Auteurs : Paul Bastelica, Alexandre Matet, Antoine Rousseau.
Coordination : Marc Labetoulle
Revues sélectionnées :
Ophthalmology, JAMA Ophthalmology, IOVS, Progress in Retinal and Eye Research, Current Opinion in Ophthalmology, Survey of Ophthalmology, Journal of Cataract and Refractive Surgery, American Journal of Ophthalmology, British Journal of Ophthalmology, Ophthalmology Retina, Retina, Cornea, Nature, Lancet, NEJM, Science.
La Vis-OCT : une révolution pour l’imagerie du canal de Schlemm ?
L’imagerie des voies d’évacuation de l’humeur aqueuse ne s’est jamais réellement développée en raison de la profondeur des structures à analyser et de la forte atténuation des rayons lumineux de l’OCT par la sclère. L’angiographie aqueuse (injection intracamérulaire de fluorescéine) a permis de bien caractériser les altérations des voies d’écoulement de l’humeur aqueuse chez les patients glaucomateux (diminution de l’arborisation veineuse épisclérale notamment).1 Néanmoins, cet examen s'effectue dans des conditions expérimentales ou en per-opératoire de chirurgies intraoculaires et ne peut être réalisé en pratique courante du fait de la nature invasive de la procédure. Le développement d’une technologie capable de détecter et de suivre ces anomalies de manière non invasive pourrait représenter un atout précieux dans la prise en charge du glaucome.
Dans un article publié par Investigative Ophthalmology & Visual Science en ce début d’année, Huang et al. présentent une innovation qui pourrait révolutionner l’imagerie du segment antérieur : l’OCT en lumière visible robotisée (Vis-OCT). Le principe est le même que l’OCT, auquel est ajouté un système permettant de réduire l’atténuation de la lumière : la lumière incidente est positionnée de façon parfaitement perpendiculaire à la surface de la zone à explorer de façon robotisée et automatisée, de sorte à ce que le rayon lumineux parcoure la distance la plus courte possible jusqu’à la structure d’intérêt. Dans cette étude, cette nouvelle technologie a été utilisée afin de visualiser l’anatomie circonférentielle du canal de Schlemm (CS) avant et après instillation de pilocarpine chez la souris. La Vis-OCT a offert une visualisation haute résolution des voies d’écoulement et du CS et permettait de mesurer la surface transversale du CS avec une bonne répétabilité (différence moyenne entre quatre mesures < 5%). Sur les 14 souris analysées, la surface transversale du CS était plus importante en région temporale (3971 ± 328 μm²) qu’en région nasale (2727 ± 218 μm² ; p = 0,018). Suite à l’application de pilocarpine, le volume du CS a augmenté (pilocarpine : +26,8 ± 5,0 %, versus contrôle : +8,9 ± 4,6 % ; p = 0,030), ce qui est cohérent avec les travaux réalisés par le passé.2
Les auteurs ont donc démontré ici la capacité de cette nouvelle technologie à fournir une cartographie du CS avec une bonne résolution et à détecter les changements dynamiques de de celle-ci. Cette avancée offre la perspective de fournir de nouveaux paramètres diagnostiques et pronostiques pour la prise en charge du glaucome, mais la mise en œuvre de cette nouvelle technique d’imagerie chez l’humain s’avère toutefois complexe. La procédure étant relativement longue, la qualité des images pourrait en effet être compromise par les mouvements oculaires involontaires du patient, problématique contournée dans cette étude par l’anesthésie générale des souris. Des améliorations technologiques seront donc nécessaires avant de discuter d’une potentielle utilisation de la Vis-OCT chez nos patients. Affaire à suivre !
1- Huang AS, Penteado RC, Saha SK, et al. Fluorescein aqueous angiography in live normal human eyes. J Glaucoma. 2018;27:957–964.
