Thérapie par lumière pulsée intense dans la dysfonction meibomienne : avis plutôt favorable de l’AAO, mais des études plus rigoureuses et une standardisation des procédures restent nécessaires

L’Académie Américaine d’Ophtalmologie (AAO) publie régulièrement des « évaluations des technologies ophtalmologiques » qui sont en fait en des revues de littérature exhaustives et critiques sur des nouvelles technologies diagnostiques ou thérapeutiques. Les études publiées sur le domaine d’intérêt y sont classées en 3 niveaux (niveau 1 : étude randomisée contrôlée en double insu, niveau 2 : études cas contrôle ou de cohorte solides, et niveau 3 : séries de cas, études cas contrôle ou de cohorte de moindre puissance). La dernière nouveauté passée à la « moulinette » de l’AAO est donc la thérapie par lumière pulsée intense, qui fait l’objet d’un rapport plutôt favorable dans le numéro de septembre d’Ophthalmology. Ce nouvel outil thérapeutique des dysfonctions des glandes de Meibomius (DGM) repose sur l’application de lumière polychromatique de longueur d'onde comprise entre 400 et 1 200 nanomètres et émise sous forme d'impulsions lumineuses. L’effet thérapeutique serait entre autres le résultat : i) d’une réduction des télangiectasies palpébrales (l’IPL est d’ailleurs utilisée depuis des années en dermatologie pour le traitement des lésions vasculaires cutanées), ii) d’une diminution de l’infestation par Demodex par destruction  de ces derniers, iii) d’une diminution des cytokines / chémokines pro-inflammatoires et des métalloprotéinases et iv) d’une augmentation des molécules anti-inflammatoires. Plusieurs séances de traitement sont nécessaires pour obtenir un effet thérapeutique (3 à 8 selon les études), séparées d’intervalles de 3 à 4 semaines. L’intensité de la lumière est réglée en fonction du phototype cutané, en raison du risque de brûlures.
La revue de littérature a été effectuée sur les bases de données habituelles (Pubmed, Cochrane Database) en mai 2019 et n’a permis de retenir que 12 études suffisamment fiables, parmi lesquelles 4 de niveau 2 et 8 de niveau 3 (aucune de niveau 1).
Sans rentrer dans les détails des 12 études très bien résumées dans la publication, toutes documentaient une amélioration significative de paramètres cliniquement pertinents tel que le temps de rupture du film lacrymal, le marquage cornéen à la fluorescéine, les scores d’évaluation du bord libre palpébral, de qualité et d’expressibilité du meibum ou encore des questionnaires de symptômes / qualité de vie tels que l’OSDI (Ocular Surface Disease Index) ou le SPEED (Standard Patient Evaluation of Eye Dryness). Les effets indésirables étaient plutôt rares, et spontanément résolutifs. Ils comportaient entre autres un inconfort post-procédure, un érythème cutané ou une perte de cils.

Toutefois, plusieurs défauts étaient communs à toutes les études :
- aucune n’était véritablement contrôlée puisqu’aucune n’était masquée (laissant donc un doute sur le rôle de l’effet placebo dans les résultats),
- la durée de suivi des patients était au maximum de 12 mois, ce qui pose évidemment problème pour une maladie chronique…
En outre, l’hétérogénéité des machines et des protocoles (notamment le nombre de traitements) ne permet pas pour l’instant d’établir des recommandations. Le coût reste par ailleurs un problème majeur, puisqu’à ce jour, la procédure n’est remboursée par aucune assurance (même aux Etats-Unis). Enfin, les auteurs mettent en garde sur les effets indésirables, certes peu fréquents (mais pas toujours étudiés / rapportés) dans les études analysées dans cette revue, mais parfois plus sévères, avec plusieurs cas (non analysés dans la revue) de brûlures cutanées, d’uvéites (avec parfois synéchies séquellaires), et ce notamment lorsque le geste est pratiqué par des non-ophtalmologistes tentés par ce traitement rémunérateur et apparemment bénin…
La conclusion de cet instructif rapport résume parfaitement l’état des lieux : des études contrôlées de niveau 1 sont nécessaires pour standardiser la procédure, identifier les patients susceptibles de bénéficier du traitement, et définir comment combiner au mieux cet outil, vraisemblablement bénéfique, aux autres modalités thérapeutiques du DGM.

 

Wladis EJ, Aakalu VK, Foster JA, et al. Intense Pulsed Light for Meibomian Gland Disease: A Report by the American Academy of Ophthalmology. Ophthalmology. 2020;127(9):1227-1233.

 

Reviewer : Antoine Rousseau, thématique : surface oculaire.