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Les paralysies congénitales du nerf abducens

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Orateurs :
Dr Romane BOINET 1
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Résumé

Introduction

On ne parle plus désormais d’ésotropie « congénitale », mais de syndrome du strabisme « précoce », car les signes de cette entité apparaissent en effet à partir de la quatrième semaine de vie. Il existe cependant d’authentiques ésotropies « congénitales », dont l’examen clinique permet de montrer qu’elles résultent de paralysies congénitales du nerf abducens (VI). Cette entité est ignorée de la littérature alors que ces cas ne sont pas exceptionnels. Nous en rapportons ici une série.

Matériels et Méthodes

Ont été étudiés rétrospectivement les dossiers de nouveau-nés adressés dans un service spécialisé en ophtalmologie pédiatrique entre 2010 et 2019 pour ésotropie congénitale vraie et chez qui le diagnostic de paralysie congénitale du VI a été posé. Les données épidémiologiques, du bilan oculo-moteur, de la réfraction sous cycloplégie, de l’examen anatomique des yeux ont été colligées. En présence de signes cliniques surajoutés au défaut d’abduction, une imagerie cérébrale type IRM était réalisée. La voie d’accouchement, la notion de manœuvres instrumentales durant celui-ci et la durée post-natale de la limitation d’abduction étaient recherchées à l’interrogatoire.

Résultats

Dix-neuf cas de nouveau-nés (7 filles et 12 garçons) remplissaient les critères d’inclusion. La paralysie du nerf VI était toujours unilatérale (11paralysies droites et 8 paralysies gauches). Sa régression survenait en moyenne à 4.1 semaines de vie [1-9 sem., médiane = 4 sem.] L’usage de manœuvres instrumentales à l’accouchement était retrouvé dans 5 cas. Une IRM a été réalisée dans 2 cas (avis obstétrical ; présence d’un nystagmus associé) : aucune atteinte nerveuse ni signes d’HTIC ou de séquelles de traumatisme cranien secondaire à l’accouchement n’avaient été retrouvés.

Discussion

Cette série permet d’individualiser une entité pédiatrique inédite : les paralysies congénitales du nerf VI. Celles-ci sont unilatérales et isolées :une atteinte du VII ou toute autre anomalie clinique doit faire reconsidérer le diagnostic. Elle est aussi régressive et sans séquelles en quelques semaines : toute limitation prolongée de l’abduction doit conduire à la réalisation d’une imagerie cérébrale. Les hémorragies rétiniennes chez le nouveau-né en post-partum sont banales (34% des enfants nés par voie basse et 75% si forceps),régressent spontanément et ne requièrent pas d’investigations complémentaires : les hématomes sous-duraux également. De même, ces paralysies congénitales du VI résultent probablement de l’hyperpression appliquée au nouveau-né lors de son passage dans la filière obstétricale. Les mécanismes de réparation du système nerveux périphérique permettent une récupération clinique rapide. Dans le cas d’une paralysie vraie du VI congénitale et isolée, nous ne recommandons pas la réalisation d’une imagerie cérébrale, mais une surveillance clinique rapprochée durant les premiers mois de vie afin de s’assurer de l’évolution favorable et du bon développement visuel.

Conclusion

En somme de véritables paralysies congénitales du VI existent. Leur mise en lumière et l'étude rétrospective de leur évolution permet au praticien d'adapter sa prise en charge et d'informer au mieux la famille du patient.