2- Li G, Farsiu S, Chiu SJ, et al. Pilocarpine-induced dilation of Schlemm’s canal and prevention of lumen collapse at elevated intraocular pressures in living mice visualized by OCT. Invest Ophthalmol Vis Sci. 2014;55:3737– 3746.
Fang R, Zhang P, Kim D, et al. Robotic visible-light optical coherence tomography visualizes segmental Schlemm’s canal anatomy and segmental pilocarpine response. Invest Ophthalmol Vis Sci. 2025;66(2):47.
Reviewer : Paul Bastelica, thématiques : segment antérieur, imagerie, glaucome.
L’effet protecteur des agonistes des récepteurs du GLP-1 sur l’hypertonie oculaire et le glaucome :
Les agonistes des récepteurs du glucagon-like peptide 1 (GLP-1) n’ont décidément pas fini de faire parler d’eux… Après leur implication potentielle dans la survenue de (rares) neuropathies optiques ischémiques, c’est leur effet protecteur contre l’hypertonie oculaire (HTO) et le glaucome primaire à angle ouvert (GPAO) qui est mis en avant dans un article d’Ike Ahmed et al. paru dans le numéro de mars d’Ophthalmology.
Les auteurs ont comparé rétrospectivement les effets de cette classe avec ceux de la metformine sur le risque de GPAO, d’HTO, et le recours à un traitement antiglaucomateux chez des patients atteints de diabète de type 2. Les données provenaient de dossiers médicaux électroniques (2006-2024), inclus dans une vaste base de données internationale (TrinetX) dédiée à la recherche médicale, regroupant 120 structures de santé dans 17 pays. Les deux groupes étaient appariés par la technique du score de propension (une méthode statistique visant à limiter les biais et à rendre les groupes les plus comparables possibles, notamment sur l’âge, le sexe, l’ethnie, les comorbidités, mais également l’accès aux soins ophtalmologiques). Au total, les groupes traités par agonistes du GLP-1 ou metformine comptaient respectivement 62 000 patients à 1 an, plus de 27 00 à 2 ans et 14 100 à 3 ans. L’analyse Les résultats montraient une réduction significative du risque de GPAO sous agonistes du GLP-1 à 1 an (RR 0,59), 2 ans (RR 0,50) et 3 ans (RR 0,59), ainsi qu’une diminution du risque d’hypertension oculaire (RR 0,44 à 1 an, 0,43 à 2 ans, 0,51 à 3 ans) et du recours aux traitements antiglaucomateux (RR 0,63 à 1 an, 0,71 à 2 ans, 0,75 à 3 ans) comparativement à la metformine.
Dans la discussion, les auteurs donnent des explications potentielles sur cet effet protecteur. Sur les modèles expérimentaux, les agonistes du GLP1 atténuent les réponses inflammatoires dans la rétine en réduisant la production de cytokines pro-inflammatoires par la microglie et les macrophages, protégeant ainsi les cellules ganglionnaires rétiniennes de l’apoptose. Par ailleurs, à l’instar de leur effet sur la pression intracrânienne, qu’ils diminuent par inhibition d’une Na/K ATPase responsable de la sécrétion du LCR, ils pourraient diminuer la sécrétion d’humeur aqueuse. Enfin, il est clairement démontré que ces médicaments permettent un meilleur contrôle du diabète et une amélioration du risque cardio-vasculaire, ces 2 éléments constituant eux-mêmes des facteurs de risque du glaucome, par l’intermédiaire de la vascularisation du nerf optique.
Ces résultats suggèrent donc un effet protecteur supplémentaire des agonistes du GLP-1 sur la santé oculaire, qui en plus de permettre un meilleur contrôle du diabète, diminue le risque d’HTO et de glaucome dans cette population.
Muayad J, Loya A, Hussain ZS, Chauhan MZ, Alsoudi AF, De Francesco T, Ahmed IIK. Comparative Effects of Glucagon-like Peptide 1 Receptor Agonists and Metformin on Glaucoma Risk in Patients with Type 2 Diabetes. Ophthalmology. 2025 Mar;132(3):271-279
Reviewer : Antoine Rousseau, thématiques : diabète, glaucome.
