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Chapitre 56
Tuberculose oculaire

S. Trad, C. Titah

Introduction
La tuberculose (TB) est une maladie infectieuse systémique causée par Mycobacterium tuberculosis (MT). Les formes extrapulmonaire représentent 20 % des cas et la tuberculose oculaire (TBO) concerne 3,5 % à 5,1 % des TB [ 1 , 2]. MT peut toucher toutes les structures de l'œil sans qu'il existe de présentation pathognomonique. L'atteinte oculaire se fait rarement par envahissement directe; il s'agit surtout d'une réaction immune excessive par hypersensibilité vis-à-vis de MT, ce qui explique la très faible contribution des prélèvements oculaires, y compris par amplification du génome (PCR) [ 3]. En l'absence de test de référence, le diagnostic repose sur l'association de manifestations oculaires évocatrices, d'anomalies radiologiques pulmonaires et de la positivité des tests immunologiques, tels que l'intradermoréaction à la tuberculine (IDR) et les interferon-gamma release assays (IGRA) [4]. Dans les pays de faible endémie de TB, le diagnostic de TBO est le plus souvent présomptif [ 5]. Ce sont le caractère chronique granulomateux de l'uvéite, les rechutes, la corticodépendance et la positivité des IGRA qui sont évocateurs de TBO [ 6].
Les recommandations de la COTS ( Collaborative Ocular Tuberculosis Study ) ont permis de clarifier les indications à initier le traitement antituberculeux (TAT) [7 , 8]. Le suivi post-TAT doit être prolongé [ 9]. La réponse au TAT d'épreuve permet a posteriori de retenir le diagnostic de TBO. L'association concomitante avec une corticothérapie est recommandée en cas d'atteinte choriorétinienne [7 , 8].
Cette mise au point a pour but de rappeler les principales formes cliniques évocatrices de TBO, les critères diagnostiques, les principes thérapeutique et la contribution diagnostique des IGRA dans les pays de faible endémie de TB.
Épidémiologie de la tuberculose oculaire
La TBO est la première cause d'inflammation oculaire (IO) d'origine infectieuse en Inde, pays à forte endémie pour la TB (60 % des uvéites infectieuses et 5 % des IO toutes étiologies confondues) [ 10]. Inversement, dans les pays à faible endémie d'Europe de l'Ouest, la TB est généralement inférieure à 5 %. Une étude française comparant une stratégie standardisée à une stratégie libre pour le diagnostic étiologique des IO a rapporté une prévalence de TBO de 10,7 % parmi 676 patients [ 11]. La prévalence de la TBO, fondée sur la réponse aux TAT, n'était en revanche que de 1,19 % sur une série américaine de 418 uvéites [12]. L'élément épidémiologique important à connaître est le fort taux de positivité du QuantiFERON® (QFN) parmi les patients consultant pour une IO dans les pays de faible endémicité, à savoir : 23 % de 343 uvéites en Allemagne [13], 13 % de 710 uvéites en Hollande [14], 16 % à 18 % en France [ 5 , 15] et 14,4 % de 418 uvéites aux États-Unis (versus 5 % dans la population saine) [12]. Cette forte prévalence pourrait être le témoin d'une sous-estimation des TBO.
Une particularité concerne les patients atteints du VIH, qui présentent plus volontiers des TB disséminées avec miliaire et TBO parfois asymptomatique, justifiant chez ses patients un examen oculaire systématique [16].
Physiopathologie
L'atteinte oculaire est principalement due à une réactivation de MT favorisée par une altération du système immunitaire (âge, etc.). La choroïde, tissu richement vascularisé, possède une forte teneur en oxygène, ce qui rend sa localisation préférentielle. On peut observer une dissémination oculaire hématogène de MT, via les vaisseaux choroïdiens, dans le cadre d'une miliaire avec formation de tubercules choroïdiens et/ou de tuberculomes, situation principalement observée dans les pays à forte endémie. Par opposition, l'inflammation peut résulter d'une réaction d'hypersensibilité croisée du système immun vis-à-vis des antigènes de l'épithélium pigmentaire choroïdien ou rétinien [1], avec une IO à type de choroïdite serpigineuse, de choroïdite multifocale tuberculeuse ou de vascularite rétinienne. L'IO est alors paucibacillaire.
Classification
Une standardisation de la nomenclature simplifiée de la TBO a été établie en 2019 [17]. Le diagnostic de TBO est retenu devant une IO cliniquement compatible associée à une positivité des tests immunologiques (IDR et/ou IGRA) et/ou la présence d'anomalies radiologiques de TB pulmonaire (séquellaire ou active) et/ou une présence de MT détectée par PCR dans les prélèvements de tissus/liquides oculaires (paramètre non nécessaire) (tableau 56-1
Tableau 56-1
Classification de la Collaborative Ocular Tuberculosis Study (COTS) de 2019 définissant la TBO*.
UATL'inflammation initiale est limitée à la chambre antérieure (iris et corps ciliaire) selon la classification du SUN Working Group
UITL'inflammation initiale est limitée au vitré (pars plana, corps ciliaire postérieur et hyalite) selon la classification du SUN Working Group
UPTL'inflammation touche la rétine et/ou la choroïde selon la classification du SUN Working Group
PanuvéiteL'inflammation touche la chambre antérieure, le vitré, la rétine et /ou la choroïde selon la classification du SUN Working Group
VRTEn cas vascularite rétinienne isolée (périphlébite et/ou artérite) avec ou sans maladie occlusive
CSTBLésions choroïdiennes uniques ou multiples, blanc-jaunâtre confluentes, qui progressent par les bords actifs de type serpigineux et une cicatrisation centrale
Les lésions peuvent être multifocales ou placoïdes
CMTLes lésions sont de phénotype de choroïdite multifocale idiopathique, avec épithéliopathie en plaque, et d'autres phénotypes qui ne ressemblent pas à la CSTB
Tubercules uniques ou multiples, petits (de diamètre < 0,5 du disque), de couleur blanc grisâtre, avec un noyau central et des bords inflammatoires
Se voit typiquement au cours de la miliaire
TuberculomeLésion sous-rétinienne jaunâtre unique ou multiple à bords flous avec un liquide exsudatif environnant
Parfois, il s'agit d'abcès sous-rétinien
RémissionMaladie inactive pendant au moins 3 mois après un traitement antituberculeux complet
GuérisonMaladie inactive 24 mois après un traitement complet antituberculeux
Aggravation paradoxaleProgression de la ou des lésions actives ou apparition de nouvelles lésions (dans au moins un œil) chez un patient qui a débuté le traitement antituberculeux et des corticoïdes concomitants dans les 3 à 8 semaines après le début du traitement
*IO associée à une positivité d'un ou de deux tests immunologique (IDR/IGRA) et/ou à la présence d'anomalies radiologiques de tuberculose pulmonaire (séquellaire ou active) et/ou la présence de Mycobacterium tuberculosis détecté par PCR dans les tissus/liquides oculaires (paramètre non nécessaire). L'évolution se définit en trois stades [17].

