Incidence du décollement de rétine après chirurgie maculaire : les chiffres récents en France

Revue de la presse de novembre 2022

 

Auteurs : Antoine Rousseau, Jean-Rémi Fénolland
Coordination : Marc Labetoulle

Revues sélectionnées : 
Ophthalmology, JAMA Ophthalmology, IOVS, Progress in Retinal and Eye Research, Current Opinion in Ophthalmology, Survey of Ophthalmology, Journal of Cataract and Refractive Surgery, American Journal of Ophthalmology, British Journal of Ophthalmology, Retina, Cornea, Nature, Lancet, NEJM, Science.

 


Incidence du décollement de rétine après chirurgie maculaire : les chiffres récents en France

 

Les chirurgies maculaires comportent principalement les chirurgies des membranes épirétiniennes (MER) et celles des trous maculaires (TM). Elles représentent 25% des chirurgies vitréo-rétiniennes en France, soit environ 16 000 procédures par an. Le décollement de rétine (DR) est l’une des complications les plus redoutées de ces chirurgies, par ailleurs le plus souvent très bénéfiques sur la fonction visuelle. L’incidence et les facteurs de risque de DR après chirurgie maculaire ont surtout été établis dans des études mono ou bicentriques, mais jamais à l’échelle d’un système de santé entier. L’équipe du Service d’Ophtalmologie du CHU de Dijon a exploité les données nationales du PMSI (Programme de Médicalisation des Systèmes d’information) pour décrire l’épidémiologie à très grande échelle de ces complications. 


Les données extraites concernent la période du 1er janvier 2006 au 31 octobre 2016, qui couvre l’avènement de la vitrectomie transconjonctivale, et avec elle, le virage ambulatoire des chirurgies maculaires, qu’on peut situer entre 2010 et 2011. Les codes CCAM utilisés pour extraire les chirurgies de MER ou de TM étaient BGPA002 (dissection de MER) et BGFA005 (Vitrectomie par sclérotomie postérieure, avec dissection du cortex vitréen et tamponnement interne par gaz). La combinaison à une chirurgie de cataracte, ainsi qu’un antécédent de chirurgie de cataracte dans l’année précédente, étaient également étudiés, de même que l’âge des patients. Les DR étaient quant à eux identifiés dans les 3 mois suivant l’opération, à l’aide de 11 codes CCAM couvrant l’ensemble des procédures possibles pour traiter un DR rhegmatogène.


Sur la période étudiée, plus de 152 000 chirurgies de MER ou TM ont été réalisées en France, dont 3605 étaient suivies d’un DR rhegmatogène, soit 2,37% : 1,95% après chirurgie de MER, et 3,43% après chirurgie de TM. 


L’analyse multivariée montrait une augmentation significative (p<0,001) du risque de DR après chirurgie maculaire en cas de : 

  • chirurgie de TM (risque relatif = 1,76 ; IC = 1,63-1,90)
  • sexe masculin (RR = 1,63 ; IC = 1,51-1,76)
  • antécédent de chirurgie de cataracte dans l’année précédante (RR = 1,2 ; IC = 1,08-1,34)

 

A l’opposé, le risque relatif diminuait après 60 ans, et ce d’autant plus que l’âge avançait. 
De même, les périodes 2010-2011, 2012-2014 et 2015-2016 étaient associées à une diminution du risque comparativement à la période 2006-2009, avec une diminution progressive de l’incidence du DR au cours de la période de l’étude. Par ailleurs, la combinaison du geste maculaire à une chirurgie de cataracte n’augmentait pas le risque de DR postopératoire. 


Ces résultats soulignent le caractère non exceptionnel des décollements de rétine après chirurgie maculaire, avec des incidences de l’ordre de 2-3% - globalement conformes à celles retrouvées dans la littérature moderne -, et rappellent l’importance de l’information des patients ainsi que de l’attention portée à l’examen de la périphérie rétinienne aussi bien en pré qu’en postopératoire…
Ils suggèrent également le bénéfice potentiel de la vitrectomie transconjonctivale sur la survenue de ces complications, dont des études récentes ont démontré qu’elle induisait moins de déchirures rétiniennes. 


Le sur-risque associé aux chirurgies de trou maculaire, s’explique potentiellement par le trou lui-même, dont la présence est associée intrinsèquement au risque de décollement de rétine, mais aussi à la procédure chirurgicale, qui nécessite une vitrectomie complète et un décollement postérieur du vitré (DPV). La diminution du risque avec l’âge s’explique quant à elle vraisemblablement par la plus grande probabilité d’un DPV déjà fait au moment de la chirurgie. 
Certaines limites de l’étude sont très bien soulignées par les auteurs, notamment l’absence de prise en compte des antécédents systémiques des patients, et en particulier du diabète, qui pourrait constituer un facteur de risque supplémentaire et l’absence de latéralité dans les codages du PMSI : même si cette éventualité est peu probable, certains décollements de rétine ont pu survenir sur l’œil controlatéral à la chirurgie maculaire, et sans aucun lien avec elle. 
Dans tous les cas, cette étude épidémiologique d’une puissance et d’une exhaustivité inédite illustre bien le potentiel d’application des « big data », et leur prise directe avec notre pratique quotidienne. 

 

Ben Ghezala I, Mariet AS, Benzenine E, Gabrielle PH, Baudin F, Quantin C, Creuzot-Garcher C. Incidence of rhegmatogenous retinal detachment following macular surgery in France between 2006 and 2016. Am J Ophthalmol. 2022 Nov;243:91-97.

 

Reviewer : Antoine Rousseau, thématique : rétine chirurgicale.