Revue de presse Juin 2025

Auteurs : Paul Bastelica, Alexandre Matet, Antoine Rousseau.
Coordination : Marc Labetoulle

Revues sélectionnées :     
Ophthalmology, JAMA Ophthalmology, IOVS, Progress in Retinal and Eye Research, Current Opinion in Ophthalmology, Survey of Ophthalmology, Journal of Cataract and Refractive Surgery, American Journal of Ophthalmology, British Journal of Ophthalmology, Retina, Cornea, Nature, Lancet, NEJM, Science.



Floppy Iris Syndrome : de nouveaux médicaments incriminés ? 

Le syndrome de l’iris flasque peropératoire (IFIS – Intraoperative Floppy Iris Syndrome) est une entité clinique redoutée des ophtalmologistes lors des chirurgies de la cataracte. L’IFIS se manifeste par un comportement anormal de l’iris : la dilatation pupillaire est souvent insuffisante et de courte durée, l’iris est flasque et ondule au gré des changements de pression intraoculaire, avec un risque accru d’incarcération dans les incisions cornéennes. Ces caractéristiques augmentent significativement la difficulté de la chirurgie, le risque de traumatisme irien et de rupture capsulaire. L’association entre IFIS et certaines classes de médicaments, notamment les α1-bloquants (comme la tamsulosine) utilisés pour le traitement de l’hypertrophie bénigne de la prostate, est bien établie. Ces médicaments bloquent les récepteurs α1 très présents dans le muscle dilatateur de l’iris et entrainent des altérations irréversibles du muscle dilateur de l’iris chez les patients traités (atrophie du stroma et du muscle dilatateur de l’iris), ce qui diminue le tonus irien et explique la survenue de l’IFIS.1 Jusqu’à ce jour, peu d’études ont exploré de manière exhaustive le lien entre l’ensemble des classes pharmacologiques et l’IFIS. 

C’est à cette lacune que répond l’étude menée par Lakhani et al., parue dans l’American Journal of Ophthalmology. Cette étude de cohorte rétrospective était basée sur les déclarations d’effets indésirables transmises entre 2003 et 2024 au système américain de déclaration des effets indésirables géré par la FDA (Food and Drug Administration). L’objectif de cette recherche était d’identifier, parmi les médicaments approuvés par la FDA, les principes actifs associés à la survenue d’IFIS. Au total, les auteurs ont analysé plus de 12 millions de rapports d’effets indésirables en lien avec plus de 20 000 médicaments. Sur l’ensemble de ces déclarations, 649 cas d’IFIS ont été retenus pour analyse. Sans surprise, 31,4 % des cas d’IFIS étaient liés à des α1-bloquants, constituant la principale classe impliquée. Venaient ensuite les antipsychotiques atypiques (18,9 %), les inhibiteurs de la 5α-réductase (6 %), les bêta-bloquants (4 %), les corticostéroïdes (3,5 %) et les antidépresseurs tricycliques (2,8 %). Grâce à des techniques de détection statistique complexes (notamment le calcul des ROR « Reporting Odds Ratios »), les auteurs ont pu quantifier la force de l’association entre la survenue d’IFIS et l’exposition aux médicaments. Les médicaments les plus fortement associés à l’IFIS étaient l’imipramine (ROR = 251,66 ; Intervalle de confiance à 95 % (IC95) = 157,53–402,02), la tamsulosine (ROR = 171,44 ; IC95 = 143,12–205,36) et la chlorpromazine (ROR = 91,30 ; IC95 = 49,91–167,03). Les auteurs attribuent ces associations au fait que les antidépresseurs tricycliques et les antipsychotiques atypiques exercent eux aussi une action antagoniste sur les récepteurs α1-adrénergiques, altérant ainsi le tonus du muscle dilatateur de l’iris. 

Cette vaste étude de pharmacovigilance révèle que le spectre des médicaments impliqués dans la survenue de l’IFIS est plus étendu qu’on ne le pensait. Si le lien avec les α1-bloquants était déjà établi, les associations avec les antidépresseurs tricycliques et les antipsychotiques atypiques, jusque-là uniquement rapportées sous forme de cas isolés, trouvent ici une confirmation statistique à l’échelle populationnelle.2,3 Ces résultats incitent donc à élargir la vigilance en préopératoire de chirurgie de la cataracte à de nouvelles classes thérapeutiques.

