Les kératites mycosiques (Ou kératomycoses) représentent une cause rare d’infection cornéenne mais potentiellement grave. Leur incidence est en augmentation en rapport avec l’usage intensif des corticoïdes, des immunosuppresseurs et des lentilles de contact.
Le but de notre étude est de décrire les caractéristiques épidémiologiques, cliniques et thérapeutiques des kératomycoses à travers l’expérience de notre service.
Nous rapportons une étude rétrospective, descriptive, type revue systématique de cas, portant sur 28 patients hospitalisés dans notre centre, entre Janvier 2016 et novembre 2019. Tous les patients ont bénéficié d’un prélèvement cornéen avec preuve microbiologique de l’infection fongique.
La moyenne d’âge de nos patients était de 54,78 ans ± 19,67 (extrêmes 24 et 79ans) avec une légère prédominance masculine (sex ratio H/F de1,44 ). Le délai moyen de consultation était de 4,67 jours± 2,82. Une automédication par des corticoïdes locaux était retrouvée chez 27,5% des patients. Le délai moyen entre l’hospitalisation et le début du traitement antifongique était de 5,89 jours ± 4,19. Les facteurs de risque retrouvés étaient : traumatisme cornéen végétal (42,8%), port de lentille de contact (14,2%), traumatisme tellurique (10,7%), diabète (10,7%), antécédents d’abcès de cornée sur kératite herpétique (7,1%) et sans facteur de risque retrouvé (14,2%). L’acuité visuelle initiale était inferieure à 1/10 dans tous les cas. Les signes d’inflammations non spécifiques (Hyperhémie conjonctivale, cercle périkératique) étaient retrouvés dans tous les cas (100%), hypopion (53,5%), desmetocele (42,8%°) et fonte stromale (21,4%). Les complications retrouvées étaient : perforation cornéenne (14, 3%), endophtalmie (10,7%), sclérite (7,4%) et fonte purulente du globe d (10,7%). L’étude microbiologique a permis d’identifier le Fusarium dans 57,1%, le Scedosporium dans 21,4% et le Candida Albicans dans 21,4%. Tous les patients ont bénéficié initialement d’un traitement antibiotique par des collyres fortifiés de vancomycine et de ceftazidime, puis d’un traitement antifongique en fonction du germe isolé. Parmi les patients, 67,8% ont été mis sous collyres fortifiés de voriconazole seule, l’association Amphotericine B + Voriconazole (10,7%), l’association Amphoterine B + Fluconazole (10,7%) et fluconazole seule (10,7%). L’évolution était favorable dans 42,8% avec amélioration de l’état local et/ou de l’acuité visuelle et défavorable dans 57,2%, avec recours à une éviscération dans 27, 5%
Selon la littérature, les kératomycoses à champignon filamenteux surviennent fréquemment après un traumatisme cornéen végétal (ou tellurique) concernant une cornée saine. Les Candida et autres levures sont des champignons opportunistes qui infectent les surfaces oculaires déjà compromises. Les corticoïdes et autres agents immunosuppresseurs facilitent le développement des infections mycotiques. pathogène
Le retard diagnostique des keratomycoses dans notre contexte et l’emploi d’une corticothérapie préalable intempestive sont fort préjudiciables au pronostic fonctionnel final. Le diagnostic de kératite fongique doit être évoqué devant tout abcès d’évolution trainante chez des patients présentant certains facteurs de risque.