Revue de la presse de fevrier 2025

Auteurs : Paul Bastelica, Alexandre Matet, Antoine Rousseau.
Coordination : Marc Labetoulle
Revues sélectionnées :     
Ophthalmology, JAMA Ophthalmology, IOVS, Progress in Retinal and Eye Research, Current Opinion in Ophthalmology, Survey of Ophthalmology, Journal of Cataract and Refractive Surgery, American Journal of Ophthalmology, British Journal of Ophthalmology, Retina, Cornea, Nature, Lancet, NEJM, Science.



Mélanome conjonctival :  un risque métastatique non négligeable
Dix centres d’oncologie oculaire, répartis dans 9 pays en Amérique, Europe et Asie, ont participé à un registre rétrospectif sous l’égide de l’American Joint Committee on Cancer Ophthalmic Oncology Task Force. Son but était de décrire l’évolution du mélanome conjonctival, parmi les cas consécutifs enregistrés entre 2001 et 2013, afin d’évaluer la pertinence clinique et pronostique du système TNM déployé par l’American Joint Committee on Cancer (AJCC). 
Sur un total de 288 patients inclus, 29 ont présenté des métastases, dont 5 dès le diagnostic. Sur ces 5 patients, 4 avaient une invasion des culs-de-sac conjonctivaux, 1 une invasion cutanée et 3 une invasion orbitaire. Ces tumeurs étaient donc aux stades T3 parmi les 4 stades de l’AJCC: T1 (conjonctive bulbaire), T2 (culs-de-sac, caroncule), T3 (orbite, paupière, globe, sinus), T4 (système nerveux central). 
Chez les 24 patients qui ont métastasé au cours du suivi, les métastases ont été détectées entre 7 mois et 14 ans après le diagnostic de mélanome, avec une moyenne de 6,4 ans. Leurs stades au diagnostic étaient T1 (54%), T2 (25%), T3 (8%) ou non connu en cas d’exérèse réalisée hors centre expert sans photographies préopératoires (13%). Onze patients ont développé également une rechute locale (46%), une évolution très fréquente lorsque le mélanome conjonctival est agressif ou insuffisamment traité à la phase initiale. Concernant la localisation des métastases, l’atteinte ganglionnaire cervicale ou pré-auriculaire, toujours ipsilatérale au mélanome, était fréquente (41%), ainsi qu’une dissémination au foie (45%) et au poumon (35%), et plus rarement à l’os, au péritoine ou à la parotide.
Parmi ces 24 patients devenus métastatiques au cours du suivi, le risque de métastase augmentait de 89 % pour chaque point de stade T supplémentaire (HR 1,89 p < 0,001) et de 16% pour chaque millimètre d'épaisseur tumorale supplémentaire (HR 1,16, p = 0,003). Au total, 17 de ces 24 patients métastatiques (71%) sont décédés au cours du suivi. Le taux de mortalité cumulé après apparition de métastases était de 10% à 2 ans et de 42% à 5 ans.
Ce travail a le mérite d’avoir collecté les données de diagnostic et de suivi de presque 300 cas de ce cancer rare. Néanmoins, un des biais principaux de l’article est le recours à plusieurs méthodes de traitement et de suivi, selon les protocoles locaux, et notamment l’absence d’irradiation complémentaire systématique. Les auteurs considèrent qu’en restreignant l’étude à une dizaine de centres experts, les patients ont pu bénéficier des meilleurs traitements disponibles pour leurs territoires géographiques respectifs. 
On peut aussi regretter que ce registre ait débuté avant la systématisation de l’irradiation adjuvante, qui a permis de réduire drastiquement le risque métastatique.1 L’utilisation de collyre à la mitomycine, pour traiter la mélanose conjonctivale primitive acquise, qui prédispose aux mélanomes, n’était pas non plus systématique sur la période d’inclusion, car son usage s’est répandu à partir des années 2005-2010.
L’étude porte sur une période où les analyses de génétique tumorale n’étaient pas réalisées en routine (mutations BRAF, cKIT, NRAS par exemple). Or elles permettent aujourd’hui l’utilisation de thérapies ciblées et sont donc associées à un meilleur pronostic en cas de progression métastatique.2 L’étude précède également le développement de l’immunothérapie, dont on peut espérer qu’elle fasse aussi baisser la mortalité associée aux métastases de mélanome conjonctival.3
Cette étude reflète donc l’histoire naturelle du mélanome conjonctival et nous rappelle qu’il ne doit pas être négligé, compte tenu de son risque métastatique important. Celui-ci dépend comme le montre l’étude de la taille de la lésion et donc peut être aggravé par un retard diagnostic. Le respect des bonnes pratiques de prise en charge initiale est indispensable pour optimiser le pronostic par tous les moyens : exérèse impérativement sous anesthésie générale, changement d’instruments avant la fermeture ou reconstruction, délai court pour obtenir un examen anatomopathologique par un laboratoire qualifié, puis passage en réunion de concertation pluridisciplinaire en vue d’une irradiation complémentaire.

