La kératoplastie transfixiante (KT) reste la première technique mondiale de greffe de cornée et le rejet est une cause fréquente d'échec de la greffe.
Sa prévention repose depuis des décennies sur l’instillation répétée de gouttes oculaires de corticoïdes. Néanmoins, la survie globale des greffes de cornée, toutes indications confondues, est inférieure à celle de certaines greffes d'organes.
La compliance et la nature discontinue des collyres peuvent être impliquées. L’amélioration de l’immunosuppression pourrait éviter de nombreuses défaillances de greffe.
Nous avions précédemment démontré sur des lapins greffés de la cornée qu'un implant sous-conjonctival de dexaméthasone (Ozurdex) était bien toléré et empêchait le rejet de manière aussi efficace que les collyres corticoïdes instillés quotidiennement pendant les 5 à 6 premières semaines.
Nous avons ensuite réalisé un essai clinique étudiant d’abord la tolérance et la sécurité de l’Ozurdex en sous-conjonctival après KT.
Il s’agit d’une étude pilote monocentrique de phase II non randomisée sur la tolérance et la sécurité (NCT02834260) conçue pour analyser le risque d’hypertonie oculaire (PIO, critère d'évaluation principal à 1 mois), d'inconfort possible, le temps de résorption et pour collecter les données d'efficacité initiales. Le glaucome avancé non contrôlé, une pression intra-oculaire> 21 mmHG et des antécédents d'infection herpétique oculaire étaient des critères d'exclusion.
L’implant de dexaméthasone a été injecté en sous-conjonctival à la fin de chaque KT.
Un relais par collyre stéroïde était prévu au moment de la résorption complète de l'implant. Les patients ont été suivis à intervalles réguliers pendant 12 mois : PIO, scores d’inconfort et d’hyperhémie conjonctivale, état de résorption de l’implant, épisode de rejet et épaisseur centrale de la cornée par OCT.
Un comité indépendant de surveillance était interrogé régulièrement sur la poursuite de l’étude.
14 patients ont été sélectionnés. Aucune augmentation de la PIO, aucun événement indésirable lié à l'implant n'a été observé. La durée moyenne de résorption était de 6 semaines. Le relais thérapeutique avec un collyre à la dexaméthasone s'est déroulé sans incident.
L’Ozurdex, choisi ici parce que qu’il était le seul implant de corticoïdes ophtalmologique commercialisé en France, se résorbe évidemment trop vite, mais ce travail ouvre la voie à l’utilisation d’autres implants libérant à très long terme un corticoïde ou un autre immunosuppresseur.
Il s'agit de la première preuve de concept qu'une immunodépression sans collyre est possible après une kératoplastie transfixiante.