CMT : choroïdite multifocale tuberculeuse; CSTB : choroïdte serpigineuse tuberculeuse; SUN : Standardization of Uveitis Nomenclature; UAT : uvéite antérieure tuberculeuse; UIT : uvéite intermédiaire tuberculeuse; UPT : uvéite postérieure tuberculeuse; VRT : vasculaire rétinienne tuberculeuse.


). Le degré d'IO de la chambre antérieure ou de l'uvée est standardisé selon les critères du SUN Group ( Standardization of Uveitis Nomenclature ) [18].
Cliniquement, les différentes formes cliniques retenues de l'IO comprennent l'uvéite antérieure tuberculeuse (UAT), l'uvéite intermédiaire tuberculeuse (UIT), l'uvéite postérieure tuberculeuse (UPT), la panuvéite tuberculeuse (PUT) et la vascularite rétinienne tuberculeuse (VRT). La TBO peut évoluer vers une rémission, une aggravation paradoxale ou une guérison. Le statut de guérison est retenu devant une période post-TAT de 24 mois sans rechute [9].
Formes cliniques de tuberculose oculaire (TBO)
La TBO peut affecter n'importe quel tissu oculaire.
Atteinte externe de l'œil
Les formes extraoculaires sont rares et représentées par une conjonctivite granulomateuse, une dacryoadénite, une kératite interstitielle et une sclérite nodulaire chronique [19]. L'atteinte des paupières se traduit par un lupus vulgaris ou des nodules brun-jaunâtre en « aspect de gelée de pomme». Celle de l'orbite se présente sous forme d'une dacryocystite ou dacryoadénite avec possible atteinte osseuse de contiguïté [20]. L'envahissement de la conjonctive se manifeste par une conjonctivite mucopurulente traînante avec lymphadénopathie régionale voire des ulcérations conjonctivales nodulaires ou des papilles conjonctivales hypertrophiées. Ces atteintes résultant d'une dissémination hématogène, le diagnostic repose sur les prélèvements bactériologiques locaux [20].
À l'inverse, la kératoconjonctivite phlycténulaire est une atteinte limbique par réaction d'hypersensibilité retardée et se présente sous forme d'un petit nodule rose limbique s'étendant vers le centre, recouvert de vaisseaux superficiels et d'ulcérations cornéennes périphériques. Lorsque l'atteinte est centrale ou bilatérale, les autres causes infectieuses et la polyarthrite rhumatoïde doivent être évoquées [ 21]. L'atteinte de la sclère est associée ou fait suite à une uvéite antérieure (UA) ou une kératite. La sclérite tuberculeuse a une présentation nodulaire localisée ou diffuse et d'évolution récurrente, avec un risque de propagation de l'infection vers le stroma cornéen périphérique et l'iris, et de nécrose avec perforation en l'absence de traitement. La localisation postérieure est rare [22].
Atteinte intraoculaire
Uvéite antérieure tuberculeuse (UAT)
L'UAT est typiquement granulomateuse, très inflammatoire, d'évolution chronique, récurrente et accompagnée de précipités rétrocornéens. Le caractère granulomateux, non constant, ne concerne que 50 % des UAT [ 1]. L'uvéite est initialement souvent unilatérale et se bilatéralise dans un deuxième temps [1 , 19]. Lorsque l'uvéite prend un caractère chronique, les précipités sont volontiers en graisse de mouton avec présence de nodules iriens translucides vascularisés de Busacca ou de Koeppe , et se compliquent de synéchies iridocristalliniennes étendues, antérieures ou postérieures et à base large d'implantation, fortement évocatrices de TB [ 2]. L'UAT se complique de cataracte et de glaucome.
Uvéite intermédiaire tuberculeuse (UIT)
L'UIT est non spécifique et a été exclue des critères du SUN Working Group 2021 (encadré 56-1
Encadré 56-1
Critères diagnostiques du SUN Working Group 2021
Critères
  • Un syndrome uvéitique compatible avec

    • Uvéite antérieure avec nodules iriens

    • Choroïdite tuberculeuse de type serpigineuse

    • Nodule choroïdien (tuberculome)

    • Chez les individus atteints de tuberculose systémique active, choroïdite multifocale

    • Vascularite rétinienne occlusive


Et
  • Preuve d'une infection par Mycobacterium tuberculosis :

    • Infection à M. tuberculosis confirmée histologiquement et/ou microbiologiquement OU

    • Quantiferon® ou Spot test positif OU

    • IDR à la tuberculine > 10 mm (positif)


Exclusions
  • Sérologie positive pour la syphilis.

