Auteurs : Paul Bastelica, Alexandre Matet, Antoine Rousseau.
Coordination : Marc Labetoulle
Revues sélectionnées :
Ophthalmology, JAMA Ophthalmology, IOVS, Progress in Retinal and Eye Research, Current Opinion in Ophthalmology, Survey of Ophthalmology, Journal of Cataract and Refractive Surgery, American Journal of Ophthalmology, British Journal of Ophthalmology, Retina, Cornea, Nature, Lancet, NEJM, Science.
Chlorhexidine : une alternative mieux tolérée et aussi efficace que la povidone iodine pour l’antisepsie pré-injection intravitréenne ?
L’antisepsie de surface constitue la pierre angulaire de la prévention de l’endophtalmie post-injection intravitréenne (EPIVT). La povidone iodée (PI), très majoritairement utilisée à cet effet, est indéniablement efficace, mais pose des gros problèmes de tolérance, et a conduit certains auteurs à utiliser la chlorhexidine (CHX), beaucoup mieux tolérée. Les résultats contradictoires des études sur le sujet ont sans doute motivé la revue systématique et la méta-analyse comparant l'efficacité et la tolérance des deux antiseptiques, publiée en aout dans l’American Journal of Ophthalmology.
Sept études (six observationnelles, une randomisée) ont été inclues, totalisant 455 340 IVT, d’anti-VEGF comme de corticoïdes, dans toutes les indications possibles. Les concentrations de CHX utilisées étaient généralement de 0,05 % ou 0,1 % et de 5 % ou 10 % pour la PI.
L’incidence globale des EIV présumées (culture positives et négatives) était comparable entre les groupes : 0,032 % sous CHX versus 0,026 % sous PI. De même, les taux d’EPIVT à cultures positives (0,016 % vs 0,009 %) et négatives (0,016 % vs 0,017 %) n’étaient pas significativement différents.
L’antisepsie par CHX était associée à une réduction significative de la proportion d’EPIVT à Staphylococcus epidermidis (30 % vs 75 %, OR = 0,15 ; p = 0,004). Aucune différence n’était observée pour les autres agents pathogènes. Sur le plan fonctionnel, la meilleure acuité visuelle corrigée (MAVC) finale post-EIV était similaire entre les deux groupes (CHX : 1,17 logMAR vs PI : 1,07 logMAR ; p = 0,67), soit environ 20/320 et 20/250 respectivement.
La CHX était associée à un meilleur profil de tolérance : deux études rapportaient une intolérance minime (0,05 % de patients ayant demandé un changement d’antiseptique), sans cas d’allergie. De même, les scores de douleur rapportés étaient significativement plus faibles avec la CHX : une étude randomisée montrait une douleur moyenne de 0,4/10 avec la CHX contre 1,4/10 avec la PI (p < 0,001). Dans la même étude, La PI était associée à une toxicité épithéliale plus marquée avec des scores de coloration cornéenne plus élevés.1
Les cultures de surface oculaire (paupières et conjonctive) avant et après antisepsie montraient une réduction comparable du nombre d’isolats microbiens sous CHX et PI, sans différence significative.
Pour renforcer leurs résultats, les auteurs ont intégré dans la discussion les données d’un abstract présenté au congrès ARVO de 2024 par Fitzpatrick et al. (2024), portant le nombre d’IVT à plus de 745 000. Les résultats restaient globalement cohérents. Les taux d’EPIVT présumée (0,030 % sous CHX vs 0,025 % sous PI) et d’EIV à cultures positives (0,014 % vs 0,007 %) ne différaient pas significativement entre les groupes, même si là encore, le taux d’EPIVT à culture positive était quasiment deux fois plus élevé avec la CHX.
Dans leur discussion très complète, les auteurs relèvent certaines limites de leur recherche : la grande hétérogénéité des études (concentrations, durée d’application, formulation aqueuse vs alcoolique de la CHX), mais également le fait qu’un seul essai randomisé était inclus dans leur méta-analyse (en l’occurrence, avec 50 patients par groupe, ne permettant donc pas du tout de comparer le taux d’EIV selon l’antiseptique utilisé).1
Les auteurs s’attardent également sur l’étude (observationnelle) de Mishra et al. rapportant un taux d’EPIVT significativement plus élevé avec la CHX (20/31135 soit 0,06% versus 29/139817 soit 0,02%, autrement dit, un risque relatif de 3,1).2 Ils relevaient 2 éléments notables : 1) l’utilisation d’une formulation alcoolique de CHX (rarement utilisée en ophtalmologie, mais aussi efficace que la formulation aqueuse pour l’antisepsie cutanée3) qui était utilisée en application focale sur écouvillon, sans véritable irrigation des culs-de-sac et 2) des patients significativement plus âgés dans le groupe CHX.