References : 
1-    Goseki T, Shimizu K, Ishikawa H, et al. Possible mechanism of intraoperative floppy iris syndrome: a clinicopathological study. Br J Ophthalmol. 2008;92(8):1156–1158.
2-    Matsuo M et al. Intraoperative floppy-iris syndrome associated with use of antipsychotic drugs. Can J Ophthalmol. 2016;51(4):294–296
3-    Gupta A, Srinivasan R. Floppy iris syndrome with oral imipramine: a case series. Indian J Ophthalmol. 2012;60(2):136–138.

Reference article : Lakhani M, Kwan ATH, Mihalache A, Popovic MM, Hurley B, Muni RH. Drugs Associated With Floppy Iris Syndrome: A Real-World Population-Based Study. Am J Ophthalmol. 2025 Jul;275:36-46. doi: 10.1016/j.ajo.2025.03.023.

Reviewer : Paul Bastelica , thématique : pharmacologie ; chirurgie de la cataracte. 



L’annonce du diagnostic d’un glaucome : un impact sur la santé mentale, même si la maladie est débutante

L’annonce d’un diagnostic de glaucome peut susciter une réaction psychologique parfois intense et le plus souvent sous-estimée, causée par l’anxiété liée à la peur de devenir aveugle. Alors que plusieurs travaux ont montré que la santé mentale des patients glaucomateux est souvent impactée par la maladie, ces dernières portaient principalement sur des cas modérés à sévères, et l’effet psychologique de l’annonce du diagnostic de GPAO à un stade précoce, sans impact fonctionnel manifeste, n’a jusque-là pas été étudié. La problématique est d’autant plus pertinente que les technologies de détection précoce du glaucome sont de plus en plus performantes et accessibles, et fait l’objet de la publication de Gordon et al., parue dans le numéro de juin de JAMA Ophthalmology. 
Cette étude évalue donc l’impact du diagnostic d’un glaucome primitif à angle ouvert (GPAO) débutant sur la santé mentale en s’appuyant sur les données prospectives des phases 1 et 2 de l’Ocular Hypertension Treatment Study (OHTS). Les auteurs ont comparé 50 patients suivis pour hypertonie oculaires (HTO) ayant développé un GPAO avec 100 témoins HTO appariés, n’ayant pas développé la maladie. Tous les participants avaient rempli le questionnaire NEI VFQ-25 dans les deux années précédant et suivant le diagnostic. Le score « santé mentale » du VFQ-25, composé de 4 items sur la frustration, l’embarras, le sentiment de perte de contrôle et l’inquiétude, a été utilisé comme critère de jugement principal. Avant le diagnostic, le score moyen de santé mentale était de 94,5 (±8,6) et chutait à 88,0 (±13,6) après le diagnostic, soit une diminution significative de 6,5 points (±11,3) (p < 0,001). Dans le groupe témoin, les scores restaient stables (-0,7 ±8,3 ; p > ,99). La différence intergroupe du changement de score était significative (-5,8 ±9,4 ; IC95% : -9,05 à -2,60 ; p = .048). Aucune modification substantielle n’était observée sur les 11 autres sous-échelles du VFQ, ni dans les paramètres visuels objectifs (déviation moyenne sur le champ visuel, acuité visuelle logMAR, équivalent Snellen, etc.). Le diagnostic de GPAO reposait sur des anomalies isolées du champ visuel (50 %), du disque optique (44 %), ou les deux (6 %), la majorité des cas étant unilatéraux. Les résultats suggèrent que l’annonce du diagnostic de GPAO, même à un stade très précoce, peut altérer le bien-être psychologique des patients en l’absence de retentissement fonctionnel visuel. L’effet pourrait être lié aux aspects négatifs du « diagnostic labeling », un concept qui recouvre les conséquences pour un patient d’être « étiqueté » avec un diagnostic. Il peut s’ensuivre une perception stéréotypée de la maladie associée à une crainte exagérée de cécité, décorrélée du pronostic réel. 
Les résultats de l’étude sont renforcés par une méthodologie rigoureuse et l’analyse de données longitudinales. A l’inverse, on peut regretter la taille limitée de l’échantillon étudié, le délai de deux ans entre les mesures, qui peut du coup éluder les effets aigus de l’annonce, l’absence d’évaluation psychiatrique à proprement parler, ainsi que l’imprécision des données sur la sévérité des comorbidités générales, qui pourraient constituer un gros biais. Enfin, les données de l’OHTS, réalisée à l’ère « pré-OCT » et il y a plus de 20 ans, ne sont peut-être pas tout à fait représentatives de notre époque, tant sur le plan technique que sociologique. 
Les auteurs insistent sur l’importance de stratégies de communication empathiques et individualisées au moment du diagnostic. En outre, le recours à des outils pédagogiques ainsi qu’à une prise en compte des préférences du patient pour les modalités de suivi et de traitement pourrait prévenir une détérioration inutile de la qualité de vie. 
Les résultats de cette étude, qui différencient clairement l’impact psychologique du diagnostic de glaucome, des déficits visuels, plaident pour une prise en charge globale intégrant la dimension psychologique dès la phase précoce de la maladie, et ouvrent la voie à l’évaluation de mesures visant à limiter l’impact de l’annonce d’une pathologie dont le pronostic est éminemment variable et difficile à prévoir à l’échelle individuelle…