  • Biopsie positive pour la sarcoïdose (et donc absence de confirmation histologique ou microbiologique de l'infection par M. tuberculosis ).

  • Syndrome uvéitique compatible avec une uvéite associée à la sarcoïdose ou une uvéite tuberculeuse et adénopathie hilaire bilatérale à l'imagerie thoracique sans confirmation histologique ou microbiologique du diagnostic d'infection par M. tuberculosis .

). Il s'agit d'une hyalite chronique avec condensations vitréennes à type de snow balls ou banquise, de vascularites rétiniennes périphériques et de granulomes rétinochoroïdiens en regard. L'UIT se complique de néovaisseaux périphériques, d'œdème maculaire et d'hémorragie du vitré [ 1 , 19].
Uvéite postérieure tuberculeuse (UPT)
L'UPT est l'atteinte la plus fréquente de la TBO.
Les principales présentations cliniques de l'inflammation choroïdienne tuberculeuse à connaître sont les suivantes.
  • Les tubercules choroïdiens (« tubercules de Bouchut »), multiples, ovales, de dimension ≤ 0,5 D papillaire, à contours irréguliers, blanc-grisâtre ou jaunâtre, sont situés au pôle postérieur avec un noyau central et une bordure inflammatoire surélevée. Au stade de cicatrisation, les lésions sont pigmentées et atrophiques. Cette atteinte correspond à une dissémination hématogène au cours de la miliaire tuberculeuse [1 , 19].
  • Le tuberculome est de taille plus importante, jusqu'à 14 mm, visible comme une masse solide unilatérale, pouvant être confondue avec une tumeur solide. Il s'y associe des exsudats et hémorragies rétiniennes. Le tuberculome choroïdien maculaire (fig. 56-1
    Fig. 56-1
    Tuberculome : rétinographie multicolore.
    a. Le bombement rétinien prend un reflet verdâtre. À l'angiographie à la fluorescéine (b), la lésion est hyperfluoresecente. Elle est hypofluorescente à l'ICG (c). À l'OCT en coupe horizontale (d), la lésion est ovalaire hyporéflective située dans le stroma choroïdien. Noter la présence du décollement séreux rétinien (tête de flèche blanche) et une hyperréflectivité de l'épithélium pigmentaire au sommet du tuberculome (tête de flèche bleue). À l'OCT-A (e), la lésion est sombre, vide de flux avec refoulement du réseau choriocapillaire autour.
    ) s'accompagne d'un décollement séreux rétinien (DSR) et de membranes néovasculaires choroïdiennes [ 23]. Siège d'une prolifération rapide de MT suite à une dissémination hématogène, il entraîne une destruction tissulaire avec formation d'abcès sous-rétinien et nécrose caséeuse [ 1 , 19]. Le tuberculome périphérique prend un aspect de tumeur vasoproliférative [19].
  • Les lésions de choroïdite multifocale tuberculeuse (CMT) sont discrètes, blanc-jaunâtre avec des bords bien définis légèrement surélevés et une cicatrisation au centre. Les lésions ont un caractère confluent et extensif. Les lésions placoïdes tuberculeuses (épithéliopathie en plaque) apparaissent d'emblée sous forme de lésion en plaque à bord serpentin actif. L'extension se fait par les bords surélevés et le centre cicatrise avec apparition de pigments. Les lésions mixtes sont composées d'atteinte multifocales et placoïdes [1].
  • La choroïdite serpigineuse tuberculeuse (CSTB ou choroïdite pseudoserpigineuse) (fig. 56-2
    Fig. 56-2
    Choroïdien serpigineuse tuberculeuse.
    a. Rétinographie. Lésion jaunâtre hélicoïdale à point de départ papillaire. b. En autofluorescence, la lésion est hypo-autofluorescente. La présence de zones hyperautofluorescentes (flèches) est prédictive de l'apparition de nouvelles lésions. c. À l'angiographie à la fluorescéine, elles correspondent aux zones de rupture du liseré hyperfluoescents (têtes de flèche).
    ) est principalement médiée par un phénomène d'hypersensibilité. L'extension est centrifuge de la région juxtapapillaire, avec progression ondulante des berges [ 24]. Au fond d'œil, on observe des lésions d'âges différents avec aspect d'extension géographique : les lésions anciennes cicatricielles ont un aspect pigmenté, tandis que les lésions actives paraissent jaunâtres. L'atteinte est controlatérale dans plus de 60 % des cas [24], pouvant rester asymptomatiques de nombreuses années [ 1]. Une hyalite modérée est souvent associée [24]. La survenue de membranes néovasculaires choroïdiennes est rare (2 % de vascularite) [23- 24- 25]. MT est inconstamment objectivé par PCR [ 26]. L'aggravation sous corticoïdes d'une choroïdite multifocale serpigineuse doit faire suspecter une CSTB en cas de notion de contage.