Les défauts potentiels des solutions de CHX actuellement disponibles sont leur caractère incolore, qui rend difficile le contrôle visuel de la bonne application dans les culs-de-sac, et leur instabilité lors de l’exposition aux UV, qui doit être prise en compte pour le stockage. En outre, la CHX peut être plus onéreuse que la PI si un nouveau flacon est utilisé à chaque séance, sachant qu’une réutilisation raisonnée des flacons peut être envisagée.
En conclusion, la CHX apparaît comme une alternative possible à la PI pour l’antisepsie des IVT, sans différence significative sur le plan de l’efficacité en termes d’endophtalmie, mais avec des bénéfices en matière de confort, de tolérance, et de moindre toxicité épithéliale. Son utilisation pourrait sans doute constituer une alternative chez les patients sensibles à la PI ou porteurs de pathologies de surface.
1) Ali FS, Jenkins TL, Boparai RS et al.; Post-Injection Endophthalmitis Study Group. Aqueous Chlorhexidine Compared with Povidone-Iodine as Ocular Antisepsis before Intravitreal Injection: A Randomized Clinical Trial. Ophthalmol Retina. 2021 Aug;5(8):788-796. doi: 10.1016/j.oret.2020.11.008.
2) Mishra AV, Tong CM, Faes L, et al. ; Comparison of en- dophthalmitis rates after alcohol-based chlorhexidine and povidone-iodine antisepsis for intravitreal injections. Ophthal- mol Retina. 2024;8(1):18–24.
3) Charles D, Heal CF, Delpachitra M, Wohlfahrt M et al.; Alcoholic versus aqueous chlorhexidine for skin antisepsis: the AVALANCHE trial. CMAJ. 2017 Aug 8;189(31):E1008-E1016.
Mihalache A, Tao BK, Huang RS, Dhivagaran T, Popovic MM, Kertes PJ, Wong DT, McKay BR, Kohly RP, Muni RH. Chlorhexidine Versus Povidone-Iodine for Intravitreal Injection Antisepsis: A Systematic Review and Meta-Analysis. Am J Ophthalmol. 2025 Aug;276:64-77.
Reviewer : Antoine Rousseau, thématique : rétine.
Douleurs neuropathiques cornéennes post LASIK : à la recherche de signes objectifs.
Le LASIK, bien que sûr et efficace, peut entraîner des complications invalidantes telles que la sécheresse oculaire chronique et, plus rarement, des douleurs oculaires neuropathiques chroniques (DONC). Les DONC se définissent comme des douleurs résultant directement d’une lésion ou d’un dysfonctionnement des nerfs cornéens ou des voies trigéminales en amont, et dans le cas du LASIK, elles sont la conséquence de la section des nerfs constitutifs du plexus nerveux sous-basal. Elles se manifestent par des symptômes intenses (brûlures, élancements, douleurs électriques, allodynie) disproportionnés par rapport aux signes observés à l’examen clinique (absence de marquage cornéo-conjonctival à la fluorescéine par exemple), persistant souvent malgré l’anesthésie topique et les traitements classiques de la sécheresse oculaire.1,2 Son diagnostic reste complexe en raison de l’absence de marqueurs objectifs consensuels.
