Trabéculoplastie au laser : avec sous anti-inflammatoires ?

Glaucome

La trabéculoplastie au laser a été introduite dans les années 90 en complément des traitements médicamenteux du glaucome chronique à angle ouvert. La première technique reposait sur des impacts de laser Argon (Argon Laser Trabeculoplasty-ALT), qui ouvre la maille du réseau trabéculaire uvéo-scléral par un phénomène d’étirement autour des zones traitées. Cependant, cette technique a rapidement montré ses limites en termes d’amplitude, et surtout de durée, de la réponse tonométrique. 

Les années 2000 ont vu arriver la seconde technique qui utilise un laser Nd-YAG. Elle est dite sélective (selective laser trabéculoplasty – SLT) car Ses impacts de faible énergie et de très courte durée sont supposés stimuler de façon spécifique les cellules pigmentées situées dans le trabéculum. Cependant, le mécanisme réel d’action du SLT est encore discuté, et certains auteurs ont suggéré que l’inflammation déclenchée par l’impact très focal permettrait de favoriser le remodelage de la matrice extracellulaire du trabéculum (probablement via la production de métalloprotéinases et/ou la division cellulaire et/ou le repeuplement trabéculaire), dans le sens d’une moindre résistance à l’écoulement de l’humeur aqueuse. En se reposant sur les habitudes acquises avec l’ALT, qui induit régulièrement une réaction inflammatoire dans la chambre antérieure juste après la séance, les ophtalmologistes prescrivent souvent des anti-inflammatoires dans la période post-opératoire immédiate du SLT, et plus particulièrement des corticoïdes. Une étude avait montré que la fluorométholone après ALT était efficace sur cette inflammation post-opératoire sans pour autant altérer la baisse tonométrique, et d’autres études avaient suggéré que les AINS étaient une bonne alternative dans cette indication. Toutefois, puisque l’efficacité de SLT pourrait aussi passer par une stimulation de certaines voies inflammatoires grâce à la nature particulière de l’impact « sélectif », la question de la légitimité d’un traitement anti-inflammatoire post-opératoire se posait.

Les investigateurs américains ont cherché à explorer cette question dans cette étude randomisée, prospective et évidemment contrôlée avec 3 bras (AINS, corticoïde ou placebo en post-opératoire). La séance de SLT était précédée par l’instillation d’une goutte d'apraclonidine, puis 180° de l’angle irido-cornéen étaient traités (50 à 100 impacts /400 microns, 3 ns) sur le trabéculum de façon non-chevauchante. L’énergie minimale (0,8 mJ) était augmentée jusqu’à l’apparition de bulles, puis ce réglage était conservé pour le reste du traitement. Les patients étaient examinés 1h après, pour l’évaluation du niveau d’inflammation de la chambre antérieure, puis ils étaient ensuite randomisés pour recevoir un collyre à base de kétorolac 0,5% (AINS), d’acétate de prednisolone 1% (corticoïde) ou de sérum physiologique (placebo), à raison de 4 instillations par jour pendant 5 jours. A 1 semaine, il n’y avait aucune différence entre les groupes en termes pressionnels, comme pour le niveau d’inflammation dans l’humeur aqueuse. En revanche, par rapport à la valeur pré-opératoire de la pression intra-oculaire (PIO), la valeur à la 12ème semaine post-opératoire était réduite de 2,96 mmHg dans le groupe placébo contre 5,21 et 6,22 mmHg dans les groupes corticoïdes et AINS respectivement. Il y avait bien une différence significative entre les groupes traités et le placébo, mais pas entre les deux groupes traités. En d’autres termes, le traitement anti-inflammatoire, quelle que soit la méthode, permettait un meilleur résultat pressionnel du SLT. 

Ces résultats remettent forcément en question, au moins partiellement, l’hypothèse d’une réaction inflammatoire post-opératoire bénéfique et même nécessaire à l’efficacité du SLT. Les auteurs proposent une explication possible au paradoxe apparent entre la théorie et les résultats qu’ils ont observés : les corticoïdes ou les AINS pourraient bloquer les voies inflammatoires responsables plus spécifiquement de la fibrose et des cicatrices trabéculaires induites par l’impact du Nd-YAG. Cette explication possible reste toutefois à démonter, mais on retiendra surtout qu’en pratique quotidienne, il est clairement utile de prescrire des corticoïdes ou des AINS pendant une courte période (5 jours) pour optimiser l’effet à long terme de la procédure SLT.


Groth SL, MD,1 Albeiruti E, Nunez M, Fajardo R, Sharpsten L, Loewen N, Schuman JS, Goldberg JL. SALT Trial: Steroids after laser trabeculoplasty. Impact of short-term anti-inflammatory treatment on selective laser trabeculoplasty efficacy. Ophthalmology 2019;126:1511-1516

 

Reviewer : Marc Labetoulle