Standardisation et normalisation de l’imagerie en ophtalmologie

Revue de la presse de Juin 2021

Auteurs : Jean-Rémi Fénolland, Antoine Rousseau
Coordination : Marc Labetoulle

Revues sélectionnées :
Ophthalmology, JAMA Ophthalmology, IOVS, Progress in Retinal and Eye Research, Current Opinion in Ophthalmology, Survey of Ophthalmology, Journal of Cataract and Refractive Surgery, American Journal of Ophthalmology, British Journal of Ophthalmology, Retina, Cornea, Nature, Lancet, NEJM, Science.


Standardisation et normalisation de l’imagerie en ophtalmologie

L’actualité de l’imagerie est dominée ce mois-ci par la sortie concomitante de 3 publications traitant de nouveaux besoins de standardisation.

 

Le premier article est une recommandation émise par l’American Academy of Ophthalmology (AAO) 1 qui concerne l’ensemble des systèmes d’imagerie utilisés en ophtalmologie, c’est-à-dire l’OCT, bien sûr, mais également les périmètres, les topographes cornéens, les appareils d’échographie, les systèmes de photographie, les biomètres ou les réfracteurs sans que cette liste ne soit exhaustive.

Il n’y a actuellement pas de possibilité d’échanger des données entre des instruments qui utilisent le plus souvent des fichiers propriétaires, c’est-à-dire qui ne peuvent être lus qu’avec un système fourni par le fabricant de l’appareil. Il existe pourtant un standard médical international, le format « DICOM » pour Digital Imaging and Communication in Medicine qui permet de lire les données par un lecteur tiers.

Nos confrères radiologues utilisent depuis très longtemps déjà le format DICOM afin de pouvoir assurer l’interopérabilité entre les différents fabricants de systèmes d’imagerie. Ces images de type DICOM sont stockées dans des « PACS » acronyme anglais de Picture Archiving and Communication System. A la base développés pour la radiologie, le format DICOM et les PACS ont depuis été adoptés et soutenus par d’autres spécialités, en particulier en cardiologie et en radiothérapie, ce qui a donné lieu à des mise à jour du format DICOM édictées conjointement par les industriels, les sociétés savantes, le comité européen de normalisation et l’association japonaise de l’industrie des appareils à rayonnement.

L’AAO formule dans sa recommandation une demande d’évolution du standard DICOM afin de mieux tenir compte des besoins spécifiques de l’ophtalmologie : tout d’abord, fournir un standard permettant de facilement manipuler des rapports d’examen fonctionnel ou d’imagerie en ophtalmologie, mais aussi d’utiliser des formats peu comprimés, c’est-à-dire sans perte de données, équivalent aux données brutes utilisés directement dans les OCT dont on sait que la résolution ne fait qu’augmenter.

Un des challenges de l’usage du DICOM en ophtalmologie est également lié au développement de l’intelligence artificielle. L’usage de fichiers compatibles DICOM, facilement utilisables via un seul logiciel tiers, pourrait faciliter considérablement l’analyse de données, quel qu’en soit le matériel source, ce qui permettrait donc d’encore plus accélérer le développement de l’IA.

 

Les deux autres publications traitent spécifiquement de l’OCT Angiographie (OCTA) dont on sait que le nombre de publications a été considérable ces dernières années. Cette multitude de descriptions cliniques nécessite d’en standardiser la nomenclature.

 

Tout d’abord, les délibérations d’un panel d’expert internationaux de la DMLA néovasculaire viennent d’être publiées dans la revue Ophthalmology 2. On peut déjà retenir que l’appellation de néovaisseau choroïdien doit être remplacée par celle de néovaisseau maculaire appellation qui permet de mieux décrire certaines formes frontières comme la vasculopathie choroïdienne polypoïdale (VPC), également appelée néovascularisation maculaire de type 1 anévrysmale, ou les néovaisseaux maculaires de type 3 anciennement appelé anastomose choriorétinienne. L’OCTA est d’un intérêt majeur pour assurer le suivi de ces néovaisseaux maculaires que ce soit dans le diagnostic mais aussi dans la réponse aux thérapeutiques intravitréennes. Les experts s’accordent sur le fait que l’imagerie maculaire doit être faite dans une acquisition de 3x3 ou de 6x6 mm2 afin d‘avoir une image de bonne résolution, et qu’il faut avoir à disposition, en plus de l’angiogramme en face, les scans-B avec l’analyse du flux sanguin ainsi que le niveau de segmentation de l’OCTA afin de correctement décrire l’image en face.