Données de vraie vie et de grande échelle de la cénégermine dans la kératopathie neurotrophique :
La kératopathie neurotrophique (KN) englobe les conséquences des altérations sévères de l’innervation cornéenne. Elle se caractérise par une épithéliopathie allant de la simple kératite ponctuée superficielle aux retards de cicatrisation pouvant évoluer jusqu’à l’ulcère, voire la perforation. La cénégermine 0,002% (facteur de croissance des nerfs recombinant humain, NGF), approuvé par la FDA en 2018, constitue une option prometteuse, mais son coût très élevé et l’absence d’effet bénéfique sur l’acuité visuelle (AV) dans les études ayant évalué ce médicament (sur des durées courtes), posent questions. En France, le médicament a été disponible en ATU avec procédure exceptionnelle de 2018 à 2021. La Haute Autorité de santé avait jugé que le médicament avait un intérêt clinique important dans le traitement des KN, mais constituait un progrès thérapeutique mineur dans la prise en charge habituelle.1 Les résultats de l’un des essais multicentriques de phase 3 réalisé aux USA et ayant permis l’autorisation par la FDA avaient à l’époque été analysés dans ces colonnes.2
Dans un article publié le mois dernier, Zidan et al. ont utilisé le registre IRIS® (2016-2022) pour analyser les résultats « en vraie vie » de la cénégermine. Ils incluaient 31 316 patients atteints de KN, dont 1 476 traités par NGF. Comparativement au groupe contrôle traité avec les soins habituels (collyres lubrifiants, collyres dérivés du sang, greffe de membrane amniotique), le groupe de patients ayant bénéficié en plus du< NGF présentait une acuité visuelle (AV) initiale plus altérée (médiane : 0,70 logMAR [20/100] vs 0,30 logMAR [20/40], p<0,001) et une prévalence accrue de comorbidités cornéennes (81,4% vs 68,4%). Il y avait notamment plus d’ulcères (44,9% vs 34,3%), de kératites herpétiques (33,1% vs 28,8%) et de kératolyse (4,9% vs 1,9%). Les interventions ayant précédé la mise en route du collyre au NGF (greffe de membrane amniotique dans 25,1% des cas, lentilles thérapeutiques dans 14% des cas), plus fréquentes, suggéraient une maladie plus sévère dans le groupe NGF.
L’analyse statistique des données révélait que le NGF permettait une inversion de la dégradation visuelle préthérapeutique (-0,17 logMAR/an) avec une amélioration significative: +0,13 logMAR à 8 semaines (1,02 à 0,87 logMAR soit 1 à 1,3/10) et +0,22 logMAR à 1 an (p<0,001). Bien que 15% des patients aient présenté une aggravation, l’effet moyen restait bénéfique indépendamment de l’âge ou des comorbidités.
La prévalence des complications cornéennes diminuait après le traitement par NGF (de 55 à 7% pour les ulcères, de 40 à 12% pour les opacités, de 7 à 1% pour les érosions récurrentes. La fréquence des interventions chirurgicales diminuait également : de 42 à 6% pour les membranes amniotiques ainsi que le recours aux lentilles thérapeutiques (de 24 % à 5,3%). Cette réduction reflète probablement l’effet combiné du NGF et de la prise en charge globale. Toutefois, La nature rétrospective de l’étude induit nécessairement des biais liés au jugement des prescripteurs et des patients, particulièrement motivés par un traitement innovant et coûteux, ainsi qu’un suivi plus prolongé dans le groupe NGF. En outre, on peut regretter l’absence de données sur d’autres techniques innovantes comme la neurotisation cornéenne. Au total, cette étude semble aller dans le sens d’un bénéfice visuel à long terme du collyre au NGF dans les KN sévères, de nouvelles études prospectives randomisées avec un suivi prolongé restent nécessaires pour le confirmer.