Cette étude, publiée par l’American Journal of Ophthalmology, visait à identifier des marqueurs objectifs de DONC chez des patients ayant été opéré de LASIK, afin d’améliorer le diagnostic de la maladie. Il s’agissait d’une étude prospective monocentrique comparant 3 groupes de patients opérés par LASIK : avec des DONC (n=34), avec un syndrome de sécheresse oculaire chronique (SSO) sans DONC (n=25), et des patients opérés mais asymptomatiques (n=30). Les patients atteints de DONC présentaient tous un SSO en termes de symptômes (définit comme la présence de symptômes de sécheresse oculaire sur plus de 3 mois) mais associé à la présence d’au moins 3 des 5 critères suivants : coloration cornéenne à la fluorescéine ≤ 1 selon l’échelle d’Oxford ; présence d’au moins 2 symptômes typiques (picotements, douleur en coup de poignard, douleur fulgurante de type coup d’aiguille, décharge électrique) ; sensibilité cornéenne anormale (allodynie, hyperalgésie et/ou douleur irradiée), et persistance des symptômes après anesthésie topique. Les critères d’évaluation incluaient de multiples questionnaires (OSDI, mSIDEQ, NRS, WFPRS, HADS), les éléments de l’examen clinique de la surface oculaire (Oxford, TBUT, Schirmer…), une esthésiométrie cornéenne (Cochet-Bonnet, avant et après anesthésie topique), ainsi qu’une microscopie confocale in vivo (IVCM) de la cornée centrale (analyse quantitative et morphologique du plexus nerveux sous-basal notamment).
Les patients atteints de DONC, par rapport aux patients SSO, présentaient des symptômes de SSO plus sévères sur l’échelle mSIDEQ (19,7±3,7 vs 16,5±5,9 respectivement ; p=0,019), des douleurs nettement plus intenses (NRS : 6,7±2,0 vs 2,2±2,6 respectivement ; p<0,001 ; WFPRS : 6,7±2,0 vs 2,6±2,7 respectivement ; p<0,001), et des symptômes d’anxiété (73,5 % vs 60 % respectivement ; p<0,001) et de dépression (52,9 % vs 52,0 % respectivement; p<0,001) plus fréquents selon le score HADS. À l’examen clinique, il n’existait pas de différence majeure entre les deux groupes de patients, en dehors du marquage cornéen à la fluorescéine (1.0 ± 0.8 vs 1.5 ± 0.7 ; p=0,36). En revanche, les patients DONC présentaient une sensibilité cornéenne post-anesthésie plus élevée (11,9±15,0 mm vs 1,5±2,6 mm respectivement ; p=0,002), et en IVCM, une densité nerveuse plus faible (7,2±3,2 mm/mm² vs 9,6±4,0 mm/mm² ; p=0,049) ainsi qu’une densité de micro-neuromes plus élevée (1,8±4,6 n/mm² vs 0,2±0,4 n/mm² ; p=0,008). En comparaison aux sujets sains en post-LASIK, les patients atteints de DONC présentaient des scores de symptômes de SSO, de douleurs, et d’anxiété/dépression plus élevés, un Schirmer et un TBUT plus courts, une sensibilité cornéenne après anesthésie majorée, une densité nerveuse plus faible, ainsi qu’une densité plus élevée en micro-neuromes en IVCM, mais un marquage cornéen à la fluorescéine semblable.
Cette étude semble donc montrer que l’association d’une sensibilité cornéenne persistante après anesthésie, d’une diminution marquée de la densité nerveuse et d’une augmentation de la densité en micro-neuromes en IVCM est caractéristique des patients atteints de DONC en post-LASIK, tant par rapport aux patients atteints de SSO isolé qu’aux témoins asymptomatiques. Pour autant, le design de l’étude et les critères diagnostiques utilisés pour former les groupes ne permettait pas d’éliminer avec certitude d’authentiques douleurs neuropathiques dans le groupe SSO. Des études prospectives à plus grande échelle seront nécessaires pour confirmer ces résultats et préciser leur véritable valeur diagnostique. Ces marqueurs pourraient ainsi être intégrés en pratique clinique via l’IVCM et l’esthésiométrie pour améliorer le diagnostic différentiel et orienter les patients atteints vers des prises en charges plus globales et multidisciplinaires, notamment au sein des centres de la douleur.
1- Vazquez A, Martinez-Plaza E, Fernandez I, Sobas EM, et al. Phenotypic characterization of patients developing chronic dry eye and pain after refractive surgery: a cross-sectional study. Ocul Surf. 2022;26:63-74. doi:10.1016/J.JTOS.2022. 07.010.
2- Craig JP, Nichols KK, Akpek EK, Caffery B, Dua HS, Joo CK, Liu Z, Nelson JD, Nichols JJ, Tsubota K, Staple- ton F. TFOS DEWS II definition and classification report. Ocul Surf. 2017;15(3):276–283. doi:10.1016/J.JTOS.2017. 05.008.
