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Chapitre 29
Infections oculaires à Chlamydiae

A. Rousseau, E. Paulet, M. Labetoulle, S. Resnikoff

Introduction
Les Chlamydiae sont responsables d'un large spectre de tableaux cliniques allant du trachome aux infections génitales, en passant par les arthrites réactionnelles et les pneumopathies. Les atteintes oculaires les plus fréquemment causées par ces bactéries sont des infections de surface aiguës ou chroniques. Toutefois, des inflammations intraoculaires (uvéite antérieure) et des lymphomes conjonctivaux ont également été associés à ces agents pathogènes ubiquitaires.
Données bactériologiques
Les Chlamydiae sont des bactéries à Gram négatif à développement intracellulaire obligatoire rencontrées chez de très nombreuses espèces de vertébrés et d'invertébrés [1]. Elles pénètrent dans la cellule sous forme de corps élémentaires (CE) – forme infectante mais métaboliquement inactive –, englobés dans une vacuole dans laquelle ils se transforment en corps intermédiaires (CI), puis en corps réticulés (CR). Elles survivent dans les vacuoles cytoplasmiques grâce à leur capacité d'inhiber le complexe de fusion phagosome-lysosome, puis s'y multiplient. La vacuole devient alors une grande inclusion basophile pendant 24 à 72 heures avant d'éclater en libérant des CE qui infectent d'autres cellules. Seuls les CR sont sensibles aux antibiotiques.
Dans certaines conditions, notamment en présence d'interféron γ, le cycle de développement est altéré : les Chlamydiae se différencient en corps persistants (CP), qui ne se multiplient pas, mais contribueraient à une stimulation antigénique chronique et à une inhibition de l'apoptose, potentiellement impliqués dans le développement de lymphoproliférations (voir ci-dessous) [ 2].
Parmi les Chlamydiae , C. trachomatis est le plus grand pourvoyeur d'atteintes oculaires. Son réservoir est strictement humain. On distingue 19 sérovars groupés en deux biovars, Trachoma (15 sérovars, dont A à C sont impliqués dans le trachome, et D à K dans les infections urogénitales et oculaires, c'est-à-dire conjonctivites à inclusions du nouveau-né et de l'adulte) et Lymphogranuloma venereum (LGV, 4 sérovars, avec atteintes oculaires dans le cadre de la lymphogranulomatose vénérienne).
C. psitacci provoque surtout des pneumopathies graves chez les sujets en contact avec les oiseaux porteurs de la bactérie, et est associé à la survenue de lymphomes des annexes oculaires [2 , 3].
C. pneumoniae est responsable d'infections respiratoires hautes (sinusites, pharyngites) et basses (bronchites, pneumopathie). Le rôle de C. pneumoniae comme co-facteur de pathologies oculaires chroniques a été évoqué [ 4].
Formes cliniques
Conjonctivite à inclusion du nouveau-né
Il s'agit d'une cause classique de conjonctivite néonatale dont la fréquence diminue nettement dans les pays industrialisés [5]. La bactérie est transmise par la mère infectée lors du passage de la filière génitale. La conjonctivite débute au cours du 1 er mois de vie, classiquement entre le 5 e et le 14 e jour (dans 90 % des cas avant 20 jours [6]). Initialement unilatérale, elle se bilatéralise dans la moitié des cas. Le tableau clinique associe œdème palpébral, hyperhémie conjonctivale, conjonctivite papillaire parfois pseudomembraneuse, avec sécrétions conjonctivales mucopurulentes, et même hématiques (très évocatrices) [ 6]. L'atteinte cornéenne (ulcération, pannus séquellaire) est rare. Une infection des voies aériennes inférieures est présente dans 50 % des cas. Il est important d'éliminer une infection gonococcique associée (PCR combinée). Le traitement repose sur une combinaison de collyre à l'azithromycine avec un traitement oral par macrolides (érythromycine 50 mg/kg/j pendant 15 jours ou azithromycine 20 mg/kg/j pendant 3 jours) [ 7].
Conjonctivite à inclusion de l'adulte
Cette conjonctivite résulte d'un contact avec des sécrétions génitales infectées, surtout via les mains ou le linge contaminé, parfois par des eaux contaminées insuffisamment chlorées ( conjonctivite des piscines ). La période d'incubation est de 2 à 20 jours. Ces conjonctivites prennent l'aspect de conjonctivites folliculaires chroniques [ 1]. Le dépistage des atteintes extraoculaires et le traitement des partenaires doivent être proposés [8].
Syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter
Ce syndrome immuno-infectieux survient plusieurs semaines après une infection digestive ou urogénitale par C. trachomatis , le plus souvent chez le jeune adulte, avec une prédominance masculine et en cas de portage de l'antigène HLA-B27 (40 % à 60 % des cas) [1]. La triade classique associe une urétrite ou une cervicite, une polyarthrite asymétrique et une atteinte oculaire, le plus souvent une conjonctivite papillaire [8], de sévérité très variable [9]. L'agent pathogène pourrait être transmis des voies génitales à l'œil par auto-inoculation [ 1]. Des uvéites non granulomateuses, typiquement à bascule, peuvent également survenir [ 9].
Lymphogranulomatose vénérienne ou maladie de Nicolas-Favre
Cette maladie sexuellement transmissible est causée par les sérovars du biovar LGV. Après une incubation de 3 à 30 jours, une atteinte génitale et un syndrome oculoglandulaire surviennent, avec une conjonctivite papillaire et de volumineuses adénopathies prétragiennes et sous-maxillaires. Une kératite interstitielle et des uvéites antérieures sont possibles [1 , 8]. Le traitement repose sur les antibiotiques systémiques pendant 3 à 4 semaines (érythromycine, doxycycline ou tétracycline).
Lymphomes de la zone marginale des annexes oculaires
Plusieurs éléments ont étayé l'implication de C. psitacci dans la physiopathologie des lymphomes de la zone marginale (lymphomes non hodgkiniens indolents à lymphocytes B) des annexes oculaires : 1) présence de l'ADN bactérien dans 80 % des pièces tumorales, et dans les macrophages circulants de 40 % des patients atteints [ 10]; 2) présence de bactéries intactes dans les macrophages infiltrant les lésions lymphomateuses; 3) viabilité en culture de particules de C. psitacci prélevées sur la surface oculaire de patients atteints de lymphome [ 2]; 4) risque relatif multiplié par huit chez les éleveurs d'animaux; enfin et surtout, 5) efficacité du traitement par doxycycline chez certains patients [3 , 11].
Trachome
Le trachome est une kératoconjonctivite causée par des infections répétées par les sérovars A, B et C de C. trachomatis .
Transmission et épidémiologie
Le trachome est une pathologie liée au manque d'hygiène et à la promiscuité, qui fait partie des 20 « pathologies tropicales négligées» définies par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) [ 12]. La contamination et les ré-infections se font par transmission directe à partir d'objets (notamment linges souillés) ou de mains contaminés par des sécrétions oculaires et nasales. Les mouches de l'espèce Musca sorbens peuvent jouer le rôle de vecteurs passifs [12 , 13]. La distribution géographique correspond globalement à la « ceinture de pauvreté» du globe, elle-même initialement superposée avec les zones tropicales, bien que le trachome ne soit pas déterminé par des facteurs climatiques. Plus la maladie est prévalente dans une population donnée, plus elle y débute tôt [13]. Dans les communautés les plus fortement touchées, la plupart des enfants sont infectés dès l'âge de 1 ou 2 ans. Ceux-ci constituent donc un réservoir d'autant plus vaste qu'ils représentent une proportion importante de la population. Dans les communautés moins atteintes, l'apparition de la maladie est plus tardive et son évolution est souvent moins grave. Le trachome finit par disparaître spontanément dès lors que la prévalence de l'infection descend au-dessous d'un certain seuil, de l'ordre de 5 % des enfants de moins de 10 ans.
Selon les données de l'OMS, le trachome restait un problème de santé publique en 2022 dans 42 pays avec 125 millions de personnes vivant dans les zones d'endémie (principalement en Afrique subsaharienne et en particulier en Éthiopie), dont au moins 1,9 million de patients atteints d'une baisse de vision sévère liée au trachome. Sur les 1,7 million de personnes présentant un entropion trichiasis trachomateux, seulement 70000 ont pu bénéficier d'une chirurgie de paupières [14 , 15].
Histoire naturelle
L'histoire naturelle suit deux phases [ 12]. La première est celle des infections itératives par C. trachomatis qui résultent en une conjonctivite folliculaire chronique . Cette phase inflammatoire correspond à la période contagieuse [ 13]; elle persiste quelques années avant d'évoluer vers la seconde phase, cicatricielle, qui peut suivre deux modalités : trachome cicatriciel bénin (cicatrices conjonctivales modérées) ou trachome cicatriciel grave , avec possibles entropion trichiasis, lésions cornéennes par frottements des cils, voire cécité. On considère classiquement qu'environ 150 ré-infections itératives sont nécessaires pour atteindre le stade d'entropion trichiasis [ 12].
