Alors qu’une nouvelle période de confinement débute, deux publications nous permettent de mieux appréhender les effets du confinement du printemps dernier en Europe sur l’activité chirurgicale en ophtalmologie.
Un groupe de chirurgiens ophtalmologistes d’hôpitaux universitaires européens originaires de Pologne, France, Irlande, Turquie, Russie, Portugal, Espagne, Italie et Finlande s’est formé sous le nom de EUROCOVCAT. Ce groupe a très simplement rapporté la baisse d’activité sur différents types de chirurgies au début de la première vague en Europe et la baisse d’activité au moment de la soumission de la publication au cours du mois de juillet 2020, en comparant cette activité au mois de juillet de l’année 2019 dans chacun des établissements affiliés au groupe EUROCOVCAT.
Ainsi la perte d’activité pour la chirurgie de la cataracte pendant la 1ère vague était de 100%, soit un arrêt complet, pour tous les pays à l’exception de la Russie (baisse de 95%), d’un des deux centres italiens (baisse de 88%) et de la Finlande (baisse de 85%). Au mois de juillet, la réduction du volume des chirurgies de la cataracte n’était plus que de 18% en moyenne pour l’ensemble des pays, avec toutefois des grosses variations en fonction des protocoles sanitaires (de +10% pour l’Espagne à -60% pour la Turquie). Pour la chirurgie du glaucome, la réduction moyenne était de 91% pendant la première vague (de 57% à 100% selon les pays), pour remonter à 23% seulement de décroissance en juillet 2020 (comparé à juillet 2019). Pour la chirurgie vitréo-rétinienne, la baisse moyenne constatée était de 76% (de 56% à -90% selon les pays), mais n’était plus que de 4% au mois de juillet. Les injections intravitréennes ont également énormément chuté, avec des baisses de 35 à 90% (en moyenne 72%) pendant la période de crise maximale, mais seulement 8% de réduction par rapport à l’année précédente en juillet. Enfin, les greffes de cornée connaissaient aussi une chute drastique au début du confinement, en moyenne de 95% (de 63 à 100% selon les pays), mais en juillet, la baisse constatée par rapport à l’année précédente n’était plus que de 16%.
Les membres de ce groupe international d’ophtalmologistes ont reconnu ne pas chercher à capturer des données parfaitement représentatives d’une activité globale nationale ni européenne. Cependant, ces données chiffrées montrent que les pays européens ont réagi de façon relativement homogène, pendant le pic de 1ère vague de la pandémie, avec un arrêt brutal de l’activité chirurgicale en ophtalmologie, y compris pour des pathologies pour lesquelles nous savons combien des retards de traitement, médical ou chirurgical selon les cas, peuvent être considérés comme des pertes de chance importantes. Ces données ont d’ailleurs été bien confirmées, en France, par l’assurance maladie qui rapporte que les soins de ville en ophtalmologie ont « eu une activité́ quasi-nulle pendant la période de confinement en diminution de 80 à 90 % par rapport aux années précédentes » (in Rapport au ministre chargé de la Sécurité́ sociale et au Parlement sur l’évolution des charges et des produits de l’Assurance Maladie au titre de 2021 (loi du 13 août 2004) ).
Il ressort de façon paradoxale dans un article de la revue Eye que l’activité de publication scientifique du milieu ophtalmologique au cours de l’épidémie de COVID-19 a, en revanche, été particulièrement prolifique au cours de la période du confinement du printemps 2020. Les publications consacrées au COVID-19 avaient un temps moyen d’acceptation extrêmement accéléré, à 6 jours seulement en moyenne. Ainsi, une certaine accélération de la croissance du volume des publications a été observée entre janvier et août 2020, puisqu’elle a été de 17,3% par rapport à la même période de l’année précédente, alors que le rythme annuel de croissance du volume des publications, constaté sur les années 2016 à 2019, était en moyenne de 5,3%. Pour autant, seulement 3,9% des publications de cette période du printemps 2020 traitaient de la nouvelle pandémie à COVID-19, ce qui suggère que la période où les ophtalmologistes ont été contraints de réduire leur activité médicale et chirurgicale a été mise à profit pour soumettre plus rapidement un certain nombre de travaux en cours, pas forcément en rapport avec l’infection par le virus Sars-CoV-2.
Les auteurs soulevaient en effet comme principale hypothèse de cette course à la publication une baisse de l’activité clinique des ophtalmologistes, qui auraient ainsi consacré plus de temps à leur travail académique et aux publications qui s’y rapportent. Les auteurs remarquaient toutefois qu’il n’y a pas eu pendant cette période d’augmentation du nombre de déclaration de nouveaux essais cliniques, probablement en raison de la difficulté à effectuer des essais et à recruter de nouveaux patients pendant une période où justement le but était d’éviter des venues inutiles à l’hôpital, ou bien aussi en raison d’une remobilisation massive des ressources de recherche clinique vers la COVID-19.
Ces deux publications sont donc à prendre en considération de façon complémentaire. Espérons que la deuxième période de confinement permettra une meilleure prise en charge des patients les plus sévères, sans devoir observer cette fois-ci une véritable rupture de soin, tout en maintenant l’appétence des ophtalmologistes à faire partager leurs découvertes au travers d’une activité publicatoire intense !
Toro MD, Brézin AP, Burdon M, Cummings AB, Evren Kemer O, Malyugin BE, Prieto I, Teus MA, Tognetto D, Törnblom R, Posarelli C, Chorągiewicz T, Rejdak R. Early impact of COVID-19 outbreak on eye care: Insights from EUROCOVCAT group. Eur J Ophthalmol. 2020 Sep 24:1120672120960339.
Reitinger J, Jain SF, Suh D. Significant increase in non-COVID-19 related ophthalmology publications during the COVID-19 era: is this a new normal? Eye (Lond). 2020 Oct 13:1–2.
Reviewer : Jean-Rémi Fénolland, thématique : COVID-19