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Chapitre 41
Endophtalmies bactériennes postopératoires : traitement médical

A. Bron

Introduction
Le traitement des endophtalmies bactériennes postopératoires (EBPO) associe plusieurs classes thérapeutiques et différentes voies d'administration. Le traitement médical – qui sera uniquement traité dans ce chapitre – s'articule étroitement avec le traitement chirurgical selon la stratégie tirée de l' Endophthalmitis Vitrectomy Study (EVS) à quelques variantes près [1]. La règle est que ces cas d'endophtalmie doivent être traités en urgence et en hospitalisation en gardant à l'esprit le meilleur rapport bénéfice/risque. Le respect de ces règles élémentaires permet heureusement des issues favorables et appréciées des patients et de leurs familles (fig. 41-1
Fig. 41-1
Évolution préopératoire (a, c, e) et postopératoire (b, d, f) de trois endophtalmies postopératoires après chirurgie de cataracte, de gravité variable à la présentation et avec un traitement efficace.
).
Si le diagnostic est douteux, par exemple lors d'un syndrome toxique du segment antérieur, l'abstention thérapeutique peut entraîner des conséquences beaucoup plus lourdes qu'un traitement qui pourrait être jugé à tort intempestif. Par ailleurs, il n'est pas conseillé d'attendre plusieurs heures pour qu'une salle d'opération se libère ou que le patient soit à jeun, afin de ne pas retarder les injections intravitréennes (IVT) d'antibiotique [ 2]. Le traitement médical d'une EBPO comprend essentiellement des antibiotiques, des anti-inflammatoires et des antalgiques.
Traitement antibiotique
Le traitement antibiotique des EBPO est probabiliste, fondé sur les données épidémiologiques des germes en cause et de leurs résistances. Celles-ci sont valables pour un pays donné, mais ne sont pas transposables à une autre région [ 3]. Ainsi, en Europe, les EBPO sont quasi exclusivement bactériennes, contrairement à d'autres pays comme l'Inde, où des endophtalmies fongiques postopératoires sont rapportées. Les antibiotiques sont administrés par voie topique, par voie sous-conjonctivale, par voie systémique, mais ce sont surtout les IVT d'antibiotiques qui sont la clé de voûte du traitement.
Antibiotiques par voie topique
Des antibiotiques par voie topique sont couramment donnés en pratique courante, tout en sachant bien qu'aucune EBPO n'a été guérie par cette voie. Il existe une place pour les antibiotiques fortifiés dans les endophtalmies associées à des bulles de filtration ( bleb-related endophthalmitis ) ou les endophtalmies de contiguïté d'origine cornéenne. Les antibiotiques fortifiés demandent une fabrication dite « de cuisine» dans le cadre de l'urgence. En dehors de cette urgence, lors d'une garde par exemple, les pharmacies centrales des hôpitaux peuvent les préparer dans des conditions plus optimales. Leur toxicité cornéenne nécessite de ne pas dépasser 3 jours de traitement. Les antibiotiques habituellement prescrits sont la vancomycine pour son excellente activité sur les Gram positif à la concentration de 50 mg/ml, et la ceftazidime active sur les Gram négatif, à la concentration de 20 mg/ml [4].
Antibiotiques par voie sous-conjonctivale
Cette voie d'administration n'est pas adaptée à la pénétration intraoculaire des antibiotiques pour des raisons de pharmacocinétique. En effet, la pénétration intraoculaire des antibiotiques par cette voie ne permet pas d'atteindre des concentrations suffisantes dans le vitré. Il faut plutôt la réserver pour les corticoïdes [ 5]. De plus – bien que ce sujet reste controversé –, il a été rapporté des cas d'ischémie maculaire massive après l'utilisation des aminosides par voie sous-conjonctivale [ 6 , 7].
Injections intravitréennes
L'administration intravitréenne est la meilleure voie pour les antibiotiques en délivrant directement et immédiatement le principe actif à une concentration très élevée dans le vitré [8]. Ainsi, 1 mg injecté dans le vitré correspond à une concentration de 250 mg/litre, ou bien à une dose de 20 g pour un sujet de 80 kg. À ce niveau de concentration, la barrière entre bactéricide et bactériostatique n'existe plus; tous les antibiotiques sont bactéricides. Les germes en cause les plus fréquemment cultivés et le spectre spécifique des antibiotiques justifient l'utilisation de deux antibiotiques en pratique courante [9-10-11-12]. Le choix de la vancomycine et de la ceftazidime est lié à la couverture du spectre bactérien, bactéries à Gram positif pour la vancomycine et majoritairement à Gram négatif pour la ceftazidime [ 13]. Plusieurs IVT consécutives d'antibiotiques temps-dépendants (tels que la vancomycine) sont nécessaires pour maintenir une activité bactéricide efficace. D'autres antibiotiques sont concentration-dépendants (par exemple les aminoglycosides); leur activité bactéricide est rapide et augmente avec leur concentration.