Facteurs épidémiologiques de risque de progression vers une forme cicatricielle grave
Le trachome est généralement plus grave chez les femmes (surtout la fréquence de l'entropion trichiasis), probablement en raison d'une plus grande exposition à l'agent infectieux (contacts répétés avec les enfants trachomateux à tous les âges de la vie). Les autres facteurs de risque identifiés sont le défaut d'hygiène collective, les difficultés d'accès à l'eau, la promiscuité et le manque d'hygiène du visage [ 13]. Tous ces facteurs ont en commun le risque de ré-infections et donc l'intensité de l'inflammation conjonctivale chronique.
Pathogénie
C. trachomatis infecte les cellules épithéliales. Si la réponse immunitaire humorale joue un rôle mineur dans la réponse anti-infectieuse, l'immunité cellulaire entraîne la formation de follicules lymphoïdes sous-conjonctivaux associés à un infiltrat inflammatoire [ 13]. L'inflammation chronique entraîne un amincissement de l'épithélium conjonctival et une raréfaction des cellules à mucus. Sous l'épithélium atrophié, des travées de tissu cicatriciel dense remplacent le stroma normal. En conditions expérimentales chez le primate, une inoculation isolée par C. trachomatis ne provoque qu'une conjonctivite bénigne et résolutive sans séquelle, et des inoculations oculaires répétées sont nécessaires pour observer une inflammation sévère cliniquement comparable au trachome grave [16]. Les effecteurs biologiques qui entraînent et aggravent le processus cicatriciel restent cependant mal connus. L'intensité de l'inflammation et la durée cumulée de l'infection chlamydienne chez l'enfant augmentent le risque de fibrose conjonctivale grave à long terme.
Cependant, C. trachomatis n'est que rarement isolé chez l'adulte, même en zone d'hyperendémie, ce qui suggère que d'autres éléments interviennent dans la progression du processus cicatriciel. Les infections bactériennes non chlamydiennes [17], ou même une simple dérégulation du microbiote conjonctival normal pourraient induire ou intensifier la réponse cicatricielle sur le long cours [ 18].
Signes cliniques
Lors la phase inflammatoire, les signes fonctionnels sont souvent discrets : gêne oculaire, picotements, sensation de sable dans les yeux. Lors de la phase cicatricielle, les signes subjectifs sont ceux d'une sécheresse oculaire. Dans les cas sévères, notamment lorsqu'il existe un entropion trichiasis associé, on note un larmoiement et une photophobie dus aux érosions cornéennes. La baisse d'acuité visuelle, liée à l'opacification cornéenne, est tardive. L'irritation et les douleurs oculaires sont en revanche bien plus précoces et altèrent significativement la qualité de vie des patients atteints d'entropion-trichiasis, même mineur [19].
Le trachome actif, encore appelé trachome inflammatoire ou trachome floride , est caractérisé par la présence de trois signes très évocateurs : 1) une conjonctivite papillaire associée à un œdème conjonctival qui estompe plus ou moins le réseau vasculaire sous-jacent (fig. 29-1a
Fig. 29-1
Aspects de la conjonctive tarsale supérieure dans le trachome actif.
a. Trachome folliculaire (TF). b. Inflammation trachomateuse intense. Œdème conjonctival avec vaisseaux rendus invisibles.
); 2) des follicules conjonctivaux , prédominant sur la conjonctive tarsale supérieure, et se localisant parfois au limbe (fig. 29-1b
Fig. 29-1
Aspects de la conjonctive tarsale supérieure dans le trachome actif.
a. Trachome folliculaire (TF). b. Inflammation trachomateuse intense. Œdème conjonctival avec vaisseaux rendus invisibles.
); 3) un pannus cornéen , qui progresse du limbe supérieur vers le centre de la cornée. Il est précédé d'une kératite ponctuée superficielle.
Dans le trachome cicatriciel, il n'y a plus ni follicules, ni papilles; en revanche, la conjonctive tarsale est parcourue de lésion de fibrose linéaires (fig. 29-2a
Fig. 29-2
Aspect de la conjonctive tarsale supérieure dans le trachome cicatriciel.
a. Lésions de fibrose linéaire. b. Ligne d'Arlt. c. Concrétions jaunâtres sur une conjonctive remaniée. d. Fossettes ou ocelles d'Herbert.
