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Chapitre 61
Rickettsioses

S. Khochtali, M. Khairallah, B. Jelliti, R. Messaoud, M. Khairallah

Introduction
Les rickettsioses sont des zoonoses cosmopolites ré-émergentes causées par de petites bactéries intracellulaires strictes à Gram négatif appelées rickettsies qui ont un tropisme pour l'endothélium vasculaire. Elles sont transmises par différentes espèces d'arthropodes infectés tels que les tiques , les poux ou les puces [1 , 2].
Les rickettsioses sont généralement classées en trois grands groupes : le groupe boutonneux ; le groupe typhus et le groupe Orientia (typhus des broussailles) (tableau 61-1
Tableau 61-1
Classification des rickettsioses
MaladiesAgent pathogèneVecteurRépartition géographiquePériode d'incubationRash/escarre d'inoculation
Groupe boutonneux
Fièvre boutonneuse méditerranéenneRickettsia conoriiTiquePays méditerranéens (dont la France), Europe centrale, Afrique centrale, Inde 5–7 jours Éruption maculopapuleuse avec escarre unique
Fièvre pourprée des montagnes RocheusesRickettsia rickettsiiTiqueAmérique du Nord, centrale et du Sud2–14 jours Éruption érythématopapuleuse avec des lésions pétéchiales sans escarre
Fièvre à tiques africaineRickettsia africaeTiqueAfrique, Antilles, îles de l'océan Indien5–10 jours Éruption maculopapuleuse avec escarre unique ou multiple
Rickettsialpox (fièvre vésiculeuse) Rickettsia akariAcariensAmérique du Nord, Europe, Corée10–12 jours Éruption papulovésiculeuse avec escarre
Typhus à tiques de SibérieRickettsia sibiricaTiqueRussie, Chine, Pakistan, Mongolie5–7 jours Éruption maculopapuleuse avec escarre
Syndrome lymphangitis-associated-rickettsiosis (LAR) Rickettsia sibirica mongolitimonaeTiqueMongolie, France, Afrique du Sud5 jours Éruption maculopapuleuse avec escarre, lymphangite
Typhus à tiques du QueenslandRickettsia australisTiqueAustralie5–7 jours Éruption maculopapuleuse ou vésiculeuse avec escarre (65 %)
Syndrome SENLAT (scalp eschar associated with neck lymphadenopathy after tick bite) Rickettsia slovacaTiqueEurope5 jours Escarre du cuir chevelu avec adénopathies cervicales
Oriental spotted feverRickettsia japonicaTiqueJapon6–12 jours Éruption maculeuse avec escarre unique
Groupe typhus
Typhus épidémiqueRickettsia prowazekiiPouxCertaines régions d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine (pauvreté, mauvaises conditions d'hygiène, guerres et catastrophes naturelles) 7–14 jours Éruption maculopapuleuse centrifuge sans escarre
Typhus murin (ou endémique)Rickettsia typhiPuces du ratDistribution mondiale6–12 jours Éruption cutanée maculopapuleuse peu visible sans escarre
Groupe Orientia
Typhus des broussaillesOrientia tsutsugamushiAcariensAsie, Australie, ouest du pacifique6-12 jours Éruption maculopapuleuse non prurigineuse avec escarre associée à une adénopathie satellite
) [3].
Certaines rickettsioses, dont la fièvre boutonneuse méditerranéenne (FBM) due à Rickettsia conorii , sont endémiques en France, avec un caractère saisonnier estival. D'autres sont plutôt diagnostiquées chez des voyageurs consultant au retour d'un voyage en zone d'endémie. Le réchauffement climatique et la globalisation favorisent la résurgence des rickettsioses à l'échelle mondiale.
Outre la FBM, les rickettsioses du groupe boutonneux endémiques en France incluent Rickettsia slovaca , qui a été associée au syndrome SENLAT ( Scalp Eschar associated with Neck Lymphadenopathy after Tick bite ), et Rickettsia sibirica mongolitimonae , qui a été associée au syndrome lymphangitis-associated-rickettsiosis [4]. Les rickettsioses sont fréquemment méconnues, sous-diagnostiquées et confondues avec d'autres syndromes fébriles aigus : FBM (57,9 %), FPMR (87 %) et typhus des broussailles (66,5 %) [2 , 5].
Des études récentes montrent que les manifestations oculaires de la rickettsiose sont fréquentes [1 , 3 , 6 , 7]. Toute suspicion de rickettsiose implique l'instauration rapide d'une antibiothérapie empirique appropriée sans attendre la confirmation biologique, ce qui conditionne le pronostic systémique et visuel.
