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Chapitre 48
Uvéite antérieure et rubéole

S. Touhami, A. Dentel, B. Bodaghi

Introduction
Qu'elles soient secondaires à une infection rubéoleuse ou possiblement à l'inoculation de la forme vivante atténuée du virus par vaccination, les uvéites antérieures associées à la rubéole sont de plus en plus documentées. Le tableau d'uvéite antérieure classiquement associé à la rubéole est celui de l'uvéite de Fuchs , mais d'autres formes d'uvéites antérieures ont été décrites, notamment en post-vaccinal.
Rubéole
La rubéole est une maladie infectieuse de l'enfant (anciennement la « troisième maladie») causée par un virus enveloppé à ARN simple brin du genre Rubivirus . Après une transmission par voie aérienne et une période d'incubation d'une quinzaine de jours, la phase d'invasion peut entraîner un syndrome grippal avec un exanthème maculeux descendant de la face vers le tronc. Des manifestations oculaires sont possibles lors de la phase d'état, à type de conjonctivite, de kératopathie ponctuée superficielle ou interstitielle [ 1].
Bien que l'infection soit asymptomatique sur le plan oculaire ou général dans une majorité de cas, sa contagiosité et les risques qu'elle entraîne chez la femme enceinte ont motivé l'obligation vaccinale (auparavant seulement recommandée) pour tous les nourrissons nés à partir du 1 er janvier 2018 (une dose de vaccin trivalent rougeole, oreillons, rubéole [ROR] à 12 mois et une seconde entre 16 et 18 mois).
Le syndrome de rubéole congénitale associe historiquement atteintes oculaires (microphtalmie, cataracte, dysgénésies du segment antérieur, glaucome, rétinopathie rubéolique en « poivre et sel»), auditives et cardiaques (triade de Gregg) [2]. En sus de ces tableaux marginalement rencontrés en pratique ophtalmologique, le virus de la rubéole (sous forme infectieuse ou vaccinale) a été associé à la survenue d'uvéites antérieures présentant des particularités cliniques qu'il ne faut pas méconnaître.
Uvéite de Fuchs
Généralités
L'uvéite de Fuchs a été décrite en 1906 comme une uvéite du sujet jeune avec hétérochromie irienne et cataracte [3]. Devant l'unilatéralité, la chronicité et la précocité de l'atteinte nécessaire au développement de l'hétérochromie, Fuchs a émis à l'époque l'hypothèse d'une infection congénitale.
Hormis la rubéole, d'autres infections ont été associées à l'uvéite de Fuchs. La toxoplasmose ( Toxoplasma gondii ) a été l'une des premières incriminées étant donné l'incidence de cas d'uvéites de Fuchs chez des patients avec des cicatrices de choriorétinite et un coefficient de Desmonts positif pour la toxoplasmose [ 4]. Le virus herpes simplex (HSV) et la toxocarose ont aussi été évoqués comme étant pourvoyeurs d'uvéite de Fuchs [5 , 6]. D'autres associations ont été rapportées, probablement fortuites, au cours de rétinopathies pigmentaires, de cas de chikungunya [7], de sarcoïdoses , de syndromes de Claude Bernard-Horner ou de traumatismes oculaires [8].
Présentation clinique
L'uvéite de Fuchs représenterait, selon la région géographique, 1,2 % à 4,5 % des uvéites [ 9]. Il s'agit d'une inflammation oculaire de bas grade touchant principalement l'uvée antérieure, à l'origine d'une uvéite antérieure aux caractéristiques particulières, volontiers associée à une cataracte sous-capsulaire postérieure et à une hyalite de densité variable. L'atteinte oculaire de l'uvéite de Fuchs est unilatérale dans 90 % des cas [10], plusieurs cas bilatéraux ayant été décrits [11]. Lorsqu'ils sont présents, les signes fonctionnels sont rarement aigus : myodésopsies en lien avec la hyalite, ou baisse d'acuité visuelle causée le plus souvent par la cataracte sous-capsulaire postérieure, parfois aussi par la hyalite.
L'examen clinique (tableau 48-1
Tableau 48-1
Signes cliniques de l'uvéite de Fuchs due à la rubéole .
