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Chapitre 2
Virologie appliquée aux infections oculaires (hors méthodes diagnostiques)

D. Boutolleau, S. Burrel

Introduction
De nombreux virus sont impliqués dans les infections virales oculaires. Ces infections peuvent toucher l'ensemble des composantes de l'œil ainsi que les annexes oculaires et mettre en jeu la fonction visuelle à plus ou moins long terme. Elles peuvent correspondre à une infection locale limitée aux tissus oculaires (par exemple kératite herpétique), ou bien survenir dans un contexte d'infection systémique (par exemple infection respiratoire, arbovirose, maladie à virus Ebola). L'œil possède différents mécanismes de défense contre les infections virales. Le pronostic des infections virales oculaires est variable : les conjonctivites à adénovirus entraînent généralement peu de complications oculaires. D'autres infections oculaires peuvent en revanche être à l'origine de complications graves, comme des cicatrices cornéennes après kératite herpétique ou un décollement de rétine après rétinite à cytomégalovirus (CMV) . Pour un même virus, la fréquence et le pronostic des différentes formes d'atteinte oculaire peuvent être très différents : les kératites dues au virus herpes simplex 1 (HSV-1) ou au virus de la varicelle et du zona (VZV) sont relativement fréquentes et entraînent une perte fonctionnelle définitive dans une minorité des cas, tandis que les rétinites nécrosantes aiguës (RNA) dues à ces mêmes virus sont rares mais très sévères et constituent des urgences fonctionnelles absolues.
Dans ce chapitre seront abordées les infections virales oculaires les plus fréquentes ainsi que celles pouvant être observées au cours des viroses émergentes.
Notions générales sur les infections virales oculaires et périoculaires
Les infections virales peuvent toucher l'ensemble des tissus oculaires. On distingue ainsi les infections oculaires superficielles (conjonctivites, kératites) et les infections endo-oculaires (uvéites, choroïdites, rétinites). Par ailleurs, les infections virales peuvent toucher les paupières (blépharites) ou les sacs lacrymaux (dacryocystites). De nombreux virus peuvent être responsables de ces différentes infections oculaires [1-2-3-4-5] (tableau 2-1
Tableau 2-1
Principales infections virales oculaires et périoculaires.
VirusConjonctiviteKératiteUvéite antérieureRétiniteChoroïditeChoriorétiniteBlépharite
Dacryocystite
Virus herpes simplex (HSV)XXXX
Virus varicelle-zona (VZV)XXXXX
Cytomégalovirus (CMV)XX
AdénovirusXXX
Virus du molluscum contagiosumXX
Papillomavirus humainsX
EntérovirusXX
RhinovirusX
Virus de la rougeoleXXXX
Virus des oreillonsXX
Virus de la rubéoleXX
Virus du chikungunyaXXX
Virus de la dengueX
Virus ZikaXX
Virus West NileX
Virus de la fièvre de la vallée du RiftX
Virus EbolaXXX
Coronavirus associé au syndrome respiratoire aigu sévère 2 (SARS-CoV-2) X
Virus influenzaXXX
et fig. 2-1
Fig. 2-1
Aspect des particules virales en microscopie électronique.
a. Virus herpes simplex (HSV) (Pierre Lebon). b. Virus de la varicelle et du zona (VZV) (Philippe Roingeard). c. Adénovirus (Philippe Roingeard). d. Entérovirus (Pierre Lebon). e. Virus de la rougeole (Pierre Lebon).
Source : Mourez T, Burrel S, Boutolleau D, Pillet S. Traité de virologie médicale 2 e éd. Société Française de Microbiologie. 2019. Reproduites avec l'autorisation de la Société Française de Microbiologie (SFM).
).
