La phototransduction débute au niveau des photorécepteurs (PR) où la lumière, un flux de photons, est captée et convertie en signal électrique. Ce phénomène, qui est bien caractérisé du point de vue électrophysiologique, est devenu « observable » en OCT grâce à une nouvelle méthode d’acquisition décrite par Pandiyan et al.
Ce procédé est dénommée « OCT en phase résolue » (Phase-Resolved OCT) et il permet d’augmenter la résolution spatio-temporelle de ce système d’imagerie afin de mesurer des variations nanométriques sur une échelle temporelle ultra-brève de l’ordre de la microseconde.
Avec une résolution latérale moindre, il a déjà été publié (D. Hillmann, et al. In vivo optical imaging of physiological responses to photostimulation in human photoreceptors. Proc. Natl. Acad. Sci. 113, 13138–13143. 2016) qu’un PR semblait subir un raccourcissement d’environ 40 nm pendant une durée de 5 ms après avoir capté un signal lumineux. Il s’agissait en fait d’une hypothèse pour expliquer les modifications de longueur du PR observées, alors que d’autres explications étaient possibles : un changement d’indice de réfraction ou de forme du PR pourrait également modifier la propagation de la lumière et induire une modification du signal en OCT. Mais les auteurs avaient choisi l’hypothèse du raccourcissement car des déformations cellulaires avaient déjà été décrites sur les neurones de crustacés, de calamars ou même de certains mammifères au cours des dépolarisations liées à un potentiel d’action.
Pour cette nouvelle étude, les auteurs ont utilisé un nouvel OCT en phase résolue à très haute vitesse, couplé à de l’optique adaptative. Grâce à cette combinaison de technologies de haut niveau, les artefacts liés aux mouvements sont limités par l’énorme vitesse d’acquisition (deux B scans à 16 kHz couplés et moyennés qui donnent une résolution temporale de 125 s) et l’optique adaptative permet de d’atteindre une résolution axiale nanométrique.
Via une acquisition en face et en segmentant les images automatiquement entre les lignes IS/OS (ligne qui se situe à la jonction des segments internes -IS- et externes -OS- des photorécepteurs), et COST (pour Cone Outer Segment Tips line, localisée au niveau de la zone d’interdigitation), les auteurs ont mis en évidence sur la rétine humaine de deux volontaires sains des modifications de la hauteur des cônes, ce qui définit une nouvelle méthode d’exploration de la rétine dénommée « optorétinogramme ». L’amplitude de réponse des cônes M et L était supérieure à celle des cônes S car le stimulus lumineux, dans ce cas, avait une longueur d’onde, centrée sur 528 nm, c’est-à-dire dans le spectre vert de la lumière. Les cônes S sont les plus petits (Small) des cônes et ils sont préférentiellement sensibles aux longueurs d’onde courte, dans le spectre bleu. Cette réponse était caractérisée par une modification du signal OCT biphasique, qui correspondait à une phase de raccourcissement précoce, les premiers 0.5 ms après la stimulation, et une phase tardive de retour à l’état antérieur, sur une période d’environ une seconde. Les auteurs constataient aussi qu’une augmentation du flux de photons induisait une réponse dont l’amplitude augmentait selon une fonction bilinéaire.
Selon les auteurs, la première phase rapide correspondrait à un raccourcissement du PR concomitante du potentiel de réception précoce, signal électrique rapide précédemment caractérisé ex vivo par patch clamp. La phase plus lente, et retardée, de retour à la normale, correspondrait à une diffusion d'eau dans le segment externe, afin de maintenir l'équilibre osmotique pendant la cascade de photo-transduction.
Voici donc un des derniers développements de l’imagerie en OCT, qui ne sera pas disponible immédiatement en pratique clinique en raison d’une grande quantité d’information à traiter, avec au bas mot 3,2 To de données par acquisition, et des conditions de réalisation d’acquisitions draconiennes : pupilles dilatées, patient parfaitement compliant et immobile. Il y a cependant fort à parier que dans quelques années l’OCT en phase résolue deviendra un moyen non invasif de quantifier de façon indirecte l’activité électrique rétinienne, et qu’il sera même possible de corréler l’optorétinogramme à l’électrorétinogramme, ce qui n’était pas l’objet de cette publication.
Pandiyan VP, Maloney-Bertelli A, Kuchenbecker JA, et al. The optoretinogram reveals the primary steps of phototransduction in the living human eye. Sci Adv. 2020;6(37):eabc1124. Published 2020 Sep 9.
Reviewer : Jean-Rémi Fénolland, thématique, thématique : imagerie