Les traitements médicaux de l’obstruction lacrymo-nasale congénitale sont utiles !

Revue de la presse de septembre 2022

 

Auteurs : Jean-Rémi Fénolland, Antoine Rousseau
Coordination : Marc Labetoulle

Revues sélectionnées : 
Ophthalmology, JAMA Ophthalmology, IOVS, Progress in Retinal and Eye Research, Current Opinion in Ophthalmology, Survey of Ophthalmology, Journal of Cataract and Refractive Surgery, American Journal of Ophthalmology, British Journal of Ophthalmology, Retina, Cornea, Nature, Lancet, NEJM, Science.

 

Les traitements médicaux de l’obstruction lacrymo-nasale congénitale sont utiles !

 

Bien que l’obstruction lacrymo-nasale congénitale (OLNC) touche près de 10% des nouveau-nés, et qu’elle soit résolutive sans intervention chirurgicale dans 9 cas sur 10 avant l’âge de 12 mois, les études guidant les pratiques thérapeutiques dans cette situation sont peu nombreuses et peu robustes. Les études ayant comparé observation versus massage ou observation et collyres antibiotiques versus massage n’ont inclus que quelques dizaines d’enfants, au plus. Toutefois, elles ont unanimement conclu à la supériorité des massages1 et de l’association massage et antibiotiques2 sur la simple observation, en termes de fréquence du recours au sondage. Une étude en dacryoscintigraphie, pratiquée sur des enfants atteints d’OLNC, a d’ailleurs montré une augmentation du flux lacrymo-nasal après massage sur 5 des 8 enfants inclus3. L’ensemble de ces résultats conforte les recommandations de pratique clinique communes aux pédiatres et aux ophtalmologistes dans ce domaine. 
Dans cette situation, pas si rare, où une pratique admise - et peu risquée - ne repose pas sur des études répondant aux exigences de l’evidence based medicine, il parait compliqué (voire inutile ?) de mettre en place un vaste essai randomisé contrôlé... 


Mohney et al. ont su contourner cette difficulté en apportant des preuves plus solides grâce à l’énorme base de données de la cohorte du Rochester Epidemiology Project. Cette étude de cohorte pluridisciplinaire, mise en place en 1966, bénéficie d’un recueil quasi-exhaustif des données de santé dans ce territoire, car les structures de soins du comté d’Olmsted (Minnesota, USA) appartiennent presque toutes au groupe de la Mayo Clinic, centre réputé s’il en est. 


Pour cette étude, les auteurs ont analysé les données des enfants âgés de moins de 5 ans, atteints d’ONLC entre 1995 et 2004. 
Parmi les 1958 patients répondant à ces critères, une observation simple avait été réalisée pour 516 (26,4%) enfants, des massages pour 506 (25,8%), tandis que 485 (24,8%) avaient reçu au moins une cure d’antibiotiques, et 397 (20,3%) la combinaison de massages et antibiotiques. Dans 54 cas (3%), la prise en charge n’était pas documentée. Une résolution « non-chirurgicale » de l’ONLC était observée dans 1669 cas (85,2%) avec un suivi médian de 3 mois. Les proportions étaient de 74,6% dans le groupe observation, 89,7% dans le groupe massage, 87% dans le groupe « antibiotiques », et 90,7% dans le groupe « massage et antibiotiques ». Les comparaisons entre une simple observation et les 3 types d’intervention étaient toutes significatives, aussi bien en analyse non-ajustée que multivariée (p<0,001 dans les deux cas).


On pourrait objecter la nature rétrospective de l’étude, le biais de jugement des cas (traitements prescrits ou non en fonction du jugement clinique du praticien), l’hétérogénéité des prescripteurs (pédiatre, médecin traitant ou ophtalmologiste) ou encore des antibiotiques prescrits (non renseignés). Il n’en reste pas moins que la taille de l’effectif, et la cohérence des résultats avec notre expérience clinique valide de facto ces résultats. 
Ils confirment en outre les enseignements que certains d’entre nous ont eu la chance de recevoir du très regretté Docteur Bruno Fayet, auquel les trois auteurs de cette revue de presse rendent un hommage aussi amical et tendre que très respectueux. 

 

1) Karti O, Karahan E, Acan D, et al. The natural process of congenital nasolacrimal duct obstruction and effect of lacrimal sac massage. Int Ophthalmol 2016;36:845–9. 


2) Nucci P. [Antibiotic therapy in congenital obstruction of the nasolacrimal duct]. Minerva Pediatr 1990;42:189–91. 


3) Foster JA, Katowitz JA, Heyman S. Results of dacryoscintigraphy in massage of the congenitally blocked nasolacrimal duct. Ophthalmic Plast Reconstr Surg 1996;12:32–7. 

 

Mohney BG, Sathiamoorthi S, Frank RD. Spontaneous resolution rates in congenital nasolacrimal duct obstruction managed with massage or topical antibiotics compared with observation alone. Br J Ophthalmol. 2022 Sep;106(9):1196-1199.

 

Reviewer : Antoine Rousseau, thématique : pédiatrie, voies lacrymales.