Reviewer : Antoine Rousseau, thématique : cornée
1) https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2018-03/oxervate_synthese_ct16456.pdf
2) https://www.sfo-online.fr/revue-presse/le-collyre-au-ngf-dans-la-keratopathie-neurotrophique-la-confirmation-americaine-mais
Zidan AA, Gilbert JB, Goldberg E, Ross C, Elze T, Lorch AC, Miller JW, Dana R, Yin J; IRIS® Registry Analytic Center Consortium. Nerve Growth Factor Treatment for Neurotrophic Keratopathy in the IRIS® Registry. Ophthalmology. 2025 Mar;132(3):368-370.
Intérêt d’un switch vers le faricimab dans la DMLA néovasculaire : résultats à 1 an d’une étude suisse rétrospective en vie réelle
Cette étude collaborative publiée dans Ophthalmology Retina a été conduite par un réseau de centres suisses spécialistes en rétine médicale. L’arsenal thérapeutique anti-angiogénique s’est récemment élargi avec l’arrivée du faricimab, un anticorps bispécifique qui cible simultanément le VEGF et l’angiopoïétine 2. Les grands essais de phase 3 randomisés multicentriques LUCERNE et TENAYA ont permis de démontrer la non-infériorité du faricimab par rapport à l’aflibercept (2 mg), avec un profil de tolérance identique, ainsi que la possibilité d’espacer les intervalles entre 2 injections intravitréennes au-delà de 12 semaines chez plus de la moitié des sujets.1 Néanmoins, les critères d’inclusion stricts de ces études en ont exclu les patients déjà sous traitement par un autre anti-VEGF, ceux présentant des acuités visuelles très bonnes ou très basses, ou enfin ceux qui présentaient certaines comorbidités. Ces résultats, indispensables à l’autorisation de mise sur le marché du médicament, ne sont pas forcément transposables en vie réelle. Des données cliniques provenant de 11 centres de rétine en Suisse ont donc été récoltées de façon rétrospective par le Swiss Retina Research Network, qui rapporte dans cet article les résultats à 1 an après switch vers le faricimab chez des patients atteints de DMLA exsudative, antérieurement traités par un autre anti-VEGF (bevacizumab, ranibizumab, aflibercept, ou brolucizumab) selon un schéma treat-and-extend.
L’étude a inclus 353 yeux de 325 patients consécutifs, d’âge moyen 79,9 ans, et traités précédemment pendant une durée moyenne de 3,7 ans avec une moyenne de 33 IVT reçues au préalable. Un an après le switch, l’acuité visuelle n’était pas modifiée, mais l’épaisseur maculaire centrale avait baissé de 315 à 263 µm (P<0,01), et 38% des yeux ne présentaient plus d’exsudation intrarétinienne lors du contrôle après la première injection. Après 12 mois, 48% des yeux ne présentaient pas d’exsudation, contre 10% des yeux lors du switch (en raison du protocole treat-and-extend, qui consiste à espacer les intervalles en cas d’efficacité sans interrompre le traitement, et donc à traiter parfois des yeux sans exsudation cliniquement détectable). Concernant les intervalles entre 2 IVT, ceux-ci ont pu être allongés sous faricimab, avec en moyenne un intervalle de 8,3 semaines 1 an après le switch, contre 5,9 juste avant (P<0,01). Il est important de souligner que les auteurs ont adopté une définition large de l’exsudation rétinienne, qui incluait la présence de fluide intra- ou sous-rétinien sur l’ensemble du champ ETDRS 6 mm, alors qu’elle était limitée au champ central dans les études randomisées de LUCERNE et TENAYA.
