculaire;
  • contenant de nombreux facteurs de croissance nécessaires pour le renouvellement de l'épithélium;
  • possédant un effet bactériostatique dû aux agents antibactériens tels que les IgG, le lysozyme et le complément;
  • ne contenant aucun conservateur;
  • ne conférant aucune immunogénicité, donc particulièrement utile chez les patients atteints de maladies auto-immunes et/ou de santé précaire;
  • se révélant plus efficace que le collyre de sérum autologue dans les troubles de l'épithélium de guérison, en raison de concentrations plus élevées de facteurs de croissance.
Orientations futures
Le tissu du cordon ombilical est une source majeure de cellules souches, qui peuvent être utilisées efficacement pour traiter plusieurs troubles oculaires. Les stratégies thérapeutiques fondées sur les cellules souches dépendent non seulement de la synthèse des facteurs trophiques et de croissance, mais également de l'application de cellules souches mésenchymateuses et épithéliales avec des propriétés anti-inflammatoires et immunitaires privilégiées, car elles peuvent remplacer les tissus endommagés en se différenciant en cellules rétiniennes, épithéliales, stromales ou endothéliales. Plusieurs études ont évalué l'utilisation de cellules de cordon dans des modèles expérimentaux de lésions rétiniennes et cornéennes induites, mais il n'y a toujours pas de données sur son application chez l'homme [202]. Un renforcement des preuves de l'intérêt de l'utilisation d'un collyre de sérum de sang de cordon pour le traitement des maladies de la surface oculaire paraît nécessaire. Des recherches supplémentaires sont également nécessaires quant à la formulation optimale :
  • Quel est le meilleur excipient?
  • Quelle est la dilution appropriée : 20 %, 50 %, 100 %?
  • Quelle est la durée du traitement : un ou plusieurs mois?
  • Quel peut être le calendrier des cycles de traitement fixes ou individualisés en fonction de chaque cas clinique?
Enfin, il faut promouvoir le développement et la validation d'outils spécifiques pour la définition des critères cliniques d'amélioration ou de guérison des maladies oculaires traitées, tels que rapportés par les patients ou objectivés par les médecins.
Conclusion
Les collyres produits à partir du sérum permettent de fournir à la fois la lubrification des tissus externes de l'œil et les éléments nutritifs utiles à la préservation de l'épithélium cornéen ou à la restauration de son intégrité. Ils contiennent d'importants composants des larmes naturelles, y compris une grande variété de facteurs de croissance, de vitamines et d'immunoglobulines.
Le collyre de sérum autologue a d'abord été appliqué au traitement de la sécheresse oculaire et s'est avéré plus tard efficace pour le traitement de nombreux syndromes secs de diverses origines, immunitaires, mécaniques, chirurgicales, etc.
Les principaux avantages de l'utilisation des collyres de sérum obtenues auprès de donneurs tels que le collyre de sérum de sang de cordon sont liés à l'élimination des cytokines pro-inflammatoires et des auto-anticorps présents dans le sérum des patients souffrant de sécheresse oculaire causée par des maladies systémiques (par exemple syndrome de Gougerot-Sjögren et manifestations oculaires de la GVHD), dans la mesure où ces cytokines pro-inflammatoires et les auto-anticorps peuvent causer des dommages s'ils sont appliqués sur la surface oculaire. Cet aspect devrait théoriquement décourager l'utilisation de collyre de sérum autologue chez ces patients, qui représentent un pourcentage significatif des cas de sécheresse oculaire sévère.
D'autres avantages des préparations allogéniques comprennent la possibilité d'utiliser ces produits chez des patients ayant un accès veineux médiocre, une anémie, des troubles de la coagulation, et la possibilité de créer un pool avec le contenu souhaité de chaque facteur de croissance. En fait, il existe une grande variabilité interindividuelle de la teneur en facteurs de croissance, que l'on pense être la conséquence d'une combinaison de facteurs génétiques, cliniques et pharmacologiques.
Afin de réduire la variabilité des constituants biologiques du sérum, la mise en commun des échantillons de sérum provenant de plusieurs donneurs peut être mise en œuvre pour obtenir des produits sériques contenant les niveaux requis des principaux constituants recherchés. Cela peut être réalisé en laboratoire en mesurant, dans le sérum, la concentration des facteurs de croissance, mais une telle procédure est, bien sûr, coûteuse. Le collyre de sérum allogénique est une alternative qu'il conviendra sans doute de développer dans l'avenir compte tenu de la particularité des patients candidats au traitement par le sérum autologue : personnes âgées ou fragiles.
Enfin, le collyre de sérum de sang de cordon, en raison de sa richesse particulière en facteurs de croissance, est probablement une préparation de qualité supérieure, mais des essais cliniques comparatifs doivent confirmer cette affirmation. De ce point de vue, il semble indispensable d'évaluer l'impact des procédés de fabrication (temps et durée de centrifugation du sang en particulier) sur le contenu des préparations et donc l'efficacité du traitement.
Le chapitre des préparations ophtalmiques à base de produits sanguins est prometteur dans de nombreux secteurs de la pathologie cornéoconjonctivale. Seul le développement de la pharmacologie des facteurs de croissance au niveau des tissus oculaire pourrait remettre en cause l'utilité de ces traitements par la mise sur le marché de collyres utilisant comme matière première un ou plusieurs de ces facteurs de croissance. Il faut toutefois reconnaître que la difficulté pour une utilisation élargie de ces préparations est leur disponibilité restreinte à certains services spécialisés.
Bibliographie
Les références peuvent être consultées en ligne à l’adresse suivante : http://www.em-consulte.com/e-complement/477020 .
Bibliographie
Rapport de l'Agence de la biomédecine, 2020.
36.1. Cornée humaine (et milieux de conservation)
[1]
[2]
Boisjoly HM, Tourigny R, Bazin R, et al. Risk factors of corneal graft failure. Ophthalmology 1993 ; 100(11) : 1728-35.
