Ophtalmie sympathique : une méta-analyse rassurante

Revue de la presse de mai 2022

Auteurs : Jean-Rémi Fénolland, Antoine Rousseau
Coordination : Marc Labetoulle

Revues sélectionnées :
Ophthalmology, JAMA Ophthalmology, IOVS, Progress in Retinal and Eye Research, Current Opinion in Ophthalmology, Survey of Ophthalmology, Journal of Cataract and Refractive Surgery, American Journal of Ophthalmology, British Journal of Ophthalmology, Retina, Cornea, Nature, Lancet, NEJM, Science.


Ophtalmie sympathique : une méta-analyse rassurante

L’ophtalmie sympathique (OS) est une affection rare, qui se caractérise par la survenue d’une panuvéite granulomateuse bilatérale dans les suites d’un traumatisme pénétrant qu’il soit accidentel ou chirurgical. La physiopathologie exacte de l’OS n’est pas totalement élucidée bien qu’une réaction auto-immune à médiation cellulaire T contre les antigènes normalement exclus soit présumée. L’œil traumatisé (ou œil sympathisant) entraine une uvéite au niveau de l’œil controlatéral (ou œil sympathisé). L’OS peut se manifester en général dans les 12 mois après le traumatisme. Elle peut malheureusement se caractériser par la perte du seul œil fonctionnel restant ce qui en fait son caractère dramatique et ce d’autant plus que même un traitement adapté par corticostéroïdes et agents immunosuppresseurs bien conduit ne permet pas toujours de stopper l’évolution de la maladie.

Historiquement (et c’est encore ce qui prévaut en ophtalmologie de guerre pour certains pays de l’OTAN), il était d’usage d’énucléer dans les 15 jours suivant un traumatisme à globe ouvert , mais depuis une quinzaine d’années, il semble que ce dogme soit de plus en plus controversé car il est probable que la sensibilisation du système immunitaire par l’œil traumatisé soit très précoce. En France, nous privilégions toujours un traitement le plus conservateur possible, notamment en cas de plaie bilatérale, à moins que la réparation du globe soit impossible ou le potentiel visuel très faible à nul.
 

C’est tout l’intérêt de la méta-analyse de He et al que d’évaluer l’incidence de l’OS dans les suites d’une plaie du globe d’après une sélection de 1100 articles, dont 24 ont au final été inclus dans l’analyse finale, sur la base de leur rigueur méthodologique. Un total de 93 cas d’OS étaient recensés pour un dénominateur de 37684 patients, soit une incidence brute de 0,25%. L’âge moyen de survenue était de 40,5 ans pour les 19 articles concernant une population adulte et de 9,4 ans pour les articles pédiatriques. La durée de suivi des yeux traumatisés médiane était de 9,5 ans pour une moyenne de 8,5 ans. Les données des articles ne permettaient pas d’identifier une localisation particulière (antérieure ou postérieure) ou un type de traumatisme plus à risque d’entrainer à une OS. La moitié des publications incluses dans la méta-analyse ne retrouvait pas de cas d’OS sur 1455 plaies du globe, et 11 articles fournissant les indications sur le genre des patients : ils rapportaient un sexe ratio défavorable pour les hommes puisque 77% des effectifs qui présentaient un tableau d’OS étaient de sexe masculin.
 

Après plaie du globe, l’incidence quelque soit l’âge était de 0,19% et le taux d’incidence globale d’OS après plaie du globe de 33 / 100 000 personnes-années. Chez les adultes, l’incidence était de 24,94 pour 100 000 personnes-années tandis qu’elle était apparemment doublée chez les enfants ( 57,45 pour 100 000 personnes-années), mais les effectifs respectifs ne permettaient pas de monter une différence significative entre adultes et enfants.
 

Cette méta analyse comporte bien entendu un certain nombre de biais en rapport avec le caractère rétrospectif des publications mais ils ont été préalablement évalués, notamment les biais de détection de l’OS ou de biais de sélection de patients, et ceux-ci étaient jugés acceptables. Au total, nous pouvons donc être rassurés sur une pathologie redoutable et redoutée, et dont le diagnostic peut être retardé, de par la nature même de l’OS qui n’est pas concomitante du traumatisme et en l’absence de test biologique ou paraclinique prédictif. Ces données sur la faible incidence, rassurantes, confirment une nouvelle fois que le dogme historique de l’énucléation/éviscération précoce après une plaie du globe n’est définitivement plus la règle et qu’il convient de rester le plus conservateur possible.


He B, Tanya SM, Wang C, Kezouh A, Torun N, Ing E. The Incidence of Sympathetic Ophthalmia After Trauma: A Meta-analysis. Am J Ophthalmol. 2022 Feb;234:117-125. doi: 10.1016/j.ajo.2021.06.036.

Reviewer : Jean-Rémi Fénolland thématique : inflammation oculaire, traumatologie