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Neuropathies optiques dues à l'intoxication alcoolo-tabagique : Recherche d'une cause carentielle et d'une susceptibilité génétique

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Orateurs :
Dr Camille DELIBES
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Résumé

Introduction

La neuropathie optique alcoolo-tabagique est une entité médicalement décrite dès la fin du XIXème siècle, ayant donné naissance au concept de "tobacco-alcohol amblyopia". Le tableau clinique associe baisse d'acuité visuelle centrale progressive, insidieuse et indolore, dyschromatopsie de type "Rouge-Vert", scotome central ou caeco-central au champ visuel. Le fond d'oeil est souvent normal aux stades précoces. La physiopathologie de cette atteinte est débattue, l'hypothèse d'une carence vitaminique (groupe B) étant souvent évoquée. 

Le sujet de notre étude était de rechercher une atteinte du complexe cellulaire ganglionnaire chez des patients présentant une intoxication alcoolo-tabagique, et de corréler cette atteinte à une carence vitaminique ou à une susceptibilité génétique.

Matériels et Méthodes

Nous avons réalisé une étude rétrospective incluant 99 patients hospitalisés en service d'addictologie au CHU d'Angers. Nous avons mesuré l'épaisseur du complexe cellulaire ganglionnaire en OCT et dosé les vitamines du groupe B (B1, B6, B9, B12) chez ces patients. Ceux qui présentaient une altération du complexe cellulaire ganglionnaire en OCT ont bénéficié d'un bilan exhaustif de neuropathie optique (infectieux et auto-immun), et d'une recherche de susceptibilité génétique. L'analyse génétique était ciblée sur l'ADN mitochondrial, et un panel de 88 gènes nucléaires (répertoriés ou candidats) actuellement étudiés dans le cadre du diagnostic des neuropathies optiques héréditaires.

Toutes les analyses génétiques ont été réalisées après recueil du consentement éclairé des patients.

Résultats

37 patients -soit plus du tiers des sujets inclus-, présentaient une altération du complexe cellulaire ganglionnaire. Nous n'avons pas retrouvé de relation statistiquement significative entre altération du complexe cellulaire ganglionnaire et carence vitaminique chez les patients éthylo-tabagiques (p=0,2689).

L'atteinte des cellules ganglionnaires chez ces patients est en revanche significativement associ&eacute;e &agrave; la pr&eacute;sence d'une susceptibilit&eacute; g&eacute;n&eacute;tique nucl&eacute;aire (p<.0001) ainsi qu'&agrave; la dur&eacute;e d'intoxication alcoolique (p=0,0213).

Discussion

L'int&eacute;r&ecirc;t de notre &eacute;tude r&eacute;side dans l'originalit&eacute; du sujet abord&eacute;, mais aussi dans son angle d'approche interdisciplinaire avec la psychiatrie-addictologie. Une perspective attendue est d'offrir une meilleure visibilit&eacute; &agrave; cette pathologie, souvent peu &eacute;voqu&eacute;e par les ophtalmologistes de ville. Le sujet de la neuropathie optique alcoolo-tabagique a &eacute;t&eacute; peu &eacute;tudi&eacute; depuis les travaux de Carroll (1943). L'&eacute;valuation au moyen de l'OCT est tr&egrave;s peu pratiqu&eacute;e, alors qu'il s'agit d'un outil sensible et reproductible d&egrave;s les stades pr&eacute;coces. Le diagnostic de neuropathie optique h&eacute;r&eacute;ditaire de Leber chez des patients longtemps &eacute;tiquet&eacute;s "toxico-carentiels" n'est pas rare. Alors que notre analyse a pris soin d'&eacute;liminer toute cause g&eacute;n&eacute;tique reconnue pourvoyeuse de neuropathie optique, l'existence d'une susceptibilit&eacute; touchant le g&eacute;nome nucl&eacute;aire parait n&eacute;anmoins fortement probable.

Conclusion

Les r&eacute;sultats de notre &eacute;tude sugg&egrave;rent un m&eacute;canisme causal complexe dans lequel la toxicit&eacute; directe de l'alcool et la pr&eacute;sence de g&egrave;nes nucl&eacute;aires de pr&eacute;disposition pourraient &ecirc;tre impliqu&eacute;s. L'existence de l&eacute;sions OCT infracliniques pourrait justifier d'un d&eacute;pistage et favoriser l'aide au sevrage chez les sujets &agrave; risque.