  • La vascularite rétinienne tuberculeuse (VRT) rentre souvent dans le cadre d'une choriorétinite, ou fait suite à une choroïdite. Elle est rarement isolée. Il s'agit d'une rétinite récurrente associée à une hyalite qui présente un caractère veino-occlusif avec périphlébites, d'aspect en manchons périvasculaires avec des exsudats [ 1]. L'extension controlatérale est présente dans plus de 50 % des cas. La présence de cicatrices choroïdiennes pigmentées et des taches de choroïdites sont fortement suggestives de TBO (fig. 56-3
    Fig. 56-3
    Vascularite rétinienne tuberculeuse occluse.
    a. Rétinographie. Noter la présence de nodules choroïdiens (têtes de flèche) mieux visibles et plus nombreux à l'ICG (b, flèches). c. À l'angiographie à la fluorescéine, la veine occluse est mieux individualisée (tête de flèche) avec un ralentissement circulatoire. Noter le shunt optociliaire en regard de la papille.
    ) [ 2]. La VRT se complique de néovaisseaux prépapillaires ou prérétiniens (> 50 %), d'hémorragie vitréenne (> 25 %) ou rétinienne (> 50 %), de décollements tractionnels (15 %), de rubéose irienne et de glaucome néovasculaire. L'inflammation est principalement d'hypersensibilité retardée et MT est inconstamment objectivé par PCR [ 1]. La maladie d'Eales – périphlébite occlusive du sujet jeune provenant de zone de forte endémicité – est maintenant considérée par les experts comme une vascularite tuberculeuse [17].
Les autres manifestations sont rares : papillite, neurorétinite, endophtalmie, panopthalmie [ 1 , 20].
Aggravation paradoxale
L'aggravation paradoxale correspond à une réaction inflammatoire inadéquate survenant au début du TAT. Elle est principalement observée dans les TBO médiées par une réaction locale d'hypersensibilité, en particulier en cas d'UIT, de CSTB, de CMT [ 24 , 27] et de VRT [ 28]. Cette réaction paradoxale est généralement observée dans un délai de 15 jours pour la CSTB et la CMT, et de 3,5 mois pour l'UIT. On observe une aggravation des lésions préexistantes ou l'apparition de nouvelles lésions au même endroit ou à distance, détectées par les clichés en autofluorescence [27]. En raison de cette réaction paradoxale, une corticothérapie orale est systématiquement associée d'emblée au TAT dans ces formes cliniques [ 7 , 8].
Outils d'exploration ophtalmologique
Rétinographie
La rétinographie permet de définir une lésion, ses caractéristiques (active ou cicatricielle) et son évolution sous traitement. L'imagerie grand champ visualise la moyenne périphérie et la périphérie rétinienne sur un seul cliché avec un angle de vision de 200°, utile pour la surveillance de la périphérie.
Autofluorescence rétinienne
C'est une technique non invasive qui permet d'évaluer la progression des lésions choroïdiennes et la réponse au traitement. Les zones hypo-autofluorescentes correspondent à des lésions cicatricielles en rapport avec la destruction de l'épithélium pigmentaire. Les plages hyperautofluorescentes indiquent un hypermétabolisme cellulaire de lésions actives (voir fig. 56-2b
Fig. 56-2
Choroïdien serpigineuse tuberculeuse.
a. Rétinographie. Lésion jaunâtre hélicoïdale à point de départ papillaire. b. En autofluorescence, la lésion est hypo-autofluorescente. La présence de zones hyperautofluorescentes (flèches) est prédictive de l'apparition de nouvelles lésions. c. À l'angiographie à la fluorescéine, elles correspondent aux zones de rupture du liseré hyperfluoescents (têtes de flèche).
).
La CSTB évolue en quatre stades [ 29] : 1) lésion active diffuse mal définie hyperautofluorescente; 2) liseré hypoaufluorescent sur la bordure avec centre toujours hyperautofluorescent; 3) mélange de zones hypoautofluorescentes prédominantes et de quelques zones hyperfluorescentes; 4) lésion totalement cicatricielle hypo-autofluorescente.
Angiographie à la fluoroscéine
Cette technique explore la choroïde et la rétine. Le tuberculome choroïdien présente une hyperfluorescence précoce avec diffusion progressive du colorant et une hyperfluorescence tardive lésionnelle (voir fig. 56-1b
Fig. 56-1
Tuberculome : rétinographie multicolore.
a. Le bombement rétinien prend un reflet verdâtre. À l'angiographie à la fluorescéine (b), la lésion est hyperfluoresecente. Elle est hypofluorescente à l'ICG (c). À l'OCT en coupe horizontale (d), la lésion est ovalaire hyporéflective située dans le stroma choroïdien. Noter la présence du décollement séreux rétinien (tête de flèche blanche) et une hyperréflectivité de l'épithélium pigmentaire au sommet du tuberculome (tête de flèche bleue). À l'OCT-A (e), la lésion est sombre, vide de flux avec refoulement du réseau choriocapillaire autour.
