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Chapitre 37
Rédiger une ordonnance en ophtalmologie

R. Batista, S. Charles-Weber, F. Chast

La rédaction de l'ordonnance exige quelques précautions. L'Ordre national des médecins a publié des recommandations qu'il est utile de respecter pour préserver la sécurité et la qualité des soins 1 .
Une ordonnance, pour quoi faire?
Selon l'article R. 4127-34 du Code de la santé publique (CSP), « le médecin doit formuler ses prescriptions avec toute la clarté indispensable, veiller à leur compréhension par le patient et son entourage et s'efforcer d'en obtenir la bonne exécution» – d'où l'emploi d'ordonnances remplies, dans le cas le plus fréquent, à la fin d'une consultation.
Selon les médicaments, la prescription médicale peut être :
  • obligatoire; dans ce cas, le médicament ne peut pas être dispensé par le pharmacien sans une ordonnance conforme;
  • facultative; dans ce cas, le médicament est accessible sans qu'il soit nécessairement prescrit par un médecin;
  • restreinte; dans ce cas, le médicament ne peut être prescrit que par certains médecins (en fonction de leur type d'exercice professionnel : hospitalier, spécialiste, etc.).
Dans tous les cas, l'ordonnance rédigée par un médecin l'engage en termes de responsabilité. Une fois rédigée, l'ordonnance est remise au patient en l'accompagnant d'explications claires et précises, nécessaires au patient et à son entourage, pour une bonne observance du traitement. Le cas échéant, il est conseillé de faire répéter au patient les gestes qu'il aura à accomplir pour s'assurer de la bonne compréhension de la prescription.
Qu'est-ce que doit « dire» une ordonnance?
Les principes de rédaction d'une ordonnance sont décrits dans les commentaires de l'article 34 du code de déontologie médicale.
Pour être sûre, une ordonnance doit être lisible par le pharmacien, le patient et son entourage. On ne peut que conseiller les ordonnances éditées par une imprimante d'ordinateur, en caractères suffisamment gros, pour que le patient puisse lire la prescription sans hésitation, afin d'éviter toute méprise sur le nom du médicament prescrit, sur les doses, sur le mode d'administration et sur la durée du traitement.
L'ordonnance doit comporter des informations concernant le prescripteur
Selon l'article 79 du code de déontologie médicale (art. R. 4127-79 du CSP), les indications à mentionner sur l'ordonnance sont :
  • nom et prénom du médecin;
  • adresse professionnelle;
  • numéros de téléphone et de télécopie, le cas échéant adresse électronique;
  • jours et heures de consultation;
  • en cas d'exercice en association ou en société, les noms des médecins associés;
  • en cas d'exercice libéral : le numéro RPPS (répertoire partagé des professionnels de santé) en plus du numéro d'assurance maladie;
  • pour le salarié d'un établissement hospitalier ou un médecin militaire : numéro RPPS en plus du numéro de la structure de soins;
  • la qualification reconnue conformément au règlement de qualification établi par l'Ordre des médecins et approuvé par le ministre chargé de la Santé;
  • les diplômes, titres et fonctions reconnus par le Conseil national de l'Ordre des médecins;
  • la mention d'une adhésion à une société de gestion agréée;
  • le cas échéant, les distinctions honorifiques reconnues par la République française.
L'ordonnance doit comporter des informations concernant la prescription
  • L'ordonnance doit être datée du jour de sa rédaction et écrite de façon lisible.
  • Il faut éviter :
    • les abréviations de type OG/OD; prendre le temps d'écrire : « œil droit et œil gauche» ou « dans chaque œil»;
    • 1 g, 1 gte, 1 gtte, etc. – écrire « une goutte»;
    • × 3/j – écrire « trois fois par jour»;
    • qsp 15 j. – écrire « pendant quinze jours» ou « jusqu'au… inclus».
  • Si la prise de médicaments ne doit pas être interrompue brusquement ou sans avis médical, cela doit être précisé au patient et inscrit sur l'ordonnance.
  • La signature du médecin doit être apposée immédiatement sous la dernière ligne de la prescription afin d'éviter les ajouts et les fraudes.
Prescription d'une spécialité pharmaceutique
L'ordonnance mentionne les principes actifs des médicaments, désignés par leur dénomination commune internationale (DCI) – obligation depuis le 1 er janvier 2015 – ou, à défaut, leur dénomination dans la Pharmacopée européenne ou française.