1.    Wong JR, Nanji AA, Galor A, Karp CL. Management of conjunctival malignant melanoma: a review and update. Expert Rev Ophthalmol. 2014 Jun
2.    Lally SE, Milman T, Orloff M, Dalvin LA, Eberhart CG, Heaphy CM, Rodriguez FJ, Lin CC, Dockery PW, Shields JA, Shields CL. Mutational Landscape and Outcomes of Conjunctival Melanoma in 101 Patients. Ophthalmology. 2022 Jun
3.    Brouwer NJ, Verdijk RM, Heegaard S, Marinkovic M, Esmaeli B, Jager MJ. Conjunctival melanoma: New insights in tumour genetics and immunology, leading to new therapeutic options. Prog Retin Eye Res. 2022 Jan
Jain P, Finger PT, Filì M, Damato B, Coupland SE, Heimann H, Kenawy N, Brouwer NJ, Marinkovic M, van Duinen S, Caujolle JP, Maschi C, Seregard S, Pelayes DE, Folgar M, Yousef Y, Krema H, Gallie B, Calle Vasquez CA; American Joint Committee on Cancer Ophthalmic Oncology Task Force; AMERICAN JOINT COMMITTEE ON CANCER OPHTHALMIC ONCOLOGY TASK FORCE. Metastatic conjunctival melanoma: a multicentre international study. Br J Ophthalmol. 2024 Dec
Reviewer : Alexandre Matet, thématique : oncologie, surface oculaire


La SCVEXY : est-ce vraiment possible de traiter les décollements de rétine en consultation ?
Le traitement du décollement rétinien rhegmatogène (DR) repose actuellement dans la très grande majorité des cas sur la vitrectomie trois voies et la cryoindentation sclérale. Ces méthodes demeurent relativement invasives et impliquent certaines restrictions postopératoires (positionnement strict, baisse d’acuité liée au tamponnement, douleurs oculaires). À l’heure du développement d’un nombre croissant d’approches chirurgicales dites micro-invasives, une nouvelle technique a été développée pour le traitement des DR : la viscopexie suprachoroïdienne ou SCVEXY (pour SupraChoroidal ViscopEXY). Cette technique, décrite pour la première fois en 2023 dans un case report (1), consiste à créer un tamponnement interne dans l’espace supra-choroïdien, de sorte à réappliquer la rétine décollée sans geste chirurgical complémentaire. En pratique, cette technique repose sur l’injection d’un produit viscoélastique dans l’espace supra-choroïdien en regard de la zone décollée et de la déchirure rétinienne, à l’aide d’une aiguille 30 Gauges pré-calibrée de 1 mm de long. Avant d’injecter le produit, un contrôle visuel de la zone injectée est réalisé par indentation avec la seringue et ophtalmoscopie indirecte. Cette procédure est réalisée au cabinet en position allongée, et une rétinopexie au laser argon complète ensuite la procédure.
Un article publié par dans le numéro de janvier de JAMA Ophthalmology relate les résultats postopératoires d’une série de 6 patients traités par SCVEXY associée à une rétinopexie au laser argon pour le traitement d’un DR aigu. Les 6 patients étaient atteints de DR nasal ou temporal, dont 5 DR macula-off. L’acuité visuelle moyenne initiale était de +1,5 LogMAR (1/30 sur l’échelle de Monoyer). Chez tous les patients, un décollement choroïdien a été observé juste après la procédure (zone de viscopexie) et une rétinopexie laser a pu être réalisée dans les suites immédiates du geste. Au 7ème jour post-opératoire, 5 patients (83,3 %) ont obtenu une ré-application rétinienne complète sans déplacement ni pli rétinien, qui a persisté pendant toute la durée du suivi (de 320 à 510 jours). À 3 mois de l’intervention, l’acuité visuelle moyenne était mesurée à +0,46 LogMAR (4/10 sur l’échelle de Monoyer). La durée moyenne de persistance du produit viscoélastique dans l’espace supra-choroïdien était de 16 jours. Un patient a nécessité une intervention (rétinopexie pneumatique) en raison d’un échec à 5 jours de la SCVEXY (l’injection de visqueux avait en fait été réalisée en dehors de la zone décollée). En ce qui concerne la sécurité de la procédure, un patient a présenté un décollement choroïdien localisé en dehors de la zone traitée, résolutif sous corticothérapie locale, et deux patients ont développé un arrêt de la perfusion de l’artère centrale de la rétine, ayant nécessité une paracentèse immédiate.  
Au regard de cette série de cas, la SCVEXY pourrait représenter une alternative innovante pour le traitement de certains patients atteints de DR. La technique présente des avantages pratiques évidents : réalisation au cabinet sous anesthésie topique, procédure courte et peu onéreuse, reprise des activités immédiate et sans restriction. L’effectif étudié reste cependant extrêmement limité, et des études comparatives randomisées portant sur un plus grand effectif seront nécessaires pour évaluer l’efficacité et la sécurité de la SCVEXY par rapport aux techniques chirurgicales conventionnelles. 