). Le tubercule choroïdien actif est hypofluorescent avec une imprégnation tardive à la fluorescéine. La lésion cicatricielle atrophique est hyperfluorescente par effet fenêtre. Les lésions de CSTB sont hypofluorescentes, aux temps précoce et tardif, avec une visibilité anormale du réseau choroïdien sous-jacent. Les bords des lésions cicatrisées sont hyperfluorescents, avec une interruption en cas de la progression de l'IO (voir fig. 56-1c
Fig. 56-1
Tuberculome : rétinographie multicolore.
a. Le bombement rétinien prend un reflet verdâtre. À l'angiographie à la fluorescéine (b), la lésion est hyperfluoresecente. Elle est hypofluorescente à l'ICG (c). À l'OCT en coupe horizontale (d), la lésion est ovalaire hyporéflective située dans le stroma choroïdien. Noter la présence du décollement séreux rétinien (tête de flèche blanche) et une hyperréflectivité de l'épithélium pigmentaire au sommet du tuberculome (tête de flèche bleue). À l'OCT-A (e), la lésion est sombre, vide de flux avec refoulement du réseau choriocapillaire autour.
). La VRT se traduit par une imprégnation et une diffusion pariétale du colorant. En cas d'occlusion vasculaire, l'angiographie détecte les territoires de non-perfusion et les néovaisseaux rétiniens (voir fig. 56-3c
Fig. 56-3
Vascularite rétinienne tuberculeuse occluse.
a. Rétinographie. Noter la présence de nodules choroïdiens (têtes de flèche) mieux visibles et plus nombreux à l'ICG (b, flèches). c. À l'angiographie à la fluorescéine, la veine occluse est mieux individualisée (tête de flèche) avec un ralentissement circulatoire. Noter le shunt optociliaire en regard de la papille.
).
Angiographie au vert d'indocyanine (ICG)
Cette technique permet un examen plus précis de la choroïde. En cas de CMT ou de CSTB, les lésions sont en permanence hypofluorescentes du fait de l'occlusion persistante de la choriocapillaire. Au stade cicatriciel, les lésions sont bien délimitées, hypofluorescentes, avec visibilité anormale de la vascularisation choroïdienne sous-jacente [ 1 , 24 , 25]. Le tuberculome reste hypofluorescent durant toute les séquences (voir fig. 56-1c
Fig. 56-1
Tuberculome : rétinographie multicolore.
a. Le bombement rétinien prend un reflet verdâtre. À l'angiographie à la fluorescéine (b), la lésion est hyperfluoresecente. Elle est hypofluorescente à l'ICG (c). À l'OCT en coupe horizontale (d), la lésion est ovalaire hyporéflective située dans le stroma choroïdien. Noter la présence du décollement séreux rétinien (tête de flèche blanche) et une hyperréflectivité de l'épithélium pigmentaire au sommet du tuberculome (tête de flèche bleue). À l'OCT-A (e), la lésion est sombre, vide de flux avec refoulement du réseau choriocapillaire autour.
). Lorsqu'il est logé en partie dans la choroïde, il présente une isofluorescence au temps tardif. L'ICG permet aussi de mieux individualiser les membranes néovasculaires choroïdiennes. Lors du suivi, leur disparition est indispensable pour conclure à une guérison [ 29].
Tomographie par cohérence optique et OCT-EDI
Cette technique permet une bonne visualisation de la choroïde profonde et la sclère. En cas de CSTB, il y a une altération des zones ellipsoïde et myoïde, une hyperréflectivité de la rétine externe, une augmentation de l'épaisseur choroïdienne et une hyperréflectivité la choroïde en regard. Au stade cicatriciel, il y a un amincissement de la rétine externe et de la choroïde avec une hyperréflectivité en regard. Le tuberculome a une forme lobulée inhomogène, mal définie, avec absence d'architecture interne et transmission accrue du signal (voir fig. 56-1d
Fig. 56-1
Tuberculome : rétinographie multicolore.
a. Le bombement rétinien prend un reflet verdâtre. À l'angiographie à la fluorescéine (b), la lésion est hyperfluoresecente. Elle est hypofluorescente à l'ICG (c). À l'OCT en coupe horizontale (d), la lésion est ovalaire hyporéflective située dans le stroma choroïdien. Noter la présence du décollement séreux rétinien (tête de flèche blanche) et une hyperréflectivité de l'épithélium pigmentaire au sommet du tuberculome (tête de flèche bleue). À l'OCT-A (e), la lésion est sombre, vide de flux avec refoulement du réseau choriocapillaire autour.
). L'OCT-EDI ( enhanced depth imaging ) permet le suivi et l'évolution des tuberculomes qui précèdent leur disparition à l'ICG.
Tomographie par cohérence optique-angiographie (OCT-A)
