Faricimab : Un nouveau traitement de la DMLA exsudative

Revue de la presse de février 2022

Auteurs : Jean-Rémi Fénolland, Antoine Rousseau
Coordination : Marc Labetoulle

Revues sélectionnées :
Ophthalmology, JAMA Ophthalmology, IOVS, Progress in Retinal and Eye Research, Current Opinion in Ophthalmology, Survey of Ophthalmology, Journal of Cataract and Refractive Surgery, American Journal of Ophthalmology, British Journal of Ophthalmology, Retina, Cornea, Nature, Lancet, NEJM, Science.

Faricimab : Un nouveau traitement de la DMLA exsudative

La prestigieuse revue Lancet publie les résultats d’une étude phase 3 concernant un nouvel anticorps injectable en intravitréen dans le traitement de la DMLA exsudative. Le faricimab est un traitement développé par Genentech, société pharmaceutique qui, rappelons-le, avait lancé en 2004 le bevacizumab (Avastin) et en 2006 le ranibizumab (Lucentis). Ce nouveau traitement, dont les autorités américaines viennent d’autoriser l’usage aux USA, est commercialisé sous le nom de Vabysmo par le laboratoire Roche qui a acquis Genentech en 2009.
 

Cet anticorps monoclonal est particulièrement innovant dans son design car il est bispécifique, c’est-à-dire qu’il intègre deux domaines de liaison : un premier domaine lie le VEGF A, à l’instar des traitements plus anciens précités, et un second domaine qui lie avec une haute affinité un second facteur de croissance : l’angiopoïétine 2. L’inhibition de ces deux voies est synergique, ce qui permet d’augmenter la puissance du traitement dans le maintien de l’homéostasie vasculaire tout en inhibant l’inflammation, les fuites vasculaires et bien entendu la néovascularisation. Des études pivotales de phase 2 ont mis en évidence qu’au dosage de 6mg, le faricimab injecté toutes les 16 semaines est non inférieur au ranizumab en injections mensuelles1.
 

Cette nouvelle publication présente les résultats intermédiaires de deux essais aux protocoles identiques, TENAYA et LUCERNE, dans lesquels le faricimab est comparé à l’aflibercept (Eylea, Bayer) sur une durée de 122 semaines. TENAYA et LUCERNE sont deux études multicentriques (271 sites dans plus de 20 pays), randomisées et en double aveugle et en groupes parallèles qui visaient à tester la non infériorité du faricimab par rapport à l’aflibercept. Les patients inclus devaient avoir plus de 50 ans et présenter un néovaisseau choroïdien à la fois naïf (jamais traité) et rétro-, juxta- ou extrafovéolaire avec une composante rétrofovéolaire active secondaire à l’activité du néovaisseau (cette activité devait être confirmée en angiographie à la fluorescéine et en OCT). En outre, le néovaisseau devait avoir une surface inférieure à 9 fois la surface du disque optique et représenter au moins la moitié de la lésion identifiée en imagerie. Enfin l’acuité visuelle à l’inclusion devait être comprise entre 1/20ème et 6/10ème. Un œil par patient était inclus et les patients éligibles étaient assignés selon un ratio 1 :1 dans le groupe faricimab ou aflibercept.
Selon le protocole de ces deux études, l’aflibercept était injecté toutes les 8 semaines après une induction mensuelles de 3 IVT. Pour le faricimab, le protocole d’injection était personnalisé en fonction de la réponse thérapeutique de chaque participant : après une dose d’induction de 4 IVT mensuelles, le patient était revu à 20 semaines : si des signes d’activité étaient présents, les IVT était poursuivies sur un rythme de 8 semaines jusqu’à la 60ème semaine de l’étude. S’il n’y avait pas d’activité, une visite de contrôle était prévue le mois suivant (soit à 24 semaines). Cette nouvelle visite permettait d’orienter le patient vers un traitement toutes les 12 semaines en cas de signes d’activité ou bien toutes les 16 semaines en cas de non activité, ce rythme étant maintenu jusqu’à la 60ème semaine de l’étude.
 

