Un rapport de la SFO en 2024 sur les infections oculaires, donc validé par l'assemblée générale de la SFO en séance plénière 5 ans plus tôt, soit mai 2019… c'est-à-dire juste avant la pandémie de Covid-19 : quelle belle anticipation de la part de notre société savante et de ses membres sur les sujets chauds en ophtalmologie!
Car si les infections oculaires par le virus SARS-CoV2 n'ont pas été aussi sévères que celles des autres organes, elles ont bien rappelé, si besoin était, que le système visuel, par la diversité histologique des éléments qui le composent, par la transparence de la plupart de ses structures et par les symptômes rapidement perçus lors de n'importe quel dysfonctionnement, est un organe hautement sensible à tout processus pathologique infectieux, topique comme systémique.
Ainsi, l'œil et les structures visuelles connectées peuvent être infectés par diverses voies, aériennes, manuportées, mais aussi sanguines ou neurologiques. La diversité des tableaux cliniques d'infection oculaire n'a d'égale que celle des mécanismes pathogéniques en cause et des modalités de prise en charge.
Un très beau sujet de rapport de la SFO, qui nécessite la mise en commun de tous les talents possibles pour dresser le panorama des diverses infections oculaires et périoculaires, leur sémiologie, leurs méthodes diagnostiques et leur prise en charge.
Nous remercions Isabelle Cochereau, ancienne Secrétaire générale, qui nous a confié cette belle mission. Ce fut un honneur pour les trois rapporteurs d'avoir la charge de coordonner ce travail collégial de mise à jour des connaissances sur les infections oculaires en 2024.
Et ce fut aussi un honneur de poursuivre dans ce travail nos prédécesseurs et maîtres.
Peu de rapports de la SFO ont été consacrés à ce domaine, mais on a gardé précieusement dans nos bibliothèques celui de l'an 2000, coordonné par Hervé Offret, sur Œil et virus , qui tombait lui aussi à pic, puisqu'au terme de la phase la plus critique de l'épidémie de sida. D'éminents collègues avaient participé à ce rapport ou à d'autres ouvrages sur les infections oculaires; on pense en particulier à ceux qui nous ont quittés depuis, comme Étienne Bloch-Michel, Joseph Colin et Yves Pouliquen, qui avaient tous les trois largement participé à l'amélioration des connaissances dans les infections oculaires, avec d'ailleurs une certaine vision d'avant-garde à l'époque sur les méthodes préventives et/ou le rôle de certains pathogènes infectieux dans quelques maladies jusqu'alors considérées comme auto-inflammatoires. Ils sont nombreux les autres collègues francophones qui nous ont aussi transmis leur passion sur le sujet; on pense naturellement à Phuc LeHoang et à Jean-Paul Adenis par exemple, et nous leur dédions, à tous, ce travail.
Nous avons tenté dans cet ouvrage de privilégier la mise en valeur des connaissances pratiques, en nous éloignant certes du modèle encyclopédique, comme il fut un temps la tradition pour les rapports de la SFO. Nous avons fait ce choix pour proposer un outil adapté à la pratique quotidienne, avec des textes courts et des illustrations nombreuses. Nous remercions à cet égard tous les auteurs, experts nationaux ou internationaux dans leur domaine, pour la qualité de leur travail et leur réactivité quand il s'agissait de fournir leurs textes. Nous remercions aussi l'équipe éditoriale d'Elsevier Masson pour leur efficacité dans le traitement des manuscrits qui leur étaient confiés, car la tâche est immense, du manuscrit initial à la réalisation d'un beau livre de plus de 500 pages. Leur soutien et leur aide ont été essentiels pour nous accompagner dans notre rôle de rapporteurs pour la SFO.
Nous espérons que les connaissances colligées dans cet ouvrage aideront tous nos collègues francophones dans leur pratique, qu'elle soit ophtalmologique, infectiologique, épidémiologique ou autre, même si inéluctablement certaines données devront être révisées dans quelques années, tant l'infectiologie est un domaine scientifique dynamique.