Mécanismes de défense de l'œil
L'œil et ses annexes constituent un compartiment muqueux de l'organisme, de petite taille, à l'interface avec le monde extérieur, et dont les structures externes sont dotées de différents systèmes de défense contre les agents infectieux [ 6 , 7]. Le film lacrymal, tout d'abord, agit en synergie avec le clignement des paupières pour assurer l'évacuation des corps étrangers, débris épithéliaux, agents toxiques ou infectieux. Il est par ailleurs riche en lactoferrine et en lysozyme qui possèdent des propriétés anti-infectieuses et anti-inflammatoires. Ce film lacrymal contient de plus des immunoglobulines d'isotype A (IgA) sécrétées par le tissu lymphoïde associé aux muqueuses de l'œil. Ces IgA sécrétoires , qui représentent la grande majorité des immunoglobulines sécrétées par les glandes lacrymales, sont polyspécifiques et participent à l'élimination d'éventuels agents pathogènes. Les cellules basales de l'épithélium cornéen expriment des TLR ( Toll-like receptors ) capables de reconnaître des structures moléculaires conservées au sein des agents pathogènes ( pathogen-associated molecular patterns ou PAMP). L'activation de ces récepteurs de l'immunité innée entraîne la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires et de chimiokines. Enfin, la surface oculaire est colonisée par une flore commensale (microbiote oculaire) constituée principalement de bactéries appartenant aux genres Pseudomonas , Propionibacterium , Acinetobacter et Corynebacterium [ 8]. Quelques études ont également décrit l'existence d'un virome oculaire normal et présent chez les individus sains [ 9]. Ce microbiote permet le maintien de l'homéostasie oculaire et son altération peut favoriser l'implantation de microbes pathogènes extérieurs.
À l'inverse, il existe une relative inaccessibilité des compartiments oculaires internes au système immunitaire. Ce privilège immunitaire oculaire explique le caractère très rapidement évolutif et la gravité de certaines infections virales qui constituent des urgences fonctionnelles absolues, même chez les individus immunocompétents (par exemple les RNA). Différents éléments participent à l'existence de ce privilège immunitaire oculaire. Tout d'abord, aucune vascularisation sanguine ou lymphatique n'est présente dans la cornée, le corps vitré et l'humeur aqueuse. De plus, les diverses barrières hémato-oculaires , en continuité de la barrière hémato-encéphalique, contrôlent très étroitement la diffusion de l'eau et des molécules dans l'œil. Toutefois, leur stringence est diminuée en cas d'infection ou d'inflammation. Enfin, il existe des mécanismes locaux inhibiteurs de la réponse immunitaire : certaines cellules oculaires résidantes (cellules gliales de la rétine et de l'épithélium pigmenté, cellules endothéliales de la cornée ou épithéliales de l'iris et du corps ciliaire) sont capables d'inhiber les lymphocytes T activés par contacts intercellulaires; le segment postérieur est pauvre en cellules exprimant des molécules du complexe majeur d'histocompatibilité de classe II (CMH-II) capables de jouer un rôle de cellules présentatrices d'antigènes, et les fluides oculaires contiennent de nombreux composants solubles inhibiteurs, comme le TGF-β ( transforming growth factor beta ) produit par les cellules oculaires résidentes [6 , 7].
Physiopathologie des infections oculaires virales
À l'instar des atteintes virales d'autres organes, les dégâts tissulaires provoqués par les infections oculaires virales peuvent résulter de deux phénomènes : une atteinte virale directe suite à la multiplication du virus dans les tissus (fig. 2-2
Fig. 2-2
Effets cytopathiques (ECP) viraux en culture de fibroblastes humains.
a. Cellules non infectées. b. Cellules infectées par le virus herpes simplex (HSV). c. Cellules infectées par le virus de la varicelle et du zona (VZV). d. Cellules infectées par le cytomégalovirus (CMV) (grossissement ×40).
), et aussi une atteinte indirecte, conséquence des désordres immunologiques induits par la multiplication virale [ 6 , 7]. En effet, la réponse immunitaire antivirale s'accompagne de divers processus physiopathologiques pouvant engendrer des dégâts tissulaires collatéraux : réponse inflammatoire intense, infiltration lymphocytaire, hypersensibilité retardée, atteinte de nature auto-immune. Ce phénomène peut être illustré par les différentes formes cliniques des atteintes oculaires herpétiques. Les kératites épithéliales sont la conséquence quasi exclusive de la multiplication du HSV-1 dans l'épithélium cornéen : le virus atteint les cellules de l'épithélium cornéen par les nerfs du plexus sous-épithélial (émanant du nerf trijumeau) et la multiplication virale entraîne une nécrose tissulaire de proche en proche, dont l'aspect dendritique est très évocateur. À l'inverse, les kératites stromales non nécrotiques traduisent un mécanisme immunopathologique en réponse à la multiplication virale, avec recrutement d'un infiltrat cellulaire dans le stroma cornéen à l'origine de l'opacification et de la néovascularisation de ce tissu normalement transparent et avasculaire. Cet aspect physiopathologique est la conséquence de l'activation intracornéenne de lymphocytes T CD4 + spécifiques du HSV-1 [10 , 11].
