La phaco assis à la lampe à fente : c’est possible !

Cataracte

Si cet article porte sur une petite série de patients, il a néanmoins retenu notre attention car il s’agit de l’article le plus téléchargé ces derniers mois sur le site du Journal of Cataract and Refractive Surgery, et nous avons voulu partager avec nos lecteurs cette information originale.

Tous les chirurgiens de la cataracte savent que la qualité de l’installation du patient avant de commencer à opérer est cruciale pour la bonne réalisation du geste. Cependant, il existe des situations cliniques dans lesquelles cette installation peut être acrobatique voire impossible, tout particulièrement en cas d’orthopnée majeure, de cyphose cervico-thoracique irréductible ou alors lorsque certains patients sont pris de vertiges positionnels en décubitus dorsal.

L’équipe du CHU de Rouen décrit dans le Journal of Cataract and Refractive Surgery de ce mois-ci une première mondiale : la réalisation d’une chirurgie de la cataracte, patient assis derrière une lampe à fente. Cette publication relève encore pour l’instant de la preuve de concept puisqu’elle ne porte que sur 4 yeux de 2 patients opérés de cette manière. L’anesthésie était topique ou sous-ténonienne, la chirurgie se déroulait dans un bloc opératoire, le patient était assis derrière une lampe à fente (BQ 900 LED, Haag-Streit, Suisse) qui avait été décontaminée, avec des molettes équipées de petites poignées stériles (Carl Zeiss Meditec, USA). Après désinfection cutanée classique à la povidone iodée ophtalmique, pose de champs opératoire et mise en place d’un blépharostat, une incision principale de 2,2 mm était réalisée en temporal et une paracentèse en inférieur. Le premier patient présentait des cataractes blanches qui nécessitaient l’emploi de bleu Trypan afin de colorer la capsule, et la rétro-illumination de la lampe à fente permettait une très bonne visualisation du capsulorhéxis. Les paramètres utilisés étaient ceux retenus habituellement par les chirurgiens à savoir une hauteur du flacon d’infusion de 75 cm lors de la sculpture et de 105 cm pour la suite de la procédure. Le comportement de la chambre antérieure pendant la procédure était assez voisin de ce qui se passe en décubitus dorsal, les auteurs ne notaient pas de collapsus de celle-ci grâce à des incisions étanches. La seule différence était la tendance à la chute vers le bas des fragments de cristallin en raison de la gravité. Les 4 yeux ainsi opérés avaient un excellent résultat fonctionnel puisque l’acuité visuelle remontait à 10/10, et d’ailleurs les deux patients recommanderaient cette procédure aux personnes qui ne pourraient pas être opérées allongés.

Voici une première mondiale, évolution naturelle pour certains chirurgiens habitués à effectuer, en postopératoire, des gestes de plus en plus invasifs à la lampe à fente (rebullage d’air ou de SF6 sur des greffes endothéliales, needlings ou pose de points pour les chirurgies filtrantes). La vision stéréoscopique d’une lampe à fente de consultation est certes excellente, mais la profondeur de champ est inférieure à celle d’un microscope opératoire.
Cette nouvelle technique opératoire, qui relève encore de l’exception, est évidemment à réserver à des chirurgiens habitués à travailler à la lampe à fente et très aguerris à la phakoémulsification, même en conditions très difficiles. N’oublions pas qu’une anesthésie générale ou qu’une ventilation positive continue (CPAP), gérées par des équipes anesthésistes entrainées, permettent en général d’opérer la plupart de nos patients. Quoi qu’il en soit, nous conseillons de suivre le lien ci-dessous qui donne accès à l’article en accès libre avec une vidéo à la fois démonstrative et impressionnante.
 


Muraine M, Boutillier G, Toubeau D, Gueudry J. Face-to-face phacoemulsification using a slitlamp in patients who are unable to lie flat. J Cataract Refract Surg. 2019 Nov;45(11):1535-1538.
 

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Reviewer : Jean-Rémi Fénolland