Nous avons vu au cours des 30-40 dernières années de véritables révolutions dans le monde des maladies infectieuses, avec en premier lieu les techniques diagnostiques, comme la PCR et toutes ses dérivées, qui permettent d'aller désormais plus vite et avec une meilleure spécificité que les méthodes conventionnelles, ou encore tous les antiviraux qui ont profité, si l'on peut dire, des progrès en virologie liés aux formidables efforts de recherche pour lutter contre le VIH ou, plus récemment, le SARS-CoV2, avec le développement des vaccins à ARN, une technologie qui est désormais devenue la référence en recherche vaccinologique. L'ophtalmologie a parfois été avant-gardiste par rapport à d'autres spécialités. L'utilisation prudente mais indispensable des corticoïdes au cours de certaines affections en complément des molécules anti-infectieuses, dans le but de prévenir les conséquences néfastes d'une réaction immunologique parfois trop dévastatrices, est un très bon exemple.
Pour autant, un certain nombre de défis nous attendent, comme l'évolution des résistances aux anti-infectieux disponibles sur le marché, à mettre en regard d'un certain ralentissement dans le développement de nouvelles classes d'anti-infectieux, en particulier les antibactériens conventionnels.
Les raisons en sont multiples, comme des coûts de recherche de plus en plus élevés, surtout quand ils sont comparés à la possibilité des «retours sur investissement» (la durée de vie inchangée des brevets alors que le temps de conception et de validation ne cesse d'augmenter, notamment pour des raisons réglementaires). Défis aussi liés à l'évolution de l'épidémiologie infectieuse due aux changements sociétaux, environnementaux, climatiques avec un risque d'augmentation de certaines pathologies infectieuses oculaires dans des régions jusqu'alors épargnées, et une diffusion plus large et plus rapide des agents pathogènes ainsi que de leur résistances aux traitements.
Mais de nombreuses pistes sont la source d'espoir. La recherche contre les maladies infectieuses est déjà tous azimuts dans le monde; de nouveaux outils diagnostiques, plus performants, rapides et portables, sont déjà en développement et permettront à terme de caractériser rapidement, au cabinet, une infection oculaire et d'adapter le traitement dans la foulée. Les outils thérapeutiques évolueront aussi : bien entendu, le développement de nouveaux vaccins préventifs ou curatifs, mais également celui d'outils destinés à corriger les conséquences des infections (anti-angiogéniques pour la cornée, matrices de reconstruction tissulaire, antifibrotiques, etc.), et aussi probablement l'avènement des traitement biologiques anti-infectieux, ciblant précisément le pathogène en question sans détruire le reste de la flore.
Enfin, on ne peut pas ne pas évoquer l'imagerie et l'intelligence artificielle, qui ne manqueront pas à moyen terme, nous en sommes certains, d'être conviées à tous les stades de notre pratique ophtalmologique, depuis l'analyse de nos données d'interrogatoire et de lampe à fente, jusqu'à nos résultats d'imagerie et, enfin, nos choix thérapeutiques.
Et comme un clin d'œil à ces innovations technologiques qui, pour certaines, améliorent notre quotidien, les rapporteurs vous proposent pour ce rapport 2024 une illustration de couverture générée par intelligence artificielle. Il aura fallu moins de 30 minutes de discussion avec la machine pour qu'elle conçoive une image évoquant les infections oculaires, tout en respectant les consignes données sur les couleurs, l'ambiance générale que l'on désirait et l'histoire que devait suggérer cette image. Cette technologie n'en est qu'à ses prémices et elle est déjà pourtant capable de fournir ce niveau de résultat à des néophytes en la matière.
Gageons qu'appliquée dans la recherche contre les maladies infectieuses, elle ne pourra qu'accélérer les progrès. Les microbes n'ont qu'à bien se tenir!
En attendant, nous vous souhaitons une très bonne lecture du rapport 2024 de la SFO, au nom de tous les auteurs que nous remercions chaleureusement.
P.S. : cet avant-propos n'a pas été généré par intelligence artificielle, il vient du cœur!