Concernant les effets indésirables, sujet critique depuis les effets inflammatoires observés avec le brolucizumab, une inflammation intraoculaire modérée a été constatée chez 6 patients (1,7%) et une endophtalmie chez 1 patient (0,3%). Le faricimab a dû être interrompu chez 22 patients (6,2%) dont 1 arrêt définitif du traitement antiangiogénique, et 22 switchs vers l’aflibercept 2 mg (8 cas) ou 8 mg (9 cas), le brolucizumab (3 cas) ou le ranibizumab (1 cas).
Les auteurs soulignent la similitude globale de leurs résultats avec les autres études en vie réelle publiées à ce jour, avec des différences ponctuelles comme le nombre total d’injections, plutôt élevé dans l’étude suisse (moyenne sur 1 an de 8,7 IVT contre 6,4 IVT dans une étude portant sur 263 patients aux Etats-Unis2), expliqué par les différences entre populations, avec des DMLA plus anciennes dans l’étude américaine et moins dépendantes du traitement, selon les auteurs, quoique cela puisse également refléter des pratiques différentes, par exemple lié aux délais d’autorisation de traitement par les mutuelles allongés aux Etats-Unis. Ils insistent également sur le caractère prédictif d’une résolution de l’exsudation après une première IVT de faricimab, qui était corrélée à une bonne acuité visuelle à 1 an (corrélée aussi à l’acuité visuelle lors du switch).
Enfin, les auteurs reconnaissent que ce genre d’étude peut faire attribuer au nouveau traitement un effet, qui serait dû au traitement antérieur. Le suivi à 1 an post switch, et le long suivi antérieur sous traitement par d’autres molécules, doit permettre de minimiser ce biais en identifiant réellement un effet du traitement mis en route lors du switch.
Globalement, cette étude présente des résultats en faveur de l’efficacité du switch vers le faricimab en cas de non-résolution de l’exsudation sous traitement anti-angiogénique.
1. Heier JS, Khanani AM, Quezada Ruiz C, et al. Efficacy, durability, and safety of intravitreal faricimab up to every 16 weeks for neovascular age-related macular degeneration (TENAYA and LUCERNE): two randomised, double-masked, phase 3, non-inferiority trials. Lancet. 2022;399(10326):729-740.
2. Ambati NR, Leone A, Brill D, Sisk RA. Real-World Long-Term Outcomes of Intravitreal Faricimab in Previously Treated Chronic Neovascular Age-Related Macular Degeneration. Retina. 2024. Nov
Reviewer : Alexandre Matet, thématique : rétine médicale, pharmacologie
G Grimaldi, A Ambresin, IB Pfister et al. IRIS® Registry One-year outcomes after switching to faricimab in eyes with pre-treated neovascular age-related macular degeneration: a Swiss Retina Research Network repo. Ophthalmology Retina. 2025 Mar
Dysfonction hyperaiguë de la rétine externe : nouvelle cause pédiatrique de baisse visuelle profonde dans un contexte fébrile ?
Dans le numéro de mars de JAMA Ophthalmology, un groupe d’auteurs chinois coordonnés par le service universitaire de Canton, décrit une nouvelle entité diagnostique chez 8 enfants (6 garçons, 2 filles), âgés de 3 à 7 ans (médiane 5,0 ans). Tous ont présenté une baisse visuelle brutale, profonde et bilatérale, survenue dans un contexte d’épisode fébrile, entre novembre 2022 et mai 2023.