), parfois d'une ligne de fibrose horizontale épaisse (ligne d'Arlt , très évocatrice; fig. 29-2b
Fig. 29-2
Aspect de la conjonctive tarsale supérieure dans le trachome cicatriciel.
a. Lésions de fibrose linéaire. b. Ligne d'Arlt. c. Concrétions jaunâtres sur une conjonctive remaniée. d. Fossettes ou ocelles d'Herbert.
). Le tarse est déformé, bosselé, parfois couvert de concrétions jaunâtres (fig. 29-2c
Fig. 29-2
Aspect de la conjonctive tarsale supérieure dans le trachome cicatriciel.
a. Lésions de fibrose linéaire. b. Ligne d'Arlt. c. Concrétions jaunâtres sur une conjonctive remaniée. d. Fossettes ou ocelles d'Herbert.
). Au niveau de la cornée, la cicatrisation du pannus laisse une opacité en croissant de lune, celles des follicules limbiques des opacités limbiques rondes (ocelles limbiques ou fossettes d'Herbert ; fig. 29-2d
Fig. 29-2
Aspect de la conjonctive tarsale supérieure dans le trachome cicatriciel.
a. Lésions de fibrose linéaire. b. Ligne d'Arlt. c. Concrétions jaunâtres sur une conjonctive remaniée. d. Fossettes ou ocelles d'Herbert.
), pathognomoniques.
Lorsque la rétraction cicatricielle est intense, il se forme un entropion trichiasis avec déformation du bord libre de la paupière supérieure « en accent circonflexe». L'opacification cornéenne peut être très étendue et affecter l'axe visuel (fig. 29-3
Fig. 29-3
Entropion trichiasis avec déformation du bord libre de la paupière supérieure « en accent circonflexe» et opacification cornéenne complète.
). La fibrose conjonctivale, associée à la destruction des cellules caliciformes et à une dysfonction meibomienne concourent au développement d'une sécheresse oculaire parfois très sévère, parfois compliquée d'insuffisance limbique [20].
La codification simplifiée de l'OMS permet de classer les atteintes (parfois multiples), de façon simple et reproductible [ 21] (tableau 29-1
Tableau 29-1
Classification clinique simplifiée de l'OMS.
Inflammation trachomateuse folliculaire (TF)Présence d'au moins cinq follicules au niveau des deux tiers inférieurs de la conjonctive tarsale supérieure. Les follicules proches du cul-de-sac conjonctival, non pathognomoniques, ne sont pas pris en considération
Inflammation trachomateuse intense (TI)Épaississement inflammatoire prononcé de la conjonctive tarsale (papilles) tel que plus de la moitié des vaisseaux conjonctivaux profonds sont rendus invisibles
Cicatrices conjonctivales trachomateuses (TS)Présence de cicatrices linéaires ou stellaires sur la conjonctive tarsale supérieure
Trichiasis trachomateux (TT)Au moins un cil de la paupière supérieure frotte sur le globe oculaire
Opacité cornéenne (OC)Une partie au moins du bord de la pupille apparaît trouble à travers la zone opaque
). À l'échelle des populations, le taux de trachome folliculaire (TF) est corrélé au potentiel de transmission du trachome, alors que le taux d'inflammation trachomateuse intense (TI) traduit le risque de cécité [ 13].
Diagnostic
Sur le terrain, le diagnostic est clinique, des critères diagnostiques permettant d'éliminer sans trop de difficulté les autres conjonctivites infectieuses (encadré 29-1
Encadré 29-1
Critères diagnostiques en dehors des zones d'endémie
Le diagnostic est retenu s'il existe au moins deux des quatre signes suivants :
  • follicules sur la conjonctive tarsale supérieure;

  • follicules limbiques ou leurs séquelles (fossettes ou ocelles d'Herbert);

  • pannus vasculaire au niveau du limbe supérieur;

  • cicatrisation conjonctivale caractéristique (ligne d'Arlt).

). Cependant, la kératoconjonctivite vernale peut revêtir des aspects particulièrement trompeurs, notamment en zone tropicale où elle est à la fois plus fréquente et souvent plus agressive.
Le diagnostic de certitude par preuve biologique est peu utilisé en zone d'endémie. La PCR quantitative sur écouvillon conjonctival est actuellement la méthode de choix, même si la corrélation entre clinique et résultat de PCR est très imparfaite. À titre d'exemple, après traitement, il peut s'écouler plusieurs semaines entre la disparition des micro-organismes et la guérison clinique (disparition des follicules) [ 13].
Traitement
Trachome inflammatoire
Le traitement des cas d'importation ne présente aucune difficulté : cure unique de 3 jours d'azithromycine collyre pour le cas et ses contacts, puis contrôle à 3 mois pour vérifier la disparition des follicules. À défaut, une 2 e cure identique peut être prescrite, en recherchant d'autres contacts, sources de potentielle ré-infection.