[3]
Gain P, Thuret G, Chiquet C, et al. Cornea procurement from very old donors : post organ culture cornea outcome and recipient graft outcome. Br J Ophthalmol 2002 ; 86(4) : 404-11.
[4]
Price FW, Whitson WE, Johns S, Gonzales JS. Risk factors for corneal graft failure. J Refract Surg Thorofare NJ 1995 1996 ; 12(1) : 134-43 ; discussion 143-7.
[5]
Cornea Donor Study Investigator Group, gal RL, Dontchev M, Beck RW, Mannis MJ, et al. The effect of donor age on corneal transplantation outcome results of the cornea donor study. Ophthalmology 2008 ; 115(4) : 620-6.e6.
[6]
Cornea Donor Study Investigator Group, Lass JH, Gal RL, Dontchev M, Beck RW, Kollman C, et al. Donor age and corneal endothelial cell loss 5 years after successful corneal transplantation. Specular microscopy ancillary study results. Ophthalmology 2008 ; 115(4) : 627-632.e8.
[7]
Gain P, Jullienne R, He Z, et al. Global survey of corneal transplantation and eye banking. JAMA Ophthalmol 2016 ; 134(2) : 167-73.
[8]
McCarey BE, Kaufman HE. Improved corneal storage. Invest Ophthalmol 1974 ; 13(3) : 165-73.
[9]
Albon J, Tullo AB, Aktar S, Boulton ME. Apoptosis in the endothelium of human corneas for transplantation. Invest Ophthalmol Vis Sci 2000 ; 41(10) : 2887-93.
[10]
Gain P, Thuret G, Chiquet C, et al. Value of two mortality assessment techniques for organ cultured corneal endothelium : trypan blue versus TUNEL technique. Br J Ophthalmol 2002 ; 86(3) : 306-10.
[11]
Thuret G, Chiquet C, Bernal F, et al. Prospective, randomized clinical and endothelial evaluation of 2 storage times for cornea donor tissue in organ culture at 31 degrees C. Arch Ophthalmol Chic Ill 1960 2003 ; 121(4) : 442-50.
[12]
Borderie VM, Baudrimont M, Lopez M, et al. Evaluation of the deswelling period in dextran-containing medium after corneal organ culture. Cornea 1997 ; 16(2) : 215-23.
[13]
Thuret G, Manissolle C, Campos-Guyotat L, et al. Animal compound-free medium and poloxamer for human corneal organ culture and deswelling. Invest Ophthalmol Vis Sci 2005 ; 46(3) : 816-22.
[14]
Zhao M, Thuret G, Piselli S, et al. Use of poloxamers for deswelling of organ-cultured corneas. Invest Ophthalmol Vis Sci 2008 ; 49(2) : 550-9.
[15]
Zanetti E, Bruni A, Mucignat G, et al. Bacterial contamination of human organ-cultured corneas. Cornea 2005 ; 24(5) : 603-7.
[16]
Thuret G, Carricajo A, Chiquet C, et al. Sensitivity and rapidity of blood culture bottles in the detection of cornea organ culture media contamination by bacteria and fungi. Br J Ophthalmol 2002 ; 86(12) : 1422-7.
[17]
Thuret G, Carricajo A, Vautrin AC, et al. Efficiency of blood culture bottles for the fungal sterility testing of corneal organ culture media. Br J Ophthalmol 2005 ; 89(5) : 586-90.
[18]
Delbosc B, Hervé P, Carbillet JP, Montard M. [Proposal for a medium for short-term preservation of human cornea]. Bull Soc Ophtalmol Fr 1983 ; 83(2) : 217-9.
[19]
Piquot X, Delbosc B, Herve P, et al. [Preservation of human corneas in organ culture : results of a feasibility clinical protocol]. Bull Soc Ophtalmol Fr 1990 ; 90(4) : 429-32.
[20]
Frueh BE, Böhnke M. Prospective, randomized clinical evaluation of Optisol vs organ culture corneal storage media. Arch Ophthalmol Chic Ill 1960 2000 ; 118(6) : 757-60.
[21]
Delbosc B, Naegelen J, Herve P, et al. [Preservation of human corneas in an enriched culture medium at +37 degrees Centigrade : histological and biochemical analyses]. J Fr Ophtalmol 1987 ; 10(10) : 547-9, 551-5.
[22]
Borderie V, Sabolic V, Touzeau O, et al. Screening human donor corneas during organ culture for the presence of guttae. Br J Ophthalmol 2001 ; 85(3) : 272-6.
[23]
Sperling S. Evaluation of the endothelium of human donor corneas by induced dilation of intercellular spaces and trypan blue. Graefes Arch Clin Exp Ophthalmol 1986 ; 224(5) : 428-34.
[24]
Gain P, Thuret G, Kodjikian L, et al. Automated tri-image analysis of stored corneal endothelium. Br J Ophthalmol 2002 ; 86(7) : 801-8.
[25]
Deb-Joardar N, Thuret G, Gavet Y, et al. Reproducibility of endothelial assessment during corneal organ culture : comparison of a computer-assisted analyzer with manual methods. Invest Ophthalmol Vis Sci 2007 ; 48(5) : 2062-7.
[26]
Flury M, He Z, Campolmi N, et al. Fabrication of optical mosaics mimicking human corneal endothelium for the training and assessment of eye bank technicians. Opt Lett 2012 ; 37(1) : 22-4.
[27]
Nejepinska J, Juklova K, Jirsova K. Organ culture, but not hypmic storage, facilitates the repair of the corneal endothelium following mechanical damage. Acta Ophthalmol (Copenh) 2010 ; 88(4) : 413-9.
[28]
Borderie VM, Laroche L. Microbiologic study of organ-cultured donor corneas. Transplantation 1998 ; 66(1) : 120-3.
[29]
Gain P, Thuret G, Chiquet C, et al. Use of a pair of blood culture bottles for sterility testing of corneal organ culture media. Br J Ophthalmol 2001 ; 85(10) : 1158-62.