Signes cliniques
La période d'incubation d'une rickettsiose varie entre 2 et 21 jours. La maladie débute brutalement avec fièvre à 39–40 °C, frissons, céphalées et myalgies. La phase d'état, atteinte en 3 à 5 jours, est caractérisée par une éruption cutanée, le plus souvent maculopapuleuse, qui touche le tronc et les membres, puis tout le corps, y compris les paumes des mains et les plantes des pieds, avec épargne de la face (fig. 61-1a
Fig. 61-1
Éruption cutanée maculopapuleuse (a) et escarre d'inoculation, communément appelée « tache noire» (b), chez un patient atteint de fièvre boutonneuse méditerranéenne.
). La fréquence du rash cutané est variable : 97 % pour la FBM et 80 % à 90 % pour la fièvre pourprée des montagnes Rocheuses (FPMR) [2]. L'escarre d'inoculation au site de la piqûre de tique, communément appelée tache noire, est retrouvée chez 50 % à 85 % des patients avec FBM (fig. 61-1b
Fig. 61-1
Éruption cutanée maculopapuleuse (a) et escarre d'inoculation, communément appelée « tache noire» (b), chez un patient atteint de fièvre boutonneuse méditerranéenne.
). Elle est absente au cours de la FPMR et du typhus.
Manifestations ophtalmologiques
Les atteintes ophtalmologiques liées aux rickettsioses sont fréquentes et variées, et peuvent toucher les différentes structures oculaires, mais principalement la rétine et le nerf optique [4 , 7 , 8].
Rétinite
La rétinite représente une manifestation oculaire fréquente (30-50 %) et très caractéristique des rickettsioses, incluant la FBM , la FPMR et le typhus [6 , 8-9-10-11]. Elle est le plus souvent asymptomatique, mais se manifeste parfois par une baisse brutale de la vision, des myodésopsies, une amputation du champ visuel, ou une rougeur oculaire avec ou sans douleur. L'examen du fond d'œil montre des lésions rétiniennes blanchâtres, superficielles, uniques ou le plus souvent multiples, unilatérales ou plus fréquemment bilatérales. Ces infiltrats rétiniens sont de taille variable (entre 150 et plus de 3000 μ) et siègent au pôle postérieur ou en périphérie, en contact étroit avec des vaisseaux rétiniens, principalement des artérioles (fig. 61-2,
Fig. 61-2
Patient de 28 ans avec antécédents de fièvre récente associée à un rash consultant pour flou visuel bilatéral.
a. Photographie du fond d'œil droit montrant des lésions de rétinite multifocale superficielle de tailles différentes. b, c. Angiographie à la fluorescéine montrant une hypofluorescence précoce et une imprégnation tardive des lésions de grande taille et une isofluorescence des lésions de petite taille. Noter la présence de diffusions vasculaires rétiniennes prédominant autour des foyers rétiniens et d'une hyperfluorescence papillaire tardive. d. Coupe OCT montrant un décollement séreux rétinien, un épaississement du neuroépithélium et une lésion hyperréflective au niveau des couches rétiniennes internes avec ombrage postérieur correspondant à un infiltrat rétinien (flèche). La sérologie a confirmé le diagnostic d'infection à Rickettsia conorii Rickettsia conorii (fièvre boutonneuse méditerranéenne).
fig. 61-3
Fig. 61-3
Patiente de 57 ans avec fièvre, céphalées et malaise en rapport avec une méningite lymphocytaire.
L'examen systématique du fond d'œil montre une rétinite superficielle multifocale avec des lésions de petite taille. La sérologie a confirmé le diagnostic d'infection à Rickettsia typhi Rickettsia typhi (typhus murin).
). Les lésions rétiniennes de petite taille au niveau du fond d'œil postérieur peuvent mimer des nodules cotonneux.
Dans une étude récente, une rickettsiose est retrouvée chez 68,5 % des patients présentant une rétinite superficielle multifocale aiguë associée à un syndrome fébrile [12].
L'OCT montre, au niveau des infiltrats rétiniens, un épaississement hyperréflectif des couches internes de la rétine avec ou sans ombrage postérieur associé, et peut montrer un œdème rétinien ou un décollement séreux de la rétine (DSR) associés (voir fig. 61-2
Fig. 61-2
Patient de 28 ans avec antécédents de fièvre récente associée à un rash consultant pour flou visuel bilatéral.
a. Photographie du fond d'œil droit montrant des lésions de rétinite multifocale superficielle de tailles différentes. b, c. Angiographie à la fluorescéine montrant une hypofluorescence précoce et une imprégnation tardive des lésions de grande taille et une isofluorescence des lésions de petite taille. Noter la présence de diffusions vasculaires rétiniennes prédominant autour des foyers rétiniens et d'une hyperfluorescence papillaire tardive. d. Coupe OCT montrant un décollement séreux rétinien, un épaississement du neuroépithélium et une lésion hyperréflective au niveau des couches rétiniennes internes avec ombrage postérieur correspondant à un infiltrat rétinien (flèche). La sérologie a confirmé le diagnostic d'infection à Rickettsia conorii Rickettsia conorii (fièvre boutonneuse méditerranéenne).