La DCI introduit un « langage international» établi par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et commun à tous à travers le monde, ce qui permet de sécuriser davantage la prescription des médicaments et de favoriser le bon usage qu'en font les patients. Des exemples sont fournis dans le tableau 37-1
Tableau 37-1
Exemples d'emploi de la dénomination commune internationale plutôt que du nom de la spécialité
Nom de la spécialité
(désormais à proscrire sur l'ordonnance)
Dénomination commune internationale
(respect des bonnes pratiques de prescription)
Alphagan®Brimonidine
Azyter®Azithromycine
Chibro-Cadron®Dexaméthasone + néomycine
Ciloxan®Ciprofloxacine
Lumigan®Bimatoprost
Mydriaticum®Tropicamide
Timoptol®Timolol
Trusopt®Dorzolamide
Vexol®Rimexolone
Zovirax®Aciclovir
.
Pourquoi prescrire en dénomination commune internationale (DCI)?
La DCI d'un médicament correspond au nom de la substance active qui le compose; c'est le nom scientifique du produit. Une même substance active peut être présente dans des dizaines de médicaments de noms de marques différents. Contrairement au nom de marque du médicament, la DCI peut délivrer des informations clés permettant de reconnaître les substances d'un même groupe pharmacologique ou chimique; par exemple, le suffixe « -olol» désigne la famille des bêta-bloquants, « prost» celle des prostaglandines, etc. La DCI fournit de cette manière des indications sur le mode d'action des médicaments et les éventuels risques d'interaction.
De même, en améliorant la compréhension de l'ordonnance par le patient, la prescription en DCI limite les risques de confusion entre plusieurs substances, facilite le repérage des doublons et cumuls de doses, et offre au patient, lorsqu'il voyage à l'étranger, la possibilité de bénéficier de son traitement sans risque d'erreur. Ainsi, en facilitant le partage de l'information sur la base d'un langage commun à tous, la prescription en DCI favorise le bon usage des médicaments.
Si le prescripteur estime qu'il y a un risque d'incompréhension du traitement par le patient, ou qu'il est nécessaire que ce dernier s'en tienne à une seule et même spécialité pour la durée de son traitement, il a la possibilité d'adjoindre un nom de marque à la DCI, qu'il s'agisse d'un princeps ou d'un médicament générique. Cela permet de garantir la dispensation du médicament le mieux adapté à la situation du patient.
En pratique, l'utilisation d'un logiciel d'aide à la prescription (LAP) certifié s'avère très utile pour prescrire en DCI. L'Assurance maladie offre des incitations financières aux médecins qui équipent leur cabinet de ces logiciels certifiés.
Devant une prescription en DCI, quel médicament dispense le pharmacien?
La prescription en DCI n'implique pas nécessairement la délivrance d'un médicament générique.
Prescription d'une spécialité sans nom de marque (DCI pure)
Toutefois, pour certains types de traitements (anticoagulants oraux, antiépileptiques, etc.), pour certaines formes pharmaceutiques ou voies d'administration, ou encore pour des patients en situation clinique particulière (patients allergiques à certains excipients, personnes âgées de plus de 75 ans, etc.), le changement de spécialité pharmaceutique par rapport au traitement habituel n'est pas recommandé. Il convient dans ces cas de s'en tenir à une seule et même spécialité.
Prescription d'une spécialité associée à un nom de marque
La prescription doit comporter des informations concernant le médicament prescrit :
  • le nom du médicament en DCI;
  • le dosage – pondéral : 1 mg, 100 mg, etc; ou en concentration : 1 mg/ml, etc.;
  • la forme pharmaceutique : comprimé, collyre, suspension buvable, etc.;
  • la voie d'administration : voie orale, voie oculaire (conjonctivale), etc.;
  • la posologie : une goutte quatre fois par jour, un comprimé matin et soir, etc.;
  • le mode d'emploi : le matin à jeun, après les repas, avant le coucher, éviter la conduite automobile ou le vélo dans les 12 heures qui suivent l'administration, etc.
Dans certains cas, comme un collyre à « reconstituer», préciser que c'est au patient de réaliser l'ouverture du flacon, l'introduction du solvant et la dissolution elle-même. Il est également possible de préciser que le pharmacien dispensateur peut réaliser cette opération si le patient n'est pas sûr de ses gestes. Par ailleurs :
  • s'il s'agit d'une préparation à faire réaliser par le pharmacien, la formule de la préparation magistrale doit être détaillée;
  • la durée du traitement doit être précisée;
  • le nombre d'unités de conditionnement à dispenser doit être précisé.
La prescription doit comporter des informations concernant le patient
L'ordonnance doit mentionner, concernant le patient :
  • les nom et prénom;
  • le sexe;
  • la date de naissance;
  • si nécessaire, la taille et le poids du patient.