Gordon MO, Gao F, Burkland J, Brandt JD, Huecker JB, Miller JP, Ramulu P, Kass MA; Ocular Hypertension Treatment Study Group. Diagnosis of Primary Open-Angle Glaucoma and Mental Health Status. JAMA Ophthalmol. 2025 Jun 5:e251374. 

Reviewer : Antoine Rousseau, thématique : glaucome.


 

Les agonistes du récepteur du GLP-1 (peptide similaire au glucagon) augmentent-t-ils le risque de DMLA ? 

Les agonistes du récepteur du GLP-1 (GLP-1 RA) sont devenus incontournables dans la prise en charge du diabète de type 2 et de l’obésité. Comme nous l’avons déjà abordé dans ces colonnes, leur utilisation croissante, y compris chez des sujets non diabétiques, soulève des interrogations sur leurs effets indésirables à long terme, notamment oculaires. Bien que certains essais aient déjà rapporté une aggravation de la rétinopathie diabétique, les données sur la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), en particulier sa forme néovasculaire (DMLAn), sont rares. Or, la DMLAn repose sur des mécanismes angiogéniques susceptibles d’être influencés par des modifications rapides du métabolisme glucidique ou par des médiateurs inflammatoires induits par ces traitements. Dans ce contexte, une équipe canadienne a exploré, dans une vaste cohorte appariée, l’association entre exposition aux GLP-1 RA et incidence de la DMLA.  
Cette étude de cohorte rétrospective a été conduite en Ontario entre janvier 2020 et novembre 2023, à partir de bases médico-administratives anonymisées gérées par l’Institute for Clinical Evaluative Sciences (un institut de recherche canadien indépendant à but non lucratif). Elle incluait des patients de 66 ans et plus, atteints de diabète, avec au moins 12 mois de suivi post-diagnostic. Les patients exposés à un GLP-1 RA pendant ≥6 mois étaient comparés à des témoins appariés (1:2) selon un score de propension prenant en compte l’âge, le sexe, la durée du diabète, les comorbidités vasculaires (HTA, dyslipidémie, coronaropathie, AVC, insuffisance rénale chronique), ainsi que des indices socioéconomiques dérivés de l’indice de marginalisation de l’Ontario (ON-Marg). Sur 1,1 million de patients éligibles, une cohorte finale de 139 002 patients a été constituée, incluant 46 334 exposés et 92 668 non exposés. Le critère principal était l’incidence de la DMLAn, identifiée via une combinaison de codes diagnostics et de facturation d’injections intravitréennes d’anti-VEGF. Dans le groupe exposé, 93 patients (0,2 %) ont développé une DMLAn contre 88 patients (0,1 %) dans le groupe non-exposé. L’analyse de survie a révélé un risque significativement augmenté dans le groupe exposé : risque relatif ajusté de 2,21 [IC95 : 1,65–2,96], p < 0,001). Une analyse de sensibilité selon la durée d’exposition montrait un gradient de risque croissant : RR ajusté non significatif si exposition <18 mois (0,94), significatif entre 18–30 mois (2,26 [1,49–3,45]) et fortement accru au-delà de 30 mois (,62 [2,56–5,13]). L’incidence cumulée augmentait parallèlement à la durée d’exposition. L’âge avancé et les antécédents d’AVC augmentaient également significativement le risque de DMLAn. Les auteurs évoquent plusieurs mécanismes potentiels : la baisse rapide de la glycémie induite par les GLP-1 RA pourrait provoquer une hypoxie rétinienne favorisant l’angiogenèse ; la stimulation chronique du récepteur GLP-1 au niveau rétinien pourrait induire une élévation de CXCL12, une chimiokine proangiogénique augmentant l’expression du VEGF. 
Ces résultats sont cohérents avec les données du SUSTAIN-6 qui ont montré un risque d’aggravation de la rétinopathie diabétique sous sémaglutide.1 Ils contrastent néanmoins avec les études expérimentales où les GLP-1 RA exerçaient des effets neuroprotecteurs et anti-inflammatoires. D’autres traitements hypoglycémiants tels que la metformine ou les inhibiteurs de SGLT2 ont au contraire montré un effet protecteur vis-à-vis de la DMLA. Les principales limites de l’étude sont l’impossibilité de distinguer les différentes molécules de GLP-1 RA, d’évaluer les posologies, ou de prendre en compte d’autres facteurs de risque majeurs de DMLAn tels que le tabagisme et l’exposition solaire. 
Malgré ces limites, l’étude met en évidence une association robuste entre GLP-1 RA et survenue de DMLAn, majorée par une exposition prolongée. Dans le contexte d’une augmentation massive du volume de prescription de ces molécules, y compris en prévention cardiovasculaire ou dans la perte de poids (dont la promotion indirecte est réalisée jusque sur les petits écrans français, à travers des campagnes d’information sponsorisées…), ces données soulignent la nécessité d’une évaluation ophtalmologique rigoureuse en cas de prescription prolongée. Une surveillance clinique plus étroite des patients diabétiques traités par GLP-1 RA pourrait être envisagée, notamment chez les sujets à risque de DMLA. 

