En 2011 une nouvelle dystrophie rétinienne familiale héréditaire, la Rétinopathie Froissée de Martinique, a été décrite pour la première fois en Martinique. Elle se traduit par un aspect «craquelé» pathognomonique au fond d’œil correspondant à un épithélium pigmentaire plissé en tomographie par cohérence optique. En 2011, dix patients sur les 17 étudiés étaient atteints de Rétinopathie Froissée de Martinique et en 2016 le gène causal de la maladie a pu être mis en évidence: le gène MAPKAPK3. En 2021, dix ans plus tard, nous avons réalisé une étude prospective descriptive, en vie réelle, afin d’étudier l’évolution de cette maladie singulière.
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Evolution à 10 ans de la Rétinopathie Froissée de Martinique
Introduction
Matériels et Méthodes
Tous les patients descendants du même ancêtre commun atteint ont été inclus, interrogés et examinés. Nous avons réalisé un examen clinique, une tomographie par cohérence optique (OCT), une OCT angiographie et pour certains une angiographie à la fluorescéine et au vert d’indocyanine. Nous avons étudié l’évolution de l’acuité visuelle comme critère de jugement principal. Nos critères de jugement secondaires étaient le nombre de nouveaux cas, l’évolution quantitative et qualitative des lésions, et l’évolution de l’épaisseur choroïdienne. Un patient était considéré comme atteint de la Rétinopathie Froissée de Martinique lorsqu'il présentait des lésions typiques : un aspect de terre séchée au niveau du fond d’œil et/ou un plissement de l’épithélium pigmentaire et de la membrane de Bruch visible sur la tomographie par cohérence optique. Un patient était considéré comme porteur de la maladie s’il possédait au moins un allèle muté du gène MAPKAPK3. Les analyses statistiques ont été réalisées avec p significatif < 0,05.
Résultats
En 2021, l'arbre généalogique de cette famille afro-caribéenne comptait 109 patients sur six générations différentes. Parmi les 62 patients inclus dans notre étude, 20 patients étaient atteints de la Rétinopathie Froissée de Martinique, soit 10 de plus qu'en 2011. Parmi ces dix nouveaux patients atteints, trois étaient porteurs de la mutation, deux patients ne portaient pas la mutation mais présentaient des lésions typiques et les cinq autres n’ont pas été testés pour le gène MAPKAPK3. Chez ces patients atteints, nous avons noté une dégradation de l'acuité visuelle, statistiquement significative, de 0,39 LogMAR correspondant à une perte de 65 lettres ETDRS (soit 4/10). Tous les patients ont présenté une aggravation et une augmentation de la surface de leurs lésions avec l’apparition de complications. L’épaisseur choroïdienne était en faveur d’un amincissement mais la différence n’était pas statistiquement significative. L'étude en OCT angiographie a suggéré une diminution du flux capillaire dans les plexus superficiel et profond.
Discussion
Cette dégradation de la vision s'explique par l’apparition de complications atrophiques et/ou exsudatives. L’extension seule des lésions n’entraine pas obligatoirement une dégradation de la vision. Mais lorsque celle-ci est ajustée à l’âge, elle apparait toujours statistiquement significative. En effet, l'âge d'apparition des signes fonctionnels (la baisse de l'acuité visuelle) est retardé par rapport à l'age d'apparition des signes physiques au fond d’œil (l'aspect froissé). L'évolution péjorative peut s’expliquer par la physiopathologie du gène MAPKAPK3, exprimé au niveau de l'épithélium pigmentaire et impliqué dans la réponse au stress cellulaire dans la voie p38 « mitogen-activated protein kinase ».
Conclusion
La Rétinopathie Froissée de Martinique est une maladie rare et singulière présente au sein d’une unique famille martiniquaise dont l’évolution est péjorative et peut aboutir à la cécité.