INSPRA ou pas ?

La choriorétinite séreuse centrale (CRSC) est une pathologie dont la pathogénie est de mieux en mieux comprise, et pour laquelle un traitement par éplérénone (INSPRA) a été proposé à la suite de plusieurs études. En effet, des travaux avaient souligné l’importance des minéralo-corticoïdes sur la physiologie du système vasculaire choroïdien, et quelques essais cliniques testant la réponse à l’éplérénone semblaient encourageants. Mais quelques données contradictoires étaient apparues par la suite dans la littérature.

L’étude VICI publiée ce mois-ci dans le Lancet sème clairement le doute sur la réponse thérapeutique à l’éplérénone car elle infirme malheureusement un rôle bénéfique du traitement versus placébo pour les patients atteints de CRSC. Cette étude se caractérisait par son haut niveau de rigueur, un protocole clair, déclaré, une étude multicentrique, randomisée en double aveugle contre placébo, bref les auteurs britanniques ont voulu apporter une réponse tranchée et irréprochable du point de vue de la méthodologie.

Les investigateurs ont d’abord examiné 402 patients pour en inclure au total 114 dans l’étude, qui ont été assignés avec un ratio 1:1 entre le groupe éplérénone et le groupe placébo. Il s’agissait d’une étude de supériorité, en visant une différence de 5 lettres ETDRS, les analyses ont donc été réalisées en intention de traiter. Très peu de patients ont été perdus de vue malgré une durée de suivi de 12 mois. Malheureusement, l’étude n’a pas mis en évidence un gain significatif d’acuité visuelle à 12 mois (79,5 lettres EDTRS dans le groupe placebo vs 80,4 lettres dans le groupe éplérénone soit un différentiel de 1,73 lettres ; p=0 ,24), ni un gain évident au niveau anatomique sur la quantité de fluide sous-rétinien ou l’épaisseur de la choroïde, ni même sur les récurrences. Signalons que 10 patients ont été traités par PDT au cours du suivi, 6 dans le groupe placebo et 3 dans le groupe éplérénone.

Alors que les auteurs de l’étude VICI concluent à l’absence d’intérêt de l’éplérénone dans la prise en charge de la CRSC, quelques critiques peuvent néanmoins être faites sur les critères d’inclusion, qui pourraient expliquer l’échec de l’essai. En effet, les néovaisseaux choroïdiens (NVC) peuvent compliquer la CRSC, et si ceux-ci étaient a priori exclus de l’étude, les auteurs ne spécifient pas comment l’exclusion a été faite. En effet, les NVC type 1 ou sous épithéliaux peuvent être difficiles à identifier en angiographie classique, et plus facilement mis en évidence en OCTA. Ces NVC pourraient expliquer chez certains patients la persistance de fluide sous-rétinien. Une autre limite porte sur la très bonne acuité visuelle à l’inclusion (environ 6/10 dans les deux bras de l’étude), ce qui rend difficile une amélioration de plus de 5 lettres EDTRS versus placebo, d’autant plus que le groupe placébo a lui-même bénéficié d’un gain d’AV de 4 lettres sur la durée de l’étude.

Le message à retenir toutefois semble être de considérer avec prudence la prescription de l’éplérénone dans le CRSC, les 3 autres essais publiés à ce jour souffrant de méthodologie moins robuste que l’étude VICI, qui devient de facto une étude de référence en la matière.

Lotery A, Sivaprasad S, O'Connell A, et al. Eplerenone for chronic central serous chorioretinopathy in patients with active, previously untreated disease for more than 4 months (VICI): a randomised, double-blind, placebo-controlled trial. Lancet. 2020;395(10220):294–303.

 

Reviewer : Jean Rémi Fénolland, thématique : rétine médicale.