[30]
Hermel M, Salla S, Hamsley N, et al. Detection of contamination during organ culture of the human cornea. Graefes Arch Clin Exp Ophthalmol Albrecht Von Graefes Arch Klin Exp Ophthalmol 2010 ; 248(1) : 117-26.
[31]
Utheim TP, Raeder S, Utheim ØA, et al. Sterility control and long-term eye-bank storage of cultured human limbal epithelial cells for transplantation. Br J Ophthalmol 2009 ; 93(7) : 980-3.
[32]
McCarey BE, Edelhauser HF, Van Horn DL. Functional and structural changes in the corneal edothelium during in vitro perfusion. Invest Ophthalmol 1973 ; 12(6) : 410-7.
[33]
Zhao B, Cooper LJ, Brahma A, et al. Development of a three-dimensional organ culture model for corneal wound healing and corneal transplantation. Invest Ophthalmol Vis Sci 2006 ; 47(7) : 2840-6.
[34]
Brunette I, Nelson LR, Bourne WM. A system for long-term corneal perfusion. Invest Ophthalmol Vis Sci 1989 ; 30(8) : 1813-22.
[35]
Thiel MA, Morlet N, Schulz D, et al. A simple corneal perfusion chamber for drug penetration and toxicity studies. Br J Ophthalmol 2001 ; 85(4) : 450-3.
[36]
Tanelian DL, Bisla K. A new in vitro corneal preparation to study epithelial wound healing. Invest Ophthalmol Vis Sci 1992 ; 33(11) : 3024-8.
[37]
Garcin T, Gauthier AS, Crouzet E, et al. Innovative corneal active storage machine for long-term eye banking. Am J Transplant 2019 ; 19(6) : 1641-51.
[38]
Garcin T, Gauthier AS, Crouzet E, et al. Three-month storage of human corneas in an active storage machine. Transplantation 2020 ; 104(6) : 1159-65.
36.2. Greffes de membranes amniotiques : préparation, conservation et indications en ophtalmologie
[39]
De Rötth A. Plastic repair of conjonctival defects with fetal membrane. Arch Ophthalmol 1940 ; 23 : 522-5.
[40]
Kim JC, Tseng SC. Transplantation of preserved human amniotic membrane for surface reconstruction in severely damaged rabbit corneas. Cornea 1995 ; 14 : 473-84.
[41]
Lee SH, Tseng SC. Amniotic membrane transplantation for persistent epithelial defects with ulceration. Am J Ophthalmol 1997 ; 123 : 303-12.
[42]
Shimazaki J, Yang HY, Tsubota K. Amniotic membrane transplantation for ocular surface reconstruction in patients with chemical and thermal burns. Ophthalmology 1997 ; 104 : 2068-76.
[43]
Franck O, Descargues G, Menguy E, et al. [Technique of harvesting and preparation of amniotic membranes]. J Fr Ophtalmol 2000 ; 23 : 729-34.
[44]
Muraine M, Descargues G, Franck O, et al. La greffe de membrane amniotique dans les pathologies oculaires de surface. J Fr Ophtalmol 2001 ; 24 : 798-812.
[45]
Güell J, Gris O, Manero F, et al. Indications for and uses of amniotic membrane. In : Krachmer J, Mannis M, Holland E (Eds). Cornea. St Louis : Mosby-Elsevier ; 2011.
[46]
Walkden A. Amniotic membrane transplantation inophthalmology : an updated perspective. Clin Ophthalmol 2020 ; 14 : 2057-72.
[47]
Dadkhah Tehrani F, Firouzeh A, Shabani I, Shabani A. A review on modifications of amniotic membrane for biomedical applications. Front Bioeng Biotechnol 2021 ; 8.
[48]
Nazari Hashemi P, Chaventre F, Bisson A, et al. Mapping of proteomic profile and effect of the spongy layer in the human amniotic membrane. Cell Tissue Bank 2020 ; 21 : 329-38.
[49]
Jirsova K, Jones GLA. Amniotic membrane in ophthalmology : properties, preparation, storage and indications for grafting-a review. Cell Tissue Bank 2017 ; 18 : 193-204.
[50]
Allen CL, Clare G, Stewart EA, et al. Augmented dried versus cryopreserved amniotic membrane as an ocular surface dressing. PLoS One 2013 ; 8 : e78441.
[51]
Paolin A, Trojan D, Leonardi A, et al. Cytokine expression and ultrastructural alterations in fresh-frozen, freeze-dried and γ-irradiated human amniotic membranes. Cell Tissue Bank 2016 ; 17 : 399-406.
[52]
Connon CJ, Doutch J, Chen B, et al. The variation in transparency of amniotic membrane used in ocular surface regeneration. Br J Ophthalmol 2010 ; 94 : 1057-61.
[53]
Chuck RS, Graff JM, Bryant MR, Sweet PM. Biomechanical characterization of human amniotic membrane preparations for ocular surface reconstruction. Ophthalmic Res 2004 ; 36 : 341-8.
[54]
Vasseneix C, Toubeau D, Brasseur G, Muraine M. Prise en charge chirurgicale des perforations cornéennes non traumatiques : étude rétrospective sur 8 ans. J Fr Ophtalmol 2006 ; 29 : 751-62.
[55]
Kheirkhah A, Casas V, Raju VK, Tseng SC. Sutureless amniotic membrane transplantation for partial limbal stem cell deficiency. Am J Ophthalmol 2008 ; 145 : 787-94.
[56]
Mimouni M, Trinh T, Sorkin N, et al. Sutureless dehydrated amniotic membrane for persistent epithelial defects. Eur J Ophthalmol 2021 : 11206721211011354.
[57]
Memmi B, Leveziel L, Knoeri J, et al. Freeze-dried versus cryopreserved amniotic membranes in corneal ulcers treated by overlay transplantation : a case-control study. Cornea 2021.
[58]
Anderson DF, Ellies P, Pires RT, Tseng SC. Amniotic membrane transplantation for partial limbal stem cell deficiency. Br J Ophthalmol 2001 ; 85 : 567-75.