1) Sharma A, Parachuri N, Kumar N, Saboo B, Tripathi HN, Kuppermann BD, Bandello F. Semaglutide and the risk of diabetic retinopathy-current perspective. Eye (Lond). 2022 Jan;36(1):10-11. 

Shor R, Mihalache A, Noori A, Shor R, Kohly RP, Popovic MM, Muni RH. Glucagon-Like Peptide-1 Receptor Agonists and Risk of Neovascular Age-Related Macular Degeneration. JAMA Ophthalmol. 2025 Jun 5:e251455. 

Reviewer : Antoine Rousseau, thématique : rétine.  



Ré-interventions non programmées après chirurgie de la cataracte : analyse des causes et conséquences sur 32 480 patients du Wilmer Eye Institute

Cette étude analyse les facteurs de risque et les résultats visuels d’une ré-intervention non programmée dans les 90 jours sur un œil opéré de cataracte, au Wilmer Eye Institute (Baltimore, USA). Le taux de ré-intervention est en effet considéré comme un indicateur pertinent reflétant le taux de complications et la qualité des soins.1 Les auteurs ont inclus tous les patients âgés de plus de 40 ans et opérés de cataracte entre 2019 et 2022 dans cet hôpital, soit 32 480 patients, et en ont identifié 175 qui ont dû subir une deuxième intervention non programmée dans les 90 jours, pour une complication de la chirurgie initiale. Toute autre cause d’intervention était exclue. Le taux global de ré-intervention était donc de 0,54%, dans un délai post-opératoire moyen de 21 jours. 74% des ré-interventions ont eu lieu dans les 30 premiers jours. Ces 175 patients ont été appariés en 1:1 à des patients de caractéristiques démographiques comparables mais n’ayant pas nécessité de ré-intervention. 
Concernant les caractéristiques de l’intervention, celle-ci était plus souvent étiquetée comme « complexe » parmi les cas ayant nécessité une ré-intervention (31%) que chez les contrôles (18%, p=0,004) – sans que le critère de complexité soit précisément défini par les auteurs. Il y avait également plus de complications intra-opératoires (35% versus 0%, non définies clairement par les auteurs) et de sutures cornéennes (41% versus 8%) (p<0,001). Il y avait également plus d’anesthésies loco-régionales ou générales que d’anesthésies topiques chez les patients ayant nécessité une seconde intervention (P=0,046). Il n’y avait en revanche pas de différence concernant le nombre d’interventions réalisées par un interne/fellow ou par un chirurgien senior. 
Les indications de ré-interventions étaient, par ordre de fréquence :  rétention d’un fragment cristallinien (50%), décollement de rétine rhegmatogène (8%), implantation secondaire (6%), mèche de vitré (6%), repositionnement d’implant (5%), endophtalmie (5%). De façon inattendue, il y avait 7% de changement d’implant parmi ces ré-interventions, pour « surprise réfractive » (3%), « choix d’implant incorrect » (1%) ou « insatisfaction du patient » (3%). Enfin, dans de rares cas, une 2ème ré-intervention a été nécessaire, pour fragments résiduels (1%) ou repositionnement d’implant (2%). 
Concernant les facteurs de risques permettant de prédire le risque de ré-intervention, une analyse multivariée a identifié la prise de tamsulosine pour hypertrophie bénigne de la prostate (OR 2,0 [95 CI=1,09-3,69]) et la complexité de la chirurgie initiale (OR 1,8 [95 CI=1,06-3,05]). Les cas devant être réopérés avaient également une acuité visuelle initiale inférieure (moyenne 2/10 contre 5/10 chez les contrôles, p<0,001), reflétant probablement des cataractes plus avancées Enfin, concernant le pronostic visuel, il était moins bon avec une acuité mesurée lors du dernier contrôle à environ 5/10 en moyenne contre 7/10 chez les contrôles (p<0,001).
De façon surprenante, les auteurs indiquent un taux de rupture capsulaire de 6% parmi les patients réopérés, étonnamment bas par rapport à d’autres études où il est la raison principale de ré-intervention.2 Les auteurs soulignent aussi le caractère succinct de certains comptes-rendus chirurgicaux à leur disposition pour cette étude, on peut donc s’interroger sur une sous-déclaration ou un sous-diagnostic éventuel de ces ruptures, à la lumière du taux de complications qui peuvent être liées comme une mèche vitréenne en chambre antérieure (6%) et un DR rhegmatogène (8%).
En résumé, cette étude offre un panorama des causes et conséquences de ré-interventions après chirurgie de cataracte, et fournit des pistes pour identifier les patients à risque et prendre les mesures nécessaires pour limiter ces complications.

1.    Birkmeyer JD, Hamby LS, Birkmeyer CM, Decker MV, Karon NM, Dow RW. Is unplanned return to the operating room a useful quality indicator in general surgery? Arch Surg. 2001
2.    Crozet A, Leclere B, Martin F, et al. Unplanned 30-day read- mission rate after ophthalmological surgery as a quality-of- care indicator. Acta Ophthalmol. 2024

LK Suazo, MM Hamza Khan, A Akhlaq, M Ali, OD Schein, FA Woreta. Unplanned Return to the Operating Room After Cataract Surgery. American Journal of Ophthalmology. 2025 June

