De l’intérêt du vaccin recombinant anti-VZV contre le zona ophtalmique chez l’immunocompétent

Le zona ophtalmique (ZO) représente 10 à 20% de l’ensemble des zonas, et sa prévalence est de l’ordre de 1% au cours de la vie d’un individu donné. Il se complique dans 50% des cas d’atteintes oculaires, souvent chroniques et récurrentes, responsables d’une altération majeure de la qualité de vie et parfois d’une baisse de vision majeure. Même en l’absence d’atteinte oculaire, le zona ophtalmique peut se compliquer d’algies post-zostériennes particulièrement intolérables.

Le premier vaccin anti-zona, un vaccin vivant atténué ayant eu l’approbation de la FDA en 2006 pour les adultes immunocompétents âgés de plus de 60 ans (Zostavax), puis en 2011 pour les adultes âgés de plus de 50 ans, permet une diminution de l’incidence du zona de 50%. Ce vaccin est disponible en France depuis 2015. Le concurrent, un vaccin sous-unitaire (protéine gErecombinante) a été approuvée par la FDA en 2017, y compris chez les immunodéprimés, puis par l’agence européenne du médicament en 2020. Il n’est par contre pas encore disponible en France. Son efficacité vaccinale est de 90% pour l’ensemble des zonas, si bien que ce vaccin est désormais recommandé par la FDA en première intention chez les patients âgés de plus de 50 ans. Le schéma vaccinal complet repose sur 2 injections à 2 à 6 mois d’intervalle. Toutefois, aucune étude n’a jusque-là spécifiquement évalué l’efficacité du vaccin dans le contexte particulier du ZO. Dans l’essai clinique princeps ayant évalué ce vaccin, l’incidence du ZO était définie par les complications oculaires, avec par conséquent un certain nombre de cas de ZO sans atteinte oculaire non comptabilisés.

C’est pour cette raison que Lu et al. ont souhaité étudier spécifiquement l’efficacité du vaccin anti-zona sous-unitaire dans le ZO, en se limitant aux patients immunocompétents. Ils utilisaient pour cela la gigantesque base de données anonymisées OptumLabs Data Warehouse (OLDW) qui recense l’ensemble des données médicales de 200 millions d’américains. L’étude de cohorte incluait des patients entre le 1er décembre 2018 et le 31 décembre 2019 réunissant 2 critères d’inclusion

1) Avoir passé 50 ans pendant la période de l’étude (autrement dit être éligible à la vaccination), et 2) avoir été suivi au moins 1 an pendant cette période dans la base OLDW. La date index représente la date à laquelle un patient remplit ces deux critères. Les patients n’ayant pas reçu un schéma vaccinal conforme (1 seule dose ou 2 doses trop espacées) étaient exclus, de même que ceux ayant contracté un zona (autre qu’ophtalmique) durant la période de l’étude (en raison de l’effet confondant du boost immunitaire lié au zona sur l’évaluation de l’efficacité du vaccin), ainsi que les patients ayant une cause immunodépression (perte potentielle de l’effet du vaccin). Des correctifs statistiques complexes étaient appliqués pour lisser l’hétérogénéité de durée de suivi et d’âge des cas contrôle et des patients vaccinés avant et après vaccination. La survenue d’un ZO était identifiée grâce au code diagnostic ZO de la base de données.

Au total, l’étude a inclu près de 4,85 millions d’individus, soit 7,5 millions de personne-années de suivi. Près de 180 000 personnes ont reçu un schéma vaccinal complet (soit 3,7% de la population éligible au vaccin). Le suivi médian des patients vaccinés de la cohorte des était de 730 jours, mais avec seulement 211 jours après la vaccination et un âge médian à la date index de 72 ans. Dans la cohorte des non-vaccinés, l’âge médian était de 64 ans. Les origines ethniques, le genre et la distribution géographique des patients était homogène dans les groupes vaccinés et non vaccinés.

Il y avait en tout 30 cas de ZO dans la cohorte vaccinée sur un suivi de 117 517 personnes-années contre 5654 cas de ZO sur un suivi de 7 374 053 personnes-années dans la cohorte non vaccinée. L’efficacité vaccinale contre le ZO, après ajustement des covariables, était donc de 89,1%. Étudiée par classe d’âge, elle était de 100% chez les patients âgés de 50 à 59 ans, 87,6% de 60 à 69 ans, 88,8% de 70 à 79 ans et 88,8% après 80 ans. Les femmes bénéficiaient globalement d’une meilleure efficacité vaccinale que les hommes (95% vs 79%).
La méthodologie rétrospective, la faible durée de suivi des patients après vaccination et des analyses statistiques très complexes qui perdent parfois le lecteur sont les faiblesses de cet article à première vue stupéfiant par la quantité de données analysées.
Ils semblent toutefois confirmer en vraie vie l’efficacité majeure et spécifique du vaccin sous-unitaire anti- VZV contre le ZO. Vue la forte implication des ophtalmologistes dans la prise en charge de cette pathologie, et les résultats très positifs de ce vaccin, on peut se demander si en tant qu’ophtalmologistes, nous ne devrons pas plus nous impliquer dans la promotion,1 voir la prescription de ce vaccin…. quand il sera disponible et remboursé en France…

1) Cohen EJ. The Importance of Vaccination against Herpes Zoster. Ophthalmology. 2021 Dec;128(12):1708-1709.

Lu A, Sun Y, Porco TC, Arnold BF, Acharya NR. Effectiveness of the Recombinant Zoster Vaccine for Herpes Zoster Ophthalmicus in the United States. Ophthalmology. 2021 Dec;128(12):1699-1707.

Reviewer : Antoine Rousseau, thématique : infections