Vázquez A, Blanco-Vázquez M, Martínez-Plaza E, Sobas EM, González-García MJ, López-Miguel A, Ortega E, Enríquez-de-Salamanca A, Calonge M. Corneal Sensory Changes and Nerve Plexus Abnormalities in Chronic Neuropathic Ocular Pain and Dry Eye Postrefractive Surgery. Am J Ophthalmol. 2025 Aug;276:170-185.
Reviewer : Paul Bastelica, thématique : cornée, réfractive .
Un implant supra-choroïdien pour la mesure en continue de la pression intraoculaire.
La mesure précise et répétée de la pression intraoculaire (PIO) constitue un pilier du suivi et de la prise en charge du glaucome. Les techniques actuelles, bien que fiables, se limitent à des mesures ponctuelles réalisées en consultation et restent influencées par les propriétés biomécaniques cornéennes (en particulier la pachymétrie et l’hystérèse cornéenne) qui peuvent altérer la justesse des résultats. Or, les variations de PIO, qu’elles soient diurnes ou nocturnes, sont désormais reconnues comme un facteur de risque majeur de progression de la neuropathie optique glaucomateuse.1 Dans cette perspective, l’implant EYEMATE-SC (Ophthalmic Products GmbH, Hanovre, Allemagne), positionné dans l’espace suprachoroïdien, offre la possibilité d’un enregistrement continu et direct de la PIO, ouvrant ainsi la voie à de nouvelles approches de télémédecine appliquées au glaucome. Reste toutefois un double enjeu incontournable : démontrer la fiabilité de ses performances et garantir la sécurité de son implantation.
Dans ce cadre, l’étude prospective multicentrique menée par Micheletti et al., publiée dans Ophthalmology, s’attache à évaluer la sécurité et les performances à long terme (36 mois) du dispositif EYEMATE-SC. Vingt-deux patients atteints de glaucome primitif à angle ouvert opérés de chirurgie non perforante (canaloplastie ou sclérectomie profonde) ont été inclus. L’implantation du capteur a été réalisée au cours de l’intervention, puis des visites de suivi à 12, 18, 24, 30 et 36 mois ont été réalisées. À chaque visite, les mesures de PIO par tonométrie à aplanation précédaient celles obtenues via l’EYEMATE-SC. L’implantation a été couronnée de succès dans tous les cas, aucun dispositif n’ayant été extériorisé ou dysfonctionnel pendant le suivi. Le profil de sécurité s’est révélé rassurant, sans événement indésirable grave. Quinze effets indésirables ont été recensés chez 14 patients, le plus souvent difficilement attribuables directement à l’implantation. Les évènements indésirables les plus fréquents incluaient une élévation de PIO (5 patients, dont 1 ayant nécessité une chirurgie complémentaire), une baisse d’acuité visuelle (3 patients) et une cataracte (3 patients). Par ailleurs, les auteurs n’ont pas montré de changement statistiquement significatif de l’astigmatisme global au cours de la période de suivi. Sur le plan des performances, les limites globales d’accord entre les mesures EYEMATE-SC versus aplanation (la marge dans laquelle deux méthodes de mesure donnent des résultats similaires) se situaient entre –6,2 mmHg et +5,7 mmHg, avec une différence absolue moyenne de 2,3 mmHg sur l’ensemble du suivi de deux ans, sans tendance nette à une sur- ou sous-estimation de la PIO. Au total, 94 % des mesures restaient dans un écart de ±5 mmHg, la concordance la plus élevée étant observée à 12 mois, avant de légèrement diminuer lors des visites ultérieures.
Bien que reposant sur un effectif limité, cette étude suggère que l’EYEMATE-SC constitue une option globalement sûre pour la mesure à distance de la PIO sur le long terme, sans complication majeure. Toutefois, l’interprétation fine des résultats demeure délicate: le recours à des méthodes indirectes comme méthode référence, telles que la tonométrie à aplanation, peut introduire des biais de mesure, notamment liés aux propriétés biomécaniques de la cornée. De plus, l’impact propre de la présence du capteur sur la PIO n’a pas été spécifiquement évalué, et les écarts de mesure avec l’aplanation semblent relativement importantes. Des travaux complémentaires seront donc indispensables pour clarifier ces sources de biais avant d’envisager pleinement l’intégration du dispositif dans l’arsenal diagnostique actuel, et d’en élargir potentiellement les indications, notamment dans le cadre d’implantations en procédure isolée.