[59]
Clearfield E, Muthappan V, Wang X, Kuo IC. Conjunctival autograft for pterygium. Cochrane Database Syst Rev 2016 ; 2 : Cd011349.
[60]
Budenz DL, Barton K, Tseng SC. Amniotic membrane transplantation for repair of leaking glaucoma filtering blebs. Am J Ophthalmol 2000 ; 130 : 580-8.
[61]
Wang X, Khan R, Coleman A. Device-modified trabeculectomy for glaucoma. Cochrane Database Syst Rev 2015 ; 12 : Cd010472.
[62]
Eslani M, Baradaran-Rafii A, Cheung AY, et al. Amniotic membrane transplantation in acute severe ocular chemical injury : a randomized clinical trial. Am J Ophthalmol 2019 ; 199 : 209-15.
[63]
Sharma N, Singh D, Maharana PK, et al. Comparison of amniotic membrane transplantation and umbilical cord serum in acute ocular chemical burns : a randomized controlled trial. Am J Ophthalmol 2016 ; 168 : 157-63.
[64]
Thorel D, Ingen-Housz-Oro S, Royer G, et al. Management of ocular involvement in the acute phase of Stevens-Johnson syndrome and toxic epidermal necrolysis : french national audit of practices, literature review, and consensus agreement. Orphanet J Rare Dis 2020 ; 15 : 259.
[65]
Chen Z, Lao HY, Liang L. Update on the application of amniotic membrane in immune-related ocular surface diseases. Taiwan J Ophthalmol 2021 ; 11 : 132-40.
[66]
Ting DSJ, Henein C, Said DG, Dua HS. Amniotic membrane transplantation for infectious keratitis : a systematic review and meta-analysis. Sci Rep 2021 ; 11 : 13007.
[67]
Shi W, Chen M, Xie L. Amniotic membrane transplantation combined with antiviral and steroid therapy for herpes necrotizing stromal keratitis. Ophthalmology 2007 ; 114 : 1476-81.
[68]
Caporossi T, Tartaro R, Bacherini D, et al. Applications of the amniotic membrane in vitreoretinal surgery. J Clin Med 2020 ; 9.
36.3. Préparations ophtalmiques à base de produits sanguins
[69]
Ralph RA, Doane MG, Dohlman CH. Clinical experience with a mobile ocular perfusion pump. Arch Ophthalmol 1975 ; 93(10) : 1039-43.
[70]
Sjögren HS. Zur kenntnis der keratoconjunctivitis sicca (keratitis folliforms bei hypojunktion der tramemdrusen). Acta Ophthalmol (Copen) 1933 ; 11 : 1-151.
[71]
De Roeth A. Lacrimation in normal eyes. Arch Ophthalmol 1953 ; 49(2) : 185-9.
[72]
Lemp MA. Report of the National Eye Institute/industry workshop on the clinical trials in dry eyes. CLAO J 1995 ; 21(4) : 221-32.
[73]
Dry Eye Workshop. The definition and classification of dry eye disease : report of the definition and classification subcommittee of the International Dry Eye Workshop. Ocul Surf 2007 ; 5(2) : 75-92.
[74]
Craig JP, Nichols KK, Akpek EK, et al. TFOSDEWSII definition and classification report. Ocul Surf 2017 ; 15 : 276-83.
[75]
Geerling G, Maclennan S, Hartwig D. Autologous serum eye drops for ocular surface disorders. Br J Ophthalmol 2004 ; 88 : 1467-74.
[76]
Drew V, Tseng C, Seghatchian J, et al. Reflections on dry eye syndrome treatment : Therapeutic role of blood products. Front Med 2018 ; 5 : 33.
[77]
Higuchi A. Autologous serum and serum components. Invest Ophthalmol Vis Sci 2018 ; 59 : DES121-9.
[78]
Klenkler B, Sheardown H, Jones L. Growth factors in the tear film : role in tissue maintenance, wound healing, and ocular pathology. Ocul Surf 2007 ; 5 : 228-39.
[79]
Mandic JJ, Kozmar A, Kusacic-Kuna S, et al. The levels of 12 cytokines and growth factors in tears : Hyperthyreosis vs euthyreosis. Graefes Arch Clin Exp Ophthalmol 2018 ; 256 : 845-52.
[80]
Nurden AT. The biology of the platelet with special reference to inflammation, wound healing and immunity. Front Biosci 2018 ; 23 : 726-51.
[81]
Tsubota K, Goto E, Fujita H, et al. Treatment of dry eye by autologous serum application in Sjögren’s syndrome. Br J Ophthalmol 1999 ; 83 : 390-5.
[82]
Geerling G, Daniels JT, Dart JK, et al. Toxicity of natural tear substitutes in a fully defined culture model of human corneal epithelial cells. Invest Ophthalmol Vis Sci 2001 ; 42 : 948-56.
[83]
Geerling G, Sieg P, Bastian Go, et al. Transplantation of the autologous submandibular gland for most severe cases of keratoconjunctivitis sicca. Ophthalmology 1998 ; 105 : 327-35.
[84]
Goto E, Shimmura S, Shimazaki J, et al. Treatment of superior limbic keratoconjunctivitis by application of autologous serum. Cornea 2001 ; 20 : 807-10.
[85]
Tsubota K, Goto E, Shimmura S, et al. Treatment of persistent corneal epithelial defect by autologous serum application. Ophthalmology 1999 ; 106 : 1984-9.
[86]
Del Castillo JM, De La Casa JM, Sardina RC, et al. Treatment of recurrent corneal erosions using autologous serum, Cornea 2002 ; 21 : 781-3.
[87]
Liu L, Hartwig D, Harloff S, et al. An optimized protocol for the production of autologous serum eye drops. Graefes Arch Clin Exp Ophthalmol 2005 ; 243 : 706-14.
[88]
Tsubota K, Goto E, Fujita H, et al. Treatment of dry eye by autologous serum application in Sjogren’s syndrome. Br J Ophthalmol 1999 ; 83 : 390-5.
