Atrophie du système nerveux central et OCT

Revue de la presse de mars 2022

Auteurs : Jean-Rémi Fénolland, Antoine Rousseau
Coordination : Marc Labetoulle

Revues sélectionnées :
Ophthalmology, JAMA Ophthalmology, IOVS, Progress in Retinal and Eye Research, Current Opinion in Ophthalmology, Survey of Ophthalmology, Journal of Cataract and Refractive Surgery, American Journal of Ophthalmology, British Journal of Ophthalmology, Retina, Cornea, Nature, Lancet, NEJM, Science.


Atrophie du système nerveux central et OCT

Des chercheurs allemands viennent de mettre en évidence dans la revue Scientific Reports, une relation entre l’amincissements de la rétine interne et/ou externe et l’atrophies de diverses régions cérébrales, ce qui pourrait faire de facto de l’OCT un biomarqueur intéressant dans le dépistage de ce type de pathologies à l’instar de ce qui a été publié récemment pour l’OCT angiographie et la maladie d’Alzheimer.
 

C’est grâce à une vaste étude de cohorte réalisée dans la ville de Bonn en Allemagne, la Rhineland study, qui a inclus 2872 patients que ces conclusions ont pu être tirées. Pour être recrutés, les patients devaient être caucasiens, et être âgés de plus de 30 ans, et ne devaient pas présenter d’antécédents de pathologie neurodégénérative, d’AVC, de sclérose en plaque, de glaucome ou de DMLA.

L’imagerie en OCT a été réalisée à l’aide d’un appareil en Spectral Domaine (Spectralis OCT, Heidelberg engineering, Allemagne) et les couches rétiniennes étaient automatiquement segmentées au niveau d’acquisitions maculaire et papillaire. Les yeux avec des pathologies ophtalmologiques pouvant modifier les épaisseurs rétiniennes, comme les membranes épirétiniennes, étaient exclus de l’analyse. L’imagerie cérébrale a été réalisée en IRM 3 Tesla. Différents paramètres structurels étaient calculés automatiquement, dont notamment le volume total du cerveau (VTC), le volume total de l’hippocampe (VTH) ainsi que les volumes totaux de substance grise (SG) et substance blanche (SB). Une imagerie en tension de diffusion via une séquence en spin écho « echoplane » permettait aussi de calculer l’anisotropie fractionnelle (FA), qui est un biomarqueur des réseaux neuronaux utilisé dans l’évaluation des pathologies dégénératives.

Des analyses en régression multivariées ont été réalisées afin de quantifier les relations entre les valeurs des volumes obtenues en IRM avec les épaisseurs en OCT, en calculant des variations en mm3/µm. Il ressort de ces analyses que toutes les couches rétiniennes internes et externes (sauf la couche nucléaire externe) étaient corrélées positivement avec le VTC. Les associations étaient toujours plus nettes avec les couches internes de la rétine, et plus fortes avec la SB qu’avec la SG. Le même type d’association était observé entre les couches rétiniennes et le volume du lobe frontal et de l’hippocampe, et même de façon plus forte qu’avec le VTC. Les analyses de la rétine interne au niveau péripapillaire (pRNFL) et de la papille optique (BMO-MRW) étaient associées aux mesures volumétriques du cerveau de manière similaire à la rétine interne maculaire. Quant à l’épithélium pigmenté maculaire, son épaisseur était fortement corrélée au VTC et à la SG mais pas à la SB. Les analyses de diffusion montraient une association positive entre la FA et l’épaisseur des couches de la rétine interne. Cette association était plus forte encore pour la FA de la région cérébrale contenant les radiations optiques.
 

Voici une importante étude d’imagerie qui montre qu’un amincissement des couches internes et externes rétiniennes est plus fréquent et même corrélé en cas de pathologie neurodégénérative. Pour les couches internes, une des hypothèses physiopathologiques repose sur la diminution des flux axoplasmiques rétrogrades, en d’autres termes, une atteinte corticale primitive pourrait induire secondairement une atteinte rétinienne interne. Pour l’épaisseur de la couche de l’épithélium pigmentaire rétinien, il s’agirait d’un mécanisme physiopathologique probablement différent en raison du haut degré métabolique nécessaire pour l’entretien du cycle visuel, pour lequel les facteurs vasculaires pourraient être prépondérants. Au total, l’imagerie en OCT, qui est rapide, abordable et largement diffusée, pourrait voir son rôle renforcé dans le suivi des pathologies neurodégénératives.


Mauschitz MM, Lohner V, Koch A, Stöcker T, Reuter M, Holz FG, Finger RP, Breteler MMB. Retinal layer assessments as potential biomarkers for brain atrophy in the Rhineland Study. Sci Rep. 2022 Feb 17;12(1):2757.


Reviewer : Jean-Rémi Fénolland thématique : Rétine / imagerie