Devant une prescription en DCI d'une spécialité associée à un nom de marque, le pharmacien conserve son droit de substitution lorsque la spécialité prescrite est « génériquée». Il peut substituer à la spécialité prescrite un médicament générique utilisant le même principe actif, à condition que le prescripteur n'ait pas exclu cette possibilité pour des raisons particulières liées à la situation du patient. Le médecin peut, en effet, si cela est justifié, exclure la possibilité de la substitution de sa prescription par une spécialité générique. L'article L. 5125-23 du CSP dispose que le praticien doit alors apposer sur l'ordonnance la mention manuscrite « non substituable» au regard de la dénomination de la spécialité prescrite.
Tout médecin peut recourir à un LAP certifié, conformément à l'article L. 161-38 du Code de la Sécurité sociale.
Durée de validité d'une ordonnance médicale
Délivrance de médicaments
  • Dans la majorité des cas, le patient dispose d'un délai de 3 mois pour utiliser son ordonnance et demander la délivrance de ses médicaments auprès d'une pharmacie.
  • La durée du traitement prescrit sur l'ordonnance est d'un an au maximum.
  • Dans certains cas, l'ordonnance peut faire l'objet d'un renouvellement.
  • Il existe des cas dans lesquels le médecin est tenu de limiter la prescription dans le temps.
Quelques exemples de cas particuliers pour lesquels les durées de prescription et les conditions de renouvellement diffèrent sont indiqués dans le tableau 37-2
Tableau 37-2
Exemples de cas particuliers de traitements pour lesquels durées de prescription et conditions de renouvellement diffèrent
Durée de validité maximale du traitementRenouvellement
Hypnotiques4 semaines Interdit
Anxiolytiques12 semaines Autorisé
Contraceptifs12 mois Autorisé
Stupéfiants et apparentés28 jours Interdit
Dérivés de la vitamine A (isotrétinoïne, alitrétinoïne, acitrétine) à risque tératogène pour les femmes en âge de procréer 1 mois Interdit
.
Acte ou examen médical
Les ordonnances concernant des examens médicaux ne possèdent pas de date limite de validité. Il faut toutefois savoir qu'il est fortement recommandé d'effectuer l'examen demandé par le médecin dans les plus brefs délais.
Validité des ordonnances relatives aux lunettes ou lentilles
La durée de validité de l'ordonnance médicale dépend de l'âge du patient (tableau 37-3
Tableau 37-3
Durée de validité de l'ordonnance médicale pour des lunettes ou des lentilles
ÂgeValidité de l'ordonnance
Pour les lunettes de vueJusqu'à 15 ans 1 an
De 16 à 42 ans 5 ans
À partir de 43 ans 3 ans
Pour des lunettes casséesJusqu'à 15 ans 1 an – valable pour une seule utilisation
À partir de 16 ans 3 ans – pour l'obtention de verres identiques à ceux qui ont été cassés
Pour les lentilles de contactJusqu'à 15 ans 1 an
À partir de 16 ans 3 ans
).
Une fois la date de validité d'une ordonnance médicale dépassée, il n'est plus possible de demander la délivrance de médicaments à un pharmacien, de faire remplacer les lunettes, etc. Il faut alors consulter à nouveau le médecin prescripteur afin de bénéficier d'une nouvelle ordonnance médicale.
Dans le cas de maladies chroniques, comme le glaucome, on tolère l'utilisation d'une ordonnance renouvelable expirée afin d'éviter toute interruption du traitement. Cette utilisation doit toutefois être exceptionnelle. Le patient de se rendre le plus rapidement possible chez son médecin afin d'obtenir une nouvelle ordonnance médicale. À noter qu'en cas d'ordonnance expirée, le pharmacien limite souvent le nombre de boîtes de médicaments accordées au patient. Il s'agit simplement de l'aider en attendant le renouvellement de son traitement.
Ordonnances perdues, volées ou falsifiées
L'Ordre des médecins recommande de toujours conserver une copie de chaque ordonnance rédigée.
Que faire en cas de perte, vol ou falsification?
En cas de perte ou de vol supposé d'ordonnances simples ou d'un tampon, il est fortement recommandé de faire une déclaration sans délai aux autorités de police. L'article R. 5132-4 du CSP précise que, s'il s'agit d'ordonnances dites sécurisées, le médecin doit faire obligatoirement cette démarche. En effet, ce type d'ordonnance est indispensable à la prescription de médicaments stupéfiants ou psychotropes.
Ordonnances sécurisées
Depuis le décret n° 99-249 du 31 mars 1999, « toute prescription de médicaments ou produits qui renferment des substances vénéneuses doit être rédigée, après examen du malade, sur une ordonnance répondant à des spécifications techniques». La mise en place des ordonnances dites sécurisées a mis fin à la prescription des stupéfiants sur les carnets à souches.