Modèles animaux
L'expérimentation en modèle animal est un outil indispensable à l'étude des atteintes oculaires virales chez l'être humain. Il existe notamment des modèles murins de la kératite et de la rétinite herpétique, ou encore de la rétinite à CMV [12-13-14]. Ces modèles permettent notamment de mieux comprendre la physiopathologie des infections oculaires et de tester l'efficacité de nouveaux traitements antiviraux.
Virus impliqués dans les infections oculaires
Les virus responsables d'infections oculaires sont nombreux. Ils appartiennent à plusieurs familles virales et possèdent différentes caractéristiques structurales (tableau 2-2
Tableau 2-2
Classification et caractéristiques structurales des virus impliqués dans les infections oculaires et périoculaires.
FamilleVirusGénomeCapsideEnveloppe
HerpesviridaeVirus herpes simplex (HSV)ADN bicaténaireIcosaédriqueOui
Virus varicelle-zona (VZV)ADN bicaténaireIcosaédriqueOui
Cytomégalovirus (CMV)ADN bicaténaireIcosaédriqueOui
AdenoviridaeAdénovirusADN bicaténaireIcosaédriqueNon
PoxviridaeVirus du molluscum contagiosumADN bicaténaireHélicoïdaleOui
PapillomaviridaePapillomavirus humainsADN bicaténaireIcosaédriqueNon
PicornaviridaeEntérovirusARN monocaténaire (+)IcosaédriqueNon
RhinovirusARN monocaténaire (+)IcosaédriqueNon
ParamyxoviridaeVirus de la rougeoleARN monocaténaire (–)HélicoïdaleOui
Virus des oreillonsARN monocaténaire (–)HélicoïdaleOui
TogaviridaeVirus de la rubéoleARN monocaténaire (+)IcosaédriqueOui
Virus du chikungunyaARN monocaténaire (+)IcosaédriqueOui
FlaviviridaeVirus de la dengueARN monocaténaire (+)IcosaédriqueOui
Virus ZikaARN monocaténaire (+)IcosaédriqueOui
Virus West NileARN monocaténaire (+)IcosaédriqueOui
PhenuiviridaeVirus de la fièvre de la vallée du RiftARN monocaténaire (–) segmentéHélicoïdaleOui
FiloviridaeVirus EbolaARN monocaténaire (–)HélicoïdaleOui
CoronaviridaeCoronavirus associé au syndrome respiratoire aigu sévère 2 (SARS-CoV-2) ARN monocaténaire (+)HélicoïdaleOui
OrthomyxoviridaeVirus influenzaARN monocaténaire (+) segmentéHélicoïdaleOui

ADN : acide désoxyribonucléique; ARN : acide ribonucléique; (+) : polarité positive du génome viral; (–) : polarité négative du génome viral.


). Toutefois, les virus les plus fréquemment identifiés dans les pathologies oculaires sont les herpèsvirus et les adénovirus [ 2 , 5].
Herpèsvirus
Les herpèsvirus sont des virus à ADN (acide désoxyribonucléique) enveloppés largement répandus dans la population générale. Tous les herpèsvirus peuvent potentiellement être responsables d'atteintes oculaires, mais les HSV-1 , VZV et CMV sont de très loin les plus souvent impliqués. Suite à la primo-infection, les herpèsvirus ont la capacité de persister dans l'organisme de leur hôte à vie sous forme latente, avec la possibilité de se réactiver, pouvant entraîner des récurrences cliniques. Les HSV-1 et le VZV sont des virus dermoneurotropes qui établissent leur latence dans les neurones sensitifs (fig. 2-3
Fig. 2-3
Physiopathologie de la kératoconjonctivite herpétique Kératoconjonctivite herpétique .
Lors de la primo-infection, le HSV-1 se multiplie au niveau des cellules épithéliales de la muqueuse orale, généralement de façon asymptomatique, parfois symptomatique (gingivostomatite dans 10 % des cas de primo-infection). Le virus atteint les terminaisons nerveuses sensitives et est transporté par voie neuronale centripète vers le ganglion de Gasser (ganglion trigéminé) où il établit sa latence. Divers stimuli peuvent entraîner une réactivation virale dans le ganglion nerveux sensitif. Le virus est alors transporté en périphérie par la voie neuronale centrifuge jusqu'aux cellules épithéliales de la conjonctive et de la cornée où il se multiplie activement, ce qui explique les signes cliniques de kératite et/ou de conjonctivite herpétique.
