La lame criblée, une niche de cellules souches neurales

Un très bel article de recherche fondamentale a été publié au mois d’août par une équipe de de l’université du Maryland, article qui pourrait changer beaucoup de choses dans l’approche de la physiopathologie du glaucome et pourrait donc  avoir un impact potentiellement important, à terme, en clinique.
Le professeur Steven Bernstein est un spécialiste de l’étude de la tête du nerf optique et en particulier des neuropathies optiques antérieures ischémiques aiguës (NOIAA). Dans un précédent travail en IRM, il rapportait que le nerf optique s’allonge de 80% entre la naissance et l’âge adulte, et il s’est donc intéressé au rôle que pourrait jouer la lame criblée, et plus généralement la région laminaire qui comprend également les portions pré- et rétrolaminaires, dans ce processus de croissance. Qui dit croissance, dit multiplication cellulaire, et il a donc tenté de chercher des cellules souches au niveau de la tête du nerf. Avec succès !
La portion laminaire de la tête du nerf optique est une zone de transition entre l’œil et le nerf optique, c’est-à-dire entre la partie myélinisée, ou non, du nerf optique. Au niveau de sa vascularisation, les études histologiques en microscopie bi-photonique réalisées chez la souris mais aussi chez l’homme mettent en évidence des plexus vasculaires entre les vaisseaux rétiniens et le nerf optique, ainsi qu’avec les vaisseaux choroïdiens. Cette zone possède toutes les aptitudes pour abriter une niche de cellules souches, et cela a été confirmé en imagerie multiphotons qui a permis de retrouver une très faible expression de la protéine AQP4 (famille des aquaporines) qui est classiquement exclue des niches de cellules souches. D’autre part, ces niches de cellules progénitrices neurales se caractérisent également par l’expression de la nestine (protéine filamenteuse de régulation de la neurogénèse) ainsi que de SOX2 (un facteur de transcription). Toujours en imagerie multiphotonique, la portion laminaire présentait des arguments pour jouer ce rôle de niche, puisqu’elle coexprimait SOX2 et la nestine.

La confirmation de ces observations s’est ensuite faite grâce à des modèles de souris transgéniques particulièrement complexes à décrire, mais qui permettaient de souligner l’expression in vivo de SOX2. Ces modèles de souris ont également permis aussi de caractériser le rôle joué par ces cellules souches neurales dans la myélinisation de la portion antérieure du nerf optique.
La suite du processus expérimental est passée par de la culture cellulaire de cellules issues de souris, mais aussi d’humains. Les auteurs sont en effet parvenus à cultiver des cellules progénitrices neurales et à les différencier en cellules gliales (astrocytes et oligodendrocytes). Enfin dans une dernière partie, ils ont démontré que l’âge altérait le nombre et le potentiel de division de ces cellules d’origine murine ou humaine.

Voici donc un travail particulièrement riche qui nous laisse spéculer sur de nouvelles théories dans la survenue du glaucome primitif à angle ouvert, maladie liée à l’âge et dont le rôle potentiel de cette nouvelle niche de cellules souches reste complètement à explorer et pourrait donner lieu à de nouveaux espoirs thérapeutiques.

Bernstein SL, Guo Y, Kerr C, et al. The optic nerve lamina region is a neural progenitor cell niche. Proc Natl Acad Sci U S A. 2020;117(32):19287-19298.

 

Reviewer : Jean-Rémi Fénolland, thématique : glaucome