Atropine pour freiner la myopie : Les résultats de la deuxième phase de l’étude LAMP confirment la supériorité du collyre à 0,05%

Début 2019, nous abordions dans ces colonnes la méthodologie et les résultats de la phase 1 de l’étude LAMP (Low-Concentration Atropine for Myopia Progression) et soulignions les qualités de la méthodologie de cette étude d’envergure. Après un bref rappel des différentes phases de cette étude et des résultats de la phase 1, nous verrons ce que nous apprennent les résultats de la phase 2 de l’étude, publiée cet été dans Ophthalmology.
Cette étude contrôlée en double insu comprend donc 4 phases et a inclus 438 enfants âgés de 4 à 12 ans atteints de myopie (supérieure à -1D) évolutive (plus de 0,5D au cours de l’année précédant l’inclusion) (voir revue de la presse de février 2019 pour plus de détails).
- la phase 1, d’une durée d’un an, correspondait à une période de traitement par instillation quotidienne d’une goutte de l’un des 3 collyres à l’atropine (0,05%, 0,025% et 0,01%) ou un placebo. Les résultats permettaient de conclure que même si la concentration la plus faible (0,01%) faisait mieux que le placebo, celle à 0,05% apportait une meilleure protection contre la progression myopique, en gardant un profil de tolérance satisfaisant.
- Pendant la phase 2 (sujet de cette revue de presse), d’une durée de 1 an, le meilleur traitement de la phase 1 (donc 0,05%) remplaçait le placebo, les autres groupes restaient inchangés (les traitements initiaux ont été poursuivis). Il s’agissait donc surtout d’analyser les résultats à 2 ans des groupes traités depuis le début de l’étude.
- la phase 3 (un an) correspondra à un arrêt de tous les traitements, sauf pour le groupe ayant reçu le placebo pendant un an, qui continue à être traité au long cours. Cette période servira à analyser, sur les 3 groupes traités 2 ans, le risque de rebond de l’évolution myopique chez les patients ayant reçu de l’atropine dès la phase 1.
- Enfin, la phase 4 évaluera sur 2 ans les effets à long terme de l’atropine topique après son arrêt (pour les 3 groupes ayant reçu l’atropine dès la phase 1) ou lorsqu’elle est poursuivie à plus long terme (groupe croisé, ayant reçu le placebo en phase 1).
Les investigateurs ont tout de même prévu de reprendre l’atropine chez les sujets dont la myopie progresserait de plus de 0,5 D après l’arrêt des collyres. Au total, cette étude très ambitieuse, avec 4 groupes de jeunes patients suivis pendant 5 ans, devrait donc apporter de nombreuses réponses.

Les résultats de la phase 2 présentés dans cet article corroborent ceux de la phase 1. En effet, après 2 ans de traitement, les progressions de l’équivalent sphérique (ES) étaient de -0,550,86, -0,850,73 et -1,120,85D dans les groupes 0,05%, 0,025% et 0,01%, respectivement, avec des différences entre les groupes toutes statistiquement significatives. La supériorité de la concentration à 0,05% se retrouvait sur la longueur axiale (LA), qui augmentait de 0,390,35, 0,500,33 et 0,590,38mm dans les 3 groupes (dans le même ordre), avec une différence significative du groupe 0,05% par rapport aux deux autres, mais non significative entre les groupes 0,025% et 0,01%. Comparativement à la première année de traitement, la progression myopique était similaire au cours de la deuxième année avec les concentrations de 0,05% et 0,025%, mais augmentait légèrement et de façon significative dans le groupe 0,01%.
Dans le groupe initialement placebo (modifié pour du collyre à l’atropine à 0,05% au terme de la phase 1), l’évolution de la myopie était très nettement freinée par la mise sous atropine, avec une progression de l’ES de -0,18D dans cette seconde année de participation contre -0,82D lors de la première année, sous placebo. Idem pour la longueur axiale, qui n’augmentait que de 0,15mm au cours de cette deuxième année (avec traitement) contre 0,43mm au cours de la première année.
La perte d’accommodation et les modifications du diamètre pupillaire étaient stables lors de la seconde année (ces deux effets secondaires ont une plus grande amplitude avec les collyres les plus concentrés), l’acuité visuelle et la qualité de vie associée à la vision restaient toutefois non affectées par les traitements, quel que soit le groupe de traitement.
En conclusion, après deux ans de traitement, l’atropine à 0,05% est environ deux fois plus efficace pour réduire la progression de la myopie que l’atropine à 0,01%. La tolérance n’a pas évolué au cours de la seconde année. Ces résultats devront donc être complétées par les études de l’effet rebond après arrêt du traitement, et généralisés à d’autres populations sachant que l’étude LAMP a été menée sur des patients asiatiques.
Au même moment, une autre étude a débuté au Royaume-Uni comparant sur 2 ans l’effet d’un placebo contre une instillation quotidienne d’atropine à 0,01%, avec des critères d’inclusion et de jugement relativement similaires à LAMP. Le protocole de cette étude intitulée CHAMP-UK (publié dans le numéro de juillet du British Journal of Ophthalmology), qui prend le parti d’utiliser l’atropine la moins concentrée, semble paradoxal aux vues des premiers résultats de LAMP. Les auteurs justifient ce choix par un effet rebond potentiellement moindre avec cette concentration, ce à quoi, l’étude LAMP a, dans tous les cas, prévu de répondre.
Suite l’année prochaine pour la phase 3 de LAMP !

Yam JC, Li FF, Zhang X, et al. Two-Year Clinical Trial of the Low-Concentration Atropine for Myopia Progression (LAMP) Study: Phase 2 Report. Ophthalmology. 2020;127(7):910-919.

Azuara-Blanco A, Logan N, Strang N, et al. Low-dose (0.01%) atropine eye-drops to reduce progression of myopia in children: a multicentre placebo-controlled randomised trial in the UK (CHAMP-UK)-study protocol. Br J Ophthalmol. 2020;104(7):950-955.

 

Reviewer : Antoine Rousseau, thématique : réfraction