Dessin Cyrille Martinet (d'après la figure originale des auteurs).
).
Le HSV-1 est principalement responsable d'atteintes du segment antérieur de l'œil, qui sont très majoritairement unilatérales. Toutes les atteintes sont possibles (blépharite , conjonctivite , kératite , uvéite antérieure , rétinite), mais ce sont de loin les kératites les plus fréquentes [ 10]. En France, l'incidence annuelle a été estimée à 31,5 cas pour 100000 habitants [15]. Les kératites herpétiques récidivantes sont par ailleurs la première cause de cécité unilatérale d'origine infectieuse dans le monde occidental. On distingue les kératites épithéliales, témoignant d'une multiplication virale intense dans l'épithélium cornéen, les kératites stromales, résultant d'une infiltration du stroma cornéen par des cellules inflammatoires et/ou des vaisseaux, les endothélites, avec atteinte de la couche cellulaire cornéenne la plus profonde, et les kératopathies neurotrophiques, correspondant au stade ultime de la maladie.
Les atteintes oculaires par le HSV-2 sont presque uniquement rencontrées dans les infections néonatales [ 10]. Le risque est la survenue à l'âge adulte, lors d'une réactivation virale tardive, d'une rétinite nécrosante potentiellement bilatérale [ 16].
La varicelle peut se compliquer de vésicules palpébrales et s'accompagner d'une atteinte du segment antérieur (conjonctive, kératite ou uvéite) d'évolution généralement favorable. Le zona ophtalmique, qui représente 10 % à 20 % de tous les zonas, se complique dans la moitié des cas d'atteintes oculaires similaires à celles liées au HSV-1 (kératite et uvéite en premier lieu). Une des complications redoutables du zona ophtalmique est l'apparition de névralgies post-zostériennes avec des symptômes de type paresthésies, allodynies et douleurs neurogènes [4 , 17]. Le CMV est responsable de rétinite nécrosante chez l'individu immunodéprimé et d'atteinte unilatérale du segment antérieur (kératite endothéliale, uvéite) chez l'individu immunocompétent. Les infections oculaires par le CMV peuvent parfois réaliser des tableaux particuliers d'uvéite (syndrome de Posner-Schlossman) ou d'iridocyclite de Fuchs [2 , 5 , 18].
Adénovirus
Les adénovirus sont des virus nus à ADN très résistants dans le milieu extérieur. Les 80 types d'adénovirus décrits à ce jour se répartissent au sein de sept espèces différentes (A à G). L'espèce D est la plus fréquemment impliquée dans les infections oculaires. Les kératoconjonctivites et les conjonctivites dues aux adénovirus représentent la majorité (environ 75 %) des infections de la surface oculaire d'origine virale [19 , 20].
On distingue trois formes cliniques :
  • la kératoconjonctivite épidémique : c'est la forme la plus fréquente qui touche à la fois l'épithélium conjonctival et cornéen avec, dans les cas sévères, la formation de pseudomembranes conjonctivales et/ou d'opacités cornéennes sous-épithéliales. Cette forme peut être à l'origine d'épidémies dans les structures de soins (service d'ophtalmologie, maison de repos). Elle est notamment due aux types 8, 19 et 37;
  • la fièvre adéno-pharyngo-conjonctivale : cette forme se caractérise par une fièvre, une pharyngite, une conjonctivite folliculaire et des adénopathies. Elle est plus fréquemment observée dans les crèches, les écoles, les centres aérés et les colonies de vacances. Elle est due préférentiellement aux types 4 et 7;
  • la conjonctivite folliculaire isolée : aucune atteinte systémique ou cornéenne n'est observée dans cette forme. Les types 2, 4 et 6 sont le plus souvent impliqués.
Entérovirus
Les entérovirus sont des petits virus nus à ARN (acide ribonucléique) très résistants dans le milieu extérieur. Au sein de la famille des Picornaviridae , ils sont répartis en quatre espèces (A à D) et comptent plus d'une centaine de types. Certains entérovirus sont responsables de kératoconjonctivites sévères, volontiers hémorragiques , extrêmement contagieuses et d'évolution généralement favorable : l'entérovirus D70 (EV-D70) et un variant antigénique du coxsackievirus A24 (CV-A24v) [21].
