SLT sans contact : plus rapide et aussi efficace ???

Revue de la presse de janvier 2023

 

Auteurs : Antoine Rousseau, Jean-Rémi Fénolland
Coordination : Marc Labetoulle

Revues sélectionnées : 
Ophthalmology, JAMA Ophthalmology, IOVS, Progress in Retinal and Eye Research, Current Opinion in Ophthalmology, Survey of Ophthalmology, Journal of Cataract and Refractive Surgery, American Journal of Ophthalmology, British Journal of Ophthalmology, Retina, Cornea, Nature, Lancet, NEJM, Science.

 


SLT sans contact : plus rapide et aussi efficace ???

 

Les résultats de plusieurs études, dont l’étude LIGHT (Laser In Glaucoma and Hypertension Trial)1 ont permis à la trabéculoplastie sélective au laser (SLT) de rentrer dans le cercle très restreint des traitements de première intention du glaucome à angle ouvert (GAO) et de l’hypertonie oculaire (HTO). Ce traitement est relativement facile et rapide à réaliser, mais nécessite un verre contact de gonioscopie indirecte qui peut être difficile à poser chez certains patients (notamment en cas d’enophtalmie ou d’arcade sourcilière prédominante). Cette manœuvre comporte un risque faible, mais significatif de traumatisme de la surface oculaire, et nécessite une décontamination rigoureuse des verres entre chaque patient. 


C’est pour simplifier et standardiser encore la procédure que Geffen et al. ont proposé dès 2017 de réaliser le SLT par voie trans-limbique, et sans contact2. Cette approche semblait théoriquement compatible avec un effet biologique du laser car ce dernier ne perd que la moitié de son énergie à une profondeur 0,8mm (épaisseur de tissu limbique à traverser pour atteindre le trabéculum). Dans une étude pilote prospective randomisée en simple insu, ces collègues israéliens ont comparé l’effet pressionnel du SLT direct trans-limbique (DSLT) à celui d’un traitement équivalent par SLT « gonioscopique » (GSLT) sur 2 groupes de 14 patients atteints de glaucome à angle ouvert (les glaucomes pigmentaires et pseudo-exfoliatifs pouvaient être inclus), non contrôlés par un traitement médical maximal. Les paramètres du laser étaient les mêmes dans les 2 groupes : 100 impacts non chevauchant sur 360°, d’une durée de 3 nanosecondes, avec une énergie de 0,8mJ. La pression intra-oculaire (PIO), pré-thérapeutique - mais sous traitement médical - était de l’ordre de 20 mmHg dans les 2 groupes. 
Pour résumer, il n’y avait pas de différence de réduction pressionnelle à 6 et 12 mois entre les groupes DSLT et GSLT (de l’ordre de 25% à 6 mois et 28% à 12 mois). En revanche, les effets indésirables (tous sans gravité et transitoire) étaient significativement plus fréquents dans le groupe GSLT, avec notamment plus de kératite ponctuée superficielle (14 vs 7), et plus d’inflammation de chambre antérieure (10 vs 2). 
Ces résultats encourageants du DSLT ont motivé la mise au point d’une machine spécialement conçue à cet effet, le laser « Eagle » (External Automatic Glaucoma Laser). Munie d’une mentonnière et d’une taille comparable à celle d’un auto-réfractomètre, la machine repère automatiquement le limbe et délivre 120 impacts de 3 nanosecondes sur 360° avec une énergie comprise entre 1,4 et 1,8mJ, le tout en deux secondes.  Développée et commercialisée par la société israélienne Belkin, l’appareil « Eagle » dispose d’un marquage CE depuis mai 2022.


Le numéro de janvier du British Journal of Ophthalmology dévoile la méthodologie d’un essai d’envergure visant à comparer le traitement par DSLT délivré par cette machine au GSLT conventionnel. La fin des inclusions a eu lieu au printemps 2021, et l’essai a donc pris fin récemment, mais les résultats n’ont sans doute pas encore été complètement analysés. L’incontournable Gus Gazzard (investigateur principal de l’étude LIGHT), associé à d’autres experts internationaux, ont coordonné cet essai multicentrique international dont la méthodologie s’inspire beaucoup de celle de LIGHT.