Signes cliniques
Aspect extérieur de l'œilŒil blanc
Unilatéralité dans 90 % des cas
CornéePrécipités rétrocornéens blancs stellaires, parfois ronds, sur toute la surface endothéliale
Chambre antérieure (CA)Tyndall cellulaire et protéique peu important mais variable
CA approfondie
IrisHétérochromie
Nodules de Koeppe ou de Busacca
Cristaux iriens
« Pseudorubéose»
Absence de synéchies iridocristalliniennes
CristallinCataracte sous-capsulaire postérieure
Angle iridocornéen (AIC)AIC élargi, signe d'Amsler
VitréHyalite de densité variable
RétineCicatrices choriorétiniennes possibles
Pas d'œdème papillaire ou maculaire ou de vascularite
Pression intraoculaire (PIO)Élévation de la PIO/apparition d'un glaucome possibles durant l'évolution
) objective généralement un œil blanc, habituellement indolore, avec la présence de précipités rétrocornéens (PRC) blancs stellaires, parfois ronds, apposés sur toute la surface endothéliale (fig. 48-1
Fig. 48-1
Photographie du segment antérieur d'un patient atteint d'une uvéite de Fuchs avec des précipités rétrocornéens blancs, de tailles différentes, distribués sur toute la surface endothéliale.
). La taille et le nombre de ces PRC sont variables. L'inflammation de chambre antérieure sous la forme d'un Tyndall cellulaire et protéique est variable, mais généralement de bas grade [12].
L'hétérochromie irienne est un signe important (fig. 48-2
Fig. 48-2
Photographie d'un patient atteint d'une uvéite de Fuchs de l'œil gauche avec hétérochromie irienne.
). Elle est plus facilement vue à la lumière du jour, mais peut être plus difficile à mettre en évidence sur des iris foncés. Elle est causée par une atrophie diffuse de l'iris pouvant parfois être telle que la visibilité des réseaux vasculaires iriens en devient prononcée, mimant une rubéose irienne (pseudorubéose). L'examen de l'iris en transillumination est recommandé et peut parfois révéler des zones éparses d'atrophie. Aux stades les plus tardifs, l'atrophie peut entraîner une perte du tonus du sphincter irien ainsi qu'un élargissement de l'angle iridocornéen et de la profondeur de la chambre antérieure [ 8]. L'œil atteint peut parfois paradoxalement être le siège d'une hyperchromie irienne due à l'atrophie du stroma antérieur, révélant la partie la plus sombre du stroma postérieur par « effet fenêtre» [8]. L'analyse de l'iris peut rarement révéler la présence de cristaux iriens ou Russel bodies , de nodules iriens de Koeppe , plus rarement de Busacca (fig. 48-3
Fig. 48-3
Nodules de Koeppe et de Busacca associés à une uvéite de Fuchs.
). Fait important, les synéchies iridocristalliniennes sont absentes, sauf dans le cas d'une inflammation antérieure de cause autre.
Le signe d'Amsler correspond à un saignement antérieur survenant lors d'une ponction de chambre antérieure (PCA), d'une chirurgie de la cataracte ou d'un traumatisme oculaire. Il n'est pas spécifique de cette étiologie.
La survenue d'une cataracte sous-capsulaire postérieure au cours de l'évolution ou lors du diagnostic de l'uvéite de Fuchs est la règle. Elle mène souvent à la première consultation. Le vitré des patients atteints d'uvéite de Fuchs est souvent le siège d'une hyalite (fig. 48-4
Fig. 48-4
Photographie ultra grand champ représentant le segment postérieur d'un patient avec uvéite de Fuchs montrant une hyalite dense sans vasculite rétinienne, ni papillite.
), en particulier lorsque la rubéole est impliquée. Elle est plus ou moins dense, pouvant parfois dérouter du diagnostic. La présence de foyers choriorétiniens cicatriciels, unique ou multiples a été décrite. Il n'y a classiquement pas d'œdème papillaire, ni d'œdème maculaire, sauf en cas de chirurgie de la cataracte compliquée d'un syndrome d'Irvine Gass. Les vascularites sont absentes dans la description princeps de l'uvéite de Fuchs. L'hypertonie oculaire et le glaucome sont des complications craintes et font le pronostic de cette pathologie. Le glaucome surviendrait chez 6,3 % à 59 % des patients [13]. Une fois celui-ci installé, la réponse au traitement peut être limitée, indiquant une chirurgie filtrante dans bon nombre de cas.