1-    Muni RH,Melo IM, Pecaku A, Mannina A, Batawi H, Bansal A. In-office suprachoroidal viscopexy for rhegmatogenous retinal detachment repair. JAMA Ophthalmol. 2023;141(10):933-936.

Muni RH, Melo IM, Demian S, Minelli T, Batawi H, Park J, Pecaku A. In-Office Suprachoroidal Viscopexy for Acute Rhegmatogenous Retinal Detachment. JAMA Ophthalmol. 2025 Jan 1;143(1):53-60.
Reviewer : Paul Bastelica, thématique : chirurgie vitréo-rétinienne. 


La greffe de membrane amniotique n’est pas efficace sur tous les types de brûlures oculaires. 
Les brûlures chimiques et thermiques de la surface oculaire sont des urgences ophtalmologiques pouvant entraîner une baisse d’acuité visuelle profonde et définitive notamment via une perte en cellules souches limbiques responsable secondairement d’une opacification cornéenne progressive. La greffe de membrane amniotique (GMA) est utilisée pour favoriser la ré-épithélialisation et la récupération de la surface oculaire après les brûlures, notamment via l’apport de facteurs de croissance et de protéines anti-inflammatoires. Cependant, son efficacité est variable en fonction de la gravité des brûlures, notamment pour le traitement des brûlures sévères d’emblée.
L’American Academy of Ophthalmology propose dans un article d’Ophthalmology d’évaluer de façon exhaustive les résultats des études évaluant l'efficacité de la GMA dans le traitement des brûlures aiguës (chimiques et thermiques) de la surface oculaire. Les études retenues comprenaient les essais contrôlés randomisés, les études de cohortes, et les études cas-témoins comparant l’efficacité de la GMA par rapport au traitement médical seul sur au moins 20 yeux avec des brûlures chimiques ou thermiques aiguës modérées à sévères (Roper-Hall II/III et Dua III/IV). Le critère de jugement principal spécifiquement analysé dans cette revue était le taux et le délai de ré-épithélialisation cornéenne. Le critère de jugement secondaire analysé était le taux de récupération de l'acuité visuelle. 
Sur un total de 474 articles relevés sur les bases de données, seulement 3 études contrôlées randomisées respectant les critères d’inclusion ont été retenues et donc analysées. Dans les trois études, une membrane amniotique fraiche a été fixée chez tous les patients, membrane basale vers l’extérieur, et couvrait l'ensemble de la cornée et de la surface conjonctivale bulbaire et palpébrale. Un traitement médical était systématiquement associé, et comprenait l'administration topique d'une fluoroquinolone, de corticoïdes toutes les 2 à 6 heures, de larmes artificielles sans conservateur toutes les 2 heures, et d’atropine. La GMA était associée à la pose d’un anneau de symblépharon dans une des trois publications. Dans la première étude (15 GMA versus 15 traitement médical seul), la GMA a apporté un bénéfice statistiquement significatif sur le délai de