Consultation aux urgences générales après chirurgie de cataracte : motifs et facteurs de risque

Revue de la presse de janvier 2023

 

Auteurs : Antoine Rousseau, Jean-Rémi Fénolland


Coordination : Marc Labetoulle

 

Revues sélectionnées : 
Ophthalmology, JAMA Ophthalmology, IOVS, Progress in Retinal and Eye Research, Current Opinion in Ophthalmology, Survey of Ophthalmology, Journal of Cataract and Refractive Surgery, American Journal of Ophthalmology, British Journal of Ophthalmology, Retina, Cornea, Nature, Lancet, NEJM, Science.

 

Consultation aux urgences générales après chirurgie de cataracte : motifs et facteurs de risque

 

Aux Etats-Unis, les consultations aux urgences et les réadmissions après chirurgie sont des critères suivis de près par les autorités sanitaires. A titre d’exemple, un taux de réadmission supérieur à la moyenne après une chirurgie donnée peut entrainer des pénalités financières pour la structure de soin concernée. Pour cette raison, et pour bien d’autres, de nombreuses publications analysent les fréquences et les facteurs de risque de ces évènements pour telle ou telle procédure. 


En ce qui concerne la chirurgie de la cataracte, les données disponibles sont assez limitées, ce qui peut se comprendre vu la simplicité habituelle des suites opératoires. Mais étant donné le volume de procédures, ces évènements méritent d’être étudiés. 
Aggarwal et al. ont pour cela repris les données de toutes les chirurgies de cataracte réalisées entre 2013 et 2021 au CHU Duke de Caroline du Nord, en analysant :

 

  • les caractéristiques démographiques des patients, 
  • les spécificités des chirurgies de la cataracte (durée opératoire, complexité, type d’anesthésie)
  • les informations relatives aux éventuelles venues aux urgences générales dans les 30 jours suivant la chirurgie (motifs, horaires, appel en amont à l’ophtalmologiste). 


Près de 58 000 chirurgies de cataracte ont été réalisées sur plus de 34 000 patients – âgés de 69 ± 10 ans pendant la période de l’étude. Au total, 680 passages aux urgences générales de 607 patients (1,8%) étaient recensés. Le motif de consultation aux urgences était le plus souvent de nature cardiovasculaire (24,4% des venues). 


Les motifs ophtalmologiques (105 patients, 15% des venues) constituaient la seconde cause la plus fréquente. Dans ce cas, les passages avaient généralement lieu en dehors des horaires d’ouverture du département d’ophtalmologie (la nuit et/ou le week-end), et deux tiers des patients avaient préalablement contacté l’ophtalmologiste de garde sur place (un interne) qui avaient recommandé au patient de venir. Les 5 diagnostics les plus fréquemment retenus dans ce cas étaient :

 

  • hypertonie oculaire (N=16 ; 15%), 
  • rebond inflammatoire (N= 15 ; 14%), 
  • décollement postérieur du vitré (N=13 ; 12%),
  • dysphotopsies (N= 12 ; 11%),
  • sécheresse oculaire (N= 11 ; 10%).


Seul un patient a finalement été hospitalisé pour motif ophtalmologique (un glaucome malin). L’analyse en régression multivariée mettait en évidence 3 facteurs de risque significatifs de passage aux urgences : un âge < 70 ans (risque relatif 1,39 IC = 1,2-1,7 ; p < 0,001), une durée de chirurgie > 30 minutes (risque relatif 2,1 IC = 1,6-2,8 ; p < 0,001) et une anesthésie autre que topique, c’est-à-dire rétrobulbaire ou générale (risque relatif 3,0 IC = 1,7-5,1 ; p < 0,001). En revanche, la complexité de la chirurgie n’augmentait pas le risque de visite aux urgences.


Deux éléments de cette étude nous ont paru frustrants pour le lecteur : le premier est que l’analyse de risque ait été réalisée sur l’ensemble des motifs de visites aux urgences, donc sans analyse de sous-groupe sur les motifs ophtalmologiques, et le second est l’impossibilité de savoir si le nombre de passages aux urgences pour des raisons non-ophtalmologiques est augmenté après chirurgie de la cataracte (il aurait fallu pour cela un groupe de contrôles appariés non opérés de la cataracte). En outre, les auteurs attribuent à la meilleure couverture sociale des plus jeunes patients leur sur-représentation dans les consultations en urgence, une explication non transposable en France du fait de la différence entre les systèmes de soins. 


Les résultats ont toutefois l’avantage de mettre à jour une réalité qui échappe le plus souvent au chirurgien de la cataracte et semblent conforter le bien fondé de l’anesthésie topique et des procédures de courte durée sur la morbidité associée à la chirurgie la plus pratiquée dans les pays industrialisés. Autre enseignement notable : 3 des 5 principaux motifs ophtalmologiques de passage aux urgences (hypertonie, rebond inflammatoire, sécheresse oculaire) semblent évitables moyennant un protocole de surveillance et/ ou de prise en charge adapté face à des situations à risque identifiées en amont.

 

Aggarwal S, Gross A, Snyder A, Rathinavelu J, Kim T, Herndon L. Younger age and longer case times associated with emergency department visits after cataract surgery. Am J Ophthalmol. 2023 Jan;245:1-7. doi: 10.1016/j.ajo.2022.08.017. 

Reviewer: Antoine Rousseau, thématique : cataracte