Les kératomycoses sont des infections graves au pronostic réservé. Le très mauvais pronostic de ces infections est dû à la virulence des champignons qui infectent souvent des cornées déjà pathologiques mais aussi à des retards diagnostiques.
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Abcès de cornée mycosique à Fusarium favorisé par les corticoïdes topiques : à propos d'un cas
Objectif
Description de cas
Nous rapportons le cas d’un patient ayant présenté un abcès de cornée mycosique à Fusarium sans autre facteur de risque qu’une corticothérapie topique.
Observation
Un homme, âgé de 36 ans, consulta en urgence pour une conjonctivite de l’œil droit résistante au traitement par antibiocorticoïdes instauré par son médecin traitant 10 jours auparavant. Le patient ne présentait aucun antécédent ophtalmologique particulier, et notamment ne portait pas de lentilles de contact ou ne décrivait aucun antécédent traumatique.
L’acuité visuelle était limitée à « compter les doigts de très près ». L’examen biomicroscopique du segment antérieur montrait une hyperhémie conjonctivale diffuse, un cercle périkératique, associés à un œdème palpébral modéré. La cornée est le siège d'une infiltration stromale centrale (abcès) grossièrement ovalaire de 5,7mm*6.8mm, avec une large ulcération de 4,5mm*5,6mm et un amincissement central. La sensibilité cornéenne était conservée.
Un traitement anti-infectieux probabiliste fut instauré en urgence. Il comprenait l’instillation en collyres horaires de ceftazidime, vancomycine, ainsi qu’un traitement systémique quotidien par Imipénème 500 mg.
L’évolution fut marquée par une aggravation au fil des jours, malgré un traitement local et général identique. L’acuité visuelle chuta alors progressivement pour atteindre « voit bouger la main ». L’examen à la lampe à fente montrait une persistance de l’ulcération, un infiltrat stromal extensif, et une réaction inflammatoire de la chambre antérieure. Une fenêtre thérapeutique a été réalisée et des prélèvements obtenus par grattage cornéen avec ensemencement immédiat pour examens directs et cultures bactériologiques, virologiques et mycologiques ont été réalisés mettant en évidence le champignon filamenteux Fusarium. Le bilan clinique et biologique ne montrait aucune anomalie, notamment l’absence d’immunodépression.
Le patient fut mis sous Voriconazole topique et en intraveineux tout en gardant une couverture antibiotique topique.
L’évolution fut favorable avec une remontée de l’acuité visuelle à « compte les doigts » au 6e jour, régression de l’infiltrat stromal et de la taille de l’ulcère.
Discussion
La kératomycose est affection grave dont la fréquence est encore sous estimée. Les champignons responsables sont souvent opportunistes et envahissent des cornées pathologiques ou traumatisées. Les facteurs de risque principaux sont les traumatismes oculaires par végétaux et le port de lentilles de contact. Les corticoïdes modifient les différents acteurs de l’immunité et de l’inflammation et facilitent ainsi le développement de l'infection. [1]
Conclusion
Les kératomycoses sont des infections graves au pronostic réservé. Le diagnostic doit être évoqué devant la présence de facteurs de risque : traumatisme végétal, port de lentilles de contact, mais aussi en cas d’immunodépression locale ou générale. La prescription des antibiocorticoïdes ne devrait pas se faire en cas d’incertitude sur l’étiologie d’un œil rouge.