En Europe et aux États-Unis, l'uvéite de Fuchs est causée principalement par le virus de la rubéole. Le cytomégalovirus (CMV) serait une cause majeure en Asie [10]. L'uvéite de Fuchs peut débuter dans l'enfance, mais le diagnostic est rarement fait à ce stade en l'absence de signes fonctionnels ou cliniques patents [ 14].
Diagnostic
La présence d'anticorps antirubéole dans l'humeur aqueuse a permis d'impliquer le virus de la rubéole dans la physiopathogénie de cette maladie (tableau 48-2
Tableau 48-2
Aperçu des études ayant mis en évidence la synthèse d'anticorps antirubéole et/ou le génome du virus de la rubéole dans l'humeur aqueuse chez des patients présentant une uvéite de Fuchs.
Étude et année de publicationNombre de patients avec uvéite de FuchsSynthèse d'anticorps antirubéole (HA)Génome viralDivers
Quentin et al., 2004 [15] 5252/52 (100 %) 5/28 (18 %) Antécédents d'infection rubéoleuse
De Groot-Mijnes et al., 2010 1413/14 (93 %) NDND
Ruokonen et al., 2010 6358/58 (100 %) 2/20 (10 %) ND
Suzuki et al., 2010 1010/10 (100 %) 2/9 (22,2 %) Antécédents d'infection rubéoleuse (11/14)
Stunf et al., 20121211/12 (92 %) NDND
Gonzales et al., 20196ND6/6 (100 %) ND
Provost et al., 2022 [19] 1313/13 (100 %) 1/13 (8 %) Patients non vaccinés selon les recommandations
Gozzi et al., 20224311/43 (26 %) NDFormes chevauchantes d'uvéites de Fuchs à CMV

CMV : cytomégalovirus; HA : humeur aqueuse; ND : non disponible


Adapté et réactualisé d'après Sun et Ji, 2020 [13].
) [15]. La présence de l'ARN viral est rarement documentée [ 11], amenant certains auteurs à penser que l'uvéite de Fuchs serait le fruit d'une réponse immunitaire inadaptée vis-à-vis du virus, plutôt que celui d'une infection directe par ce dernier. De façon plus probable, la fragilité de l'ARN viral pourrait expliquer la rareté de la positivité de cette recherche dans l'humeur aqueuse.
Par conséquent, le diagnostic repose actuellement sur la recherche d'une synthèse intracamérulaire d'anticorps spécifiques antirubéole. Il s'agit d'un calcul du coefficient de Goldmann-Witmer (CGW), ou du calcul d'un CGW modifié utilisant la synthèse d'immunoglobulines G (IgG) dirigées contre d'autres virus (HSV, virus de la varicelle et du zona, CMV) comme contrôle. Ce CGW modifié permet aussi d'étudier l'implication du CMV comme cause éventuelle de l'uvéite de Fuchs [16] et d'éliminer les diagnostics différentiels d'une uvéite antérieure hypertonisante.
Traitement
Il n'existe pas de traitement spécifique de l'uvéite de Fuchs. Il n'y a pas d'indication à un traitement antiviral. Le traitement topique par anti-inflammatoires stéroïdiens n'est pas nécessaire dans la majorité des cas en raison de l'absence d'inflammation de haut grade, avec une réponse décevante aux stéroïdes. Lorsqu'il est prescrit (en cas d'inflammation importante), il doit être proposé à la dose minimale efficace et sur la durée la plus courte possible pour éviter l'aggravation d'une cataracte, ou la survenue d'une hypertonie oculaire ou d'un glaucome secondaire, très fréquents dans cette pathologie. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont proposés par certains auteurs. Il n'y a pas d'indication à un traitement anti-inflammatoire systémique.
Le dépistage et le traitement d'une hypertonie oculaire ou d'un glaucome, qui font le pronostic de l'uvéite de Fuchs, sont systématiquement proposés à intervalles réguliers. Une étude récente a montré que le taux d'anticorps antirubéole pourrait être prédictif de la survenue d'un glaucome dans le long terme, ce qui donne des arguments supplémentaires motivant la réalisation d'une PCA à visée diagnostique et donc également pronostique [ 17].