Les deux antibiotiques ont un bon profil de sécurité à la dose utilisée en pratique courante. Une vascularite avec hémorragies et occlusions veinulaires a été rapportée; c'est une complication rare après une IVT attribuée à une réaction d'hypersensibilité retardée à la vancomycine [14]. La plupart des cas ont été décrits après injection intracamérulaire prophylactique. Les aminoglycosides (amikacine 0,4 mg) sont réservés aux souches résistantes à la ceftazidime, car la rétine et l'épithélium pigmentaire peuvent être lésés à des doses proches des valeurs thérapeutiques, notamment avec la gentamicine. L'amikacine à 0,4 mg/ml est aussi proposée en cas d'allergie documentée à la ceftazidime. Outre la toxicité rétinienne potentielle de l'amikacine, il faut bien garder à l'esprit que les allergies signalées par les patients ne sont pas forcément prouvées. Ainsi, environ 10 % des patients mentionnent une allergie à la pénicilline qui, tout compte fait, n'en est pas une dans 90 % des cas [ 15]. Par ailleurs, il n'existe pas de preuve robuste entre des réactions croisées pour des patients allergiques à la pénicilline et les céphalosporines de troisième génération comme la ceftazidime [16].
D'autres médicaments ont été envisagés, mais sont exceptionnellement utilisés pour le traitement des endophtalmies. La daptomycine (1 mg) est un antibiotique de la famille des lipopeptides, actif uniquement sur les bactéries à Gram positif, y compris les espèces de Staphylococcus sensibles ou résistantes à la méthicilline, et les espèces d' Enterococcus sensibles ou résistantes à la vancomycine. Mais des mécanismes de résistance acquise à ce médicament ont déjà été décrits [17]. D'autres antibiotiques ont été utilisés chez l'homme. Ainsi, l'ampicilline (5 mg) est efficace contre les bactéries à Gram positif (principalement les espèces Streptococcus et Enterococcus ) et quelques bactéries à Gram négatif (par exemple Escherichia coli et Haemophilus influenzae ). La céfazoline (2,25 mg) est efficace contre les cocci à Gram positif (y compris Staphylococcus sp. sensible à la méthicilline et Streptococcus , mais pas Enterococcus ) et quelques autres espèces à Gram négatif (par exemple Proteus et Klebsiella sp.). Cependant, pour les deux bêta-lactamines, une augmentation significative des niveaux de résistance a été observée au fil du temps [ 18]. La ciprofloxacine (100 μg) a un large spectre contre les bactéries aérobies à Gram positif, mais surtout à Gram négatif; cependant, les niveaux de résistance ont considérablement augmenté après l'usage intensif des fluoroquinolones [19]. Dans la même famille d'antibiotiques, il n'y a pas d'avantage à utiliser la moxifloxacine à la place de la vancomycine à cause des niveaux accrus de résistance des fluoroquinolones et de la demi-vie inférieure dans le vitré. Une autre alternative potentielle à la ceftazidime pour une couverture des Gram négatif est l'imipénem intravitréen, qui n'a pas été évalué chez l'homme par cette voie [ 20 , 21].
Les IVT sont systématiquement répétées au fur et à mesure de l'évolution du tableau clinique 48 à 72 heures après la première injection. En effet, 13 % à 50 % des échantillons de vitré prélevés après une première IVT d'antibiotiques sont positifs en culture conventionnelle [ 3]. De plus, la concentration médicamenteuse de vancomycine est maintenue de façon optimale jusqu'à 72 heures [ 9 , 22].
L'ère des IVT pour les maladies rétiniennes nous a appris qu'une salle dite propre aménagée dans un service de consultation est tout à fait satisfaisante en termes de stérilité. Les IVT peuvent être réalisées sous anesthésie topique, ou sous anesthésie locale (injection sous-ténonienne de xylocaïne à 2 %) à la pars plana en transconjonctival avec une aiguille 30 G ou 31 G montée sur une seringue à tuberculine. La dose recommandée pour la vancomycine et la ceftazidime est de 1 mg et 2,25 mg, respectivement.