[89]
Lopez-Garcia JS, Murube Del Castillo J, Garcia-Lozano I, et al. Suero autologo y derivados hematicos en oftalmologıa. Comunicacion solicitada 87 Congreso de la Sociedad Espaňola de Oftalmologıa. Sociedad Espaňola de Oftalmologıa, Arch Soc Esp Oftalmol 2011 ; 87.
[90]
Higuchi A. Autologous serum and serum components. Invest Ophthalmol Vis Sci 2018 ; 59 : DES121-9.
[91]
Pancholi S, Tullo A, Khaliq A, et al. The effects of growth factors and conditioned media on the proliferation of human corneal epithelial cells and keratinocytes. Graefe’s Archive for Clinical and Experimental Ophthalmology 1998 ; 236(1) : 1-8.
[92]
Shimmura S, Ueno R, Matsumoto Y, et al. Albumin as a tear supplement in the treatment of severe dry eye. Br J Ophthalmol 2003 ; 87 : 1279-83.
[93]
Grant MB, Khaw PT, Schultz GS, et al. Effects of epidermal growth factor, fibroblast growth factor, and transforming growth factor-bêta on corneal cell chemotaxis. Invest Ophthalmol Vis Sci 1992 ; 33 : 3292-301.
[94]
McDonnell PJ, Schanzlin DJ, Rao NA. Immunoglobulin deposition in the cornea after application of autologous serum. Arch Ophthalmol 1988 ; 106 : 1423-25.
[95]
Collins MK, Perkins GR, Rodriguez-Tarduchy G, et al. Growth factors as survival factors : regulation of apoptosis. Bioessays 1994 ; 16 : 133-8.
[96]
Kitazawa T, Kinoshita S, Fujita K, et al. The mechanism of accelerated corneal epithelial healing by human epidermal growth factor. Invest Ophthalmol Vis Sci 1990 ; 31 : 1773-8.
[97]
Rodeck U, Jost M, Kari C, et al. EGF-R dependent regulation of keratinocyte survival. J Cell Sci 1997 ; 110(Pt 2) : 113-21.
[98]
Xiao X, He H, Lin Z, et al. Therapeutic effects of epidermal growth factor on benzalkonium chloride-induced dry eye in a mouse model. Invest Ophthalmol Vis Sci 2012 ; 53 : 191-7.
[99]
Kay EP, Lee MS, Seong GJ, et al. TGF-beta s stimulate cell proliferation via an autocrine production of FGF-2 in corneal stromal fibroblasts. Curr Eye Res 1998 ; 17 : 286-93.
[100]
Rao RC, Varani J, Soong HK. FGF promotes corneal stromal fibroblast motility. J Ocul Pharmacol 1992 ; 8 : 77- 81.
[101]
Andresen JL, Ledet T, Ehlers N. Keratocyte migration and peptide growth factors : the effect of PDGF, β-FGF, EGF, IGF-1, α-FGF and TGF-β on human keratocyte migration in a collagen gel. Curr Eye Res 1997 ; 16 : 605-13.
[102]
Phan TM, Foster CS, Boruchoff SA, et al. Topical fibronectin in the treatment of persistent corneal epithelial defects and trophic ulcers. Am J Ophthalmol 1987 ; 104 : 494-501.
[103]
Gordon JF, Johnson P, Musch DC. Topical fibronectin ophthalmic solution in the treatment of persistent defects of the corneal epithelium, Chiron Vision Fibronectin Study Group. Am J Ophthalmol 1995 ; 119 : 281-7.
[104]
Er H, Uzmez E. Effects of transforming growth factor-beta 2, interleukin6 and fibronectin on corneal epithelial wound healing. Eur J Ophthalmol 1998 ; 8 : 224-9.
[105]
Spigelman AV, Deutsch TA, Sugar J. Application of homologous fibronectin to persistent human corneal epithelial defects. Cornea 1987 ; 6 : 128-30.
[106]
Chandrasekher G, Kakazu AH, Bazan HE. HGF- and KGF-induced activation of PI-3K/p70 s6 kinase pathway in corneal epithelial cells : its relevance in wound healing. Exp Eye Res 2001 ; 73 : 191-202.
[107]
Li Q, Weng J, Mohan RR, Bennett GL, et al. Hepatocyte growth factor and hepatocyte growth factor receptor in the lacrimal gland, tears, and cornea. Invest Ophthalmol Vis Sci 1996 ; 37 : 727-39.
[108]
Wilson SE, Chen L, Mohan RR, et al. Expression of HGF, KGF, EGF and receptor messenger RNAs following corneal epithelial wounding. Exp Eye Res 1999 ; 68 : 377-97.
[109]
Masson PL, Heremans JF, Dive C. An iron-binding protein common to many external secretion. Clin Chim Acta 1996 ; 14 : 735-9.
[110]
Fujihara T, Nagano T, Endo K, et al. Lactoferrin protects against UV-B irradiation-induced corneal epithelial damage in rats. Cornea 2000 ; 19 : 207-11.
[111]
Dogru M, Matsumoto Y, Yamamoto Y, et al. Lactoferrin in Sjögren’s síndrome. Ophthalmology 2007 ; 114 : 2366-7.
[112]
Fujihara T, Nagano T, Nakamura M, et al. Lactoferrin suppresses loss of corneal epithelial integrity in a rabbit short-term dry eye model. J Ocul Pharmacol Ther 1998 ; 14 : 99-107.
[113]
Poon AC, Geerling G, Dart JK, et al. Autologous serum eyedrops for dry eyes and epithelial defects : clinical and in vitro toxicity studies. Br J Ophthalmol 2001 ; 85(10) : 1188-97.
[114]
Kim WJ, Mohan RR, Wilson SE. Effect of PDGF, IL-1α, and BMP2/4 on corneal fibroblast chemotaxis : expression of the platelet-derived growth factor system in the cornea. Invest Ophthalmol Vis Sci 1999 ; 40 : 1364-72.
[115]
Higuchi A, Takahashi K, Hirashima M, et al. Selenoprotein P controls oxidative stress in cornea. PLoS One 2010 ; 5 : e9911.