Dans la CSTB, les lésions actives ont un déficit de flux au niveau de la choriocapillaire mieux visible en OCT-A qu'à l'ICG. Les tubercules sont vides d'écho et apparaissent également plus nombreux qu'à l'ICG. Les tuberculomes apparaissent comme une masse occupant le stroma sans flux, provoquant un refoulement de la vascularisation choroïdienne et une altération du flux sanguin choroïdien de voisinage (voir fig. 56-1e
Fig. 56-1
Tuberculome : rétinographie multicolore.
a. Le bombement rétinien prend un reflet verdâtre. À l'angiographie à la fluorescéine (b), la lésion est hyperfluoresecente. Elle est hypofluorescente à l'ICG (c). À l'OCT en coupe horizontale (d), la lésion est ovalaire hyporéflective située dans le stroma choroïdien. Noter la présence du décollement séreux rétinien (tête de flèche blanche) et une hyperréflectivité de l'épithélium pigmentaire au sommet du tuberculome (tête de flèche bleue). À l'OCT-A (e), la lésion est sombre, vide de flux avec refoulement du réseau choriocapillaire autour.
). L'OCT-A détecte plus facilement les néovaisseaux choroïdiens et facilite le suivi sous traitement anti-angiogénique.
L'analyse multimodale des différents examens – rétinographie, autofluorescence, angiographie (à la fluorescéine, à l'ICG) – permet une meilleure analyse de l'activité des lésions et de surveiller leur évolution sous traitement.
Démarche diagnostique
Interrogatoire et examen clinique
En pays de faible endémie, l'interrogatoire s'attache surtout à rechercher une notion de contage tuberculeux ou de vécu en zone de forte endémie de TB, qui est fortement corrélé à la positivité des IGRA et aidera à la décision finale d'initier ou non un TAT [5]. La recherche d'une immunodépression est systématique (anti-TNFα, VIH, etc.). La recherche de signes cliniques de TB active n'est contributive qu'en zone de forte endémicité (amaigrissement, sueurs nocturnes, fièvre, adénopathies, toux, etc.). En France et dans les pays avec vaccination par le bacille de Calmette-Guérin (BCG), on recueillera le statut du patient vis-à-vis de l'IDR.
Explorations bactériologiques et/ou histologique
La mise en évidence de MT en culture se fait surtout en cas de TB pulmonaire active, de lésions externes de l'œil, de tuberculome ou d'abcès sous-rétinien. La recherche de MT par PCR se fait principalement dans l'humeur aqueuse ou le vitré. Dans les pays de forte endémie de TB, son rendement est élevé, avec une TB systémique quasi constante en cas de tuberculome ou de tubercules choroïdiens, et moindre en cas de CSTB et CMT [ 26]. Une positivité de la PCR a été retrouvée dans l'épithélium pigmentaire de patients ayant une TB latente (TBL) sans IO et n'est pas synonyme de TBO [ 30]. La réalisation conjointe d'une PCR intraoculaire et sérique objective, en cas de double positivité, une prévalence accrue de TB pulmonaire active [ 31]. Dans les pays de faible endémie de TB, l'existence d'une TB active associée est rare (≤ 2 %) [ 5 , 12 , 14] et le rendement de la PCR décevant. L'évolution post-TAT était comparable chez 31 patients PCR+ et 18 patients PCR– avec un taux d'échec, respectivement, de 15 % et 12 % [ 3].
Explorations radiologiques
L'imagerie pulmonaire est systématique en cas d'uvéite postérieure pour rechercher des éléments en faveur d'une sarcoïdose ou d'une TB [ 11]. Les éléments radiologiques pouvant orienter vers une TBO sont principalement séquellaires (adénopathies calcifiées, calcifications pleurales/péricardites, chancre d'inoculation calcifié). Plus rarement, et surtout pour les pays à forte prévalence de TB, on recherche des signes de TB pulmonaire active. L'existence de lésions séquellaires de TB est synonyme d'un contact tuberculeux certain et a la même valeur diagnostique qu'une positivité des IGRA [17].
La contribution de l'imagerie est significativement différente selon la prévalence de la TB. Dans les pays de forte endémicité, les anomalies radiologiques sont retrouvées dans 76 % à 80 % des cas [ 32 , 33]. À l'inverse, dans les pays de faible endémie, les anomalies radiologiques compatibles avec une TB guérie ou une sarcoïdose sont retrouvées dans 14 % à 22 % des cas [5 , 14 , 34]. L'existence de lésions interstitielles oriente plus volontiers vers une TB, contrairement à la présence d'adénopathies qui sont peu discriminantes pour différencier TB et sarcoïdose [33].
Explorations immunologiques
Intradermoréaction à la tuberculine (IDR) (test de Mantoux)
Dans les pays de forte endémicité, la sensibilité et la spécificité de l'IDR pour poser le diagnostic de TBO sont respectivement de 90 % à 95 % et de 72 % à 90 % [ 32 , 35 , 36]. La spécificité est médiocre en France où le BCG était obligatoire jusqu'en 2007, mais le caractère phlycténulaire peut être un argument pour initier un TAT.