1- Kim JH, Caprioli J. Intraocular pressure fluctuation: is it important? J Ophthalmic Vis Res. 2018;13:170e174.
Micheletti E, Mansouri K, Dick HB, Hoffmann EM, Mackert MJ, Weinreb RN, Szurman P; EYEMATE-SC Study Group. Long-term Safety and Performance of a Suprachoroidal Pressure Sensor System: Results of the EYEMATE-SC Trial Follow-up Study. Ophthalmology. 2025 Jul;132(7):775-784.
Reviewer : Paul Bastelica, thématique : glaucome.
Freination de la myopie : atropine à 0,01%, 0,04% ou orthokératologie ?
Dans cette étude randomisée parue dans JAMA Ophthalmology, réalisé dans deux hôpitaux d’ophtalmologie à Shanghaï, les auteurs ont comparé 3 stratégies de freination de la myopie chez des enfants et adolescents âgés de 8 à 15 ans. Le constat de départ était que la principale étude évaluant l’atropine, l’étude LAMP1 (Low-Concentration Atropine for Myopia Progression study), publiée en 2019, avait conclu à la supériorité de l’atropine 0,05% par rapport à des dosages plus faibles, mais au prix d’effets indésirables plus fréquents, principalement liés à la dilatation pupillaire, comme la photophobie et la vision floue de près. Ces auteurs ont donc proposé d’évaluer l’atropine à une dose légèrement plus faible de 0,04% et de la comparer à 0,01%, dosage couramment utilisé. Ils ont également comparé ces deux doses à un traitement par orthokératologie, traitement également connu pour son efficacité pour limiter la progression myopique. A ce jour, en dehors d’une méta-analyse,2 aucune étude prospective n’a comparé ces deux méthodes de freination.
L’étude, conduite de 2021 à 2023, a inclus 209 enfants, qui après randomisation ont reçu l’atropine 0,01% (n=69) ou 0,04% (n=68, 1 goutte le soir dans chaque œil), ou ont porté une lentille de contact d’orthokératologie nocturne (Ortho-K LK-Lens, Lucid Korea, n=72). La myopie initiale devait être comprise entre -1.0 D et -4.0 D. Un examen était réalisé tous les 3 mois, et sous cycloplégie tous les 6 mois. Le critère de jugement principal de l’étude était la croissance de la longueur axiale à 2 ans.
Au début de l’étude, la myopie moyenne était de -2,55 D et la longueur axiale moyenne de 24,7 mm. L’âge moyen était de 10,5 ans. Après 2 ans de traitement, les 3 groupes ont présenté une croissance en longueur axiale, mais celle-ci était statistiquement moindre dans le groupe atropine 0,04% comparée aux groupes 0,01% (-0,18 mm, p<0.001) et orthokératologie (0,11mm, P<0.001). Il existait une différence infime entre les groupes 0,01% et orthokératologie (+0,08 mm, P=0.04) considérée par les auteurs comme cliniquement non significative, suggérant donc une équivalence d’efficacité entre ces 2 options. Une analyse secondaire portant sur l’ensemble des examens intermédiaires trimestriels a confirmé un effet supérieur de l’atropine 0,04% par rapport aux deux autres groupes, à tous les temps intermédiaires d’analyse. Enfin, une analyse multivariée a identifié un âge plus jeune, ou une myopie initiale plus forte, comme étant des facteurs indépendants associés à une progression plus rapide de la longueur axiale, ce qui est cohérent avec les données de la littérature.
Concernant la tolérance des traitements, une photophobie était décrite par 23% des sujets sous atropine 0,04% contre 2% sous atropine 0,01% (P=0.002). Et une vision floue était décrite par 5% versus 0% des patients, dans ces deux groupes (P=0.07). Une prise de fluorescéine centrale était notée chez 26% des patients sous lentille d’orthokératologie. Aucun cas de conjonctivite allergique n’a été rapporté.