En zone d'endémie, le choix de la stratégie thérapeutique dépend de la situation épidémiologique, estimée par la prévalence du trachome actif (TF) chez les enfants de 1 à 10 ans et celle de l'entropion trichiasis chez les femmes de plus de 14 ans sur un échantillon représentatif de la population concernée, selon la méthodologie recommandée par l'OMS (tableau 29-2
Tableau 29-2
Stratégie thérapeutique en fonction de la situation épidémiologique.
Prévalence du trachome actif chez les enfants de moins de 10 ans Stratégie thérapeutique
> 30 % Traitement par azithromycine per os de l'ensemble de la population une fois par an pendant 5 ans (20 mg/kg, maximum 1 g). Les enfants de moins de 6 mois sont traités par voie locale (collyre d'azithromycine 1 % ou pommade de tétracycline)
10 à 30 % Idem pendant 3 ans. Enquête épidémiologique « d'impact» à l'issue de la période de traitement
5 à 10 % Traitement de masse unique et effectuer une enquête d'impact un an après
< 5 % Traitement des cas et de leurs contacts selon le schéma décrit ci-dessus
).
Trachome cicatriciel
Le traitement de la sécheresse oculaire associée au trachome cicatriciel bénin est symptomatique. Les formes sévères peuvent bénéficier des collyres à la ciclosporine [20].
Le traitement de l'entropion trichiasis trachomateux est exclusivement chirurgical. Les trois méthodes les plus employées sont la rotation bilamellaire du tarse, la tarsotomie horizontale basse par voie conjonctivale (procédé de Trabut) et la résection cunéiforme du tarse par voie cutanée (procédé de Cuenod et Nataf). Ces interventions sont souvent pratiquées au cours de campagnes de dépistage, dans des conditions parfois précaires. Efficaces sur les signes fonctionnels, elles ne permettent pas toujours d'éviter la progression des lésions cornéennes liées plus à la pathologie de la surface oculaire qu'aux déformations du bord palpébral. Par ailleurs, les récidives peuvent compter jusqu'à 30 % des cas, notamment après chirurgie en conditions sub-optimales et/ou en présence d'un processus cicatriciel évolutif au moment de l'acte [22]. Une antibiothérapie postopératoire par azithromycine per os réduit d'ailleurs le risque de récidive [23]. Malgré ces limites, l'indication chirurgicale doit être large car la correction de l'entropion trichiasis améliore très sensiblement la qualité de vie des patients, même lorsque la vision est perdue [19].
Les opacités cornéennes nécessitent théoriquement une kératoplastie dont les conditions sont cependant très rarement réunies en zone d'endémie. Leurs résultats peuvent être corrects [24], mais restent souvent très modestes en raison de la dégradation de la surface oculaire, notamment au limbe.
Élimination du trachome à l'échelle mondiale
Le programme « GET 2020» de l'OMS coordonne depuis 1997 des actions visant à éradiquer le trachome, en impliquant les pays endémiques, les organisations non gouvernementales, les centres de recherche et l'industrie pharmaceutique. L'objectif principal est d'appliquer la stratégie dite « CHANCE » (CHirurgie de l'entropion trichiasis, Antibiothérapie, Nettoyage du visage et Changement de l'Environnement) partout où le trachome est identifié en tant que problème de santé publique. En pratique, c'est surtout l'amélioration des conditions d'hygiène qui permet de réduire la transmission interhumaine. Les traitements antibiotiques de masse permettent d'atteindre des résultats rapides pour réduire la prévalence des formes actives.
À ce jour, le facteur limitant n'est pas tant la disponibilité des médicaments que les difficultés rencontrées par les systèmes de santé et leurs partenaires pour traiter des populations à grande échelle. Même si de nouvelles ressources financières sont régulièrement identifiées et incitent à un certain optimisme, on estime qu'un minimum de cinq années successives de traitement sont nécessaires pour couvrir les besoins en zones hyperendémiques, ce qui peut être difficile à obtenir dans certaines régions politiquement instables.
Enfin, apparaissent dorénavant des zones dites de trachome persistant, malgré des actions bien menées et sans qu'il s'agisse d'antibiorésistance, et même des zones de recrudescence où le trachome réapparaît après avoir été amené en dessous du seuil d'élimination [25]. Ces situations très préoccupantes rappellent tout l'intérêt qu'il y aurait de disposer d'un vaccin anti-trachomateux.
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