Un biomarqueur fiable pour (bientôt ?) personnaliser le meilleur protocole à mettre en place dans la DMLA exsudative ?

revue de presse

UN BIOMARQUEUR FIABLE POUR (BIENTOT ?) PERSONNALISER LE MEILLEUR PROTOCOLE A METTRE EN PLACE DANS LA DMLA EXSUDATIVE ? UNE ETUDE SURPRENANTE

Les publications sur les divers protocoles de traitement par anti-VEGF de la forme néovasculaire de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) ne se comptent plus, chacune tentant de démonter sa supériorité en efficacité et/ou sa non-infériorité mais avec moins d’injections. Bien entendu, toute cette littérature a permis de mieux circonscrire les attitudes thérapeutiques les plus efficientes. Mais on arrive à une conclusion fréquente lors de ces comparaisons, à savoir que plus le nombre d’injections est important, plus l’efficacité sera grande, et il est finalement difficile pour un médecin individuel de choisir devant chaque patient s’il faut adopter une attitude maximaliste, quitte à réaliser des injections potentiellement inutiles, ou s’il faut opter pour une attitude visant à surtout limiter le nombre de séances d’injections (pour des raisons de sécurité et de coût).
Pour trouver des solutions à ces choix cornéliens et pourtant quotidiens, la mode est désormais à la combinaison, par exemple commencer par une série de 3 injections mensuelles puis entamer une période d’observation mensuelle avec éventuel traitement « en fonction du besoin » (as needed, ou pro renata selon les différentes terminologies internationales). Cette solution permettra, pour les médecins les plus expérimentés, de rapidement classer les patients selon leur degré de réponse aux anti-VEGF, avec aux extrêmes des patients pour lesquels une injection très régulière sera nécessaire versus ceux dont la surveillance, même sans injection, pourra être de plus en plus éloignée. Ces méthodes exploratoires, en l’attente d’être parfaitement standardisées et validées, restent l’apanage des centres spécialisés. Pour autant, le besoin de rationaliser la stratégie thérapeutique en fonction des données cliniques de chaque patient devient impérieux, tant pour faire face à la masse toujours croissante des patients atteints de DMLA que pour réduire les coûts globaux pour la société.
L’étude de l’équipe danoise de Subhi et Sorensen est à la fois passionnante à cet égard, et particulièrement élégante en termes d’approche scientifique.
Les auteurs sont partis de la notion, déjà publiée, que le taux de cellules sanguines positives pour le marqueur CD11b pouvait être considéré comme un biomarqueur de l’activité néovasculaire de la DMLA. On sait en effet que certains monocytes circulants modulent la sécrétion de VEGF en regard des lésions neurorétiniennes et donc modulent aussi la formation des néovaisseaux choroïdiens (NVC). C’est en particulier le cas des cellules porteuses du marqueur membranaire CD11b, dont les autres noms classiques sont alpha-intégrine M ou macrophage-1 antigen (Mac-1) ou encore complement receptor 3 (CR3). Il est exprimé à la surface de nombreux leucocytes impliqués dans la réponse immunitaire innée. Il régule l'adhésion et la migration des leucocytes, et est impliqué dans la chimiotaxie, l'activation cellulaire, et finalement la phagocytose et la cytotoxicité à médiation cellulaire. Il est d’ailleurs aussi capable de lier le complément inactivé 3b (iC3b). Si les études de Cousins (Arch Ophthalmol. 2004;122:1013-1018), Chen (Curr Mol Med. 2016;16:412-423) et Sakurai (Invest Ophthalmol Vis Sci. 2003;44(8):3578-3585) avaient montré que les cellules sanguines circulantes des patients avec une DMLA exsudative avaient une propension à facilement sécréter du VEGF, et qu’à l’inverse, leur déplétion pouvait induire une réduction de la taille des NVC. Subhi a ensuite montré que les cellules CD11b+ pourraient être de bons marqueurs, voire les responsables, de ce phénomène (Invest Ophthalmol Vis Sci. 2017;58:5242-5250).
Forts de ces données, Sorensen et ses collaborateurs se sont posés 5 questions essentielles, en une seule étude (!), sur la place des cellules CD11b+ comme biomarqueur prédictif de l’activité néovasculaire de la DMLA, et donc à terme du nombre d’injections intravitréennes d’anti-VEGF qui sera nécessaire pour le patient.
Pour y répondre, ils ont analysé les données de 81 patients pour lesquels ils connaissaient l’origine des néovaisseaux (DMLA classique ou vasculopathie polypoïdale, qui est caractérisée, entre autres, par l’absence de drusens), le nombre d’injections intravitréennes qui ont été réellement nécessaires pendant un suivi de 36 mois sur la base d’un protocole « en fonction des besoins » parfaitement standardisé (avec du ranibizumab ou de l’aflibercept), et enfin du pourcentage de cellules CD11b+ dans le sang. Pour les patients dont le dosage de ces cellules était connu dès le début de la prise en charge et dont le suivi du traitement par ranibizumab a été d’au moins 36 mois (soit 12 patients), la proportion de monocytes CD11b+ était significativement corrélée au nombre futur d’injections anti-VEGF à 12, 24 et 36 mois (p= 0,004 ; 0,002 ; et 0,005, respectivement). L’étude multivariée, prenant en compte l’acuité visuelle de départ, confirmait d’ailleurs ces données. De même, le taux de monocytes CD11b+ était aussi corrélé au nombre d’injections au fur et à mesure du suivi des patients par ranibizumab (n=37) ou traités par aflibercept (n=17). Cette corrélation était aussi observée dans le groupe des 15 patients traités par anti-VEGF pour une vasculopathie polypoïdale. Enfin, les mêmes auteurs ont repris les échantillons sanguins des patients et ont montré que les monocytes CD11b+ étaient aussi positifs pour le CCR2, un récepteur à chémokines qui est aussi un marqueur fort d’une activité angiogénique des cellules qui le portent.
En résumé, les auteurs ont réussi à apporter des informations importantes sur la possibilité d’utiliser dans l’avenir le pourcentage des monocytes CD11b+ comme biomarqueur prédictif du nombre d’injections d’anti-VEGF à prévoir dans les 36 mois. On peut imaginer que ce type d’approche permettra de séparer d’emblée les patients nécessitant un suivi très rigoureux et des injections fréquentes de ceux à qui l’on peut proposer des intervalles plus larges entre les séances de surveillance et surtout d’injections.


Subhi Y, Nielsen MK, Molbech CR, Falk MK, Singh A, Hviid TVF, Nissen MH, Sørensen TL. Association of CD11b+ monocytes and anti–vascular endothelial growth factor injections in treatment of neovascular age-related macular degeneration and polypoidal choroidal vasculopathy. JAMA Ophthalmol. 2019;137(5):515-522

Reviewer : Marc Labetoulle