Résultats à 6 ans de l’étude LiGHT : Le SLT conforte sa position de traitement de 1ère intention de l’hypertonie et du glaucome à angle ouvert

Revue de la presse de février 2023

 

Auteurs : Antoine Rousseau, Jean-Rémi Fénolland


Coordination : Marc Labetoulle

 

Revues sélectionnées : 
Ophthalmology, JAMA Ophthalmology, IOVS, Progress in Retinal and Eye Research, Current Opinion in Ophthalmology, Survey of Ophthalmology, Journal of Cataract and Refractive Surgery, American Journal of Ophthalmology, British Journal of Ophthalmology, Retina, Cornea, Nature, Lancet, NEJM, Science.

 

Résultats à 6 ans de l’étude LiGHT : Le SLT conforte sa position de traitement de 1ère intention de l’hypertonie et du glaucome à angle ouvert

 

L’étude LiGHT (Laser in Glaucoma and Hypertension Trial) est une grande étude randomisée multicentrique (près de 360 patients par groupe, un œil inclus par patient) ayant comparé l’efficacité pressionnelle, l’effet sur la qualité de vie et le coût d’un traitement par SLT (100 impacts sur 360°) ou par collyre anti-glaucomateux en première intention chez des patients atteints d’hypertonie oculaire (HTO) ou de glaucome à angle ouvert (GCAO).


La PIO cible de chaque œil inclus était déterminée individuellement en fonction du niveau pressionnel de base et/ou de la sévérité campimétrique. Une escalade thérapeutique (ajout d’un traitement médical, réalisation d’un SLT ou chirurgie filtrante) était envisagée en cas de PIO supérieure de 4mmHg à la PIO cible, ou bien si une progression de la neuropathie glaucomateuse (fonctionnelle ou structurelle) était avérée. Dans le groupe SLT, un deuxième laser pouvait être réalisé en cas d’efficacité initiale mais seulement transitoire.
 

Les investigateurs en charge de la mesure de la pression intra-oculaire (PIO), de l’analyse des champs visuels et des examens d’imagerie du nerf optique (rétinophotographies et tomographie de type Heidelberg Retina Tomograph) n’avaient pas connaissance du traitement reçu par le patient.


Les groupes étaient assez équilibrés en termes de sévérité de la pathologie. Ils comprenaient environ 31% d’HTO, 50% de GCAO débutants, 12% de GCAO modérés, et 7% de GCAO sévères, avec une PIO moyenne voisine de 25mmHg.


Les résultats à 3 ans ont été publiés dans le Lancet en 20191 ; concernant les yeux traités par SLT en première intention, ils étaient sans appel :

  • près de 80% d’entre eux n’ont pas nécessité de collyres anti-glaucomateux pour atteindre leur PIO cible (déterminée individuellement en fonction du niveau pressionnel de base et/ou de la sévérité campimétrique de la pathologie),
  • le nombre de cas de progression de la maladie glaucomateuse était significativement plus important dans le groupe collyre (33 vs 21).
  • les nombres de chirurgie de la cataracte et de trabéculectomie étaient significativement inférieurs dans le groupe SLT (13 versus 25, et 0 versus 11, respectivement).
  • les indices de qualité de vie (qui constituaient au demeurant le critère de jugement principal de l’étude) étaient quant à eux comparables dans les 2 groupes. Enfin, l’analyse coût-efficacité était favorable au SLT, tout du moins dans le modèle économique du système de soin britannique.

A noter que 25% des patients du groupe SLT ont reçu un 2ème laser pendant la durée de l’étude.
 

L’impact de LiGHT sur les recommandations a été quasi immédiat : la 5ème édition du « Guide et Terminologie pour les Glaucomes » de l’European Glaucoma Society, parue en 2020, intégrait dans les algorithmes thérapeutiques le SLT en première ligne chez les patients atteints d’HTO ou de glaucome2.

Les résultats des « prolongations » de LiGHT à 6 ans, parus dans le numéro de février d’Ophthalmology, confortent largement les données à 3 ans, et semblent donner encore plus de poids à cette option thérapeutique en première ligne.

Parmi les 692 patients ayant complété la première phase de 3 ans, 633 ont intégré l’extension, et 524 l’ont complété, avec un nombre de sorties d’étude équivalent dans les 2 groupes (au final : 263 yeux analysés dans le groupe collyre, et 261 dans le groupe SLT). Notons que dans le groupe SLT, un 3ème laser pouvait être réalisé si besoin dans cette phase d’extension de l’étude.

Les analyses en matière de qualité de vie ne retrouvaient toujours pas de différence entre les groupes.

Dans le groupe SLT en première intention :

  • 70% des yeux restaient à un niveau équivalent ou inférieur la PIO cible sans traitement médical ou chirurgical. Parmi ces derniers, 56% n’ont eu qu’un seul traitement, 34% en ont requis 2 et 10% en ont requis 3.
  • les données de tolérance du SLT étaient par ailleurs très rassurantes : sur les 979 yeux traités par SLT sur les 6 ans, 2 yeux ont présenté un pic d’HTO précoce supérieure à 10mmHg (dont un a fait l’objet d’une simple surveillance, et l’autre d’un traitement médical), et 10 yeux (soit 1%) ont présenté pic d’HTO précoce compris entre 5 et 10 mmHg, sans conséquence. Si une hyperhémie conjonctivale et une photophobie transitoire était très fréquents, aucun effet indésirable menaçant la vision n’était rapporté.

 

Dans le groupe collyre en première intention :

  • le traitement nécessaire pour atteindre la PIO cible était une monothérapie pour 43% des yeux, une bithérapie pour 19%, une trithérapie pour 8% et une quadrithérapie pour 1%.
  • le nombre d’yeux ayant progressé était significativement plus important que dans le groupe SLT (27% versus 20%, p < 0,01).
  • les chirurgies de cataracte et les trabéculectomies étaient significativement plus nombreuses que dans le groupe SLT (95 versus 57, et 32 versus 13, respectivement, p < 0,001).

Ces résultats pour le moins démonstratifs obtenus sur une durée de suivi remarquable ont donné à l’étude LiGHT le potentiel de modifier le paradigme du traitement de première intention de l’HTO et du glaucome. Le SLT constitue non seulement une bonne solution contre les problèmes d’observance, mais certaines données de LiGHT suggèrent qu’il pourrait également être plus efficace pour préserver la fonction visuelle.


Dans la pratique, il faudra bien évidemment veiller à bien expliquer au patient que la baisse pressionnelle obtenue après le laser n’est pas synonyme de guérison du glaucome, qu’elle est par nature transitoire, et qu’un suivi régulier à vie reste totalement indispensable…

 

1) Gazzard G, Konstantakopoulou E, Garway-Heath D, et al.; LiGHT Trial Study Group. Selective laser trabeculoplasty versus eye drops for first-line treatment of ocular hypertension and glaucoma (LiGHT): a multicentre randomised controlled trial. Lancet. 2019 Apr 13;393(10180):1505-1516.
2) Terminology and Guidelines for Glaucoma. https://www.eugs.org/eng/guidelines.asp

 

Gazzard G, Konstantakopoulou E, Garway-Heath D, Adeleke M, Vickerstaff V, Ambler G, Hunter R, Bunce C, Nathwani N, Barton K; LiGHT Trial Study Group. Laser in Glaucoma and Ocular Hypertension (LiGHT) Trial: six-year results of primary selective laser trabeculoplasty versus eye drops for the treatment of glaucoma and ocular hypertension. Ophthalmology. 2023 Feb;130(2):139-151.

 

Reviewer: Antoine Rousseau, glaucome.