Les anomalies ophtalmologiques ne sont pas couramment recherchées chez les patients atteints d'ichtyoses héréditaires. Les ichtyoses sont des maladies monogéniques qui ont en commun une anomalie fonctionnelle de la barrière cutanée comportant une dérégulation homéostasique de la prolifération et de la différenciation de l'épiderme. Des hypothèses suggèrent qu'il existerait une partie de la physiopathologie intriquée entre certaines formes d'ichtyoses et le kératocône. Notre objectif était d'évaluer la prévalence du keratocône fruste, infraclinique et des autres anomalies ophtalmologiques chez les patients atteints d'ichtyoses héréditaires.
Name
Prévalence des anomalies ophtalmologiques chez les patients enfants et adultes atteints d’ichtyoses héréditaires
Introduction
Matériels et Méthodes
Notre étude était prospective monocentrique et incluait des patients (>6 ans) atteints d'ichtyoses héréditaires, appariés à leurs témoins par âge et par sexe. Les patients ont été inclus entre Juillet 2017 et Juin 2021 au sein du Centre Hospitalier Universitaire de Toulouse. Un examen ophtalmologique de la surface oculaire et des paupières a été réalisé rigoureusement, associant trois examens différents de topographies cornéennes. Des questionnaires auto-administrés évaluant la qualité de vie et de vision ont été remis à chaque patient adulte inclus.
Résultats
150 yeux d'ichtyoses et 140 yeux de patients témoins ont été appariés et analysés. Nos résultats ont montré une augmentation significative de kératite ponctuée superficielle, 4 fois plus fréquente chez les ichtyoses (p<0.001), confirmé par une altération significative du score OSDI (Ocular Surface Disease Index) (24.88 +/- 20.57 chez les ichtyoses contre 10.02 +/- 10.85 chez les témoins, p<0.001). Nous avons montré une majoration significative du risque par 10 d'ectropions et de blépharites chez les ichtyoses (p<0.05). Aucune différence significative concernant la détection topographique de kératocônes frustes et/ou infracliniques n'a été retrouvée, hormis une pachymétrie plus fine chez les ichtyoses (p=0.001). Nos résultats ont mis en évidence une altération significative des scores de qualité de vision (EVA, Échelle Visuelle Analogique) et de vie (NEI-VFQ 25, National Eye Institue Visual Function Questionnaire) dans la majorité des domaines étudiés.
Discussion
Dans notre étude, aucun des résultats des mesures topographiques n'ont permis de montrer une différence significative entre les deux groupes. Ce résultat se confirme, en analysant les données de la littérature, par l'existence uniquement de deux cas isolés d'anomalies topographiques pouvant faire évoquer un kératocône(1-2). Toutefois, nos résultats ont montré l'augmentation significative d'une sécheresse oculaire chez les patients ichtyoses qui aurait pour origine plusieurs facteurs de risques tels que la présence d'un déficit en cellules souches limbiques, une maturation dysfonctionnelle de l'épithelium basal cornéen(3-5), une dysfonction des glandes de Meibomius(6) ou encore la présence de malpositions palpébrales(7). Les anomalies palpébrales décrites dans notre étude concordaient avec celles décrites dans la littérature. Elles semblent être les anomalies ophtalmologiques la plus représentées, et qui doivent être prises en charge médicalement voire chirurgicalement afin d'éviter des complications rares mais pouvant mettre en jeu le pronostic visuel(8).
Conclusion
L'augmentation significative de la sécheresse oculaire, des anomalies palpébrales à type d'ectropions et de blépharites ainsi que la détérioration de la qualité de vie et de vision justifient l'adaptation du dépistage systématique, dès l'âge de 10 ans, des anomalies ophtalmologiques chez les patients atteints d'ichtyoses héréditaires.