Une étude fondée sur l'IDR pour poser le diagnostic de TBO et prenant comme critères diagnostiques 1) IDR > 10 ou 15 mm, 2) tableau d'IO compatible avec une TBO et 3) exclusion d'autres étiologies retrouvait un taux de réponse au TAT d'épreuve de 90 % [37]. Dans les pays industrialisés, la positivité de l'IDR est significativement corrélée à une TBO chez les migrants provenant de région de forte endémicité [38].
Interferon-gamma releasing assay (IGRA)
Les tests IGRA n'ont pas d'interaction avec le BCG [39]. Le QuantiFERON -TB-Gold® (QFN) est le test le plus rapporté dans les études sur la TBO. Il a obtenu, en 2017, une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour « l'aide au diagnostic de TB paucibacillaire en cas de TB extrapulmonaire». Le test mesure la production d'interféron gamma (IFN-γ) in vitro après stimulation par deux antigènes spécifiques de MT (ESAT6, CFP10). Le QFN-TB In-Tube® utilise un troisième antigène spécifique (TB7.7), mais n'a pas montré de supériorité dans sa capacité à dépister une TBO [15]. De sensibilité équivalente à celle de l'IDR, sa spécificité pour attester d'un contage tuberculeux est de 92 % à 97 %. Le QFN® offre une meilleure rentabilité que l'IDR chez les patients immunodéprimés [32 , 34]. En cas de bonne réponse au TAT dans le cadre d'une TBO, le taux de réversion est faible (20 %) [ 32]. Un QFN® positif chez un patient avec uvéite et aux antécédents de TB pulmonaire traitée ne permet pas de poser le diagnostic de TBO [ 40].
IGRA dans les pays à forte endémie pour la TB
Dans les zone de forte endémicité, le taux de TB active était de 3,8 % à 15 % selon plusieurs études [ 32 , 37 , 41 , 42]. La sensibilité du QFN® pour dépister les TBO était de 77 % à 93 % pour une spécificité de 75 % à 82 % [32 , 37]. En cas de combinaison avec un test IGRA, une double valeur négative de ces deux tests est corrélée à une bonne valeur prédictive négative de près de 80 % [37], et cette stratégie s'avère être plus efficiente que celles à un test ou à tests différés [41]. La discordance entre IGRA et IDR est fréquente (25 % à 50 %), mais moins marquée en cas de panuvéite [42].
IGRA dans les pays de faible prévalence pour la TB
Dans ces pays, la proportion de TB active est rare (0 % à 4 %) [5 , 6 , 12-13-14 , 34 , 41 , 43]. La spécificité des IGRA peut être estimée à 77 % en se fondant sur une réponse au TAT en cas d'uvéite/QFN®+ [34]. Les principales formes d'IO associées à un QFN® positif étaient la CSTB [ 37 , 43] et la VRT [43]. Le seuil de QFN®, établi à 0,35 UI/ml, semble trop bas en cas d'IO. Un taux supérieur (1,5 ou 2 UI/ml) a été retenu pour discriminer les patients répondeurs aux TAT [5 , 34]. La forte prévalence du QFN® dans les pays à faible endémie [5 , 12-13-14-15 , 34 , 40] serait plutôt le reflet d'association fortuite entre IO et QFN®+. Une proportion importante de diagnostic alterne (> 25 %) est retrouvée parmi les cas d'IO/QFN®+, avec une nette prédominance de sarcoïdose oculaire [13 , 14 , 43]. L'association sarcoïdose/MT a déjà été bien établie [ 44]. Une étude française, réalisée sur 234 sarcoïdoses oculaires prouvées histologiquement, objectivait une prévalence de sarcoïdose/QFN®+ de 12 %, plus souvent associée à une IO chronique ou une panuvéite [45]. Un test IGRA positif en zone de faible endémie ne doit pas faire surseoir au diagnostic de sarcoïdose [43-44-45].
En dépit d'une valeur prédictive positive faible, une positivité du QFN® en cas d'IO chronique avec réponse insatisfaisante aux immunosuppresseurs doit inciter à initier un TAT [6].
Le tableau 56-2
Tableau 56-2
Résumé des données des outils diagnostiques en fonction de l'endémicité du patient.
Outils décisionnelsZone de forte endémie pour la TB Zone de faible endémie pour la TB
Interrogatoire et cliniqueRechercher une TB pulmonaire activeRechercher contage TB ou vécu en zone d'endémicité
Radiographie ou TDM pulmonaireAnomalies fréquentes ≈ 75 % Anomalies rares < 20 %
Intradermoréaction (IDR) à la tuberculineSensibilité équivalente au QFN®Peu contributive en cas de vaccination BCG
QuantiFERON® (QFN)Très bonne VPN si IDR et QFN® négatifsForte prévalence : 13–20 %
La positivité n'élimine pas une sarcoïdose oculaire
PCR pour rechercher MT dans l'humeur aqueuse ou le vitréSi tuberculome ou tubercules choroïdiens ou miliaire pulmonaireTrès peu contributive
Rarement réalisée
Durée habituelle du traitement antituberculeuxSouvent ≥ 9 mois 6 mois

