Les atteintes microvasculaires rétiniennes : la complication oculaire du COVID-19 ?

Revue de la presse de mars 2022

Auteurs : Jean-Rémi Fénolland, Antoine Rousseau
Coordination : Marc Labetoulle

Revues sélectionnées :
Ophthalmology, JAMA Ophthalmology, IOVS, Progress in Retinal and Eye Research, Current Opinion in Ophthalmology, Survey of Ophthalmology, Journal of Cataract and Refractive Surgery, American Journal of Ophthalmology, British Journal of Ophthalmology, Retina, Cornea, Nature, Lancet, NEJM, Science.

Les atteintes microvasculaires rétiniennes : la complication oculaire du COVID-19 ?

Alors que l’épidémie de COVID-19 n’est plus au premier plan de l’actualité, et que les mesures sanitaires se relâchent, les données scientifiques sur cette épidémie continuent, elles, de s’accumuler.

Nous déjà avions évoqué dans ces colonnes la première description, par une équipe brésilienne, des atteintes rétiniennes de la COVID-19. Marinho et al. rapportaient dans le Lancet des micro-hémorragies rétiniennes, associées à des nodules cotonneux et des anomalies intra-rétiniennes en OCT sur une série de patients infectés par le SARS-CoV-21. Bien que ces données fussent assez logiques (le SARS-CoV-2 est connu pour causer des anomalies microvasculaires systémiques et des troubles de la coagulation), cette publication a par la suite fait couler beaucoup d’encre et suscité de nombreuses critiques sur la nature non spécifique des lésions, mais aussi sur les anomalies OCT, qui seraient en fait liées à une mauvaise interprétation d’artefacts vasculaires… Mais elle a aussi fait beaucoup d’émules, avec pas moins de 227 publications entre le début de l’épidémie et juin 2021 sur les anomalies du segment postérieur associée au COVID-19. C’est sans doute cette abondante littérature, dans laquelle il est difficile de s’y retrouver, qui a motivé Teo et al. à faire un point complet sur les données concernant les atteintes microvasculaires rétiniennes de la maladie, compilées jusqu’en juin 2021, et publié dans l’American Journal of Ophthalmology du mois de mars 2022.

Les auteurs séparaient les cas cliniques et séries de cas, analysées à des fins descriptives, des études cas-contrôles, utilisées pour une analyse poolée des risques de microangiopathie rétinienne au cours du COVID-19.

Au total, 31 publications, rapportant 1373 sujets (972 patients COVID-19 et 401 contrôles) ont été retenues dans l’étude. Les lésions microvasculaires rétiniennes étaient rapportées avec une fréquence très variable selon les séries (de 0 à 30%), et comportaient principalement des nodules cotonneux et des hémorragies rétiniennes, mais il y avait également quelques cas isolés de maculopathie médiane paracentrale aiguë (PAMM), de neurorétinite aigüe maculaire, et d’occlusion veineuse. Plusieurs auteurs ont exploré la rétine des malades en OCT et en OCT angiographie, et ont démontré, dans des études cas-contrôles, des réductions modérées, mais significatives de la densité vasculaire maculaire et de l’épaisseur du complexe cellules ganglionnaires-couche plexiforme interne, associées à une augmentation de la surface de la zone avasculaire centrale de la fovéa.

Mais c’est surtout l’analyse statistique des données poolées des études cas-contrôle qui fait la force de la publication de Teo et al. En effet, les études cas -contrôles permettent, dans une certaine mesure de limiter l’impact de l’âge et de potentielles comorbidités, ou encore de traitement, sur la survenue de la microangiopathie. Elle concluait que le COVID-19 multiplie par 8,9 le risque de développer une microangiopathie rétinienne, y compris avec des formes modérées de la maladie. Les auteurs soulignent bien sûr les limites liées aux données de la littérature disponible sur le sujet : hétérogénéité des formes cliniques de COVID-19, des méthodes d’analyse du fond d’œil, des paramètres OCT analysés…

Toutefois, le volume de données publiées, ainsi que les analyses statistiques réalisées dans cette étude, sont assez convaincants quant à l’existence d’une microangiopathie rétinienne associée au COVID-19. Étant donné le nombre de patients atteints, même si celle-ci ne touche que quelques pourcents des malades, elle pourrait, en association avec les comorbidités vasculaires plus fréquentes (diabète hypertension, artériosclérose), être responsables d’une morbidité ophtalmologique et de séquelles qui mériteront d’être évaluées, et aussi servir de biomarqueur de la durée et de l’intensité de la réaction immune antivirale.

1) Marinho PM, Marcos AA, Romano AC, Nascimento H, Belfort R. Retinal findings in patients with COVID-19. Lancet. 2020;395:1610.

Teo KY, Invernizzi A, Staurenghi G, Cheung CMG. COVID-19-Related Retinal Micro-vasculopathy - A Review of Current Evidence. Am J Ophthalmol. 2022 Mar;235:98-110.

Reviewer : Antoine Rousseau, thématique : Rétine