L’étude comporte toutefois plusieurs défauts, soulignés dans un Commentaire associé à l’article.3 Les enfants et adolescents inclus sont d’âge plutôt avancé pour pouvoir intervenir efficacement sur la progression myopique, l’intervention devant survenir dans l’idéal plus tôt pour être pleinement efficace. La taille de la population étudiée est modeste pour ce genre d’étude, notamment en raison du design en 1:1:1 qui entraîne un effectif assez réduit dans chaque groupe, qui plus est encore diminué par le nombre de perdus de vue assez conséquent (environ 10-20% par groupe). Néanmoins l’analyse statistique a été réalisée « en intention de traiter » donc sur l’ensemble de la cohorte initialement inclue, ce qui indique une méthodologie rigoureuse. Enfin, l’étude s’est déroulée pendant la pandémie de Covid, ce qui a pu induire une limitation et une variabilité du temps d’activités extérieures entre les enfants sujets de l’étude, potentiellement source de biais.
Malgré ces réserves, cette étude confirme, au total, l’intérêt des doses les plus élevées d’atropine pour obtenir une meilleure freination de myopie, évaluée par le ralentissement de l’élongation du globe oculaire.
1. Yam JC, Li FF, Zhang X, et al. Two-year clinical trial of the Low-Concentration Atropine for Myopia Progression (LAMP) study: phase 2 report. Ophthalmology. 2020
2. TsaiHR, WangJH,HuangHK,ChenTL,Chen PW, Chiu CJ. Efficacy of atropine, orthokeratology, and combined atropine with orthokeratology for childhood myopia: a systematic review and network meta-analysis. J Formos Med Assoc. 2022
3. Polling J, Klaver C. Interpreting Myopia Control Modalities in a 2-Year Trial. JAMA Ophthal. 2025
Xu H, Chen M, Ye L, Shu Q, Peng Y, Liang X, Yu T, Ji Y, Li S, Shen Q, He J, Li L, Zhu J, Xu X. Orthokeratology, 0.04% Atropine, and 0.01% Atropine for Myopia Control: A Randomized Clinical Trial. JAMA Ophthalmol. 2025 July
Reviewer : Alexandre Matet, thématique : réfraction, ophtalmo-pédiatrie
Implant de dexaméthasone luxé en chambre antérieure : technique innovante par fragmentation au laser Yag
Dans cette série de 10 cas, un groupe d’ophtalmologistes italiens présente une technique astucieuse pour les cas d’implant de dexaméthasone (Ozurdex) luxés accidentellement en chambre antérieure. Comme souvent chez les patients présentant cette complication, les yeux concernés avaient des antécédents de chirurgie complexe avec perte du plan capsulaire antérieur ou postérieur. Ils présentaient une aphakie (n=3), un implant cristallinien suturé à la sclère (n=4) ou un implant de chambre antérieure (n=3). Six patients avaient été opérés auparavant de vitrectomie. Les indications d’implant de dexaméthasone intravitréen étaient : syndrome d’Irvine-Gass (n=2), œdème maculaire post OVCR (n=4), OBVR (n=1), et maculopathie diabétique (n=3).
La procédure de laser Nd:Yag a été effectuée avec une puissance moyenne de 1,2 mV, en ciblant le centre de l’implant de dexaméthasone. Les fragments se sont éliminés spontanément avec l’évacuation de l’humeur aqueuse sur une durée moyenne de 7 jours. Deux patients porteurs d’un implant de chambre antérieure ont présenté un œdème cornéen transitoire et une hypertonie résolutive sous traitement hypotonisant topique. Huit yeux sur dix (80%) ont conservé leur acuité visuelle initiale. Avec un recul de 4 mois, aucun patient ne présentait de complication cornéenne, notamment pas de perte cellulaire endothéliale en microscopie confocale.
Cette technique représente donc une alternative intéressante à l’ablation chirurgicale du fragment,1,2 en tout cas pour ceux de grande taille, nécessitant de soumettre le patient à une nouvelle intervention sur un œil fragilisé par les interventions précédentes, et exposant aux complications de toute chirurgie sur globe ouvert.
1. Khurana RN, Appa SN, McCannel CA, et al. Dexamethasone implant anterior chamber migration: risk factors, complica- tions, and management strategies. Ophthalmology 2014
2. Rahimy E, Khurana RN. Anterior segment migration of dexa- methasone implant: risk factors, complications, and management. Curr Opin Ophthalmol 2017
Meduri A, De Luca L, Oliverio GW, Mancini M, Grenga P, Fragiotta S, Carlà MM, Aragona P. YAG Laser-Assisted Fragmentation of Dexamethasone Implants in the Anterior Chamber. Retina. 2025 July
Reviewer : Alexandre Matet, thématique : rétine, segment antérieur