Un des problèmes des dispositifs de chirurgie micro-invasive du glaucome (ou MIGS, pour Minimally Invasive Glaucoma Surgery) est leur multiplicité. Ils n’ont bien sûr pas tous le même mécanisme d’action, ni les mêmes indications, mais il existe parfois plusieurs concurrents dans une même sous-classe de MIGS. C’est notamment le cas pour les shunts trabéculaires, qui court-circuitent la principale zone de résistance à l’écoulement de l’humeur, en permettant un accès direct de l’humeur aqueuse au canal de Schlemm. Dans cette catégorie, réservée aux glaucomes à angles ouverts (GAO), 2 dispositifs sont disponibles : l’Hydrus et l’iStent (dont nous sommes déjà à la version 2 et bientôt 3 …). Le premier est un tube circulaire dont la partie externe est ouverte, et dont la partie interne est perforée de multiples trous. Il s’insère dans le canal de Schlemm, occupe 3 quadrants horaires, et dilate donc le Schlemm tout en fournissant un accès aux canaux collecteurs. Le iStent (version 1) est un petit tube coudé en forme de L dont la partie longue s’enfonce dans le Schlemm tandis que la partie perpendiculaire permet le passage de l’humeur aqueuse. Jusqu’à présent, il était recommandé d’associer la pose de ces dispositifs à la phako-émulsification. Par conséquent, ces 2 MIGS ne pouvaient être indiqués que chez des patients atteints à la fois de GAO et de cataracte. En effet, l’efficacité pressionnelle de ces 2 dispositifs a été démontrée en association avec la phako-émulsification (comparaison phako seule versus procédure combinée phako + iStent ou Hydrus)1,2.
L’étude dirigée par Ike Ahmed (un des plus grands spécialistes mondiaux des MIGS), et publiée dans le numéro de janvier d’Ophthalmology, est donc importante à plusieurs égards. D’une part, elle compare directement ces 2 MIGS en face à face, et surtout, elle les compare en procédure simple, c’est-à-dire non associée à une phako-émulsification.
Les critères d’inclusion de cette étude randomisée multicentrique internationale étaient les suivants : patients phakes ou pseudophakes, atteints de GAO (angle coté grade 3 ou 4 selon la classification de Schaffer), exempts de comorbidité oculaire significative, avec une acuité supérieure à 6/10, une PIO comprise entre 23 et 39mmHg sans traitement (après une période de wash-out adaptée au traitement reçu) et une pachymétrie comprise entre 480 et 620 microns. Les GAO secondaires étaient exclus, à l’exception des glaucomes pseudo-exfoliatifs ou pigmentaires. De même, les yeux avec un antécédent de chirurgie filtrante ou de trabéculoplastie au laser argon (mais pas SLT) étaient exclus. Un seul œil par patient était inclus, puis randomisé pour recevoir soit un Hydrus, soit deux iStents (version 1). Un suivi régulier était réalisé jusqu’à M12, avec comme critères de jugement en fin d’étude la comparaison des PIO post-opératoires et des traitements hypotonisants intra et intergroupes, ainsi que le taux de succès, défini comme la triade PIO ≤18mmHg / pas de recours à une autre chirurgie du glaucome / arrêt des traitements hypotonisants. Les évènements indésirables étaient également analysés.
Au total, 152 patients (donc yeux) étaient inclus, 75 Hydrus et 77 iStents, dans des groupes comparables en termes de PIO sans traitement et de sévérité du glaucome. Le suivi était complet pour 148 patients (97,3%). Les procédures étaient complètes pour tous les Hydrus, et incomplètes pour 2 iStent (seulement 1 iStent posé sur les 2 prévus dans les 2 cas).
A 12 mois, le taux de succès complet était plus important dans le groupe Hydrus (30% vs 9%, p=0,002). La proportion d’yeux sans traitement était également plus importante dans le groupe Hydrus (47% versus 24%, p=0,006). De même, la diminution du nombre de traitements hypotonisants à M12, bien que significative dans les 2 groupes, était plus importante dans le groupe Hydrus (différence de 0,6 traitement, p=0,004). A 12 mois, la proportion d’yeux recevant 3 traitements était moindre dans le groupe Hydrus (8% vs 29%, p=001). A l’inverse, le nombre de patients sans modification, ou avec une augmentation du nombre de traitements était plus faible dans le groupe Hydrus (18% vs 39%, p=0,006).
Concernant les données de sécurité, elles étaient relativement comparables dans les 2 groupes. Il y avait 4 cas d’élévation de la PIO > 10mmHg dans le groupe iStent, et 3 dans le groupe Hydrus. Les obstructions des dispositifs survenaient par des mécanismes différents (apposition de l’iris dans le groupe iStent, et constitution de synéchies antérieures périphériques dans le groupe Hydrus), avec des taux similaires (9 yeux dans le groupe Hydrus et 10 dans le groupe iStent). Un patient phake du groupe iStent était opéré de cataracte au cours du suivi, (aucun dans le groupe Hydrus). Deux yeux implantés par iStent ont dû subir une chirurgie de glaucome pendant la période de suivi (aucun dans le groupe Hydrus).
Cette étude semble donc démontrer une supériorité de l’Hydrus sur l’iStent en termes de contrôle pressionnel. Toutefois, on regrette que la diminution nette de PIO en fin de suivi (c’est-à-dire, après un wash-out), initialement prévue, n’ait finalement pas été mesurée (en raison du refus de certains investigateurs pour des raisons de sécurité des patients). La courbe d’apprentissage, et donc l’accessibilité au plus grand nombre des 2 procédures est l’autre aspect non-évalué dans cet essai, puisque les procédures étaient toutes réalisées par des chirurgiens très entrainés à poser ces deux types de MIGS. En outre, les effectifs ne permettent pas de comparer la sécurité des 2 procédures. Enfin, et c’est bien là tout le problème des MIGS en général (dont le renouvellement technique est fréquent) : une nouvelle version de l’iStent (iStent Inject) a déjà remplacé le iStent utilisé dans cette étude, et devrait très prochainement encore évoluer (iStent Inject W), rendant par définition, cette comparaison à peine publiée déjà quelque peu obsolète…Quoi qu’il en soit, il est important de considérer, et de saluer, ces essais comparatifs à propos de gestes chirurgicaux, tant la mise en œuvre et le recrutement des patients est souvent difficile.
1) Malvankar-Mehta MS, Iordanous Y, Chen YN, Wang WW, Patel SS, Costella J, Hutnik CM. iStent with phacoemulsification versus phacoemulsification alone for patients with glaucoma and cataract: a meta-analysis. Plos one. 2015 jul. 6;10(7):e0131770.
2) Pfeiffer N, Garcia-Feijoo J, Martinez-de-la-Casa JM, Larrosa JM, Fea A, Lemij H, Gandolfi S, Schwenn O, Lorenz K, Samuelson TW. A randomized trial of a Schlemm's canal microstent with phacoemulsification for reducing intraocular pressure in open-angle glaucoma. Ophthalmology. 2015 Jul;122(7):1283-93.
Ahmed IIK, Fea A, Au L, Ang RE, Harasymowycz P, Jampel HD, Samuelson TW, Chang DF, Rhee DJ; COMPARE Investigators. A prospective randomized trial comparing hydrus and istent microinvasive glaucoma surgery implants for standalone treatment of open-angle glaucoma: the COMPARE study. Ophthalmology. 2020 Jan;127(1):52-61.
Reviewer : Antoine Rousseau, thématique : glaucome.