[116]
Saito Y, Takahashi K. Characterization of selenoprotein P as a selenium supply protein. Eur J Biochem 2002 ; 269 : 5746-51.
[117]
Brown NA, Bron AJ, Harding JJ, et al. Nutrition supplements and the eye. Eye (Lond) 1998 ; 12(pt 1) : 127-33.
[118]
Hatchell DL, Sommer A. Detection of ocular surface abnormalities in experimental vitamin A deficiency. Arch Ophthalmol 1984 ; 102 : 1389-93.
[119]
Tseng SC, Maumenee AE, Stark WJ, et al. Topical retinoid treatment for various dry-eye disorders. Ophthalmology 1985 ; 92 : 717-27.
[120]
Selek H, Unlu N, Orhan M, et al. Evaluation of retinoic acid ophthalmic emulsion in dry eye. Eur J Ophthalmol 2000 ; 10 : 121-7.
[121]
Singer L, Brook U, Romem M, et al. Vitamin A in Stevens Johnson syndrome. Ann Ophthalmol 1989 ; 21 : 209-10.
[122]
Kim EC, Choi JS, Joo CK. A comparison of vitamin a and cyclosporine a 0.05 % eye drops for treatment of dry eye syndrome. Am J Ophthalmol 2009 ; 147 : 206-13.
[123]
Brown NA, Bron AJ, Harding JJ, et al. Nutrition supplements and the eye. Eye (Lond) 1998 ; 12(pt 1) : 127-33.
[124]
Liu L, Hartwig D, Harloff S, et al. An optimised protocol for the production of autologous serum eye drops. Graefes Arch Clin Exp Ophthalmol 2005 ; 243(7) : 706-14.
[125]
[126]
[127]
Zimmermann R, Jakubietz R, Jakubietz M, et al. Different preparation methods to obtain platelet components as a source of growth factors for local application. Transfusion 2001 ; 41 : 1217-24.
[128]
Dogru M, Tsubota K. Pharmacapy of dry eye. Expert Opin Pharmac 2011 ; 12(3) : 325-34.
[129]
Kojima T, Higuchi A, Goto E, et al. Autologous serum eye drops for the treatment of dry eye diseases. Cornea 2008 ; 27 Suppl 1 : S25-S30.
[130]
Quinto GG, Campos M, Behrens A. Autologous serum for ocular surface diseases. Arq Bras Oftalmol 2008 ; 71(6 Suppl) : 47-54.
[131]
López-García JS, García-Lozano I, Rivas L, et al. Autologous serum eye drops diluted with sodium hyaluronate : Clinical and experimental comparative study. Acta Ophthalmol 2014 ; 92, e22-9.
[132]
Friedman NJ. Impact of dry eye disease and treatment on quality of life. Curr Opin Ophthalmol 2010 ; 21 : 310-6.
[133]
Schiffman RM, Christianson MD, Jacobsen G, et al. Reliability and validity of the ocular surface disease index. Arch Ophthalmol 2000 ; 118 : 615-21.
[134]
Baudouin C, Pisella PJ, De Saint Jean M. Syndromes secs et surface oculaire. J Fr Ophtalmol 1999 ; 22(8) : 893-902.
[135]
Grubbs JR, Tolleson-Rinehart S, Huynh K, et al. A review of quality of life measures in dry eye questionnaires. Cornea 2014 ; 33(2) : 215-8.
[136]
Urzua CA, Vasquez DH, Huidobro A, et al. Randomized double-blind clinical trial of autologous serum versus artificial tears in dry eye syndrome. Curr Eye Res 2012 ; 37(8) : 684-8.
[137]
Celebi AR, Ulusoy C, Mirza GE. The efficacy of autologous serum eye drops for severe dry eye syndrome : a randomized double-blind crossover study. Graefes Arch Clin Exp Ophthalmol 2014 ; 252(4) : 619-26.
[138]
Ozcura F, Aydin S, Helvaci MR. Ocular surface disease index for the diagnosis of dry eye syndrome. Ocul Immunol Inflamm 2007 ; 15(5) : 389-93.
[139]
Kojima T, Ishida R, Dogru M, et al. The effect of autologous serum eyedrops in the treatment of severe dry eye disease : a prospective randomized case-control study. Am J Ophthalmol 2005 ; 139(2) : 242-6.
[140]
Feenstra RP, Tseng SC. What is actually stained by rose Bengal ? Arch Ophthalmol 1992 ; 110(7) : 984-93.
[141]
Kim J, Foulks GN. Evaluation of the effect of lissamine green and rose Bengal on human corneal epitheliual cells. Cornea 1999 ; 18(3) : 328-32.
[142]
Machado LM, Castro RS, Fontes BM. Staining patterns in dry eye syndrome : rose Bengal versus lissamine green. Cornea 2009 ; 28(7) : 732-4.
[143]
Lemp MA, Hamill JR. Factors affecting tear film breakup in normal eyes. Arch Ophthalmol 1973 ; 89(2) : 103-5.
[144]
Schirmer O. Studien zur physiologie und pathologie der tranenabsonderung und tranenabfuhr. Graefes Arch Clin Exp Ophthalmol 1903 ; 56 : 197-291.
[145]
Shapiro A, Merin S. Schirmer test and break-up time of tear film in normal subjects. Am J Ophthalmol 1979 ; 88(4) : 752-7.
[146]
Pan Q, Angelina A, Zambrano A, et al. Autologous serum eye drops for dry eye. Cochrane Database Syst Rev 2013 ; 8 : CD009327.
[147]
Tsubota K, Satake Y, Ohyama M, et al. Surgical reconstruction of the ocular surface in advanced ocular cicatricial pemphigoid and Stevens-Johnson syndrome. Am J Ophthalmol 1996 ; 122 : 38-52.
[148]
Goto E, Shimmura S, Shimazaki J, et al. Treatment of superior limbic keratoconjunctivitis by application of autologous serum. Cornea 2001 ; 20 : 807-10.