Pour des facilités de dilution, la ceftazidime Ceftazidime est préparée le plus souvent à une dose de 2 mg (encadré 41-1). Cette diminution de la dose de 10 % ne change pas grand-chose à la très forte concentration obtenue au niveau du vitré. La ceftazidime précipitant au contact de la vancomycine, deux seringues montées contenant chacune un antibiotique sont utilisées pour injecter les antibiotiques en deux sites différents [ 13]. Le volume de dilution pour chaque antibiotique est de 0,1 ml, soit un volume de 0,2 ml pour deux antibiotiques. Si les conditions ne permettent pas des prélèvements intraoculaires, il est souhaitable de modifier les dilutions afin d'obtenir un volume total de 0,1 ml. Les modifications du vitré enflammé peuvent diminuer la demi-vie des antibiotiques et/ou réduire la diffusion des antibiotiques dans la cavité vitréenne, altérant ainsi l'efficacité des IVT [ 8].
En pratique, il est recommandé de passer du temps pour explorer les produits disponibles au sein de son propre établissement de soins. En effet, la ceftazidime est disponible en France sous des présentations allant de 250 mg à 2 g sous un volume de dilution variant de 1 à 50 ml. Le produit de dilution figure dans le Vidal et doit être respecté en gardant bien à l'esprit que cette dilution est déterminée pour la voie intraveineuse où une solution hypotonique (comme l'eau pour préparation injectable) n'est pas recommandée; pour la ceftazidime, une solution saline à 0,9 % de chlorure de sodium est recommandée plutôt que du BSS ( balanced salt solution ) [13]. Pour la vancomycine, et suivant le fabricant, la reconstitution peut varier. Ainsi, cinq fabricants sont accessibles dans le Vidal. L'un d'entre eux suggère de l'eau pour préparation injectable pour injecter dans le flacon fourni où se trouve la poudre du principe actif, puis il faut utiliser une solution saline à 0,9 % de chlorure de sodium ou du glucosé à 5 % pour obtenir la concentration voulue. La préparation du protocole dans les moindres détails doit être mise en place bien en amont de l'urgence (voir encadré 41-1).
Encadré 41-1 : Exemple d'un protocole de dilution des antibiotiques intravitréens utilisés pour le traitement curatif d'une endophtalmie postopératoire
Préparation des antibiotiques intravitréens
Ce que l'on veut obtenir
tableau 41-1
ProduitConcentration du mélange final Volume injecté dans l'œil Quantité injectée dans l'œil
Vancomycine10 mg/ml 0,1 ml 1 mg
Fortum®20 mg/ml 0,1 ml 2 mg

Comment faire en pratique
tableau 41-2
ProduitQuantitéPrésentationSolvant
TypeQuantité
Vancomycine500 mg 1 flacon Eau pour préparation injectable50 ml
Fortum®1000 mg 1 flacon Chlorure de sodium à 0,9 mg/ml (0,9 %) 50 ml
Injecter séparément les produits avec une seringue de 1 ml (type insuline ou tuberculine) et une aiguille de 30 G, à la pars plana.
En l'absence de prélèvement vitréen, diluer les antibiotiques dans 25 ml au lieu de 50 ml et injecter 0,05 ml.
Antibiotiques par voie systémique
Alors que l'étude EVS a évalué l'administration systémique de ceftazidime et d'amikacine , antibiotiques avec une faible biodisponibilité au niveau des compartiments oculaires [8], il n'existe pas d'études randomisées de cette ampleur évaluant des antibiotiques systémiques avec une meilleure pénétration oculaire. Cependant, une littérature riche nous fournit des informations de pharmacocinétique et de pharmacodynamie sur des antibiotiques systémiques sur un nombre de patients forcément toujours limité.
Les biais sont nombreux et, pour illustrer cela, il est intéressant de se pencher sur ce qui a fait la popularité de la lévofloxacine , abondamment proposée tant comme prophylaxie que comme traitement curatif de l'endophtalmie. Ainsi, dans la publication qui a fait son succès [ 23], 47 % des patients avaient une rétinopathie diabétique proliférante, atteinte qui est connue pour altérer les barrières hémato-oculaires, favorisant ainsi la pénétration intraoculaire des antibiotiques. Si l'on regarde les concentrations de la lévofloxacine dans le vitré dans le groupe 1 ayant reçu 500 mg du produit per os, la médiane est de 0, ce qui signifie que la moitié des patients n'avaient aucun produit décelable dans le vitré [23]. Le soupçon est encore plus fort si l'on s'intéresse aux concentrations de cet antibiotique dans le groupe 2 ayant reçu 1 g du produit per os où la concentration intravitréenne était 26 % supérieure à la concentration dans l'humeur aqueuse, ce qui est contraire aux lois de la pharmacocinétique oculaire.