Les principaux critères d’inclusion étaient : patients âgés de plus de 40 ans, atteints de GAO et HTO (y compris pseudo-exfoliatif et pigmentaire), avec un éperon scléral bien visible en gonioscopie sur 360°, une sclère péri-limbique bien identifiable, une PIO non traitée ou après wash-out comprise entre 22 et 35mmHg, un c/d > 0,8, et enfin, une déviation moyenne supérieure à -12dB (Humphrey Sita Standard 24-2), sans déficit profond de sensibilité dans les 5 degrés centraux. 
En outre, n’ont pas été inclus les patients atteints de comorbidité oculaire significative, ayant un antécédent de traitement par SLT, de chirurgie filtrante ou de chirurgie réfractive cornéenne. Les patients opérés de la cataracte moins de 6 mois avant le début de l’étude ne peuvent pas non plus être inclus. Enfin, l’existence d’une pigmentation dense ou d’une hémorragie sous-conjonctivale de la zone péri-limbique constituaient également des critères de non-inclusion. 
La procédure de SLT conventionnel comportait 100 impacts non chevauchant, avec une énergie à la discrétion de l’ophtalmologiste, qui pourra être comprise entre 0,4 et 2,6mJ. 


Les mesures de PIO ont été réalisées avant et immédiatement après le traitement, puis entre une et 2 heures après, puis à J1, 1 semaine, 1 mois, 3 mois, 6 mois et 12 mois. Des examens biomicroscopiques étaient planifiés pour détecter une éventuelle inflammation de chambre antérieure. Des questionnaires ont évalué le ressenti de la procédure ainsi que la qualité de vie. A priori (et contrairement à l’étude LIGHT) les re-traitements par GSLT ou DSLT ne semblent pas prévus dans cette étude. 


A chaque visite la PIO mesurée a été comparée à la PIO cible déterminée au cas par cas par l’ophtalmologiste prenant en charge le patient. Le traitement médical n’était pas réintroduit durant le premier mois, mais pouvait l’être au cours des visites ultérieures, en suivant les recommandations de bonnes pratiques (monothérapie par prostaglandine, puis bithérapie, etc…)


Le critère de jugement principal était la différence de baisse pressionnelle entre les 2 groupes à 6 mois. Cet essai a été conçu pour permettre de conclure à une non-infériorité du DLST sur le GSLT avec des marges d’erreur de 1,95mmHg (chiffre retenu car une différence de PIO inférieure à 2mmHg n’est pas cliniquement significative)3 et une déviation standard de 3,5mmHg. En prenant en compte ces données et les sorties d’études, 192 devaient  être inclus avec une répartition équitable dans les 2 groupes. 


Les critères de jugement secondaires sont la réduction pressionnelle à 3, 6 et 12 mois, la proportion de participants avec une réduction ≥ 20% de leur PIO initiale, la diminution du nombre de traitements médicaux, l’analyse de la tolérance du traitement et de la qualité de vie des patients traités. 
On est bien d’accord : l’enjeu est majeur et le suspense insoutenable… Vous pouvez compter sur nous pour vous tenir au courant des résultats finaux, qui ne devraient plus tarder à être publiés. 

 

1) Gazzard G, Konstantakopoulou E, Garway-Heath D, Garg A, Vickerstaff V, Hunter R, Ambler G, Bunce C, Wormald R, Nathwani N, Barton K, Rubin G, Buszewicz M; LiGHT Trial Study Group. Selective laser trabeculoplasty versus eye drops for first-line treatment of ocular hypertension and glaucoma (LiGHT): a multicentre randomised controlled trial. Lancet. 2019 Apr 13;393(10180):1505-1516. doi: 10.1016/S0140-6736(18)32213-X

 

2) Geffen N, Ofir S, Belkin A, Segev F, Barkana Y, Kaplan Messas A, Assia EI, Belkin M. Transscleral selective laser trabeculoplasty without a gonioscopy lens. J Glaucoma. 2017 Mar;26(3):201-207. doi: 10.1097/IJG.0000000000000464. 

 

3) Cook JA, Botello AP, Elders A, Fathi Ali A, Azuara-Blanco A, Fraser C, McCormack K, Margaret Burr J. Surveillance of Ocular Hypertension Study Group. Systematic review of the agreement of tonometers with Goldmann applanation tonometry. Ophthalmology. 2012 Aug;119(8):1552-7. doi: 10.1016/j.ophtha.2012.02.030. 

 

Congdon N, Azuara-Blanco A, Solberg Y, Traverso CE, Iester M, Cutolo CA, Bagnis A, Aung T, Fudemberg SJ, Lindstrom R, Samuelson T, Singh K, Blumenthal EZ, Gazzard G; GLAUrious study group. Direct selective laser trabeculoplasty in open angle glaucoma study design: a multicentre, randomised, controlled, investigator-masked trial (GLAUrious). Br J Ophthalmol. 2023 Jan;107(1):62-65. doi: 10.1136/bjophthalmol-2021-319379. 

 

Reviewer: Antoine Rousseau, glaucome.