Virus de la rougeole, des oreillons et de la rubéole
Ces virus à ARN de la famille des Paramyxoviridae (rougeole, oreillons) ou des Togaviridae (rubéole), généralement à l'origine de maladies infantiles, peuvent être responsables d'atteintes oculaires. Une conjonctivite folliculopapillaire peut être observée au cours de la rougeole, rarement accompagnée du classique signe de Köplik conjonctival et, parfois, une kératite superficielle. Les oreillons peuvent se compliquer de conjonctivite, d'épisclérite et, plus rarement, de dacryoadénite. La rubéole congénitale peut provoquer des malformations oculaires extrêmement sévères. Le virus de la rubéole peut également provoquer des uvéites chroniques [ 2 , 5 , 22].
Virus des infections respiratoires
Les virus grippaux (virus influenza) peuvent entraîner une conjonctivite catarrhale, folliculaire, avec parfois des hémorragies sous-conjonctivales. Des atteintes cornéennes sont rarement observées. Les rhinovirus peuvent occasionnellement être responsables de conjonctivite. Des atteintes conjonctivales peuvent être observées au cours de la COVID-19 ( coronavirus disease 2019 ) due à l'infection par le SARS-CoV-2 (coronavirus associé au syndrome respiratoire aigu sévère 2) [2 , 5 , 6 , 23].
Arbovirus
Les arbovirus responsables d'infections oculaires sont un ensemble hétérogène de virus à ARN appartenant à des familles virales différentes ( Flaviviridae , Togaviridae , Phenuiviridae ), mais qui partagent un même mécanisme de transmission par piqûre ou morsure d'un arthropode hématophage : moustique, tique, phlébotome ou culicoïde à partir d'un réservoir animal ou d'un individu infecté. La France d'outre-mer, et maintenant la métropole française, suite au réchauffement climatique, sont concernées. Le virus de la dengue est souvent responsable de pétéchies conjonctivales, parfois accompagnées d'une inflammation du segment postérieur. La maladie à virus Zika peut s'accompagner à la phase aiguë de conjonctivites non purulentes et, plus rarement, de manifestations oculaires inflammatoires. L'infection congénitale peut entraîner des anomalies choriorétiniennes et papillaires, généralement associées à une microcéphalie. L'infection par le virus West Nile peut se compliquer d'uvéites postérieures, notamment dans les formes neurologiques de la maladie. L'infection par le virus du chikungunya s'accompagne très fréquemment d'une hyperthermie conjonctivale et de douleurs rétro-orbitaires. Des cas de kératite ont également été rapportés. Enfin, le virus de la fièvre de la vallée du Rift est responsable d'atteintes du segment postérieur de l'œil et de conjonctivites [24-25-26-27-28].
Virus Ebola
Le virus Ebola est un virus à ARN enveloppé de la famille des Filoviridae . À la phase aiguë de la maladie à virus Ebola, une hyperthermie conjonctivale est souvent observée. La phase de convalescence peut s'accompagner de manifestations inflammatoires potentiellement sévères (uvéite antérieure ou postérieure, panuvéite, névrite optique) qui témoignent d'une persistance virale dans les tissus oculaires [29].
Autres virus
Le virus du molluscum contagiosum Molluscum contagiosum es Poxviridae ) et certains papillomavirus Papillomavirus humain humains (famille des Papillomaviridae ) peuvent être à l'origine d'atteintes de la paupière ou de la marge palpébrale ainsi que de conjonctivites [30-31-32].
Points à retenir
  • Il existe de nombreux virus responsables d'infections oculaires et périoculaires.
  • Ils appartiennent à diverses familles virales et possèdent des caractéristiques structurales différentes.
  • Les virus les plus fréquemment identifiés dans les pathologies oculaires sont les herpèsvirus (le virus herpes simplex 1 [HSV-1], le virus de la varicelle et du zona [VZV], le cytomégalovirus [CMV]) et les adénovirus.
  • Les structures externes de l'œil sont dotées de différents systèmes de défense contre les virus, alors que les compartiments oculaires internes sont relativement inaccessibles au système immunitaire (privilège immunitaire oculaire).
  • Les atteintes oculaires liées aux virus résultent de la combinaison des effets de la multiplication virale et des désordres immunologiques induits.
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