Reviewer : Alexandre Matet, thématique : cataracte  


Pronostic visuel et complications après une toxoplasmose oculaire

Un groupe d’ophtalmologistes colombiens de 7 centres académiques, situés dans 4 des principales villes du pays (Bogota, Medellin, Cali et Bucaramanga), ont réalisé une étude rétrospective sur la rétinochoroïdite toxoplasmique, en analysant ses complications et les facteurs liés à un pronostic visuel défavorable. Si l’infection par Toxoplasma gondii affecte jusqu’à 30% de la population mondiale, la plupart du temps de façon asymptomatique, sa prévalence est endémique dans les pays qui bordent la région amazonienne, tout particulièrement Brésil et Colombie, en raison d’un climat tropical et humide favorisant la diffusion du parasite et l’émergence de souches plus virulentes.1
Les auteurs ont utilisé la nomenclature internationale standardisée en uvéite (Standardization of Uveitis Nomenclature, SUN) pour caractériser de façon la plus homogène possible les paramètres cliniques.2 Ils ont retenu 853 patients ayant présenté une toxoplasmose oculaire entre 2010 et 2022. L’âge moyen lors du premier épisode était de 32 ans, avec un intervalle allant de 3 mois à 87 ans ; hommes et femmes étaient atteints en proportions équivalentes. Des rechutes ont été observées chez 42,6% des patients, survenant précocement avant 3 mois chez la moitié d’entre eux. L’atteinte était unilatérale chez 79% des patients et bilatérale chez 21%. Le taux global de complications était de 28%, les plus fréquentes étant la cataracte (13%), le décollement de rétine (7%) et l’œdème maculaire (6%), et membrane épirétinienne (5%).
Une analyse multivariée a permis d’identifier ces facteurs de risque de complications : un âge supérieur à 50 ans (P<0,001), une hyalite ou un Tyndall de chambre antérieur au diagnostic (P<0,001), et la survenue de récidives, qu’elles soient précoces avant 3 mois ou plus tardives (P<0,01).
Concernant le pronostic visuel, 22% des patients avaient une acuité finale de l’œil atteint comprise entre 1/20 et 3/10, et 38% une acuité inférieure à 1/20. Les facteurs de risque associés dans une analyse multivariée à une acuité inférieure à 1/20 étaient l’âge supérieur à 50 ans (P<0,001) ou inférieur à 16 ans (p=0,025) et l’atteinte bilatérale (P=0,017). Ces facteurs témoignent probablement de la sévérité des formes congénitales, plus fréquemment bilatérales et chez les patients jeunes, et du rôle de l’immunomodulation liée à l’âge.
