Télangiectasies maculaires de type 2 : le métabolisme de la sérine en cause

 

Récemment, un lien entre les télangiectasies maculaires de type 2 (MACTEL2) et un niveau sérique abaissé de sérine a été mis en évidence 1. Un facteur génétique était fortement suspecté en raison du caractère familial de l’atteinte, mais aucun gène n’avait encore pu être mis en évidence.

La sérine est impliquée dans de nombreuses voies métaboliques de synthèse de protéines, de nucléotides ou de lipides complexes. Jusqu’à ce jour, aucun lien n’avait pu être établi avec la physiologie maculaire, mais l’équipe de Gantber et al propose dans le New England Journal of Medicine une explication élégante et détaillée.

Les auteurs ont recruté des patients porteurs de la neuropathie sensitive héréditaire de type 1 (NSH1) qui est connue pour donner des niveaux de sérine abaissés en raison d’une mutation des gènes SPTLC1 et SPTLC2. Ces derniers codent une enzyme, la SPT (sérine palmytoiltransférase), qui consomme la sérine afin de fabriquer des sphingolipides complexes. La SPT mutée entraine la formation de déoxysphingolipides toxiques, en particulier pour les neurones.

Des patients NSH1 issus de 3 familles différentes ont été examinés par un ophtalmologiste du Moorfield Eye Hospital, et 9 sur 13 présentaient un aspect de MACTEL2 alors que leur incidence dans la population générale est de 1 pour 5000. Les 4 patients indemnes étaient jeunes (moins de 40 ans) et supplémentés en sérine, ce qui pourrait retarder la survenue de l’aspect classique à l’examen ophtalmologique.

Dans un deuxième temps, les auteurs ont recruté 125 patients porteurs de MACTEL2 mais indemnes de NSH1. Ils ont dosé les déoxysphinganines, une famille de lipides complexes et neurotoxiques et ont remarqué une élévation de 84,2% de leur taux sérique (p<0,0001). D’autre part, le taux semblait corrélé avec la sévérité de la maladie tant au niveau anatomique, avec une perte de la continuité de la zone ellipsoïde en OCT, qu’au niveau fonctionnel, avec des altérations plus marquées en micropérimétrie. Les auteurs ont isolé par la suite, parmi les déoxysphinganines, un lipide qui représentait plus de 90% de cette famille en cas de MACTEL2 : le déoxydihydrocéramide.

Sur un modèle murin, les auteurs ont alors induit un déficit en sérine par une régime carencé et ont constaté la survenue d’une neuropathie et d’une rétinopathie bien caractérisée en ERG. Dans un modèle in vitro de rétine humaine qui inclut la plupart des cellules retrouvées in vivo, les auteurs ont ensuite observé une apoptose dose dépendante des photorécepteurs traités avec de la déoxysphinganine, dont un des métabolites est le déoxydihydrocéramide. Un traitement in vivo par fénofibrate permettait de réduire de 80% l’apoptose des photorécepteurs.

Voici une très belle démonstration dans la physiopathologie d’une pathologie rare. Le déoxydihydrocéramide serait particulièrement toxique pour les cellules au métabolisme élevé comme les photorécepteurs maculaires ou les neurones périphériques. Pour l’instant, les auteurs ne conseillent par de supplémenter les patients porteurs de télangiectasies maculaires de type 2 en sérine ou en fénofibrate, mais la question peut légitimement être posée.

 

Gantner ML, Eade K, Wallace M, Handzlik MK et al. Serine and lipid metabolism in macular disease and peripheral neuropathy. N Engl J Med. 2019 Sep 11. 

Scerri TS, Quaglieri A, Cai C, et al. Genome-wide analyses identify common variants associated with macular telangiectasia type 2. Nat Genet 2017;49:559-67.

Reviewer : Jean-Rémi Fénolland, thématique : rétine médicale