ré-épithélialisation complète (22 ± 10,2 jours contre 56 ± 14,9 jours) et sur le diamètre du défect épithélial résiduel à 21 jours et à 1 mois par rapport au traitement médical seul (p=0,001). La deuxième étude (20 GMA versus 24 traitement médical seul) a montré que la pose d’une GMA apportait un bénéfice statistiquement significatif sur le pourcentage de ré-épithélialisation cornéenne à 7 jours du début du traitement chez les personnes souffrant de brûlures oculaires modérées par rapport au traitement médical seul (-7.4% vs. -6.2 % respectivement). Cette différence n’a pas été mise en évidence dans le sous-groupe de patients atteints de brûlures sévères (-4,5% vs. -4,5%). Ce résultat était cohérent avec les résultats rapportés par la troisième étude, (50 GMA versus 50 traitement médical seul), montrant un effet significatif de la GMA sur le taux de ré-épithélialisation exprimé en mm2/jour chez les patients souffrant de brûlures modérées (2.5 vs 0,8), mais pas pour les brûlures sévères (2,8 vs 2,4). En revanche, dans les trois études analysées, il n'y avait aucun résultat significatif sur le taux et le délai de récupération visuelle. 
Ces résultats suggèrent donc que la GMA est efficace dans la prise en charge des brûlures modérées de la surface oculaire, en accélérant la cicatrisation épithéliale cornéenne, sans pour autant améliorer le pronostic fonctionnel. De plus, cette efficacité n’est pas retrouvée chez les patients atteints de brûlures sévères. Le degré de sévérité des brûlures cornéennes étant principalement basé sur l’extension des lésions du limbe cornéen, il est probable que l’efficacité de la GMA dépende de la survie d'une population suffisante de cellules souches limbiques fonctionnelles. D’autres approches innovantes, notamment l’injection de cellules souches mésenchymateuses allogéniques, pourraient constituer une réelle avancée en permettant de s’affranchir de la survie de cette population cellulaire (1). Notons toutefois que l’efficacité de la GMA est limitée dans le temps, et que celle-ci dépend de sa durée de vie : une pose multiple (non évaluée dans cet article) pourrait donc théoriquement améliorer ces résultats, notamment chez les patients atteints de brûlures sévères. 
1-    Liang L, Luo X, Zhang J, Su W, Zhu W, Xie Y, Zhang N, Peng Y, Chen X, Xiang AP, Liu Y, Liang D. Safety and feasibility of subconjunctival injection of mesenchymal stem cells for acute severe ocular burns: A single-arm study. Ocul Surf. 2021 Oct;22:103-109.
Veldman PB, Greiner MA, Cortina MS, Kuo AN, Li JY, Miller DD, Shtein RM, Weikert MP, Yin J, Kim SJ, Shen JF. Efficacy of Amniotic Membrane Grafting for the Treatment of Chemical and Thermal Ocular Surface Injuries: A Report by the American Academy of Ophthalmology. Ophthalmology. 2025 Feb;132(2):154-163.
Reviewer : Paul Bastelica, thématique : surface oculaire, urgences.  