L’objectif principal de cette publication intermédiaire était de comparer l’acuité visuelle au bout de 48 semaines afin de démontrer la non infériorité du faricimab. Au total, 671 patients ont été inclus dans TENAYA, dont 334 dans le groupe faricimab et 337 dans le groupe aflibercept tandis que pour LUCERNE, 658 patients étaient inclus dont 331 dans le groupe faricimab et 327 dans le groupe aflibercept. Dans les deux études, la non-infériorité a été observée : dans TENAYA, le gain d’acuité visuelle était de 5,8 lettres ETDRS (EC95% :4,6-7,1) dans le groupe faricimab contre 5,1 lettres ETDRS (EC95% :3,9-6,4) dans le groupe aflibercept. Pour LUCERNE, le gain d’acuité visuelle était identique dans les deux groupes à 6,6 lettres ETDRS (EC95% :5,3-7,8). Dans TENAYA, 20,3% des patients sous faricimab ont finalement été traités toutes les 8 semaines, 34% toutes les 12 semaines et 45,7% toutes les 16 semaines ce qui s’approchait des chiffres de LUCERNE (respectivement 22,2%, 32,9% et 44,9%).
Dans les deux études, les résultats anatomiques confirmaient les données fonctionnelles, avec des réductions de l’épaisseur centromaculaire de 136,8 µm pour le faricimab contre 129,4 µm pour l’aflibercept dans TENAYA et de 137,1 µm pour le faricimab contre 130,8 µm pour l’aflibercept dans LUCERNE. Dans les deux études, il n’y avait pas de différence significative entre les deux groupes sur la réduction de la taille du néovaisseau, ou sur la qualité de vie évaluée sur le questionnaire NEI VFQ-25. Concernant les données de sécurité, les auteurs n’ont pas relevé de différence entre les deux traitements. Dans TENAYA, 0,9% des patients (n=3) inclus dans chaque bras sont sortis de l’étude en rapport avec des effets indésirables graves (1 par atteinte du système nerveux central, 1 connectivite et une aggravation sévère de la membrane néovasculaire pour le faricimab, et 3 maladies néoplasiques dans le groupe aflibercept). Dans LUCERNE, 2,4% des patients du groupe faricimab (n=8) contre 0,3% du groupe aflibercept (n=1) sortaient de l’étude essentiellement en rapport avec des complications inflammatoires oculaires. Le taux d’inflammation intra-oculaire était faible dans les deux essais, mais toutefois légèrement supérieur dans le groupe faricimab (13 cas dans les deux études contre 8 pour l’aflibercept). Seuls trois patients ont présenté une baisse d’acuité visuelle de plus de 30 lettres persistantes en rapport avec une inflammation intra-oculaire sévère, dont deux pour le groupe faricimab. Enfin, une endophtalmie aigue (à culture négative) est survenue dans le groupe aflibercept.
 

Voici donc un nouveau traitement anti-angiogénique qui combine une action sur la voie du VEGF et de l’angiopoïétine 2 et qui devrait permettre d’espacer la fréquence des IVT. Il s’agit donc clairement d’une avancée significative qui pourrait permettre à ce nouvel anticorps de simplifier la prise en charge des patients souffrant d’une DMLA exsudative.
 

Heier JS, Khanani AM, Quezada Ruiz C et al; TENAYA and LUCERNE Investigators. Efficacy, durability, and safety of intravitreal faricimab up to every 16 weeks for neovascular age-related macular degeneration (TENAYA and LUCERNE): two randomised, double-masked, phase 3, non-inferiority trials. Lancet. 2022 Feb 19;399(10326):729-740.

1 Sahni J, Dugel PU, Patel SS et al. Safety and Efficacy of Different Doses and Regimens of Faricimab vs Ranibizumab in Neovascular Age-Related Macular Degeneration: The AVENUE Phase 2 Randomized Clinical Trial. JAMA Ophthalmol. 2020 Sep 1;138(9):955-963.

Reviewer : Jean-Rémi Fénolland

Thématique : Rétine médicale