La chirurgie du glaucome est parfois nécessaire en cas d'inefficacité du traitement médical. La chirurgie de la cataracte n'impose habituellement pas de précaution particulière. À l'inverse, une vitrectomie à visée symptomatique (myodésopsies invalidantes) est possible, mais présente quelques difficultés qu'il faut savoir anticiper.
Liens établis entre la rubéole et l'uvéite
Arguments moléculaires
L'hypothèse d'une manifestation post-infectieuse de la rubéole est née avec l'étude de Quentin et Reiber, qui rapportent une analyse rétrospective de la synthèse intracamérulaire d'anticorps chez 54 patients présentant une uvéite de Fuchs [15]. Parmi les anticorps étudiés – dirigés contre la rubéole, la rougeole, la toxoplasmose et l'HSV –, une synthèse intraoculaire d'anticorps antirubéole a été trouvée chez tous les patients de l'étude. De plus, la PCR ( polymerase chain reaction ) rubéole était positive dans l'humeur aqueuse chez 18 % des sujets. Par la suite, plusieurs études américaines et européennes ont confirmé ce lien entre rubéole et uvéite de Fuchs (voir tableau 48-2
Tableau 48-2
Aperçu des études ayant mis en évidence la synthèse d'anticorps antirubéole et/ou le génome du virus de la rubéole dans l'humeur aqueuse chez des patients présentant une uvéite de Fuchs.
Étude et année de publicationNombre de patients avec uvéite de FuchsSynthèse d'anticorps antirubéole (HA)Génome viralDivers
Quentin et al., 2004 [15] 5252/52 (100 %) 5/28 (18 %) Antécédents d'infection rubéoleuse
De Groot-Mijnes et al., 2010 1413/14 (93 %) NDND
Ruokonen et al., 2010 6358/58 (100 %) 2/20 (10 %) ND
Suzuki et al., 2010 1010/10 (100 %) 2/9 (22,2 %) Antécédents d'infection rubéoleuse (11/14)
Stunf et al., 20121211/12 (92 %) NDND
Gonzales et al., 20196ND6/6 (100 %) ND
Provost et al., 2022 [19] 1313/13 (100 %) 1/13 (8 %) Patients non vaccinés selon les recommandations
Gozzi et al., 20224311/43 (26 %) NDFormes chevauchantes d'uvéites de Fuchs à CMV

CMV : cytomégalovirus; HA : humeur aqueuse; ND : non disponible


Adapté et réactualisé d'après Sun et Ji, 2020 [13].
). Par ailleurs, une étude suggère qu'un taux augmenté d'anticorps antirubéole dans l'humeur expose à davantage de risques d'augmentation de la pression intraoculaire à long terme [17].
Le rapport causal entre infection par le virus de la rubéole et survenue d'uvéite de Fuchs est soutenu par une large étude observationnelle nord-américaine qui a rapporté une baisse du nombre de cas après la campagne de vaccination antirubéoleuse étasunienne de 1969 [18]. Une série française a aussi récemment mis en évidence l'importance de la vaccination en soulignant qu'aucun de ses 13 cas d'uvéite de Fuchs rapportés n'a bénéficié de la vaccination antirubéoleuse aux âges recommandés [19]. Il semble cependant que l'association uvéite de Fuchs-rubéole soit plus fragile dans les pays d'Asie, où une synthèse intracamérulaire d'anticorps dirigés contre le CMV est retrouvée dans la quasi-totalité des études [20]. À noter que ce dernier semble aussi étroitement lié à la survenue de syndrome de Posner-Schlossman (SPS), quelle que soit l'origine géographique [ 21]. Une série française incluant des uvéites antérieures documentées à CMV n'a d'ailleurs retrouvé aucun cas d'uvéite de Fuchs [ 22].
Cependant, même si les phénotypes cliniques entre uvéite de Fuchs liée à la rubéole et uvéite de Fuchs liée au CMV semblent différer (tableau 48-3
Tableau 48-3
Caractéristiques différentielles épidémiologiques et cliniques des uvéites de Fuchs associées à la rubéole ou au cytomégalovirus.