Calcul d’implant : l’aberrométrie peropératoire ne détrône pas encore le calcul préopératoire
Les méthodes actuelles de calcul des implants cristalliniens (IC), qui reposent sur des données biométriques préopératoires, des aberrations optiques de premier ordre et des formules empiriques, permettent d’obtenir l’équivalent sphérique (ES) cible (à 0,50 D près) dans 70 à 84 % des cas pour les yeux n'ayant jamais été opérés. Environ 1 œil sur 5 présente donc une erreur réfractive postopératoire significative. Ces imprécisions sont notamment liées à l’hypothèse de rapports fixes entre les courbures antérieure et postérieure de la cornée et des données préopératoires acquises trop longtemps avant l’intervention, et ne reflétant plus l'état de l'œil au moment de la chirurgie. En outre, les formules sont moins efficaces dans les cas complexes comme les antécédents de chirurgie réfractive, de greffe de cornée ou d’indentation sclérale.
L'aberrométrie peropératoire (AP) propose une alternative en calculant la puissance de l’IC pendant la chirurgie, en utilisant la réfraction de l’œil aphake et la puissance cornéenne totale, réduisant ainsi la dépendance aux hypothèses préopératoires. Un seul dispositif d’AP est actuellement commercialisé (système ORA avec VerifEye+, Alcon). Il utilise l'analyse du front d'onde pour mesurer la puissance réfractive de l’œil aphake (sphère, cylindre et axe). Les résultats de cette technologie dépendent toutefois (comme pour le calcul préopératoire) de la position effective de l’implant, potentiellement influencée par des facteurs peropératoires et anatomiques non prédictibles. 
Le système ORA exporte les données sur un cloud permettant d'agréger et d'analyser les résultats chirurgicaux pour optimiser les pratiques à l'échelle individuelle et globale. Bien que prometteuse, l'AP nécessite un temps et un coût supplémentaires par rapport aux méthodes conventionnelles, et ne dispense pas du recours à une biométrie préopératoire (les mesures de la longueur axiale, du diamètre blanc à blanc et de la kératométrie restent nécessaires et doivent être saisies dans l’appareil avant l’intervention). Si l’AP pourrait constituer une avancée significative, en particulier pour les cas complexes, son applicabilité à grande échelle pose encore question, et fait l’objet d’une revue d’évaluation technologique publiée dans le numéro de février d’Ophthalmology. 
Les objectifs de cette revue de littérature étaient de comparer la performance de l’AP par rapport à celle de la biométrie préopératoire pour prédire 1) l’ES postopératoire sur des yeux naïfs de chirurgie, 2) l'astigmatisme résiduel lors de l'utilisation d’implants toriques sur des yeux naïfs de chirurgie, et 3) l’ES sur des yeux avec antécédent de chirurgie réfractive cornéenne (LASIK, PKR, kératotomie radiaire). 
La recherche bibliographique, réalisée entre 2022 et février 2024 identifiait 29 articles conformes aux critères d’inclusion, à savoir : 1) ayant comme objectif l’évaluation des résultats réfractifs de l’AP; 2) utilisant une mesure de résultat acceptée, telle que l'erreur réfractive résiduelle moyenne, ou la proportion d'yeux se situant à ± 0,25, 0,50, 0,75 ou 1 D de la cible ; 3) une réfraction postopératoire réalisée au moins 18 jours après la chirurgie, 4) au moins 50 yeux inclus. Au final, les auteurs ont inclus 4 articles de niveau 1, 19 de niveau 2, et 6 de niveau 3. 
Pour résumer les données de la littérature, l’AP obtenait de meilleures performances que les formules traditionnelles (Haigis, HofferQ, Holladay et SRK/T), mais des résultats comparables à ceux obtenus avec la formule Barrett Universal II et la méthode Hill-RBF en ce qui concerne la minimisation de l’ES. Pour les implants toriques, l'AP surpassait les formules ne prenant compte que l'astigmatisme cornéen antérieur et se montrait similaire à la formule Barrett Toric Calculator (BTC), prenant en compte de façon empirique la contribution de la cornée postérieure. Pour les yeux ayant des antécédents de chirurgie réfractive cornéenne, l'AP obtenait des résultats comparables à ceux de la méthode Barrett True-K (conçue à cet effet) et légèrement supérieurs aux autres formules testées dans ce contexte (Haigis-L, Shammas et Wang-Koch-Maloney). 
Le bénéfice de l’AP semble donc assez limité par rapport au calcul préopératoire pour des yeux naïfs de chirurgie, ou bien avec antécédent de chirurgie réfractive, à condition que celui-ci soit réalisé avec des formules modernes. Une autre difficulté inhérente à l’AP pour les implants toriques, est le fait que ces dispositifs doivent être commandés en amont de la chirurgie, et qu’il ne soit pas envisageable (du moins en France) de disposer d’un stock de l’ensemble des références possibles au bloc opératoire. 
L’AP pourrait éventuellement s'avérer utile dans certains cas difficiles (kératocône, antécédent de kératoplastie, cicatrice cornéenne), mais les données de la littérature restent limitées dans ces indications. Enfin, les performances de l’AP devront être comparées à celles de de formules encore plus récentes, telles que Kane, EVO v2.0, Pearl-DGS et K6. 