Fort heureusement, un article paru ultérieurement [ 24] a rétabli une part de vérité avec des concentrations intravitréennes allant de 0 à 1,6 μg/ml, bien loin de la médiane à 2,30 μg/ml (1,48–3,64) publiée par Fiscella et al. [23].
Aujourd'hui, en France, la bi-antibiothérapie systémique est encore utilisée pendant 5 à 8 jours dans certains centres et l'association théoriquement la plus efficace en termes de spectre antibactérien (selon les fréquences de résistance) est fluoroquinolone + fosfomycine suivie de fluoroquinolone + imipénem [19]. Cette voie systémique est encore promue dans la littérature, sans vraiment de preuve robuste [ 25]. Pourtant, outre l'écueil de la pharmacocinétique de cette voie par rapport aux injections intravitréennes, il est intéressant de considérer les résistances de ces antibiotiques régulièrement vantés. Ainsi, sur des staphylocoques epidermidis retrouvés dans des endophtalmies, la moxifloxacine affichait un taux de résistance de 21 % [26]. Par cette voie systémique, les antibiotiques ne sont qu'un adjuvant qui ne peut en aucun cas remplacer les IVT d'antibiotiques vu leur pénétration intravitréenne suboptimale [27 , 28].
Anti-inflammatoires
Dans le traitement des EBPO, ce groupe thérapeutique concerne les corticoïdes et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Les AINS sont essentiellement donnés lors des œdèmes maculaires secondaires aux EBPO dans la phase tardive, mais pas dans la phase aiguë. Ce sont donc les corticoïdes qui sont principalement recommandés dans la phase aiguë des EBPO, ce qui est logique puisqu'ils agissent sur les deux voies inflammatoires des prostaglandines et des leucotriènes. Il ne faut pas oublier que, dans l'EVS, les corticoïdes sous différentes voies étaient largement prescrits; la prednisolone (60 mg) était administrée per os pendant 5 à 10 jours associée à des injections sous-conjonctivales de la même molécule (6 mg) et de la prednisolone topique à tous les patients, mais la voie intravitréenne pour les corticoïdes n'était pas utilisée [1].
Corticoïdes par voie topique
Des corticoïdes sont prescrits par voie topique sans preuve, mais plutôt sur la base d'un consensus professionnel. Ils sont probablement utiles pour aider à diminuer l'inflammation en chambre antérieure. Ce sont les agents les plus puissants qui sont utilisés, essentiellement la dexaméthasone. La posologie initiale va de 6 à 8 gouttes par jour, ou même plus au début.
Corticoïdes par voie sous-conjonctivale
Des auteurs néerlandais ont particulièrement étudié la pharmacocinétique et la biodisponibilité des corticoïdes dans les différents compartiments oculaires et par différentes voies d'administration [5]. La conclusion est que la voie sous-conjonctivale est la voie la plus efficace. En pratique, deux injections sous-conjonctivales sont réalisées par jour à la phase aiguë des EBPO. Néanmoins, aucune étude robuste n'a montré un intérêt de cette pratique, bien que l'impression clinique soit plutôt favorable pour la résorption de l'inflammation (fig. 41-2
Fig. 41-2
a-c. Résorption progressive d'un matériel fibrineux en chambre antérieure lors d'une endophtalmie postopératoire après chirurgie de cataracte ayant bénéficié d'injections sous-conjonctivales de corticoïdes.
). Là encore, il s'agit d'un consensus professionnel et pas plus.
Corticoïdes par voie systémique
La prescription de corticoïdes par voie systémique n'est pas supportée par les études pharmacocinétiques de Weijtens et al. [ 29]. De plus, elle expose les patients aux complications habituelles de cette classe thérapeutique, même si la durée de prescription est plutôt sur une courte période.