Les auteurs décrivent les modalités thérapeutiques uniquement dans un sous-groupe de 91 patients de Bogota pour lesquels ils avaient accès aux dossiers complets. La plupart ont reçu le traitement classique par pyrimethamine, sulfadiazine, et acide folinique (63%), ou par triméthoprime-sulaméthoxazole (26%), parfois associés à une corticothérapie orale (18%). Dans une 3ème analyse multivariée limitée à ce sous-groupe, ils ont exploré les facteurs cliniques et thérapeutiques prédictifs d’une acuité finale inférieure à 1/20, et n’ont pas identifié d’influence du traitement. Le seul facteur significatif était la localisation maculaire des lésions (p=0,015), ce qui est cliniquement cohérent. On pourra regretter que les auteurs n’aient pas pu analyser sur une plus large cohorte l’influence des traitements sur l’évolution de la maladie, bien que ce type d’analyse puisse se révéler assez complexe statistiquement compte tenu des nombreuses récidives et de la variété des traitements potentiellement reçus à l’échelle de chaque patient. 

Globalement, cette étude a le grand mérite d’explorer une pathologie potentiellement cécitante, pouvant toucher les sujets de tous âges, dans un pays où les ressources nécessaires à la recherche cliniques sont plus limitées qu’en Europe ou en Amérique du Nord, et avec une rigueur méthodologique, notamment l’utilisation des critères SUN pour caractériser le degré d’inflammation intraoculaire. Néanmoins, les auteurs ne fournissent aucune notion de la durée de suivi ou du délai de survenue des complications, ce qui rend difficile l’interprétation du taux de complications qu’ils rapportent, et n’ont pas procédé à une analyse de survie, qui est la méthodologie la plus pertinente pour ce type de donnée temporelle.

Les souches de T. gondii sud-américaines diffèrent des souches européennes et sont plus virulentes, comme en témoignent leur pronostic visuel sévère, qui peut aussi être dû à des diagnostics tardifs et à une disponibilité limitée des traitements selon le contexte médico-économique. Avec la mondialisation et les migrations, la circulation accrue des variants rend très utile la connaissance de ces manifestations cliniques pour les ophtalmologistes et spécialistes de l’uvéite de toutes les régions du monde, qui peuvent être confrontés à des patients d’origine sud-américaine ou de retour de séjour dans la région amazonienne ou andine, et qui présenteraient une uvéite postérieure.

1.    de-la-Torre A, Sauer A, Pfaff AW, et al. Severe South Ameri- can ocular toxoplasmosis is associated with decreased ifn-γ /il- 17a and increased il-6/il-13 intraocular levels. PLoS Negl Trop Dis. 2013

2.    The Standardization of Uveitis Nomenclature (SUN) Work- ing Group. Classification Criteria for toxoplasmic retinitis. Am J Ophthalmol. 2021


de-la-Torre A, Mejía-Salgado G, Cifuentes-González C, Cuevas M, García S, Rangel CM, Durán C, Pachón-Suárez DI, Bustamante-Arias A, Rojas-Carabali W. Clinical Characteristics Associated With Complications and Poor Visual Outcomes in Ocular Toxoplasmosis: Analysis of 853 Patients. Am J Ophthalmol. 2025 Jun

Reviewer : Alexandre Matet, thématique : uvéite