Actualités COVID-19

Revue de la presse de septembre 2021

 

Auteurs : Jean-Rémi Fénolland, Antoine Rousseau

Coordination : Marc Labetoulle

 

Revues sélectionnées :                                                                        

Ophthalmology, JAMA Ophthalmology, IOVS, Progress in Retinal and Eye Research, Current Opinion in Ophthalmology, Survey of Ophthalmology, Journal of Cataract and Refractive Surgery, American Journal of Ophthalmology, British Journal of Ophthalmology, Retina, Cornea, Nature, Lancet, NEJM, Science.

 

Actualités COVID-19

 

L’actualité du mois de septembre a été marquée par de nombreuses publications portant sur les conséquences ophtalmologiques de l’infection à SARS-CoV-2.

 

Ainsi une première publication brésilienne1 confirme de façon certaine l’atteinte rétinienne des patients infectés par la COVID-19 grâce à des analyses en microscopie optique et électronique de tissu rétinien chez trois donneurs volontaires décédés. Tous les patients inclus présentaient une infection documentée par une RT-PCR nasale positive et étaient décédés en réanimation des suites de l’infection. Pour les besoins de l’étude, un des deux yeux a été énucléé dans les 2 heures suivant le décès et adressé dans le laboratoire de biologie cellulaire de la faculté de Rio de Janeiro pour faire des analyses immunohistochimiques en microscopie optique confocale et en microscopie électronique à transmission (MET).

 

Parmi les 3 donneurs, un seul avait pu être examiné au cours de son séjour en réanimation. Il s’agissait d’un patient aux antécédents de diabète et d’hypertension artérielle et cliniquement, il présentait une hémorragie intravitréenne d’un côté, tandis que l’examen de l’œil adelphe relevait une hémorragie sous rétinienne proche du nerf optique ainsi qu’une tortuosité vasculaire augmentée. En MET, les auteurs ont identifié chez ce patient, comme chez les deux autres, des particules virales d’un diamètre de 60 à 70 nm au niveau péri nucléaire de la couche nucléaire interne. Ces particules étaient également retrouvées au niveau des cellules endothéliales des capillaires de la couche nucléaire interne. Au niveau de la couche nucléaire externe, des particules virales étaient mises en évidence en grande quantité, au niveau de la région péri-nucléaire, et dans le cytoplasme cellulaire. En immunohistochimie, les marquages ciblaient deux protéines : la protéine de surface Spike (ou S1) et la protéine N de la nucléocapside virale, celle-ci étant localisée à l’intérieur du virus. Les auteurs ont observé un marquage dans le cytoplasme des cellules ganglionnaires rétiniennes pour la protéine N, tandis que le marquage pour S1 était essentiellement périnucléaire, au niveau de la couche des cellules ganglionnaires, des couches plexiforme interne, nucléaire interne, plexiforme externe et de la nucléaire externe. Il y avait également un marquage pour S1 au niveau de l’épithélium pigmentaire de la rétine et de la choroïde sous-jacente.

Tandis qu’une première publication avait mis en évidence l’ARN viral au niveau rétinien par RT-PCR, voici donc la première confirmation histologique d’un certain degré de distribution virale au sein du tissu rétinien sur les 3 yeux étudiés. Cette publication donne lieu à un commentaire de Syed et Grose 2, experts des coronavirus et en particulier du virus de l’hépatite murine (m-CoV). Ils  confirment l’aspect typique en particulier en MET des atteintes retrouvées dans ces rétines humaines, qui correspondent en fait à des virus fraichement assemblés au niveau du réticulum endoplasmique et de l’appareil de Golgi avant leur sortie de la cellule. La raison pour laquelle le SARS-CoV-2 peut se disséminer dans le tissu rétinien et la choroïde n’est cependant pas claire pour ces deux experts, deux hypothèses sont soulevées : une faible expression de ACE2 (principal récepteur du virus), déjà  mise en évidence au niveau rétinien, pourrait être en cause du tropisme de Sars-Cov2 dans la rétine , mais il pourrait également s’agir des conséquences d’un neurotropisme viral, le virus pouvant alors se disséminer via les capacités d’infection des astrocytes de la microglie du système nerveux central, puis de la rétine.