BCG : bacille Calmette-Guérin; MT : Mycobacterium tuberculosis; PCR : polymerase chain reaction; TB : tuberculose; VPN : valeur prédictive négative.


résume les données des outils diagnostiques en fonction de l'endémicité du patient. À ce jour, aucune étude prospective randomisée n'a été réalisée afin de déterminer le bénéfice/risque d'un TAT devant une uvéite/QFN®+.
Traitement
Traitement antituberculeux (TAT) d'épreuve
En l'absence de mise en évidence de MT dans les pays de faible endémie, le clinicien est souvent amené à initier un TAT d'épreuve [ 1 , 24 , 32 , 34 , 35 , 40 , 46]. La réponse au TAT est définie par une baisse à 2 mois d'au moins 2 croix de l'IO selon la classification du SUN [ 46], les granulomes choroïdiens guérissant en 3 mois [1]. Le statut de guérison se détermine par l'absence de récidive à 2 ans post-TAT [ 9]. Le diagnostic de TBO peut être infirmé en l'absence d'amélioration de l'IO à 2 mois. Le TAT est poursuivi par une bithérapie (isoniazide/rifampicine) un 3 e mois pour compléter le traitement d'une TBL.
Le TAT de la TBO consiste en une quadrithérapie initiale pendant les deux premiers mois, incluant isoniazide (5 mg/kg/j), rifampicine (10 mg/kg/j), éthambutol (15 mg/kg/j) et pyrazinamide (25–30 mg/kg/j) [5 , 6 , 32 , 34 , 40 , 43], suivie d'une bithérapie par rifampicine-isoniazide pour une durée de 4 mois [5 , 24 , 34], voire plus prolongée en particulier dans les pays à forte endémie [ 6 , 19 , 27]. L'utilisation de l'éthambutol reste de rigueur compte tenu des multirésistances acquises. Un champ visuel est réalisé avant initiation du TAT.
Le TAT permet, en cas de TBO, une disparition de l'IO [ 13 , 43], une réduction des récidives [3 , 19 , 24 , 32 , 34 , 35 , 40] et un gain sur l'acuité visuelle [28]. Sous TAT, les complications impactant l'acuité visuelle sont la cataracte, l'œdème maculaire, les néovaisseaux et la membrane épirétinienne [1 , 24]. Le taux de guérison sous TAT se situe entre 70 % et 90 % [28 , 34 , 35 , 47] et l'adjonction d'une corticothérapie ne modifie pas le taux de récidive [ 47]. Dans les pays à forte endémicité, le TAT en add-on d'une corticothérapie fait baisser le taux de récidive de 46 % à 16 % [35], avec un taux inférieur à 10 % pour la CSTB [ 24 , 27]. Dans les pays à faible endémicité, aucune donnée n'est disponible à ce jour.
Les indications d'initier ou non un TAT devant une IO ont été récemment clarifiées par la COTS en fonction : 1) du type d'IO; 2) de la présence ou non d'anomalies à l'imagerie pulmonaire (AIP) de TB active ou guérie; 3) des résultats immunologiques (IDR et IGRA); et 4) du niveau d'endémicité de TB [7 , 8]. Ces indications sont les suivantes :
  • inflammation extraorbitaire , souvent associée à une TB systémique : le TAT est indiqué [19];
  • uvéite antérieure tuberculeuse (UAT) : si les corticoïdes locaux permettent un bon contrôle initial de l'UA, les récidives sont fréquentes. Dans les pays de forte endémicité, une étude a montré une baisse des récidives en cas de TAT associé à la corticothérapie locale (54 % versus 22 %) [ 35]. Cela n'a pas été démontré dans les pays de faible endémicité, avec absence de bénéfice d'un TAT d'épreuve, dans une étude portant sur 165 UA [48]. Dans ces pays, le consensus de la COTS pour initier un TAT est fort devant une UA récidivante avec IDR et IGRA positifs et présence d'AIP. Il est faible en cas de premier épisode d'UA ou en cas de négativité des IGRA [ 8];
  • uvéite intermédiaire tuberculeuse (UIT) : dans les zones de faible endémie, le consensus est fort en cas de présence d'AIP avec IDR et IGRA positifs. Un seul test positif est nécessaire si le patient provient d'une zone endémique [8];
  • atteintes choroïdiennes : en zone de faible endémicité, le consensus de la COTS [7] pour initier un TAT est :
    • tuberculome : absolu si IDR et IGRA positifs avec AIP; modéré si AIP isolées ou associées à un test positif (IDR ou IGRA); faible à modéré en l'absence d'AIP quel que soit le résultat des IDR et IGRA;
    • choroïdite serpigineuse tuberculeuse (CSTB) : absolu si IDR et IGRA positifs avec AIP; modéré en cas de test immunologique positif avec AIP; faible à modéré si un paramètre sur trois de positif;
    • choroïdite multifocale tuberculeuse (CMT) : absolu si IDR et IGRA positifs avec AIP; modéré en cas d'un test positif (IDR ou IGRA) avec AIP; faible à modéré en cas d'absence d'AIP avec un test positif (IDR ou IGRA);
    • vascularite rétinienne tuberculeuse (VRT) : le consensus de la COTS en zone de forte endémicité est très fort en cas d'IDR et d'IGRA positifs avec AIP; fort à modéré en cas d'AIP associées à un test positif (IDR ou IGRA); faible en l'absence d'AIP. Dans les pays à faible endémicité, le consensus reste faible même en présence d'AIP avec IDR et IGRA positifs [8];
    • panuvéite : en zone de faible endémicité, le consensus de la COTS [ 8] est fort si IDR et IGRA sont positifs avec AIP associée; modéré en cas d'AIP et d'un test positif (IDR ou IGRA); faible en cas d'IGRA négatif.
Traitement et prévention de la réaction paradoxale
En cas de CSTB, de CMT et de VRT, l'utilisation d'une corticothérapie concomitante au TAT est nécessaire pour contrôler le flare up de l'IO et éviter les destructions tissulaires. La posologie recommandée de prednisone est de 60 mg/jour [34] voire 1,5 mg/kg/jour [27], avec décroissance progressive et arrêt à 3 mois. Sous corticoïdes, l'IO paradoxale se corrige en 4 à 8 semaines [1]. Le consensus de la COTS est fort pour initier cette corticothérapie d'emblée en cas de CSTB et de CMT [ 7]. En cas de VRT, la corticothérapie est associée à une photocoagulation au laser des zones ischémiques [8]. Pour le tuberculome, la corticothérapie est initiée sous réserve de l'absence de TB systémique active [7].
Les corticoïdes locaux avec injections intravitréennes de déxaméthasone retard peuvent être proposés en cas d'intolérance ou de contre-indication aux corticoïdes par voie générale ou en cas d'œdème maculaire [49].
Les immunosuppresseurs sont proposés secondairement en cas d'IO récidivante et/ou de corticodépendance en cas de CSTB, de CMT et de VRT [ 7 , 8].
Schéma de stratégie thérapeutique proposé en zone de faible endémicité
Une prise en charge distincte s'avère nécessaire pour la prise en charge des IO présumées tuberculeuses dans les pays non endémiques [ 7 , 8 , 19]. La figure 56-4
Fig. 56-4
Schéma de stratégie thérapeutique proposé en zone de faible endémicité (d'après [7, 8]).
UA : uvéite antérieure; IDR : intradermoréaction à la tuberculine; UI : uvéite intermédiaire.
est une proposition de stratégie diagnostique ciblée pour ces pays de faible endémicité.
Conclusion
Cette mise au point souligne les fortes différences observées dans la contribution de l'imagerie pulmonaire, des prélèvements bactériologiques et des tests immunologiques selon la zone d'endémicité du patient. La positivité du Quantiferon® est souvent associée à un tableau de sarcoïdose oculaire dans les zones à faible endémie.
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