Au cours de cette réunion, une expérience de concordance dans l’analyse qualitative d’image d’OCTA entre 11 experts internationaux a ensuite été menées. La concordance a été jugée faible (ICC<0,5) pour l’ensemble des types de néovaisseaux exceptés les néovaisseaux maculaires de type 1 et la VPC ou elle était modérée (0,5<ICC<0,8) Au total, les ICC allaient de 0,079 à 0,550… Ces concordances très faibles entre experts pourraient s’expliquer par une raison matérielle : chacun prend des habitudes avec l’appareil OCT qu’il utilise quotidiennement et la description sémiologique d’un néovaisseau est très variable selon le type d’appareil OCT utilisé en raison des stratégies de segmentation propre à chaque machine et des algorithmes de suppression d’artefact de projection ou de mouvement qui sont différents.

 

Le dernier article est lui consacré à la standardisation de la nomenclature de l’OCTA dans le domaine des uvéites. L’OCTA a également permis de mieux comprendre la physiopathologie de certaines affections inflammatoires, en mettant en évidence la contribution de la choroïde dans l’épithéliopathie en plaque, la choroïdite serpigineuse et la choriorétinopathie de Birdshot, ou de mettre en évidence l’atteinte du plexus capillaire profond dans les neurorétinopathie aigues maculaire. Enfin l’OCTA a permis d’exclure une atteindre de la choriocapillaire dans la survenue du syndrome des taches blanches évanescentes qui ne correspond qu’exclusivement à une atteinte du couple épithélium pigmenté/photorécepteur.

Un questionnaire en ligne a été proposé à une centaine de spécialiste des uvéites qui étaient par la suite qualifiés d’utilisateurs de l’OCTA, ou bien d’experts de l’OCTA à la condition d’avoir plus de 5 publications référencée dans ce domaine.

Il existait une très forte concordance dans les réponses des utilisateurs et des experts sur différents points : tout d’abord, il semblait important de savoir quel mécanisme entraine une réduction du flux de l’angiogramme dans les uvéites et en particulier s’il s’agit d’une ischémie (en raison d’une vascularite occlusive ou non occlusive, d’une ischémie de la choriocapillaire, d’une occlusion capillaire, d’une occlusion artérielle rétinienne non lié à une vascularite) d’un blocage par des cellules inflammatoires (rétinite ou choroïdite), ou en raison d’un déplacement des vaisseaux qui ne sont alors plus segmentés (œdème maculaire ou choroïdite). Un consensus fort a été trouvé entre experts et utilisateurs sur la description des néovaisseaux d’origine inflammatoire, et par ailleurs les experts soulignaient que la nouvelle nomenclature des néovaisseaux maculaires du groupe des experts de la nomenclature OCTA en DMLA semblait mal appropriée pour les néovaisseaux secondaires à une étiologie inflammatoire. Un consensus modéré a été trouvé afin de définir un néovaisseau de grande taille (>0,5mm2) bien que certains experts aient proposés comme définition le double de la surface de la zone avasculaire centrale. En revanche aucun consensus n’a pu être trouvé, quant à la définition d’une ischémie large en imagerie OCTA grand champ ou en acquisition maculaire, ni également pour la caractérisation des réductions de flux des angiogrammes dans la choriocapillaire ou la choroïde en raison de cellules inflammatoires ou de masses.

 

1 Lee AY, Campbell JP, Hwang TS, et al ; American Academy of Ophthalmology. Recommendations for Standardization of Images in Ophthalmology. Ophthalmology. 2021 Jul;128(7):969-970.

 

2 Mendonça LSM, Perrott-Reynolds R, Schwartz R, et al. Deliberations of an International Panel of Experts on OCT Angiography Nomenclature of Neovascular Age-Related Macular Degeneration. Ophthalmology. 2021 Jul;128(7):1109-1112.

 

3 Pichi F, Salas EC, D de Smet M, et al. Standardisation of optical coherence tomography angiography nomenclature in uveitis: first survey results. Br J Ophthalmol. 2021 Jul;105(7):941-947.

 

Reviewer : Jean-Rémi Fénolland, thématique : imagerie