 

Afin de corréler avec la clinique cette découverte majeure, nous continuons cette revue de presse en citant Kelvin et coll qui publient dans l’American Journal of Ophthalmology une revue traitant des atteintes microvasculaires rétiniennes au cours des infections à SARS-CoV-2. Les auteurs après identification de 227 articles réalisent une revue de la littérature sur 31 publications et une méta-analyse à partir d’une dizaine de publications de type cas-contrôles afin de regrouper les données et d’évaluer les atteintes microvasculaires chez les patients COVID-19. Ainsi un total de 944 cas de patients positifs au COVID-19 et 401 cas contrôles ont pu être pris en compte dans la méta-analyse.

D’une façon générale, les signes mis en évidence dans la revue des différentes publications sont des hémorragies rétiniennes, des nodules cotonneux, des dilatations veineuses et des réductions de la densité vasculaire en OCT-Angiographie (OCT-A). Les données de la méta-analyse permettent de mettre en évidence une augmentation par un facteur 8,86 (Odds Ratio 8,86 ; IC 95% 2,54-27,53 ;p<0,01) de la prévalence de signes en faveur d’une atteinte microvasculaire dans le contexte d’une infection par Sars-Cov2 versus des sujets non-infectés. En OCT-A, les données de la méta-analyse font ressortir une réduction de 2,99% de la densité vasculaire périfovéolaire pour les patients infectés par SARS-CoV-2 (p<0,01) ainsi qu’une augmentation de la surface de la zone avasculaire centrale de 0,08 mm2 (p<0,01).

Cette méta-analyse ne s’appuie malheureusement que sur des études cas-témoins qui n’offrent pas un excellent niveau de preuve, mais il parait extrêmement compliqué, sinon impossible, de pouvoir mettre en place des études prospective dans le cadre de la pandémie à COVID-19. Ainsi de nombreux biais confondants ne peuvent être exclus comme les antécédents vasculaires, et en particulier l’hypertension artérielle ou le diabète, qui sont également des facteurs de risques majeurs d’altération vasculaire rétinienne. On comprend donc toute l’importance de l’étude histologique précédemment décrite1, qui vient renforcer le poids de ces observations cliniques.

 

Terminons enfin cette revue un article publié ce mois-ci dans JAMA Ophtalmology, qui rapporte les complications ophtalmologiques suspectées en rapport avec la vaccination contre la COVID-19 aux Émirats Arabes Unis et plus précisément à Abu Dhabi4. Au moment de la publication (avril 2021), 20% de la population émiratie avait été vaccinée avec le vaccin chinois Sinopharm (vaccin à virus entier inactivé).

Les auteurs rapportent une série de 9 yeux de 7 patients pris en charge à la Cleveland Clinic d’Abu Dhabi dans les 15 jours d’une primo-vaccination contre la COVID-19. Les manifestations ophtalmologiques relevées vont de l’épisclérite (n=1 œil), à la sclérite antérieure (n=2 yeux), une récidive de choriorétinite séreuse centrale 5 jours après une injection vaccinale, enfin trois patients présentaient des scotomes centraux dont un en rapport avec une hémorragie parafovolaire dans un contexte de poussée hypertensive tandis que les deux autres présentaient une atteinte faisant évoquer une neurorétinopathie maculaire aiguë, manifestation qui pourrait être secondaire à des phénomènes ischémiques de la microvascularisation rétinienne.