) [9]. En angiographie fluorescéinique (AF), les foyers de moyenne ou grande taille sont hypofluorescents aux temps précoces et s'imprègnent aux temps tardifs (voir fig. 61-2
Fig. 61-2
Patient de 28 ans avec antécédents de fièvre récente associée à un rash consultant pour flou visuel bilatéral.
a. Photographie du fond d'œil droit montrant des lésions de rétinite multifocale superficielle de tailles différentes. b, c. Angiographie à la fluorescéine montrant une hypofluorescence précoce et une imprégnation tardive des lésions de grande taille et une isofluorescence des lésions de petite taille. Noter la présence de diffusions vasculaires rétiniennes prédominant autour des foyers rétiniens et d'une hyperfluorescence papillaire tardive. d. Coupe OCT montrant un décollement séreux rétinien, un épaississement du neuroépithélium et une lésion hyperréflective au niveau des couches rétiniennes internes avec ombrage postérieur correspondant à un infiltrat rétinien (flèche). La sérologie a confirmé le diagnostic d'infection à Rickettsia conorii Rickettsia conorii (fièvre boutonneuse méditerranéenne).
). Quant aux foyers de petite taille, ils apparaissent isofluorescents ou légèrement hypofluorescents tout au long de la séquence angiographique. Leur imprégnation tardive est rare, mais possible (voir fig. 61-2
Fig. 61-2
Patient de 28 ans avec antécédents de fièvre récente associée à un rash consultant pour flou visuel bilatéral.
a. Photographie du fond d'œil droit montrant des lésions de rétinite multifocale superficielle de tailles différentes. b, c. Angiographie à la fluorescéine montrant une hypofluorescence précoce et une imprégnation tardive des lésions de grande taille et une isofluorescence des lésions de petite taille. Noter la présence de diffusions vasculaires rétiniennes prédominant autour des foyers rétiniens et d'une hyperfluorescence papillaire tardive. d. Coupe OCT montrant un décollement séreux rétinien, un épaississement du neuroépithélium et une lésion hyperréflective au niveau des couches rétiniennes internes avec ombrage postérieur correspondant à un infiltrat rétinien (flèche). La sérologie a confirmé le diagnostic d'infection à Rickettsia conorii Rickettsia conorii (fièvre boutonneuse méditerranéenne).
et fig. 61-3
Fig. 61-3
Patiente de 57 ans avec fièvre, céphalées et malaise en rapport avec une méningite lymphocytaire.
L'examen systématique du fond d'œil montre une rétinite superficielle multifocale avec des lésions de petite taille. La sérologie a confirmé le diagnostic d'infection à Rickettsia typhi Rickettsia typhi (typhus murin).
) [7].
L'évolution de la rétinite superficielle associée à la rickettsiose est souvent favorable. Elle guérit sans cicatrice visible cliniquement. Toutefois, elle laisse un déficit focal au niveau de la couche des fibres nerveuses rétiniennes associé à un amincissement de la rétine interne en OCT [6 , 8 , 12].
Atteinte vasculaire rétinienne
L'atteinte vasculaire rétinienne, principalement artériolaire, est fréquente (plus de 50 % des cas), reflétant l'angiotropisme marqué des rickettsies [6 , 7]. Des atteintes diverses peuvent être observées : engainement vasculaire, le plus souvent focal et adjacent aux infiltrats rétiniens, ou plus rarement diffus; p laques artérielles de Kyrieleis ; h émorragies intrarétiniennes superficielles ou profondes; hémorragies à centre blanc; diffusions vasculaires tardives à l'AF prédominant autour des infiltrats rétiniens; occlusions vasculaires rétiniennes, principalement des occlusions de branches artérielles (OBAR) asymptomatiques ou symptomatiques (fig. 61-4
Fig. 61-4
Patient de 38 ans avec antécédent de fièvre récente associée à une éruption cutanée maculopapuleuse et une escarre d'inoculation consultant pour un scotome paracentral de l'œil gauche.
a. Photographie du fond d'œil montrant des infiltrats rétiniens superficiels et une zone de blanchiment rétinien ischémique triangulaire supérieure (flèche noire). b. Angiographie à la fluorescéine confirmant le diagnostic d'occlusion de branche artérielle rétinienne (flèche blanche). La sérologie a confirmé le diagnostic d'infection à Rickettsia conorii.