[149]
Rocha EM, Pelegrino FS, De Paiva CS, et al. GVHD dry eyes treated with autologous serum tears. Bone Marrow Transplant 2000 ; 25 : 1101-3.
[150]
Ogawa Y, Okamoto S, Mori T, et al. Autologous serum eye drops for the treatment of severe dry eye in patients with chronic graft-versus-host disease. Bone Marrow Transplant 2003 ; 31 : 579-83.
[151]
Hyon JY, Lee YJ, Yun PY. Management of ocular surface inflammation in Sjögren syndrome. Cornea 2007 ; 26(9 Suppl1) : S13-5.
[152]
Kojima T, Dogru M, Matsumoto Y, et al. Tearfilm and ocular surface abnormalities after eyelid tattooing. Ophthalmic Plast Reconstr Surg 2005 ; 21(1) : 69-71.
[153]
Matsumoto Y, Dogrou M, Goto E, et al., Autologous serum application in the treatment of neurotrophic keratopathy. Ophthalmology 2004 ; 111(6) : 1115-20.
[154]
Poon AC, Geerling G, Dart JK, et al. Autologous serum eyedrops for dry eyes and epithelial defects : clinical and in vitro toxicity studies. Br J Ophthalmol 2001 ; 85(10) : 1188-97.
[155]
Celebi AR, Ulusoy C, Mirza GE. The efficacy of autologous serum eye drops for severe dry eye syndrome : a randomized double-blind crossover study. Graefes Arch Clin Exp Ophthalmol 2014 ; 252(4) : 619-26.
[156]
Scharman CD, Burger D, Shatzel JJ, et al. Treatment of individuals who cannot receive blood products for religious or reasons. Am J Hematol 2017 ; 92 : 1370-81.
[157]
Marks DC, Van Der Meer PF. Biomedical Excellence for Safer Transfusion (BEST) Collaborative, Serum eye drops : a survey of international production methods. Vox Sang 2017 ; 112(4) : 310-7.
[158]
Organisation Mondiale de la Santé. WHO guidelines on good manufacturing practices for blood establishments. WHO Tech Rep Ser 2011 ; 961 : 148-214.
[159]
Burnouf T, Radosevich M. Reducing the risk of infection from plasma products : specific preventative strategies. Blood Rev 2000 ; 14 : 94-110.
[160]
Dodd RY. Emerging pathogens and their implications for the blood supply and transfusion transmitted infections. Br J Haematol 2012 ; 159 : 135-42.
[161]
Kiely P, Gambhir M, Cheng AC, et al. Emerging infectious diseases and blood safety : modeling the transfusion-transmission risk. Transfus Med Rev 2017 ; 31(3) : 154-64.
[162]
Yawn BP, Wollan PC, ST Sauver JL, et al. Herpes zoster eye complications : rates and trends. Mayo Clin Proc 2013 ; 88(6) : 562-70.
[163]
Drew VJ, Barro L, Seghatchian J, et al. Towards pathogen inactivation of red blood cells and whole blood targeting viral DNA/RNA : design, technologies, and future prospects for developing countries. Blood Transfus 2017 ; 15(6) : 512-21.
[164]
Devine DV, Schubert P. Pathogen inactivation technologies : the advent of pathogen-reduced blood components to reduce blood safety risk. Hematol Oncol Clin North Am 2016 ; 30(3) : 609-17.
[165]
Stahle MU, Brandhorst D, Korsgren O, et al. Pathogen inactivation of human serum facilitates its clinical use for islet cell culture and subsequent transplantation. Cell Transplant 2011 ; 20(5) : 775-81.
[166]
Tseng CL, Chen ZY, Renn TY, et al. Solvent/detergent virally inactivated serum eye drops restore healthy ocular epithelium in a rabbit model of dry-eye syndrome. PLoS One 2016 ; 11(4) : e0153573.
[167]
Hussain M, Shtein RM, Sugar A, et al. Long-term use of autologous serum 50 % eye drops for the treatment of dry eye disease. Cornea 2014 ; 33(12) : 1245-51.
[168]
Kang NH, Lee S, Jun, RM. Comparison of epitheliotrophic factors in autologous serum eyedrops from sera of chronic renal failure patients vs. normal controls. Graefes Arch Clin Exp Ophthalmol 2015 ; 253 : 1705-12.
[169]
Harloff S, Hartwig D, Kasper K, et al. Epitheliotrophic capacity of serum eye drops from healthy donors versus serum from immunosuppressed patients with rheumatoid arthritis. Klin Monbl Augenheilkd 2008 ; 225 : 200-6.
[170]
Badami KG, McKellar M. Allogeneic serum eye drops : time these became the norm ? Br J Ophthalmol 2012 ; 96(8) : 1151-2.
[171]
Chiang CC, Chen WL, Lin JM, et al. Allogeneic serum eye drops for the treatment of persistent corneal epithelial defect. Eye (Lond) 2009 ; 23(2) : 290-3.
[172]
Na KS, Kim MS. Allogeneic serum eye drops for the treatment of dry eye patients with chronic graft-versus-host disease. J Ocul Pharmacol Ther 2012 ; 28 : 479-83.
[173]
Harritshøj LH, Nielsen C, Ullum H, et al. Ready-made allogeneic ABO-specific serum eye drops : production from regular male blood donors, clinical routine, safety and efficacy. Acta Ophthalmol 2014 ; 92 : 783-6.
[174]
Espinosa A, Hjorth-Hansen H, Aasly K, et al. Implementation of a standardised method for the production of allogeneic serum eye drops from regular blood donors in a Norwegian University Hospital : Some methodological aspects and clinical considerations. Transfus Apher Sci 2015 ; 53 : 88-91.
[175]
Van Der Meer PF, Seghatchian J, De Korte D. Autologous and allogeneic serum eye drops The Dutch perspective. Transfus Apher Sci 2015 ; 53 : 99-100.
[176]
Anitua E, De La Fuente M, Merayo-Lloves J, et al. Allogeneic blood-based therapies : Hype or hope ? Eye 2017 ; 31 : 509-10.