Caractéristiques de l'uvéite de Fuchs Associée à la rubéoleAssociée au CMV
Âge de survenue35 ± 12 ans 50 ± 10 ans
GenreAbsence de prédominancePrédominance masculine
PopulationEurope, Amérique du NordAsie (Chine, Japon, Inde)
Pression intraoculairePics et/ou élévation chroniquePics élevés (jusqu'à 40 mmHg) et élévation chronique
Hyperhémie conjonctivaleNonPossible
EndothéliteNonPossible ± lésions endothéliales nodulaires
Comptage endothélialNormalPossiblement réduit
Précipités rétrocornéensStellairesStellaires ± en pièce de monnaie
Hétérochromie irienneFréquenteRare
CataracteSous-capsulaire postérieureCorticonucléaire
HyaliteQuasi systématiqueRare

CMV : cytomégalovirus.


Adapté d'après Chan et Chee, 2019 [10].
) [ 10 , 20], plusieurs études et revues suggèrent la présence simultanée de facteurs infectieux (rubéole, HSV, CMV, etc.) et immunologiques conduisant au développement de cette maladie [ 23].
Vaccination antirubéoleuse et uvéite antérieure
Le vaccin ROR est incriminé dans moins de 5 % des cas d'uvéites post-vaccinales dans la littérature [24]. La majorité d'entre eux surviennent dans le mois suivant la vaccination. Tous les types d'uvéites ont été rapportés, mais le tableau le plus fréquent est celui d'une uvéite antérieure transitoire corticosensible. L'hypothèse physiopathologique la plus probable, étant donné le tableau aspécifique, est celui d'un syndrome auto-immunitaire/inflammatoire induit par les adjuvants (syndrome de Schönefeld) [24].
De plus, d'authentiques uvéites avec hétérochromie irienne, cataracte et synthèse intracamérulaire d'anticorps antirubéole ont été rapportées dans les suites d'une vaccination ROR chez des enfants (9 mois à 14 ans). L'hypothèse d'une infection par la forme atténuée, mais active, du virus est supputée dans ces cas [ 24].
Pistes physiopathologiques
Si l'on admet volontiers que l'uvéite de Fuchs est une manifestation post-infectieuse de la rubéole dans les pays occidentaux, les hypothèses quant aux mécanismes physiopathologiques en cause sont finalement peu consensuelles. De nombreuses hypothèses ont été émises, dont la formation d'auto-anticorps par mimétisme avec certains épitopes viraux. Cette hypothèse est soutenue par l'importance des lymphocytes CD8+ et CD28– dans la physiopathologie des atteintes iriennes et cornéennes de l'uvéite de Fuchs, en faveur d'un processus médié par des antigènes.
Certains auteurs ont montré une augmentation des taux d'interféron gamma et de TNF-alpha ( tumor necrosis factor alpha ) chez des patients atteints d'uvéite de Fuchs ou de SPS en rapport avec une réponse de type T helper 1 (Th1), avec cependant une réponse cytokinique inflammatoire plus patente chez les patients atteints de SPS [20].
En parallèle, la chronicité et le profil pauvrement inflammatoire de l'uvéite de Fuchs ont été expliqués par des taux plus élevés de cytokines immunosuppressives comme le TGF-bêta ( transforming growth factor beta ) ou l'interleukine 10. Ce profil cytokinique singulier, qu'il soit partiellement ou totalement expliqué par un processus infectieux ou post-infectieux, expliquerait les altérations corticorésistantes progressives endothéliales, iriennes et cristalliniennes de l'uvéite de Fuchs [ 23].
En outre, si une grande part des études peinaient à retrouver le génome du Rubivirus dans l'humeur aqueuse chez une majorité de patients, certains auteurs estiment qu'il s'agit d'un manque de sensibilité lié aux techniques employées (importance croissante des techniques de deep sequencing de l'ARN viral).
Conclusion
Depuis 2004, on rattache volontiers, dans les pays occidentaux, l'uvéite de Fuchs à une infection par le virus de la rubéole. Que ce soit par la présence d'anticorps antirubéole et/ou du génome du virus dans l'humeur aqueuse des patients, par une diminution significative du nombre de cas depuis l'avènement du vaccin antirubéole ou par la survenue d'authentiques cas d'uvéite de Fuchs après inoculation de la forme vivante atténuée du virus chez des nourrissons, les liens entre uvéite antérieure et rubéole ne sont plus à prouver. Il persiste cependant des inconnues physiopathologiques et, de facto , thérapeutiques qui entravent encore aujourd'hui la prise en charge optimale des patients, pour qui les anti-inflammatoires n'ont pas l'intérêt qu'on leur connaît dans d'autres types d'uvéites.
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