), plus rarement des occlusions de l'artère centrale de la rétine ou des occlusions veineuses [6 , 13]. La rickettsiose serait la deuxième cause d'OBAR d'origine inflammatoire (22,2 %), juste après la toxoplasmose [13]. La rétinite à Rickettsia peut rarement s'associer à un processus microvasculaire prolifératif intralésionnel ou à une néovascularisation apparaissant après régression de la rétinite (données personnelles non publiées).
L'OCT-angiographie est un complément très utile à l'AF dans la détection et l'évaluation des anomalies vasculaires rétiniennes et des complications occlusives secondaires aux rickettsioses [14].
Atteintes neuro-ophtalmologiques
L'atteinte du nerf optique est fréquente, reflétant le tropisme des rickettsies pour les vaisseaux papillaires également [ 6 , 9 , 15-16-17-18]. Des atteintes diverses ont été décrites : œdème papillaire; hyperfluorescence papillaire en AF; névrite optique avec déficit visuel résolutif ou permanent; neurorétinite (fig. 61-5
Fig. 61-5
Patiente de 40 ans avec antécédents de fièvre associée à un rash consultant pour une baisse brutale de la vision de l'œil droit.
a. Photographie du fond d'œil droit montrant un œdème papillaire sévère associé à un décollement séreux rétinien péripapillaire et une étoile maculaire évoquant le diagnostic de neurorétinite. b. Photographie du fond d'œil gauche montrant un infiltrat rétinien supéropapillaire. La sérologie a confirmé le diagnostic d'infection à Rickettsia conorii Rickettsia conorii .
); et neuropathie optique ischémique. Une étude montre que la rickettsiose représente la deuxième cause de neurorétinite (19,2 %) après la maladie des griffes du chat [19]. Les paralysies oculomotrices (III, VI) sont rares [ 20].
Autres manifestations ophtalmiques
Une conjonctivite bilatérale, purulente ou mucopurulente, peut être rencontrée au cours d'une rickettsiose. Elle peut s'associer à une adénopathie pré-auriculaire et/ou sous-mandibulaire, réalisant le syndrome oculoglandulaire de Parinaud [21]. Une uvéite antérieure uni- ou bilatérale, non granulomateuse, non synéchiante, isolée ou le plus souvent associée à une atteinte du segment postérieur peut être observée [6 , 22]. Une endophtalmie unilatérale à R. conorii a également été rapportée [23].
Diagnostic
Le diagnostic de rickettsiose repose avant tout sur des critères cliniques et épidémiologiques. Il faut suspecter une rickettsiose devant une rétinite superficielle, une vasculite rétinienne à prédominance artériolaire, ou une neurorétinite, chez tout patient avec une fièvre associée à un rash cutané et/ou à une escarre d'inoculation résidant ou ayant séjourné en zone d'endémie au printemps ou en été [6 , 5 , 24].
Le test biologique de référence pour confirmer le diagnostic est la sérologie par immunofluorescence indirecte [25]. Les valeurs seuils utilisées pour le diagnostic de FBM sont > 1 : 128 et ≥ 1 : 64 pour les IgG et les IgM, respectivement; et pour le diagnostic des autres rickettsioses ≥ 1 : 64 et ≥ 1 : 32 pour les IgG et les IgM, respectivement. Mais étant donné que la détection d'anticorps n'est souvent positive qu'à partir de la 2 e semaine après le début des symptômes, la confirmation du diagnostic repose généralement sur une séroconversion ou une augmentation des titres sérologiques d'au moins 4 fois entre deux prélèvements à 2 semaines d'intervalle.
Le Western blot permet un diagnostic plus précoce, mais son intérêt réside essentiellement dans l'identification de l'espèce de rickettsie. La polymerase chain reaction (PCR) sur un prélèvement sanguin ou surtout sur un écouvillon d'escarre d'inoculation est aujourd'hui un moyen de diagnostic simple, rapide et fiable [4]. Les techniques de cultures sur cellules à partir de biopsies cutanées ou d'échantillons sanguins sont uniquement réalisées dans des laboratoires spécialisés [ 24].
Diagnostic différentiel
Une analyse rigoureuse des données épidémiologiques, cliniques et en imagerie oculaire multimodale permet de différencier l'atteinte oculaire rickettsienne des autres causes de rétinite superficielle, de vasculite rétinienne et de neuropathie optique [ 7 , 12]. Les principaux diagnostics différentiels sont la toxoplasmose, la syphilis, la tuberculose, la bartonellose, les infections virales, les infections fongiques, la maladie de Behçet et la sarcoïdose [26].