 

Des experts invités commentent cette publication avec une très grande clarté5 puisque toute la question est de savoir si ces manifestations ophtalmologiques sont imputables à la vaccination ou une simple coïncidence. Ils commencent tout d’abord leur démonstration en expliquant que les manifestions ophtalmologiques de la COVID-19 sont nombreuses et de mieux en mieux décrites dans la littérature, sans pour autant n’avoir de conséquence clinique avérée. Des centaines de millions de patients ont développés la maladie et rien ne permet de conclure, à l’heure actuelle, à une atteinte rétinienne directe du virus, autre qu’une atteinte vasculaire. Les auteurs démontrent ensuite qu’il est possible de mettre en évidence des atteintes secondaires au vaccin, y compris pour des incidences faibles grâce aux données de pharmacovigilance, comme cela a pu être le cas avec le vaccin Astra Zeneca, pour lequel une augmentation de l’incidence des thromboses du sinus veineux central a été relevée. Cette thrombose atypique est secondaire à une réaction immunologique médiée par des autoanticorps dirigés contre le facteur 4 plaquettaire qui entraine une thrombose par thrombopénie auto-immune. Ainsi en avril 2021, 169 cas avaient été rapportés en lien avec le vaccin Astra Zeneca, 6 cas avec le vaccin Jansen et aucun cas avec les vaccins à ARNm (Pfizer et Moderna). En effet les vaccins adénoviraux peuvent entrainer une production de la protéine Spike dans la circulation et induire une réponse inflammatoire, procoagulante, ou une atteinte endothéliale, voire une réaction immune contre le vecteur adénoviral, alors que l’injection des vaccins à ARNm qui est contenu dans des liposome entraine une endocytose dans les cellules musculaires, ce qui limite la diffusion générale de la protéine Spike et donc les phénomènes allergiques. Enfin, pour revenir au commentaire de la publication émiratie, les auteurs rappellent que 1,5 milliards d’humains ont déjà été vaccinés, ce qui a sauvé probablement des centaines de milliers, voire des millions, de vie, à mettre en regard de ces quelques complications. Se pose donc le problème de la publication dans la presse médicale de ces très rares cas d’événements dans les suites d’une vaccination COVID-19 dont la relation de cause à effet n’est pas du tout évidente. Il faudra grâce aux progrès à venir dans la connaissance de la COVID-19, essayer de démontrer de façon certaine que ces manifestations sont en lien, ou non avec la vaccination car pour le moment, le doute suscité se révèle être un excellent substrat au scepticisme contre la vaccination.

 

 

1 Araujo-Silva CA, Marcos AAA, Marinho PM, Branco AMC, Roque A, Romano AC, Matuoka ML, Farah M, Burnier M, Moraes NF, Tierno PFGMM, Schor P, Sakamoto V, Nascimento H, de Sousa W, Belfort R Jr. Presumed SARS-CoV-2 Viral Particles in the Human Retina of Patients With COVID-19. JAMA Ophthalmol. 2021 Sep 1;139(9):1015-1021.

 

2 Syed NA, Grose C. Identification of COVID-19 Virus in Human Intraocular Tissues. JAMA Ophthalmol. 2021 Sep 1;139(9):1021-1022.

3 Kelvin YC T, Invernizzi A, Staurenghi G, Ming Gemmy Cheung C. COVID-19 related retinal micro-vasculopathy – a review of current evidence Am J Ophthalmol S0002-9394(21)00476-1 Sep 17

4 Pichi F, Aljneibi S, Neri P, Hay S, Dackiw C, Ghazi NG. Association of Ocular Adverse Events With Inactivated COVID-19 Vaccination in Patients in Abu Dhabi. JAMA Ophthalmol. 2021 Sep 2:e213477

 

5 Jampol LM, Tauscher R, Schwarz HP. COVID-19, COVID-19 Vaccinations, and Subsequent Abnormalities in the Retina: Causation or Coincidence? JAMA Ophthalmol. 2021 Sep 2.

 

Reviewer : Jean-Rémi Fénolland, thématique : COVID-19