[177]
Hung Y, Elder MJ, Rawstron JA. A retrospective crossover study of autologous and allogeneic serum eye drops for the management of ocular surface disease. Transfus Med 2019 ; 29 : 69-71.
[178]
Giannaccare G, Pellegrini M, Bernabei F, et al. In vivo confocal microscopy automated morphometric analysis of corneal sub-basal nerve plexus in patients with dry eye treated with different sources of homologous serum eye drops. Cornea 2019 ; 38(11) : 1412-7.
[179]
Na KS, Kim MS. Allogeneic serum eye drops for the treatment of dry eye patients with chronic graft-versus-host disease. J Ocul Pharmacol Ther 2012 ; 28 : 479-83.
[180]
Chiang CC, Lin JM, Chen WL, et al. Allogeneic serum eye drops for the treatment of severe dry eye in patients with chronic graft-versus-host disease. Cornea 2007 ; 26 : 861-3.
[181]
Alio JL, Arnalich-Montiel F, Rodriguez AE. The role of “eye platelet rich plasma” (E-PRP) for wound healing in ophthalmology. Curr Pharm Biotechnol 2012 ; 13 : 1257-65.
[182]
Giannaccare G, Carnevali A, Senni C, et al. Umbilical cord blood and serum for the treatment of ocular diseases : a comprehensive review. Ophthalmol Ther 2020 ; 9(2) : 235-48.
[183]
Chung S, Rho S, Kim G, et al. Human umbilical cord blood mononuclear cells and chorionic platederived mesenchymal stem cells promote axon survival in a rat model of optic nerve crush injury. Int J Mol Med 2016 ; 37(5) : 1170-80.
[184]
Zhang W, Wang Y, Kong J, et al. Therapeutic efficacy of neural stem cells originating from umbilical cord-derived mesenchymal stem cells in diabetic retinopathy. Sci Rep 2017 ; 7 : 408.
[185]
Zhang ZJ, Li YJ, Liu XG, et al. Human umbilical cord blood stem cells and brain-derived neurotrophic factor for optic nerve injury : a biomechanical evaluation. Neural Regen Res 2015 ; 10(7) : 1134-8.
[186]
Koh S, Chen WJ, Dejneka NS, et al. Subretinal human umbilical tissue-derived cell transplantation preserves retinal synaptic connectivity and attenuates Müller glial reactivity. J Neurosci 2018 ; 38 : 2923-43.
[187]
Lv Xm, Liu Y, Wu F, Yuan Y, et al. Human umbilical cord blood-derived stem cells and brain derived neurotrophic factor protect injured optic nerve : viscoelasticity characterization. Neural Regen Res 2016 ; 11(4) : 652-6.
[188]
Ji S, Lin S, Chen J, et al. Neuroprotection of transplanting human umbilical cord mesenchymal stem cells in a microbead induced ocular hypertension rat model. Curr Eye Res 2018 ; 43 : 810-20.
[189]
Versura P, Buzzi M, Giannaccare G, at al, Targeting growth factor supply in keratopathy treatment : comparison between maternal peripheral blood and cord blood as sources for the preparation of topical eye drops. Blood Transfus 2016 ; 14(2) : 145-51.
[190]
Kruse FE, Tseng SC. Growth factors modulate clonal growth and differentiation of cultured rabbit limbal and corneal epithelium. Invest Ophthalmol Vis Sci 1993 ; 34 : 1963-76.
[191]
Kitazawa T, Kinoshita S, Fujita K, et al. The mechanism of accelerated corneal epithelial healing by human epidermal growth factor. Invest Ophthalmol Vis Sci 1990 ; 31 : 1773-8.
[192]
Ohashi Y, Motokura M, Kinoshita Y, et al. Presence of epidermal growth factor in human tears. Invest Ophthalmol Vis Sci 1989 ; 30 : 1879-82.
[193]
Nakamura Y, Sotozono C, Kinoshita S. The epidermal growth factor receptor (EGFR) : role in corneal wound healing and homeostasis. Exp Eye Res 2001 ; 72 : 511-7.
[194]
Carpenter G, Cohen S. Epidermal growth factor. Ann Rev Biochem 1979 ; 48 : 193-216.
[195]
Hongo M, Itoi M, Yamaguchi N, et al. Distribution of epidermal growth factor (EGF) receptors in rabbit corneal epithelial cells, keratocytes and endothelial cells, and the changes induced by transforming growth factor-b1. Exp Eye Res 1992 ; 54 : 9-16.
[196]
Yoon KC, Im SK, Park YG, et al. Application of umbilical cord serum eyedrops for the treatment of dry eye syndrome. Cornea 2006 ; 25 : 268-72.
[197]
Yoon KC, Heo H, Jeong IY, at al, Therapeutic effect of umbilical cord serum eye drops for persistent corneal epithelial defect. Korean J Ophthalmol 2005 ; 19 : 174-8.
[198]
Yoon KC, You IC, Im SK, et al. Application of umbilical cord serum eyedrops for the treatment of neurotrophic keratitis. Ophthalmology 2007 ; 114 : 1637-42.
[199]
Giannaccare G, Buzzi M, Fresina M, et al. Efficacy of 2-month treatment with cord blood serum eye drops in ocular surface disease : an in vivo confocal microscopy study. Cornea 2017 ; 36 : 915-21.
[200]
Campos E, Versura P, Buzzi M, et al. Blood derived treatment from two allogeneic sources for severe dry eye associated to keratopathy : a multicentre randomised cross over clinical trial. Br J Ophthalmol 2019.
[201]
Versura P, Buzzi M, Giannaccare G, et al. Targeting growth factor supply in keratopathy treatment : comparison between maternal peripheral blood and cord blood as sources for the preparation of topical eye drops. Blood Transfus 2016 ; 14 : 145-51.
[202]
Ng TK, Fortino VR, Pelaez D, et al. Progress of mesenchymal stem cell therapy for neural and retinal diseases. World J Stem Cells 2014 ; 6 : 111-9.