Traitement
Devant une suspicion de rickettsiose, une antibiothérapie adaptée doit être débutée au plus vite, sans attendre la confirmation biologique, pour éviter les complications systémiques, parfois fatales, et pour préserver la vision en cas d'atteinte oculaire. La doxycycline (200 mg en deux prises pendant 7 à 10 jours) est le traitement de référence pour les rickettsioses du groupe boutonneux. Elle est donnée en dose unique pour les rickettsioses du groupe typhus [24]. La durée du traitement peut être prolongée jusqu'à 2 à 4 semaines pour certaines formes de rickettsiose oculaire sévère [7 , 9].
En cas d'allergie à la doxycycline ou chez l'enfant de moins de 8 ans, les macrolides, principalement l'azithromycine (500 mg/jour), sont une alternative dans les formes bénignes, mais l'utilisation de la doxycycline chez l'enfant pendant une courte durée est recommandée dans les formes sévères. Les macrolides (josamycine 50 mg/kg/j ou azithromycine 500 mg/j) sont également recommandés chez la femme enceinte. Les fluoroquinolones ne sont pas recommandées et les bêta-lactamines doivent être évitées, étant inefficaces sur les rickettsioses.
D'autres traitements peuvent être associés à l'antibiothérapie systémique en cas d'atteinte oculaire : une antibiothérapie topique pour la conjonctivite et la kératite; des corticoïdes et des mydriatiques topiques pour l'uvéite antérieure; des corticoïdes par voie orale ou par bolus intraveineux, toujours associés à une antibiothérapie systémique, pour les atteintes oculaires sévères : rétinite étendue, menaçant ou atteignant la macula ou la papille, DSR maculaire, occlusion vasculaire rétinienne, hyalite sévère et neuropathie optique [7].
Pronostic
Le pronostic des rickettsioses est bon si un traitement par doxycycline est instauré rapidement. Cependant, il existe des formes sévères, potentiellement létales en l'absence de traitement. Les principaux facteurs de mauvais pronostic des infections à rickettsies sont le retard diagnostique et de traitement par doxycycline (après J5 de fièvre), l'âge avancé, et la présence de comorbidités : diabète, immunodépression, alcoolisme et déficit en G6PD [ 1].
Les manifestations ophtalmologiques des rickettsioses évoluent favorablement dans la majorité des cas. Elles disparaissent en 3 à 10 semaines, et la plupart des patients gardent ou retrouvent une vision normale. Les principales causes de baisse permanente de la vision sont les séquelles structurelles secondaires à un foyer rétinien juxtafovéolaire, un œdème maculaire, un DSR, une vasculite rétinienne occlusive, ou une atrophie optique compliquant une neuropathie optique (névrite optique, neurorétinite ou neuropathie optique ischémique) [7]. La survenue d'une néovascularisation choroïdienne est rare [9].
Prévention
Il n'existe pas de vaccin contre les rickettsioses. Les mesures prophylactiques sont essentielles dans les zones endémiques [26]. Elles incluent les actions communautaires de lutte contre les arthropodes vecteurs et la prophylaxie individuelle pour se protéger contre leur piqûre.
En cas de piqûre, il faut retirer rapidement la tique et désinfecter localement. L'antibioprophylaxie n'est pas systématiquement recommandée, mais une surveillance clinique rapprochée s'impose.
Points à retenir
  • Les rickettsioses sont des zoonoses (ré)émergentes présentes dans le monde entier, causées par des bactéries intracellulaires strictes ayant un tropisme vasculaire, vectorisées par des arthropodes hématophages, principalement des tiques.
  • La fièvre boutonneuse méditerranéenne est la rickettsiose la plus fréquente dans les pays méditerranéens, et le diagnostic doit être évoqué devant toute fièvre associée à un rash et/ou à une escarre d'inoculation.
  • Les atteintes oculaires sont fréquentes et incluent principalement la rétinite superficielle multifocale, la vasculite rétinienne à prédominance artériolaire et la neurorétinite.
  • Une étroite collaboration entre l'ophtalmologiste et l'infectiologue est essentielle afin d'orienter le diagnostic clinique et de débuter rapidement le traitement par doxycycline sans attendre les résultats de la sérologie et/ou de la PCR, car la rickettsiose est une maladie potentiellement grave en cas de retard thérapeutique.
  • Il n'existe pas de vaccin, et la prophylaxie repose exclusivement sur les mesures de protection contre les piqûres d'arthropodes.
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