Pantanelli SM, Hatch K, Lin CC, Steigleman WA, Al-Mohtaseb Z, Rose-Nussbaumer JR, Santhiago MR, Keenan TDL, Kim SJ, Jacobs DS, Schallhorn JM. Intraoperative Aberrometry versus Preoperative Biometry for Intraocular Lens Power Calculations: A Report by the American Academy of Ophthalmology. Ophthalmology. 2025 Feb;132(2):238-252. 
Reviewer : Antoine Rousseau, thématique : chirurgie de la cataracte. 


La confirmation (s’il en était besoin) qu’il ne vaut mieux pas opérer après avoir bu de l’alcool…
Les addictions n’épargnent malheureusement pas le corps médical… La charge de travail, le stress, l’épuisement psychologique… autant de facteurs qui font des médecins une profession particulièrement à risque.  Selon les études, 5 à 10% des médecins français souffriraient d’une addiction, dans 2 tiers des cas à l’alcool.1 Pour autant, les tests d’alcoolémie des médecins et chirurgiens en exercice ne font l’objet d’aucune recommandation et seraient sans doute très mal perçus... 
Une étude parue dans le British Journal of Ophthalmology a tiré parti du simulateur chirurgical Eyesi pour évaluer objectivement les effets d’une consommation aigue d’alcool, mais également post-aigue (lendemain de soirée arrosée) sur la dextérité de 11 chirurgiens vitréo-rétiniens expérimentés (plus de 10 ans de pratique).  Dans cette étude prospective, la performance chirurgicale simulée et les micro-tremblements ont été évaluée à l’aide du simulateur chirurgical Eyesi après une consommation d’alcool (en l’occurrence, du vin) calculée (et éventuellement adaptée) pour entrainer une alcoolémie de 0,06 % à 0,10 % (faible dose), puis de 0,11 % à 0,15 % (forte dose) au moment de la simulation chirurgicale. La dextérité a également été testée après une nuit de sommeil suivant une consommation d’alcool - à l’occasion d’un diner dans un restaurant intégré au protocole de l’étude, accompagné d’une consommation de vin responsable d’une forte alcoolémie (0,11 % à 0,15 % à la fin du diner). 
La performance chirurgicale et le tremblement étaient évalués sur un programme créé spécialement pour l’étude, comportant 4 exercices abstraits et 3 procédures chirurgicales. Chaque exercice de simulation était noté par un score de 0 à 700 pour la performance chirurgicale, et de 0 à 100 pour le tremblement. 
Les résultats ont montré une altération significative des performances après une forte dose d’alcool par rapport à une faible dose (score de performance de -8,60 ± 10,77 contre −1,21 ± 7,71, p = 0,04). Les performances le lendemain de « soirées trop arrosées » étaient similaires à celles observées immédiatement après une faible dose (-1,76 ± 14,47 contre −1,21 ± 7,71, p = 1,00) et légèrement meilleures qu’après une forte dose (-1,76 ± 14,47 contre -8,60 ± 10,77, p = 0,09). Les tremblements étaient augmentés lors des lendemains « difficiles » par rapport à une faible dose (7,33 ± 21,65 contre -10,31 ± 10,73, p = 0,03) et étaient plus prononcés qu’après une forte dose (7,33 ± 21,65 contre -4,12 ± 17,17, p = 0,08). 
Ces résultats permettent de conclure que la diminution de la dextérité chirurgicale liée à l’alcool chez les chirurgiens expérimentés est dose-dépendante. Bien qu’elle s’améliore le lendemain d’une forte consommation, elle reste comparable à celle observée après une faible consommation. Concernant les tremblements, ils augmentent plus le lendemain d’une forte consommation que lors d’une intoxication aigue. 
Cette belle démonstration expérimentale confirme ce que nous dicte le bon sens : pas d’excès la veille des jours de bloc !

1) https://www.lequotidiendumedecin.fr/actu-medicale/alcoolisme-les-medecins-ne-sont-pas-epargnes-0
Roizenblatt M, Gehlbach PL, Marin VDGB, Roizenblatt A, Fidalgo TM, Saraiva VS, Nakanami MH, Noia LC, Watanabe S, Yasaki ES, Passos RM, Magalhães Junior O, Fernandes RAB, Stefanini FR, Caiado R, Jiramongkolchai K, Farah ME, Belfort Junior R, Maia M. Vitreoretinal surgical performance after acute alcohol consumption and hangover. Br J Ophthalmol. 2025 Jan 28;109(2):244-249. 
Reviewer : Antoine Rousseau, thématique : rétine chirurgicale.