La perte visuelle s’est produite en moyenne 16,1 jours après le début de la fièvre, accompagnée de symptômes tels que la nyctalopie, la dyschromatopsie et une constriction du champ visuel, traduisant une probable dysfonction de la rétine externe, tant sur le système des cônes que des bâtonnets. L’acuité visuelle initiale était chez la plupart des patients inférieure au décompte des doigts, et s’est même effondrée progressivement dans tous les yeux atteints jusqu’aux mouvements la main. Le fond d’œil ne montrait initialement pas d’altération, puis progressivement un amincissement vasculaire et des patchs dépigmentés diffus sont apparus. Les principaux signes en OCT étaient des altérations diffuses de la zone ellipsoïde et de la membrane limitante externe, avec une récupération progressive débutant vers la quatrième semaine. Néanmoins, tous les enfants n’ont pas été vus en centre spécialisé à la phase aiguë, certains ayant été adressés jusqu’à 60 jours après le début des symptômes. L’imagerie initiale n’a donc pas pu être réalisée ni analysée chez tous les cas. Parmi les examens réalisés, l’angiographie à la fluorescéine n’était pas particulièrement parlante, mais l’autofluorescence réalisée sur 10 yeux montrait une atteinte toujours symétrique, avec des dépôts hyperautoflurescents chez 3 patients ou un anneau maculaire hyperautofluorescent chez 2 patients.
Les enfants ont reçu des corticoïdes oraux ou IV (5 cas), d’immunosuppresseurs (2 cas) et/ou d’immunoglobulines IV (7 cas), démarrés dès la phase aiguë chez 5 enfants, et dans les 3 premières semaines chez les 3 autres.
Après un an, l’acuité visuelle s’était nettement améliorée dans la majorité des cas, 7 patients sur 8 (88 %) atteignant une acuité d’au moins 5/10, dont 4 patients (50 %) dépassant 8/10. En OCT, les auteurs décrivent une reconstitution de la ligne ellipsoïde et de la membrane limitante externe dans 75 % et 88 % des yeux, respectivement, tandis que les régions extra fovéales restaient amincies. De façon surprenante, l’ERG retrouvait une extinction des réponses des cônes et des bâtonnets, persistante chez tous les patients et malgré l’amélioration de l’acuité visuelle. Les auteurs ont donc proposé le terme de « Dysfonction hyperaiguë de la rétine externe » pour décrire cette nouvelle entité très agressive.
Dans un commentaire1 associé à l’article et qui en souligne l’importance, Timothy Boyce et Ian Chan, de l’Université d’Iowa (Etats-Unis), évoquent la similitude et les différences de ces manifestations avec d’autres formes de rétinite inflammatoire, comme le MEWDS (souvent précédé d’un syndrome viral, mais généralement auto-résolutif et moins sévère), l’AZOOR (qui touche plutôt des sujets âgés) ou la très rare rétinite auto-immune non-paranéoplasique.2 Ils émettent l’hypothèse d’une réaction auto-immune incontrôlée, en réponse à une infection virale causale, médiée des anticorps anti-rétine possiblement d’une classe nouvelle car non détectés par les multiples explorations conduites. Le délai moyen de 2 semaines après l’infection virale plaide pour ce mécanisme médié par des anticorps. Ils soulignent également la similitude avec certaines encéphalites auto-immunes qui touchent le système nerveux central, désignées couramment « Brain on fire », qui peuvent être contrôlées sous immunothérapie, avec une résolution très lente. Par analogie, ils proposent le terme très illustratif de « Retina on fire » pour cette nouvelle entité.
La dysfonction hyperaiguë de la rétine externe est donc une rétinite potentiellement sous-diagnostiquée et qu’il est important de reconnaitre. Elle se développe chez les enfants après un épisode fébrile, et se caractérise par une perte visuelle brutale, bilatérale et partiellement résolutive, associée à une altération de la rétine externe à l’OCT, elle aussi partiellement résolutive, alors que les anomalies électrorétinographiques persistent.
1. Boyle TB, Han IC. Hyperacute Outer Retinal Dysfunction—A Retina on Fire. JAMA Ophthalmology. 2025 Mar
2. GrewalDS, FishmanGA, JampolLM. Autoimmune retinopathy and antiretinal antibodies: a review. Retina. 2014;34(5):827-845.
Chen Y, Liu X, Lu J et al. Hyperacute Outer Retinal Dysfunction. JAMA Ophthalmology. 2025 Mar
Reviewer : Alexandre Matet, thématique : ophtalmo-pédiatrie, inflammation, rétine