Corticoïdes en injection intravitréenne
Jusqu'à une époque récente, aucune étude clinique robuste (large cohorte prospective, multicentrique, randomisée) n'avait réussi à mettre en évidence un bénéfice significatif de la corticothérapie dans les EBPO. Pourtant, l'intérêt des corticoïdes intravitréens a été rapporté sur la plupart des modèles animaux d'endophtalmie utilisant principalement le lapin, et dont le premier a été réalisé par le groupe de Peyman en 1974 [ 30]. Les corticoïdes utilisés étaient la triamcinolone ou la dexaméthasone. Ces modèles ont par ailleurs mis en évidence une absence de toxicité de la dexaméthasone pour la rétine à la dose de 400 μg. Ces études suggèrent une efficacité optimale des corticoïdes lorsqu'ils sont administrés de façon précoce dans les 24 premières heures.
Les études rétrospectives chez l'homme montraient soit un effet positif [31 , 32], soit un effet neutre ou négatif [ 33 , 34]. Les études prospectives randomisées évaluant dexaméthasone en IVT contre placebo ont été publiées dans les dix dernières années, permettant une conclusion plutôt homogène. L'étude de Gan et al., sur 29 endophtalmies aiguës postopératoires, a montré une tendance à une meilleure récupération visuelle à 3 mois et 12 mois dans le groupe dexaméthasone [35]. Mais cette étude a dû être stoppée précocement en raison d'un retrait du marché de la dexaméthasone employée avec une trop grande concentration d'un conservateur (le parabène). Lors d'une deuxième ponction de vitré à J3, réalisée avant la deuxième IVT, les auteurs ont mesuré une concentration de vancomycine significativement plus importante dans le groupe traité avec de la dexaméthasone, compatible avec le rétablissement des barrières hémato-oculaires par les corticoïdes induisant un allongement de la demi-vie vitréenne de la vancomycine.
La série d'Albrecht et al. sur 62 endophtalmies aiguës dont 32 après chirurgie de cataracte montrait, dans ce sous-groupe, un gain de 4,1 lignes à 3 mois dans le groupe dexaméthasone contre 2,7 lignes dans le groupe placebo, mais non significatif [36].
Enfin, dans une cohorte prospective randomisée, nous avons inclus 100 patients atteints d'endophtalmie aiguë après chirurgie de la cataracte sur l'ensemble des CHU du Nord-Est de la France et 2 CHU de la région Rhône-Alpes. Cette étude évaluait le bénéfice de l'adjonction précoce d'une injection de bétaméthasone en IVT avec la première injection des antibiotiques intravitréens et répétée à 48 heures lors de la seconde IVT contre une injection bétaméthasone en IVT à 48 heures associée aux antibiotiques. Le protocole incluait des injections sous-conjonctivales de bétaméthasone dans les deux groupes. Nous n'avons pas observé de différence significative entre les deux groupes pour l'acuité visuelle à 6 mois et 12 mois, confirmant l'absence d'aggravation par la corticothérapie immédiate même avec des germes de haute virulence, mais également l'absence d'amélioration avec une IVT précoce de bétaméthasone [37].
En pratique clinique, en France, nous disposons de la dexaméthasone phosphate (Soludécadron®), à 4 mg sous 1 ml ou 20 mg sous 5 ml. Cette préparation contient des sulfites, et il peut être intéressant d'utiliser la bétaméthasone phosphate (Célestène®) qui a des présentations en 4 mg sous 1 ml, 8 mg sous 2 ml, et 20 mg sous 5 ml, et qui ne contient pas de sulfites. Les formes retard ne sont pas utilisées dans l'endophtalmie aiguë.
Autres traitements
La dilatation de la pupille à l'aide d'atropine 1 % ou 2 % et de phényléphrine est largement utilisée d'une part pour diminuer les synéchies et d'autre part à visée antalgique. Quand elle est efficace, elle permet de visualiser le vitré et la rétine directement, le vitré étant le siège de l'infection et l'état rétinien guidant le plus souvent les indications de vitrectomie. Les antalgiques sont prescrits également suivant la douleur décrite par les patients en gardant à l'esprit que, dans l'EVS, 25 % des patients ne rapportaient pas de douleur oculaire à leur admission [ 1].
Conclusion
Le traitement médical des endophtalmies bactériennes postopératoires après chirurgie de cataracte est une urgence thérapeutique qui concerne environ 400 à 500 patients par an en France suivant les chiffres actuels de prévalence de cette maladie, 5 pour 10000 opérations de cataracte [38]. Ce traitement médical qui s'articule étroitement avec la vitrectomie repose essentiellement sur les injections intravitréennes d'antibiotiques (fig. 41-3
Fig. 41-3
Exemple d'une procédure de traitement d'une endophtalmie aiguë postopératoire.
).
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